vendredi 16 septembre 2011

Une colombe dans les flammes ou comment s’égayer avec Nanni Moretti et Serge Bromberg

Un rapide message sur notre semaine passée, qui fut riche en évènements cinématographiques. Nous avons eu l’occasion de voir deux personnalités actuelles du cinéma, en chair et en vêtements, œuvrant dans des registres différents :
• Dans le cadre de la rétrospective Nanni Moretti à la Cinémathèque Française, nous avons pu assister à une présentation par le réalisateur du film Palombella Rossa (1989).
• Une séance Retour de flamme consacrée à Winsor McCay et animée par Serge Bromberg était programmée par L’Etrange Festival au Forum des Images.
Par ce message, nous donnons l’impression d’avoir une vie palpitante, nous meublons notre blog à peu de frais et nous apportons des informations inédites, plus intéressantes que nos palabres habituelles.

Rétrospective Nanni Moretti à la Cinémathèque Française
Malgré sa grande réputation en France, nous connaissons très peu les films de Nanni Moretti. Avant de voir Habemus Papam, nous profitons de la rétrospective à la Cinémathèque pour combler nos lacunes.
La semaine dernière, nous sommes allés à une conférence de Serge Toubiana consacrée à l’œuvre de Moretti, suivie d’une projection de Palombella Rossa. Bien qu’un peu brouillonne, la conférence proposa un bon panorama des films du réalisateur.

Moretti arriva avant le début de Palombella Rossa. Le personnage correspond à ce que nous en attendions : volubile et blagueur, il inspire la sympathie.
Sa longue présentation s’est concentrée sur deux aspects. La flemme et l’impréparation aidant, nous n’avons pris aucune note et nous compterons sur notre partiale mémoire.

1) La création de sa société de production, Sacher Film [1]
La Sacher Film a été créée en 1987 pour produire de jeunes réalisateurs sans les étouffer, à l’inverse du Sachertorte qui n’a pas l’air des plus légers : le but n’était pas de produire du sous-Moretti mais d’apporter de l’aide et des fonds à des projets originaux, sans les cannibaliser. Il cita, en contre-exemple de ce qu’il ne voulait pas faire, la relation peu sereine entre Coppola et Wenders.

Après avoir produit deux films de jeunes réalisateurs, Moretti revint à la réalisation avec Palombella Rossa. Plutôt que de passer par ses précédents producteurs, il utilisa sa société Sacher Film. Cela lui permit de se libérer du mode de construction classique.
La construction d’un film comprend plusieurs étapes clés, notamment l’écriture du scénario, le tournage et le montage. En temps normal, chaque étape doit être complétée avant de passer à la suivante. Pour Palombella Rossa, Moretti a pu mélanger les étapes, en tournant le film sans avoir finalisé un scénario, et en commençant le montage sans avoir terminé le film.
Cet embrouillamini dans la construction se retrouve dans la narration : Moretti, narquois, se demandait d’ailleurs comment il avait pu faire un tel film.

2) La construction de Palombella Rossa et sa place dans sa filmographie
Moretti est fan de water-polo, sport qu’il a longtemps pratiqué. Il aime caser ses passions dans ses films mais il n’avait pas réussi à insérer cet élément précédemment. Afin d’être sûr, cette fois-ci, de pouvoir barboter dans une piscine avec un ballon, il a construit Palombella Rossa autour d’un match de water-polo.
Cette trame narrative étant un peu légère, quoique nous ayons vu bien pire, il y ajouta une réflexion sur le parti communiste italien, en pleine période de transition quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Moretti incarne un député communiste amnésique dont les souvenirs reviennent en flash-back durant le match. Tourné hors d’une piscine et dans les années 50, nous sommes sûrs que quelques fous furieux auraient réussi à le catégoriser comme « film noir » [2].
Un an après Palombella Rossa, Moretti réalisa La Cosa, un documentaire sur la crise du Parti Communiste Italien suite à la chute du mur de Berlin. Il estime que ce documentaire est un prolongement et un complément de Palombella Rossa, et qu’ils doivent se voir en parallèle.

Nous n’avons pas vu La Cosa mais, malgré ses faiblesses, nous avons trouvé Palombella Rossa plutôt plaisant. Pour faire dans la métaphore alimentaire inutile à deux euros, ça ressemble un peu à un pâté chinois façon québécoise : le titre n’a pas grand chose à voir avec le contenu, on se demande vraiment ce que le maïs sucré et le ketchup font dans un hachis parmentier mais, au final, ce n’est pas mauvais.

Retour de Flammes consacré à Winsor McCay
Pour resituer aux nombreux des lecteurs ne s’intéressant pas particulièrement au cinéma muet, aux courts-métrages des premières décennies du cinéma et aux films perdus, les spectacles Retour de Flammes présentent chaque année des films anciens retrouvés ou restaurés récemment.
Ces spectacles sont animés par Serge Bromberg, PDG de Lobster Films, directeur du festival d’Annecy et passionné par le cinéma des premiers temps. Il est surtout connu du grand public pour son émission Cellulo, consacrée à l’animation, diffusée de 1995 à 2001 sur La Cinquième à l’heure du goûter. Il présente également les films de la collection RKO aux Editions Montparnasse.

Le spectacle présenté cette année à L’Etrange Festival était consacré à Winsor McCay, dessinateur et scénariste de BD et de dessins animés, surtout connu en France pour Little Nemo et Gertie le dinosaure. Le but de Serge Bromberg était de montrer l’étendue de la palette de McCay, à l’œuvre un peu folle et très variée.
Le spectacle comportait les dessins animés suivants, accompagnés au piano par Serge Bromberg :
Winsor Mc Cay Animation (1911) : premier film d’animation américain et premier film de Winsor McCay, avec trois personnages clownesques un peu étranges et inquiétants (comme tous les clowns me direz-vous)
How a mosquito operates (1912) : le mode opératoire d’un moustique, heureusement sans le bruit du moustique
• Les 2 minutes restantes de The Centaurs (1921), dont l’origine reste assez mystérieuse
Dreams of the Rarebit Fiend: The Pet (1921) : une adaptation de sa BD homonyme sur les cauchemars d’un amateur de fondue au Chester, concept délirant source d’histoires amusantes et abracadabrantes
Dream of a Rarebit Fiend (1906) : une imitation filmée peu respectueuse du droit d’auteur de la BD de McCay, produite par Edison
Sinking of the Lusitania (commence en 1915, sorti en 1917) : un pseudo documentaire animé de propagande sur le naufrage du Lusitania
Dreams of the Rarebit Fiend: The Flying House (1921/2011) : une version colorisée et sonorisée par Bill Plympton d’un court métrage de McCay. A cause d’un raté dans l’organisation, nous avons vu une version work in progress au lieu de la version finale. Cela n’a toutefois pas diminué l’intérêt du métrage
Gertie the dinosaur (1914) tel qu’il devrait être normalement projeté, c'est-à-dire en collaboration avec un animateur réel jouant avec le dinosaure (ici Serge Bromberg, avec un fouet très tendancieux et une pomme)
Le spectacle fut très agréable. Serge Bromberg fut moins figé et plus amusant que dans ses interventions filmées : bien que toujours intéressant, nous le trouvons un peu trop didactique dans son phrasé, un peu trop mobile des sourcils et ses blagues tombent souvent à plat. En vrai, le ton est plus naturel, les sourcils moins hypnotisant et les blagues bien appropriées aux circonstances.

Nous avons pu discuter rapidement avec lui à la fin du spectacle, pour lever deux de nos nombreuses interrogations sur le cinéma muet :
1) Pourquoi ne trouvons-nous pas les coffrets Flicker Alley en France ?
Flicker Alley est un éditeur de DVD américain spécialisé dans le cinéma muet. Il fait un travail éditorial remarquable, bien que ses DVD coûtent un bras. N’ayant que deux bras et devant en garder un pour taper nos fabuleuses chroniques, nous n’avons pour l’instant acheté chez eux que le coffret Douglas Fairbanks.
Les films édités par Flicker Alley sont restaurés par Lobster Films, la société de Serge Bromberg mais ils ne sont pas, pour la plupart, disponibles en France.
Serge Bromberg nous a expliqué que Flicker Alley possède les droits en exclusivité pour le marché de la zone 1. Pour la France, les films sortiront sûrement un jour (comme pour le coffret Chaplin à la Keystone) mais il n’a pas mentionné de date proche. Nous allons donc devoir nous rabattre sur l’import, et tant pis pour notre bras.

2) Y a-t-il des projets de sortie des vieux films de King Vidor ?
Il y a un an ou deux, nous avons eu l’occasion de voir La foule et La grande parade de King Vidor. Ces deux films nous ont impressionné et nous aimerions qu’ils soient édités dans de belles éditions DVD ou Blu-Ray.
Serge Bromberg nous a expliqué que les droits des films de Vidor étaient détenus par la MGM : ce sont eux qui décideraient d’une éventuelle sortie. De ce réalisateur, Flicker Alley a pu éditer Bardelys le magnifique et il faut espérer que les grands Vidor sortiront un jour. Mais, chez Lobster, aucun projet pour l’instant.

La prochaine séance Retour de flamme devrait avoir lieu au Forum des Images le week-end du 26-27 novembre, avec la projection du Voyage dans la Lune de Méliès dans ses couleurs d’origine.
Le spectacle Retour de flamme nous a totalement convaincu et nous comptons bien assister à cette séance, qui s’annonce fort intéressante.


[1]De Sachertorte, nom de la pâtisserie préférée de Moretti. Nous n’avons jamais mangé de vrai Sachertorte mais ce gâteau semble intéressant, avec ses deux couches de pâte au chocolat séparées par de la confiture d’abricot, le tout recouvert d’un nappage au chocolat.
[2]Le nombre de films catégorisé comme « film noir » sur imdb est assez hallucinant. C’est une sorte de genre fourre-tout dans lequel se trouve pas mal d’objets filmiques n’ayant que lointains rapports avec le film noir tel que nous l’entendons.

2 commentaires:

  1. Bonjour, au vu du titre de cette note, je suis très déçu qu'on ne parle pas de moi.

    Croyez bien que je ne remettrai plus jamais les pieds ici.

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  2. En même temps, à l'exception du dernier qui était correct, nous sommes très déçus par vos films depuis une bonne quinzaine d'années. Ce n'est que justice que nous vous décevions.

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