lundi 28 novembre 2011

Contrebande de farine : les fabricants de galettes en difficulté

Noël se rapprochant doucement, nous continuons aujourd’hui notre vaine défense du support physique avec une liste non exhaustive d’éditeurs et de sites spécialisés dans le film de patrimoine.
Vaine défense, nous demanderez-vous, étonnés par tant de morosité ? L’esprit de Noël, armé de ses chocolats et de son foie gras, n’ayant pas encore investi notre cerveau de sa bonhomie lénifiante, nous sommes contraint d’arborer notre pessimisme réaliste habituel : si le risque de disparition complète n’est pas encore d’actualité, les sorties sur support physique risquent de se restreindre sensiblement dans les années à venir. La tendance est déjà présente, corrompant la volonté des acheteurs benêts : en France, les ventes en VOD surpassent les ventes de BR [1].

Sur le cinéma de patrimoine, depuis le lancement de leur collection de DVD « manufacturés à la demande » [2], Warner et MGM ne proposent plus que sporadiquement de vrais DVD pressés et restaurés, préférant se concentrer sur le Blu-Ray et la VOD.
En France, Pathé semble se diriger vers de la VOD uniquement pour sa nouvelle collection « Pathé à la demande », à l’inverse de Gaumont ou de Warner France : pour leur collection à la demande, ces derniers ont préféré sortir des DVD pressés avec sous-titres français (pour sourds et malentendants dans le cas de Gaumont).

Le passage au tout VOD n’est cependant pas pour tout de suite sur le cinéma de patrimoine : pour l’instant, la VOD ne décolle pas sur ce marché et les chiffres sont catastrophiques. Les papis amateurs de vieux films font de la résistance et restent attachés au support physique.
Quel que soit le moyen utilisé, nous espérons que les éditeurs cités par la suite réussiront à survivre dans le marché remodelé.

Multiplier les navires pour augmenter le rendement
Comme expliqué dans notre sujet sur les sites de vente, télécharger illégalement, c’est comme manger des chatons fourrés au cyanure : au début, c’est tendre et croustillant mais, à la digestion, ça fait mal au ventre. Pourquoi ? Pas pourquoi le cyanure est déconseillé mais pourquoi ne pas pirater dans la joie et la félicité ?
Depuis l’arrivée de la VHS et l’apparition de la télévision payante, la vie d’un film est versionnée : elle ne se limite pas à la sortie en salles puis à la diffusion sur la télévision publique mais comporte plusieurs phases consécutives.
En 2008, « la part relative de la salle dans l’exploitation des films est […] tombée en trente ans de 60 à moins de 15% au profit des versions télévisées gratuites, payantes, de la VHS, puis du DVD » [3]. Les différents supports de diffusion d’un film ont leur importance, chacun disposant d’une fenêtre d’exploitation exclusive, définie au niveau légal par la loi Hadopi du 12 juin 2009 [4] :
• J : Sortie en salles
• J + 4 mois : VOD à l’acte, DVD et BR
• J + 10 mois : en cas d’accord avec les organisations professionnelles, 1ère diffusion sur les chaînes de TV payantes
• J + 12 mois : en cas d’absence d’accord avec les organisations professionnelles, 1ère diffusion sur chaînes de TV payantes
• J + 22 mois : TV en clair (ou autres TV payantes comme les chaînes du câble) si les coproductions dépassent 3,2% du CA
• J + 30 mois si les conditions pour J+ 22 mois ne sont pas remplies
• J + 36 mois : VOD par abonnement
• J + 48 mois : VOD gratuite
Le piratage impacte tous les stades du processus à des niveaux difficilement quantifiables. Les conséquences sont probablement beaucoup plus importantes sur le paiement à l’acte (DVD/BR, VOD à l’acte) que sur le système par abonnement (sans même mentionner le gratuit).
Pour les salles de cinéma, les effets nous semblent plus restreints : les films venant de sortir ne sont généralement pas disponibles dans de très bonnes qualités en téléchargement illégal et la sortie ciné n’entre pas dans la même logique qu’un visionnage à la maison (même si certains spectateurs ont des difficultés à comprendre la nuance et se croient dans leur canapé…). Les chiffres de fréquentation cinéma en France sont excellents, 2010 constituant une année record, avec un retour à des chiffres jamais vus depuis 1967 [5].

Nous entendons déjà les objections des pirates rebelles, anarchistes fougueux se révoltant contre le système en criant Aaaaarrr ! Piratage ou pas, les films français ne sont plus rentables depuis belle lurette. Sur 162 films français sortis en 2005, seuls 15 d’entre eux ont atteint l’équilibre économique, leurs recettes égalant ou dépassant leurs dépenses, ventes aux télévisions et sur supports physiques comprises [6].
Le système tient grâce aux aides multiples existant en France, à la fois privées (Canal+ ou, plus récemment, Orange, banques et autres organismes privés…) et publiques (avance sur recettes, redevance TV, aides régionales…). Le support physique ne joue qu’un rôle mineur : pour les films étudiés, il a rapporté moins de 2% des recettes.

La part du support physique est plus importante sur les films étrangers, en particulier sur les Direct-To-Video. De plus, en raison du poids historique de Canal+, le système français repose fortement sur la télévision payante et est très différent du système américain. Aux Etats-Unis, en 2004, le support physique représentait environ 50% des recettes [7].

La VOD en France commence à perturber tout ce dispositif, en mettant en question la pertinence des abonnements et en diminuant le rôle de Canal+ au profit d’autres intervenants. Orange développe ainsi à la fois l’offre de contenants, via sa chaîne Orange Cinéma Séries (dont Canal+ vient de devenir actionnaire à 33%), et de contenu, par son studio de production Studio 37. Ce dynamisme du marché de la VOD explique peut-être la forte hausse du secteur dans l’hexagone.

Les éditeurs au supplice de la planche
Au final, excepté quand le producteur est également distributeur, le piratage d’un film existant sur support physique sera plus préjudiciable à l’éditeur qu’aux ayant-droits initiaux. Ces derniers ont vendu une partie des droits pendant une certaine durée à l’éditeur et ne sont pas touchés directement par le manque à gagner lié au piratage.
C’est encore plus flagrant pour le cinéma de patrimoine, où l’éditeur doit souvent engager des coûts supplémentaires de restauration.

Qu’oyons-nous ? Nos jeunes [8] amis contestataires, visiblement venus pour causer du trouble, comme tous les jeunes, nous disent en substance qu’ils n’ont cure des éditeurs et ne comprennent pas pourquoi ils devraient payer, parfois cher, pour des vieux films déjà passés gratuitement à la télévision. Nous comprenons bien leur souhait d’investir dans leur avenir, en mettant leur argent dans de l’alcool et des vêtements de marque plutôt que dans des films de qualité, mais nous pensons que nos espiègles compagnons sous-estiment le travail des éditeurs.
Les bons éditeurs proposent des films dans des qualités souvent inédites, que ce soit au niveau de l’image ou du son, avec des sous-titres français [9], et avec des bonus parfois de qualité. L’argent qu’ils récupèrent des ventes ne leur sert pas à sortir en boîte mais est réinvesti dans l’édition d’autres films, enrichissant ainsi le catalogue mondial de films disponibles dans de bonnes conditions.

En piratant un film sorti sur support physique [10], vous empêchez un éditeur de récupérer l’argent investi, et il ne sera peut-être pas en mesure de sortir un autre film que vous auriez aimé voir. Par exemple, bien qu’il nous en coûte un bras à chaque fois [11], nous achetons les DVD Flicker Alley, en espérant qu’ils continuent longtemps leur magnifique travail éditorial sur le cinéma muet.

Le camarade jeune, communiste ou capitaliste, nous répondra probablement en ricanant bêtement que peu lui chaut : il ne télécharge que des films récents et son piratage n’impacte pas les vieux croulants amateurs d’ancienneté. Comme souvent, il sera dans l’erreur : les films récents et autres direct-to-video constituent les principales rentrées d’argent pour les éditeurs, et cet argent sert à financer la sortie des films de patrimoine.
En achetant des films récents, notre camarade aidera à la diffusion d’œuvres plus confidentielles et à l’accroissement de l’offre cinématographique. Qu’il se rassure, le jeune, de l’adolescent à la mode au trentenaire crâneur, conservera son inculture crasse, signe social distinctif permettant aux autres membres de son clan de le reconnaître. Mais il aura la satisfaction d’avoir accompli une bonne action en aidant les has-been de notre genre.

Vu la longueur inattendu de cette présentation et afin de ne pas mélanger les choux et les carottes, nous allons couper notre article en deux parties et nous arrêter ici. Cette expression est assez stupide à la réflexion : le chou et les carottes peuvent se marier idéalement. Ce sont d’ailleurs deux ingrédients de base du pot-au-feu, que dans soit dans sa version française ou dans sa version portugaise (cozido). Et aucun scénariste, aussi tordu soit-il, n’a encore imaginé d’attaque de chourotte géant, rejeton dégénéré des deux légumes précédemment cités. A l’avenir, nous utiliserons l’expression « ne pas mélanger des moutons et des scientifiques fous ».

Dans la seconde partie, nous entrerons dans le cœur du sujet : les éditeurs et les sites spécialisés dans les films de patrimoine.


[1]http://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/dvd-vod-svod-une-annee-qui-s-annonce-decevante-pour-la-video-39765398.htm
[2]Films gravés sur DVD-R, sans restauration, sans sous-titres, sans bonus et sans chapitrage.
[3]Olivier Bomsel et Cécile Chamaret, « Rentabilité des investissements dans les films français », Note de recherche, Cerna, Centre d’économie industrielle MINES ParisTech, Paris, 3 octobre 2008, p.12, http://www.cerna.ensmp.fr/Documents/Rentabilite_des_investissements_dans_les_films_francais,_notes_de_recherche_contango2.pdf
[4]http://www.sevn.fr/?p=77 et Sophie Boudet-Dalbin et Françoise Laugée, « Cinéma et Internet : vers la fin de la chronologie des médias ? », La revue européenne des médias, n° 14-15, printemps-été 2010, http://fr.readwriteweb.com/2010/09/24/a-la-une/cinma-internet-vers-fin-de-chronologie-des-mdias/
[5]http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18604246.html
[6]Olivier Bomsel et Cécile Chamaret, op.cit., p.18.
[7]Ibid., p.30. Ces chiffres doivent être relativisés. En prenant en compte la répartition des dépenses, le secteur le plus rentable s’avère être la télévision : http://www.reelshowlibrary.com/article.php?165&PHPSESSID=4b953cbd24982e0f74e7a0b77b646c4f. Le support physique conserve toutefois une bonne rentabilité.
[8]La notion de jeune s’applique aux trentenaires aisés, bien plus coupables à nos yeux, comme nous l’expliquions dans notre article consacré au site des ventes.
[9]Voire des sous-titres pour sourds et malentendants dans le cas de films français. Sur les vieux films français au son parfois inaudible, ces sous-titres peuvent servir au club des non sourds et bien entendant dont nous sommes membre.
[10]Il existe un cas particulier, où le piratage est malheureusement la seule solution : la récupération de films indisponibles sur support physique ou en offre légale dématérialisée. Nous avons été contraints de télécharger des films comme La foule ou La grande parade de King Vidor, ces deux classiques n’ayant pas été édités à notre connaissance.
[11]Nos bras régénèrent heureusement tous les mois par un procédé nommé « salaire ».

7 commentaires:

  1. L'article est certes intéressant mais il ne faut pas perdre de vue que le monde change, et que l'accès du plus grand nombre aux "nouvelles technologies" chamboule tout.
    Et ne pas se voiler la face non plus, le piratage ne concerne pas que les "jeunes", mais toutes les couches de la société.
    Et prendre en compte aussi qu'aujourd'hui la culture est ce qui passe en premier à la trappe dans le budget des ménages quand cela va mal (normal en soit me direz vous). D'ailleurs le quidam moyen préfèrera ne plus acheter de dvd par exemple pour pouvoir continuer à se payer son abonnement internet et mobile, abonnement qui in fine lui servira à accéder peut être au piratage de choses qu'il ne peut plus se payer de toute façon. Le serpent se mord la queue là (pourvue qu'elle n'ait pas trempé dans le cyanure....).
    La question s'est doit-on continuer à s'accrocher au support physique ou pas (et ce que ce soit pour un film, la musique, le livre, jeux vidéo...), ou plutôt s'orienter vers des abonnements payants pour chaque type de "produit culturel" (ok le terme est moche...), mais du coup totalement dématérialisés.
    D'un côté les éditeurs y trouveraient certainement leur compte (moins de cout de fabrication), et l'accès serait moins cher pour le public.
    Mais est ce que cela enrayerait le piratage ? Il y aura toujours plus malin pour contourner les solutions apportées.
    Disons que la réponse que vous apportez est celle du bon sens, et fait le pari du consommateur responsable. Le tout est de savoir si le grand public aura la capacité de prendre conscience des enjeux autour de ces questions culturelles, ou pas.

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  2. Notre concentration sur la jeunesse vise à accentuer notre côté « vieux con ». Comme vous le signalez, le piratage concerne toutes les tranches d’âge.

    Nous comprenons le piratage des gens à faible revenu, quel que soit leur âge, et il peut permettre à des jeunes de découvrir des œuvres qu’ils n’auraient de toute façon jamais achetées. Nous faisions remarquer dans notre article consacré aux sites de vente que nous avions nous-mêmes piraté lorsque nous n’avions pas de salaire et pas les moyens d’accéder autrement aux produits culturels. Si une personne doit faire un choix entre s’acheter des films ou se payer un abonnement internet ou mobile et qu’elle privilégie l’abonnement, nous ne lui jetterons absolument pas la pierre.
    Ce que nous acceptons moins, ce sont les gens qui ont clairement les moyens d’acheter les films mais qui les téléchargent illégalement sans se poser de questions. Ce sont eux que nous stigmatisons par le terme narquois et pas franchement approprié de « jeunes ». A notre petit niveau, notre but est de les forcer à se poser des questions.

    La dématérialisation des supports est un problème supplémentaire. Comme vous le faîtes remarquer, rien n’incite à penser qu’une offre dématérialisée satisfaisante enraye le piratage.

    Même si nous sommes, pour l’instant, peu porté sur les offres dématérialisées, nous ne sommes pas contre dans l’absolu.
    Sur le cinéma de patrimoine plus qu’ailleurs, le public va mettre du temps à s’habituer au changement. A l’image de ce que fait Carlotta, plusieurs éditeurs, tout en continuant à vendre des DVD et BR, ouvrent des plateformes de VOD. Leur objectif est d’être prêt le jour où le public sera demandeur.
    Mais c’est en effet l’amélioration des offres par abonnement qui devraient bouleverser le marché. Des systèmes existent déjà en France mais les choses devraient s’accélérer en 2012 avec l’arrivée de Netflix en Europe et la demande grandissante du public pour le dématérialisé.

    Certains éditeurs devraient bien passer le cap, mais nous ne connaissons pas les positionnements de chacun sur ces questions.
    Wild Side, par exemple, a un gros catalogue de titres pour lesquels ils possèdent les droits TV et VOD. Ils pourront vendre ces titres aux sociétés gérant la diffusion de contenu dans les offres d’abonnement et devraient pouvoir continuer leur travail.

    Dans tous les cas, le public qui en a les moyens devra bien accepter de payer à un moment ou à un autre s’il veut continuer à profiter de la diversité culturelle proposée. C’est en effet le pari d’un consommateur responsable, pari risqué mais il arrive parfois que nous tentions de faire preuve d’un minimum d’optimisme.

    Merci en tout cas pour vos remarques.

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  3. Les papys cinéphiles, donc amateurs d’œuvres patrimoniales (et sans doute les seuls ou presque à s’intéresser aux vieilleries, demeurent en effet attachés au support physique et font de la résistance ; j’en suis. Mais pour combien de temps ? Et où la frénésie de soi-disant progrès (qui ne sont souvent que la façade « respectable » - qui peut être contre le progrès ? - d’une volonté de consumérisme illimité) s’arrêtera-t-elle? Le VHS avant-hier, le DVD hier, le blue-ray et la VOD aujourd’hui, et demain, et après-demain, le tout étant surtout de changer de support pour renouveler le matériel de plus en plus vite? Pourquoi les moyens de diffusion du cinéma échapperaient-ils au système ?
    Mais ce qui inquiète les papys dans mon genre (et les incite à faire de la résistance), c’est de se voir un jour plus ou moins prochain condamnés à une escalade technologique qui (les ravages de l’âge aidant) risque de les dépasser et de les condamner à tourner en rond avec leur stock de DVD voire de VHS. Il suffit de voir la situation de nos parents qui se trouvent souvent discriminés par les nouvelles technologies ; on vit certes de plus en plus vieux mais tout n’est pas facile pour autant.
    Je préfère encore malgré tout voir un film en salle (mais j’habite Paris où l’offre est importante, et suis donc à ce titre privilégié) même si le DVD est un énorme progrès non seulement pour la diffusion des films mais aussi pour tous ceux qui étudient le cinéma. Pour avoir un peu écrit sur la question à la fin des années 70 et au tout début des années 80 (avant même le VHS donc, ou à ses tout début), je suis bien placé pour connaître le parcours du combattant que représentait à cette époque-là (finalement pas si lointaine) le fait de chercher à voir (ou de devoir voir) des films plus ou moins rares en dehors des salles d’exploitation traditionnelles ou des cinémathèques. Il fallait se faire organiser des projections particulières ; c’était compliqué et même parfois très cher.
    Ceci dit, je découvre votre blog (merci Thomas) que je suivrai désormais avec plaisir et intérêt.
    Gilles Cèbe

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  4. Merci de votre intervention, qui souligne notamment le problème posé par les évolutions technologiques pour le public d’un certain âge. Je passe exceptionnellement à la première personne du singulier pour des facilités de compréhension.

    Entouré majoritairement de cinéphiles de 20 à 40 ans, je ne réalise pas toujours toutes les implications du forcing technologique sur les personnes plus âgées.
    J’ai eu la chance de discuter, en septembre dernier, avec un cinéphile cinquantenaire passionnant. Leader d’un petit groupe de cinéphiles de province âgés, il m’a ouvert les yeux sur des problèmes dont je ne soupçonnais pas l’importance. Il me soulignait notamment l’importance des VF d’origine sur les vieux films américains, indispensable pour des cinéphiles nostalgiques ou à la vue déficiente, et me parlait des problèmes de disponibilité des films de patrimoine dans les magasins de sa province, les personnes de son entourage n’utilisant pas internet pour s’approvisionner.

    Les plus jeunes, dont je fais partie, n’ont pas conscience de ce genre de problème, et de la discrimination technologique que vous mentionnez avec justesse. Je ne sais pas ce que sera l’évolution des supports mais j’espère que les éditeurs ne laisseront pas sur le carreau une partie de leur public.

    En tout cas, bien qu’écrit à une époque lointaine technologiquement parlant, votre ouvrage sur Sergio Leone reste une référence. J’ai lu récemment Il était une fois dans l’Ouest de Philippe Ortoli, qui date de 2010, où votre livre y est cité avec respect. Du coup, je me le suis procuré et je compte le lire prochainement (en vue, peut-être un jour, d’une note sur le western spaghetti).

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  5. Je rejoins M. Cèbe sur ce concept de plus en plus négligé aujourd'hui du film qui doit d'abord être vu sur grand écran (je suis de ceux qui pense qu'un film vu à la maison, même sur n'importe quel home cinéma dernier cri, ne peut remplacer la découverte d'un film en salle).
    Et donc d'autant plus négligé pour les oeuvres dites de patrimoine.
    En fait aujourd'hui je crois qu'il est impossible de revoir au cinéma des films plus anciens en dehors des grandes villes qui ont une cinémathèque (et je ne suis pas dans ce cas là hélas).
    Et c'est regrettable. Moi qui ne suis finalement pas si vieux (la quarantaine est à ma porte...), j'ai eu la chance dans mon adolescence de voir des films "anciens" grâce à un ciné-club dans mon collège, ainsi que des cycles sur des réalisateurs (souvent programmés en plein été d'ailleurs) comme Kurosawa, Keaton, Leone..., au cinéma art et essai de ma ville.
    Et aujourd'hui l'occasion n'est plus donné de voir ces films autrement qu'à la télé (et encore lors de diffusion très tardives le plus souvent), et bien sur en dvd et autres bluray. Ce qui en soit est de toute façon un progrès indéniable dela dit.
    D'ailleurs pas impossible que des reprises au cinéma ne marcheraient pas mieux que certaines nouveautés dont on pourrait se passer facilement....

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  6. L'association des distributeurs de films de patrimoine (ADFP) liste les ressorties de films de patrimoine de ses membres (mais pas les salles où les films sont diffusés. Pour ça, il faut aller voir du côté d'Allociné, mais nous ne pensons pas qu'Allociné soit exhaustif pour les petites salles de province). Le membre le plus connu de cette association est Carlotta Films.

    Le 14 décembre prochain ressort ainsi Le voleur de Bagdad de Ludwig Berger, Michael Powell et Tim Whelan, un film d'aventure avec Conrad Veidt, et L'homme au million de Ronald Neame, une comédie anglaise avec Gregory Peck.
    Nous allons essayer d'aller voir les deux.

    A Paris, il y a en plus La Cinémathèque française (qui commence ce soir un cycle Nikkatsu, youpi) et nombre de cinémas d'art et d'essai.
    Dès lors que l'on sait où chercher et que l'on se tient au courant des ressorties, il n'y a pas trop à se plaindre à Paris, il faut l'avouer.

    En dehors de Paris, il faut en effet se rabattre sur les cinémathèques et instituts (Cinémathèque de Toulouse, Institut Jean Vigo à Perpignan, Institut Louis Lumière à Lyon), ciné-clubs et cinémas d'art et d'essai.
    Il y a aussi une association regroupant les cinémas d'art et d'essai, l'AFCAE.

    Nous ne connaissons pas du tout les nombres d'entrées des ressorties, mais ce serait intéressant d'avoir cette info. Nous creuserons un peu ce point lorsque nous en aurons l'occasion.

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  7. En lisant récemment un article de Dave Kehr, nous avons découvert un intérêt possible de la VOD pour les amateurs de cinéma de patrimoine.

    La qualité exigée pour un DVD était déjà largement supérieure à celle exigée pour une VHS, époque où le public, déjà bien content de pouvoir accéder aux films, n’était pas très regardant. Avec le passage au BR, la qualité attendue a encore augmenté sensiblement.

    Ces sauts de qualité entraînent un problème non négligeable de restriction des films susceptibles d’être édités : le travail de restauration pour éditer un film en BR (ou même en DVD) entraîne des coûts très élevés et les éditeurs, pour espérer rentabiliser leurs investissements, doivent se concentrer principalement sur des classiques ou des films comportant au casting un acteur, une actrice ou un réalisateur célèbre. Et même pour ces films, les masters existants ne sont parfois pas dans un état justifiant réellement une édition sur BR.

    Les films trop spécifiques, ne concernant qu’un petit marché de niche, se retrouvent exclus des politiques éditoriales. Par exemple, la quasi intégralité du catalogue de Republic Pictures, une société de production de films de série B des années 30 à 50, n'a pas été édité en DVD ou BR. Viacom (groupe comprenant notamment Paramount) en détient les droits mais ne les exploite pas. Du moins jusqu’à récemment.
    Viacom a en effet commencé à mettre en VOD, sur Netflix notamment, des films Republic Pictures. Les films ne sont pas restaurés, sont parfois horriblement recadrés, mais, au moins, redeviennent visibles. La VOD semble ainsi permettre un retour à la politique de la VHS.

    Ce phénomène n’est pas réjouissant du point de vue de la qualité des masters proposés, la VOD tirant la qualité vers le bas, à l’inverse du BR, mais permettrait d’accroitre le nombre de films disponibles ou de rendre de nouveau disponibles des films introuvables depuis la fin de la VHS.

    Si la VOD commence à proposer pléthore de titres inédits ailleurs, bon gré mal gré, les amateurs de cinéma de patrimoine commenceront peut-être à jeter un œil à cette technologie, plutôt rejetée jusqu’à présent.
    Nous continuons à avoir des réserves sur la VOD mais c’est le premier argument vraiment convaincant, de notre point de vue, en sa faveur.

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