vendredi 18 juin 2010

Une dent contre les films de vampires

La note précédente pouvant donner l’image d’un blog intello-chiant adepte de l’application tordue de théories absconses, nous allons tenter de nous reprendre avec un texte complètement subjectif, inutilement méchant et très peu documenté : nous allons aborder le douloureux sujet des films de vampires.

Précisons pour commencer que nous reprenons dans les grandes lignes notre première version d’un texte écrit avant la sortie de Twilight. Notre détestation du vampire est ancienne et précède la dernière résurgence des dents pointues dans des films pour midinettes. Nous assumons pleinement les éventuels rejets que cette note pleine de fiel pourrait susciter. Si d’aventure des commentaires négatifs devaient survenir, nous pourrions montrer au grand jour toute notre mauvaise foi et notre refus de la critique constructive.
Nous n’aborderons pas la question de l’utilisation des vampires en Histoire ou en littérature. Bram Stoker nous endort et Anne Rice nous agace. Le seul écrivain ayant traité des vampires à notre convenance est Terry Pratchett, notamment dans Carpe Jugulum. Nous nous contenterons de l’aspect cinématographique du vampire comme personnage de fiction.

De façon arbitraire, nous diviserons les films de vampires en deux catégories :
• Les films de vampires désuets voire franchement kitsch du cinéma d’horreur américain des années 30 et de la Hammer : nous possédons une certaine affection pour ces films, malgré la présence de ces saletés de vampires ;
• Les films de vampires des années 90 à nos jours, qui ne suscitent chez nous qu’un mélange de froid mépris et de rire moqueur.
Notez bien que nous excluons ici tout un tas de films de vampires des années 60 à 80. C’est comme ça, c’est la dure loi de la non-vie.

Le vampire Old School
Evacuons rapidement le cas du premier grand film de vampires, Nosferatu de Murnau. Le film s’inspire du Dracula de Stoker mais le nom a été modifié, la veuve de Stoker estimant que l’œuvre de Murnau trahissait le roman. Elle avait raison : le film est beaucoup plus intéressant que le roman.
Nosferatu n’a pas grand chose en commun avec les vampires classes qui surgiront par la suite. Il est laid, terrifiant. L’ambiance du film est pesante, Murnau joue sur les jeux d’ombre et se sert des bords du cadre pour donner une impression d’oppression, de créatures tapies dans l’ombre. Ajouté aux décors inquiétants, ce film reste une des références du cinéma expressionniste allemand et mérite notre respect.

Le film qui établit les codes du genre pour les décennies à venir est Dracula de Tod Browning en 1931, avec Béla Lugosi dans le rôle principal [1]. Acteur de théâtre hongrois, Lugosi – de son vrai nom Ferenc Dezső Blaskó – était arrivé aux Etats-Unis en 1921. Lorsqu’il auditionna pour le rôle, il jouait déjà Dracula dans une adaptation théâtrale du roman de Stoker. Le film de Browning est assez fidèle scénaristiquement au roman, suffisamment en tout cas pour recevoir l’aval des ayants droit du livre.
Il permit l’émergence du vampire classe assez agaçant, personnifié par Lugosi dans un tas de films, parfois plutôt bons (comme les deux films qu’il a tournés avec Browning : Dracula et La marque du vampire [2]), parfois navrants (comme le mythique Plan 9 from outer space). Cette imagerie du vampire fut en grande partie reprise par la Hammer et Christopher Lee, l’accent hongrois en moins et l’aspect violent/sanglant en plus.

Bien que n’atteignant pas les sommets de ridicule des vampires actuels, le vampire à l’ancienne nous agace tout de même.
Son côté « je veux faire classe », avec sa grande cape « que je peux me couvrir le bas du visage avec quand je veux, ça vous épate hein » est d’assez mauvais goût mais excusable selon les critères de mode de l’époque. Son phrasé distingué (accent roumain avec Lugosi, anglais avec Lee – du moins quand on lui accorde quelques lignes de dialogues) et ses manières surannées s’expliquent généralement par son origine : le vampire est le plus souvent noble, vit depuis fort longtemps et a fait des trucs pas jolis jolis pour devenir ce qu’il est.

Plus fâcheuse est sa sale manie de se croire plus malin que tout le monde alors qu’à chaque fois il se fait poutrer par le héros à la fin. Cela l’amène à dévoiler ses plans au premier quidam venu, le premier quidam étant généralement un héros en devenir ou un sidekick.
Il pourrait au moins avoir la décence de posséder en réserve un plan B, au cas où le plan A qu’il crie sur tous les toits échouerait pour quelques mystérieuses raisons ayant probablement un rapport avec le fait que toutes les personnes devant être mystifiées étaient au courant… Mais non, môssieur le vampire est tellement sûr d’être le plus malin qu’il se fait toujours avoir par le premier Peter Cushing qui passe par là (et vous seriez étonnés de savoir à quel point il est courant qu’un Peter Cushing passe par là quand il y a un vampire avec un plan à révéler dans le coin).

Ces seuls critères ne suffiraient pas à rendre le vampire plus irritant que le Professeur Moriarty moyen. Deux autres caractéristiques propres au vampire le différencient du méchant de base du XIXème siècle/début XXème.

Ses faiblesses d’abord. A l’instar de Pratchett, nous sommes convaincu que les faiblesses du vampire sont purement psychologiques, des phobies qui le rendent vulnérable.
Une bonne thérapie permettrait au vampire de se guérir de la plupart de ses afflictions, comme le fait de dormir dans un cercueil (très mauvais pour le dos ça, du coup après il dort mal et est de mauvaise humeur), la peur de l’ail, pourtant très bon pour la santé, des croix (deux bâtons croisés quand on y réfléchit) ou du soleil : le Dracula de Stoker pouvait bien se balader en plein jour, même s’il avait moins de pouvoirs à ce moment là, alors pourquoi pas les autres. Ce n’est pas parce que le Nosferatu de Murnau avait la peau sensible à une époque où les crèmes solaires n’existaient pas qu’il faut que tous les vampires prennent cette mauvaise habitude.

Ses pouvoirs ensuite. Un bon vampire possède de nombreux pouvoirs : il peut hypnotiser les gens (c’est d’ailleurs sa seule méthode pour tomber les filles), se transformer en brume ou en chauve-souris, créer d’autres vampires… Pourtant, il ne s’en sert qu’avec parcimonie : à l’instar de Jayce dans Jayce et les conquérants de la lumière qui ne peut se servir de la force lumière qu’une fois par épisode, le vampire aurait-il signé un contrat stipulant qu’il ne peut pas utiliser chaque pouvoir plus d’une fois par film ?

Par ces quelques aspects, les vampires classiques nous énervaient dans notre jeunesse. Ils continuent d’ailleurs de le faire mais, le temps passant et faisant son œuvre, l’aspect désuet des films des années 30 et des films de la Hammer nous distrait et nous amuse. Après tout, nous aimons bien les Lugosi avec son accent et Lee avec ses gros yeux qui sont censés faire peur. Et surtout, une nouvelle vague de films de vampires a surgi au tournant des années 1990 : les vampires tourmentés qui s’la pètent.

C’est trop dur la non-vie quand on est un vampire
Comme nous l’avons remarqué précédemment, les vampires des années 30 et de la Hammer se la pétaient un peu déjà, mais nous avions mis cela sur le compte de leur âge et de leur origine. Toutefois, excepté la cape et quelques habitudes dépassées, ils restaient relativement sobres et surtout, surtout, ne nous prenaient pas la tête avec leurs états d’âme (vu que d’âme, justement, ils n’en ont plus). Tout cela allait changer au début des années 90 : le vampire allait passer du solitaire au look vieillot à la bande de jeunes rebelles sensibles dans le vent.

Cette nouvelle tradition commence avec le Dracula de Coppola, qui, reprenant le bouquin de Stoker, garde toutefois nombre d’éléments des vieux films de vampires, le côté qui s’la pète, stylisé et tourmenté en plus [3].
Il nous irrite donc bien moins que celui sorti deux ans plus tard : Entretien avec un vampire. Ce film constitue l’exemple type de ce qui nous agace dans le film de vampire contemporain, éléments que nous allons relever d’ici peu. Twilight se situe dans la même veine mais nous ne sommes plus dans la génération visée et nous n’avons plus à entendre à longueur de journée les critiques élogieuses d’une bousasse par des adolescents et adolescentes boutonneux aussi cinéphiles qu’une huître de Bretagne. Nous laisserons dès lors aux jeunes générations le soin de traiter Twilight à sa juste valeur, en utilisant judicieusement les éléments exposés ci-dessous.

Premier élément notable, les vampires des années 90 et 2000 accordent une énorme importance à leur look. A tel point que, même à leur époque, ils étaient déjà au top de la mode (et même de la mode de leur époque telle qu’on la conçoit de nos jours. Sans doute un mystérieux pouvoir de précognition). C’était un critère de sélection pour devenir vampire : il fallait être classe, être classe signifiant assez souvent avoir des cheveux longs qui flottent au vent et des chemises à jabot entrouvertes. Ah et être beau, évidemment (enfin beau selon les critères du moment où le film a été tourné). Un vampire moche, mais quelle horreur !
Ces vampires, fanatiques de la mode dès leur naissance, suivent les évolutions vestimentaires des diverses époques qu’ils traversent. Par une sorte de jeu du destin, être à la mode de nos jours signifie, selon leurs critères, s’habiller de façon gothisante et retrouver ainsi certaines de leurs habitudes vestimentaires du passé (ce qui permet de jolies économies de costumes), les pics et les trucs moulants en cuir en plus.

Autre critère de sélection pour devenir vampire : il faut être romantique, torturé, et le montrer en se plaignant ou en prenant des poses attristées. Si, au XVIIIème ou XIXème siècle, vous étiez dépressif, romantique et bien fringué (donc riche), vos chances qu’un vampire s’intéresse à vous et vous transforme en un être de son espèce était des plus élevés, en particulier si vous erriez dans quelques grandes villes européennes.
Par contre, si vous étiez pauvre, mal sapé, plutôt blagueur et optimiste malgré tout, le vampire vous aurait superbement ignoré, il vous aurait à peine accordé un mouvement de cheveux en tournant la tête pour ne pas vous voir. Et n’y pensez même pas si vous viviez en Afrique Noire par exemple. Pas de vampire par là-bas. Ils ne devaient sans doute pas supporter le climat : pas assez de brouillard.

Imaginez un instant Entretien avec un vampire avec Steve Buscemi et Woody Allen à la place de Brad Pitt et Tom Cruise, et Danny Trejo à la place d’Antonio Banderas. Le film aurait plus de chance de nous plaire.

En fait, nous aimerions bien voir Pierre Martin, ou John Smith si le vampire est anglais… Non même, tenez, Hervé Mbama, employé de bureau (car il faut bien gagner sa vie : tout le monde n’a pas l’instinct de faire des bons placements financiers sur 300 ans) ou gardien de nuit (si l’on souhaite garder l’intolérance à la lumière), habillé en jean/basket/pull, physique quelconque, qui tente péniblement d’assouvir son besoin de sang sans se faire chopper par les flics. Parce qu’un psychopathe qui saigne des gens dans la rue, ça ne met pas longtemps avant que ça déclenche une certaine psychose et une enquête poussée de la police [4].
Ah certes, c’est moins glamour, mais nous avons toujours eu un faible pour les antihéros.

Nous allons arrêter ici cette critique très subjective et orientée. Nous revendiquons bien haut le droit de critiquer ces vampires classes qui nous agacent et demandons des vampires ratés et laids. Non, même pas laid, pour ça il y a les Nosferatu qui réussissent à être classes malgré leur laideur. Nous demandons des vampires quelconques.

Ou bien un vampire réellement intelligent, à la Pratchett, qui décide d’aller chez le psy, de s’habiller en costard cravate, d’arrêter de traîner dans des hangars ou avec le « monde de la nuit », et se lance dans un plan à long terme. Il ne dévoilera ce plan à personne et cela lui permettra d’acquérir une position de décision importante au niveau international (puisque les vampires sont manipulateurs). Il pourra alors s’amuser avec les évènements, influencer l’Histoire, par sa position et par ses pouvoirs. Et non, bordel de nouilles, il ne sera pas un riche décadent vieux beau dans le vent

D’ailleurs, c’est peut-être déjà le cas et George Bush était en fait un vampire. Toute l’imagerie développée par les films de vampires à travers les décennies ne viseraient dès lors qu’à nous distraire, à rendre inconcevable une telle idée. On chercherait les vampires chez les gothiques, alors qu’en fait, ils occupent déjà les positions importantes dans la société, avec des airs de monsieur tout le monde. Mais, grâce à nous, vous connaissez à présent la vérité que cette note dévoile au grand jour. Car la vérité triomphe toujours et personne ne …arrrgl……


[1] Universal a sorti en DVD une version restaurée du Dracula de Tod Browning. La nouvelle bande originale composée par Philip Glass est présente dans les bonus.
[2] Spoiler : Dans La marque du vampire, les vampires sont des comédiens déguisés sur demande d’un inspecteur de police. Ce n’est donc pas vraiment un film de vampires.
[3] Précisons que nous n’avons pas revu le film depuis une bonne quinzaine d’années. Nous étions plus indulgents à cette époque.
[4] Cette façon réaliste de concevoir le vampire a été utilisée par George Romero dans Martin. Nous n’avons pas traité ici cet excellent film car il se situe complètement à contre-courant des tendances exposées.


Films cités (en l’absence de précision, le film existe en DVD français)
Dracula (Dracula) de Tod Browning (1931)
Dracula (Dracula) de Francis Ford Coppola (1992)
Interview with the Vampire: The Vampire Chronicles (Entretien avec un vampire) de Neil Jordan (1994)
Mark of the Vampire (La marque du vampire) de Tod Browning (1935) : existe en DVD US avec sous-titres français
Martin (Martin) de George A. Romero (1977)
Nosferatu, eine Symphonie des Grauens (Nosferatu) de Friedrich W. Murnau (1922)
Plan 9 from Outer Space (Plan 9 from Outer Space) d’Edward D. Wood Jr. (1959)
Twilight (Twilight : Chapitre 1 – Fascination) de Catherine Hardwicke (2008)

2 commentaires:

  1. Aime ben Spike, moé, quand même. En plus c'est de ta faute.

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  2. Alors, c'est au chômage et c'est pas capable de nous faire une nouvelle note ? ;)

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