samedi 12 novembre 2022

Carnet de bord 05/11/2022-11/11/2022



Films vus en compagnie
Just Like Heaven de Mark Waters (2005, Et si c’était vrai…)
Elizabeth est une jeune médecin motivée. Mais le jour où elle décroche un poste fixe dans un hôpital de San Francisco, elle a un grave accident de voiture. Trois mois plus tard, David, veuf non remis du décès de son épouse, emménage dans un bel appartement. Rapidement, le fantôme d’Elizabeth vient le houspiller, ne réalisant apparemment pas qu’elle n’habite plus les lieux.

Just Like Heaven est tiré d’un roman de Marc Levy. Je n’ai jamais rien lu de Marc Levy, auteur globalement méprisé des milieux intellectuels et littéraires. J’avoue que je le confonds avec Guillaume Musso, dont j’avais vu l’adaptation coréenne d’un de ses livres, Will You Be There? (2016). Ça ne m’aurait pas étonné plus que ça que Will You Be There? et Just Like Heaven soient du même auteur, ce sont dans les deux cas des comédies romantiques faciles avec une touche de surnaturel.
Bien que sorti en 2005, Just Like Heaven ressemble au tout venant de la comédie romantique des années 90. Reese Witherspoon et Mark Ruffalo font le boulot, et Jon Heder est très bien en libraire mystique perché. C’est du fast-food hollywoodien : c’est bourré de clichés du début à la fin, y’a aucune surprise, on aura oublié le truc dans deux semaines, mais une fois de temps en temps ça passe.


東京タワー オカンとボクと、時々、オトン [Tôkyô tawâ: Okan to boku to, tokidoki, oton] de Joji Matsuoka (2007, Tokyo Tower: Mom and Me, and Sometimes Dad)
La mère de Masaya entre à l’hôpital à cause d’un cancer de l’estomac. Via une série de flashbacks, le film suit les relations de Masaya avec ses parents : sa mère, qui l’a toujours soutenu et financé malgré ses errances ; et son père, personnage distant ne vivant plus avec eux depuis longtemps.

Tôkyô tawâ est une adaptation de l’autobiographie de l’artiste Lily Franky. Lily Franky est surtout connu en Occident comme acteur mais c’est une facette tardive de sa carrière : il est également musicien, chroniqueur radio et presse, illustrateur et écrivain. Son autobiographie, best-seller au Japon, est sortie avant ses grands succès au cinéma et il n’a pas participé au film. Le rôle de Lily Franky est tenu par Joe Odagiri, acteur beau gosse qui a tourné dans une soixantaine de films dont plusieurs Kiyoshi Kurosawa et deux Kore-eda (I Wish (2011) et Air Doll (2009)). La mère est jouée vieille par Kirin Kiki, également habituée de Kore-eda ; jeune par Yayako Uchida, la fille de Kirin Kiki. Je n’ai pas vu d’autres films du réalisateur, Joji Matsuoka.
Je ressors avec une impression un peu mitigée. Le récit est touchant, c’est très bien joué et bien écrit mais ça aurait gagné je trouve à être plus sobre dans les passages dramatiques. Lily Franky dégage comme acteur une certaine retenue et Joe Odagiri l’interprète de façon très posé. Je pense que son livre doit aborder avec pudeur les épreuves les plus difficiles et ne pas insister sur la douleur. Le film est un peu trop démonstratif à mon goût, avec utilisation de ralentis ou de musique mélo. C’est dommage.


La abuela de Paco Plaza (2021, Abuela)
Mannequin parisienne, Susana doit rentrer en urgence à Madrid car sa grand-mère, sa seule famille restante, a eu un AVC. Cette dernière ne parle plus et n’est plus autonome mais Susana ne se résout pas à la mettre dans un hospice. Elle essaye de trouver une aide à domicile et, en attendant, elle loge dans le grand appartement madrilène de son aïeule. Seule avec la vieille dame, elle se met à en avoir peur et à faire des cauchemars.

Ça commence mal avec une scène voyeuriste de très mauvais goût. S’installe ensuite une ambiance oppressante assez réussie, bien filmée avec une peur instillée par des effets simples et efficaces. Malheureusement, plus le film avance, plus son intrigue devient évidente. Il est scénarisé par Carlos Vermut, réalisateur/scénariste de La niña de fuego (2014) qui m’avait pas mal déçu de mémoire. La fin est complètement ridicule et tombe dans les clichés les plus éculés. Le réalisateur, Paco Plaza, n’avait rien fait de terrible depuis le premier [Rec] (2007). Caramba, encore raté.


The Lost City de Aaron Nee & Adam Nee (2022, Le secret de la cité perdue)
Loretta est une ancienne chercheuse en linguistique fatiguée de sa carrière d’écrivaine. Elle connait pourtant un grand succès avec ses récits à l’eau de rose décrivant les aventures de Dash et Angela. Lors d’une tournée pour la sortie de son dernier livre, elle annonce en présence d’Alan, le mannequin de couverture de ses romans, qu’elle arrête sa saga. Elle est kidnappée peu après par un homme intéressé par ses talents de linguiste.

Je ne m’attendais pas à un film intelligent, je n’ai pas été déçu. Le film est exactement ce à quoi on peut s’attendre en voyant l’affiche : de l’aventure bête et gentille. Sandra Bullock joue son rôle habituel d’héroïne d’action, Channing Tatum est bien dans le beau gosse qui ne sert à rien, et Daniel Radcliffe se fait plaisir en méchant James Bondien. Je me serais passé de l’humour en dessous de la ceinture mais, à part ça, ça remplit son contrat de blockbuster décérébré d’un soir où on n’a pas envie de réfléchir.


WolfWalkers de Tomm Moore & Ross Stewart (2020, Le people loup)
Robyn et son père viennent d’arriver dans une ville fortifiée en Irlande. Venu d’Angleterre, le père est chasseur de loups, et sa fille préfère jouer avec son arbalète et son faucon plutôt que de faire les tâches ménagères. Les loups rôdent autour de la ville et Robyn a interdiction d’en sortir. Elle part tout de même vagabonder en suivant discrètement son père et tombe sur une jeune louve curieuse. Elle s’avère être une wolfwalker, une petite fille de l’âge de Robyn mi-humaine mi-louve.

C’est le troisième long métrage de Tomm Moore, situé dans l’Irlande médiévale comme les deux précédents, The Secret of Kells (2009) et Song of the Sea (2014). Ce sont tous de jolis films d’animation en 2D aux dessins élaborés, irrigués de folklore local. Tomm Moore dit s’être inspiré visuellement de l’œuvre de Marcell Jankovics. J’avais vu Le Fils de la jument blanche (1981) et je comprends en effet le rapprochement.
WolfWalkers est un très beau film, graphiquement splendide et au scénario bien mené. La musique de Bruno Coulais s’intègre bien à l’univers. Le rendu sonore et visuel de la nature irlandaise est également intéressant, remplie de multiples petits animaux et de chants d’oiseaux des bois et sous-bois. J’avais lu je ne sais plus où qu’on constatait un appauvrissement de la faune dans les dessins animés occidentaux au cours du XXe siècle : alors que les campagnes et forêts des Disney des années 30/40, par exemple, comprenaient de multiples animaux, celles des années 90 étaient tristement vides. WolfWalkers remet cette faune en toile de fond. Elle ne sert à rien d’un point de vue purement narratif, elle est présente car c’est normal qu’elle soit là. On voit des rougegorges, des merles, des pies, des corneilles, des blaireaux, des cerfs ; on entend des pouillots véloces, des mésanges, des pies, des corbeaux… Malheureusement, comme ses deux films précédents, il n’est pas toujours facile de le trouver en VO, les DVD et Blu-ray français contenant uniquement la VF (car ce sont des dessins animés donc pour les enfants…). A voir sans faute, avec ou sans enfant.


Bringing Out the Dead de Martin Scorsese (1999, À tombeau ouvert)
Frank est ambulancier à Manhattan depuis 5 ans. Depuis plusieurs mois, il a l’impression de ne plus servir à rien. Déprimé, proche du burn-out, il voit les fantômes de ceux qu’il n’a pu sauver et ne tient que grâce au café, à l’alcool et aux cigarettes. Le film suit son quotidien pendant 3 nuits.

Je n’ai jamais été un grand fan de Scorsese comme réalisateur, je préfère largement son travail de cinéphile et restaurateur à travers sa Film Foundation. J’ai vu la majorité de son œuvre et il n’y a guère que La valse des pantins (1982) que j’apprécie vraiment (il faudrait aussi que je revoie After Hours (1985), qui m’avait mis mal à l’aise quand j’étais ado). Bringing Out the Dead est réputé comme un des films où Nicolas Cage est le mieux exploité et un des rares films de Scorsese d’avant 2016 que je n’avais pas encore vu.
Nicolas Cage est en effet bien utilisé, son côté halluciné colle au personnage et ses excès sont relativement bridés. Le monologue intérieur permanent de Frank est assez relou, et le dispositif 3 nuits/3 coéquipiers différents hauts en couleur est un peu trop convenu. La réalisation de Scorsese n’est pas exceptionnelle, notamment la répétition lourdingue des passages en accéléré dans l’ambulance la nuit. Certains personnages ressortent tout de même, notamment celui de Mary jouée par Patricia Arquette ou le dealer joué par Cliff Curtis. Je reste mitigé mais je le place tout de même dans le haut du panier des Scorsese (ce qui montre le peu d’affection que j’ai pour sa filmographie…).


Films vus seuls
હું હુંશી હુંશીલાલ [Hun Hunshi Hunshilal] de Sanjiv Shah (1992, Love in the Time of Malaria)
Dans un royaume indien imaginaire, le roi souhaite détruire les moustiques, qui ennuient les braves citoyens et tirent de leur paresse les masses endormies. Un jeune médecin ambitieux trouve un antimoustique révolutionnaire à base d’oignon rouge. En parallèle, il tombe amoureux d’une jolie collègue pro-moustiques et se retrouve confronté à un dilemme cornélien.

Je connais très mal le cinéma indien : si on enlève Satyajit Ray et quelques classiques des années 50-60, je n’ai pas vu plus d’une vingtaine de films de ce pays. Hun Hunshi Hunshilal est probablement le premier film en Gujarati que je vois et je n’ai pas de point de repère.
Premier point notable : ça chante tout le temps. Dans les films indiens que j’avais vus jusqu’à présent, il y avait quelques chansons, souvent extradiégétiques, et l’essentiel était parlé. Dans Hun Hunshi Hunshilal, il y a 45 chansons, qui durent de quelques secondes à plusieurs minutes. La majorité du film est chanté et les chansons s’inscrivent dans le récit, un peu comme un Jacques Demy. Scénaristiquement, c’est très barré : les moustiques symbolisent les pauvres et les rebelles, l’Etat voulant écraser les masses. Le pouvoir s’enferme dans une logique liberticide de plus en plus délirante (avec interdit de la nuit, des cerfs-volants, de la couleur rouge, des rêves) et le héros finit par se rebeller. Un trio de méchants joue le même rôle qu’un chœur de tragédie grecque, commentant les actions du héros tout en le tourmentant. Tout cela est très absurde, ça ne ressemble à pas grand-chose d’autre et ça fonctionne plutôt pas mal. Et j’aime beaucoup le titre anglais du film, raison initiale de mon visionnage.


つぐみ [Tsugumi] de Jun Ichikawa (1990, Tugumi)
Tsugumi est une jeune femme à la santé fragile, atteinte d’une maladie chronique potentiellement fatale. Elle vit dans une pension tenue par sa famille dans une petite ville en bord de mer. En raison de sa maladie, elle a toute sa vie été surprotégée et possède un caractère capricieux et tyrannique. Seule son amie d’enfance Maria, avec qui elle a grandi, ose lui tenir tête. Maria est partie rejoindre son père à Tokyo mais elle revient dans sa ville natale pour l’été.

J’avais entendu parler de Tsugumi dans je ne sais plus quel article récemment, où il était comparé à Futari de Nobuhiko Ôbayashi (1991). Ils étaient cités comme exemples de films à tendance shôjo, peuplés de jeunes filles mélancoliques et hantées par la mort. J’avais bien aimé Futari et j’étais curieux de voir Tsugumi. J’ai été plutôt déçu : le personnage de Tsugumi est assez pénible, le film ne possède pas d’aspect fantastique et ne véhicule pas la même gentillesse triste que Futari. C’est le quatrième film que je vois de Jun Ichikawa, rien de bien convaincant pour l’instant.
Note sur le titre : le titre japonais a été transcrit Tugumi en rômaji (alphabet latin) sur l’affiche japonaise. Or, les Japonais utilisent plus la méthode Kunrei pour transcrire le japonais que la méthode Hepburn, classique en Occident. Selon la méthode Kunrei, le つ (son tsu) s’écrit tu et pas tsu. D’où Tugumi et non Tsugumi (voir la vidéo sur les différentes écritures en rômaji de l’excellente chaîne youtube de Julien Fontanier). Mes titres japonais sur ce blog étant normalement transcrit via la méthode Hepburn, j’ai mis Tsugumi en titre japonais et Tugumi en titre franco-anglais, le mot japonais original étant つぐみ.


The Girl Can't Help It de Frank Tashlin (1956, La blonde et moi)
Un impresario fauché et has-been est recruté par un ex-gangster ancien tolard. Ce dernier souhaite rendre célèbre une jeune femme dont il s’est amouraché. Elle a un physique avantageux mais n’a guère envie de devenir connue, préférant cuisiner et s’occuper de la maison. De plus, elle ne semble pas savoir chanter.

Frank Tashlin était adoré par les Cahiers du Cinéma vers la fin des années 50, notamment par Godard. Venu du cartoon, il est connu pour son extravagance, dans son utilisation de la couleur comme dans ses gags très inspirés par les dessins animés de la Warner. Outre ses cartoons, The Girl Can't Help It est le quatrième film que je vois réalisé par lui. Je ne suis clairement pas fan : ses scénarios sont souvent très sexistes et simplistes, et je reste insensible à son humour. Comme réalisateur de cartoon déjà, il faisait partie d’un de ceux que j’aimais le moins à la Warner, loin d’un Chuck Jones ou d’un Friz Freleng.
The Girl Can't Help It est du même style que Will Success Spoil Rock Hunter? (1957), également avec Jayne Mansfield et sorti un an plus tard. Les deux films reposent quasi exclusivement sur le physique de Jayne Mansfield, tous les gags et situations tournant autour d’elle. Pour ne rien arranger, je n’ai jamais beaucoup aimé Tom Ewell, l’acteur principal ici, avec son jeu à la Humphrey Bogart du pauvre. Il semble spécialisé dans le rôle d’homme chavirant pour une belle blonde, et est surtout connu pour Sept ans de réflexion de Billy Wilder (1955). Jayne Mansfield était d’ailleurs présentée comme une Marilyn Monroe de série B. Elle ne joue pas aussi mal qu’on pourrait le craindre mais elle n’a pas le charisme de Monroe. A noter la présence d’Edmond O'Brien, très pénible et en roue libre dans le rôle du truand. Je pense en rester là pour Tashlin, vraiment pas mon truc.


放浪記 [Hôrô-ki] de Mikio Naruse (1962, Chronique de mon vagabondage)
Fumiko alterne les emplois précaires et mal payés. Avec son maigre revenu, elle fait vivre ses parents et son mari du moment, enchaînant les relations toxiques avec des hommes veules et opportunistes. Elle essaye d’écrire un peu tous les jours, principalement de la poésie, et commence à se faire un nom dans le milieu littéraire d’avant-garde.

Hôrô-ki est tiré de l’autobiographie de Fumiko Hayashi, écrivaine adaptée à l’écran à six reprises par Mikio Naruse. J’avoue ne plus trop me souvenir des différentes adaptations, les mélangeant dans ma tête avec d’autres Naruse. Hôrô-ki est extrêmement mélo, le personnage principal passant d’une situation misérable à une autre. Cela semble assez caractéristique des écrits de Fumiko Hayashi, un des personnages vers la fin lui reprochant sa complaisance dans la description de la pauvreté sordide. L’écrivaine est présentée comme très endurcie par la vie et possédant une vision pessimiste de l’existence. Pas ma tasse de thé tout ça.


Livres
Un monde d’azur de Jack Vance (Le livre de poche, 1978), 224 p.
Sur une planète lointaine, des être humains vivent de la cueillette et de la pêche sur un réseau de petites îles. Leurs ancêtres ont mis en place un système de castes assez strict, chaque caste étant chargée d’une fonction particulière. La vie quotidienne relativement tranquille est toutefois gâchée par la présence du roi Kragen, sorte de kraken gigantesque auquel il faut livrer quotidiennement un tribut de fruits. Ce roi Kragen est considéré comme un Dieu par une partie de la population et une organisation religieuse est chargée d’interagir avec lui. Un jour, un homme frustré décide de braver les interdits et de défier le roi Kragen.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman de SF qui tienne vraiment la route. Les livres de Jack Vance sont en général assez agréables à lire, comme le recueil de nouvelles Châteaux en espace chroniqué précédemment, mais Un monde d’azur est un cran au-dessus. Le personnage principal n’est pas particulièrement notable et il passe assez rapidement au second plan. Le récit ne se focalise pas sur un héros, mais alterne entre plusieurs groupes et plusieurs personnages au sein de chaque groupe. Il montre comment, à partir d’un incident, tout un système politico-social va être renversé, forçant les extrémistes à montrer leur vrai visage. Comme d’hab dans la SF de cette époque, les femmes sont quasi-inexistantes. Au moins ici, bien que sous-exploitée, le seul personnage féminin important est assez intéressant et pas manichéen (on se contente de ce qu’on a, surtout quand on a lu précédemment du Van Vogt). Un monde d’azur s’avère donc être une belle surprise, avec une histoire teintée de questionnements politiques et menée de façon intelligente dans un univers original. Il reste dans ma bibliothèque. Tin tin tin…


La vis (Œuvres 1968-1972) de Yoshiharu Tsuge (Cornélius, 2019), 192 p.
Suite des nouvelles de Yoshiharu Tsuge, à la carrière toujours aussi erratique. Ce livre couvre une période où il gagne une reconnaissance nationale et pas mal d’argent. Mais dès qu’il a de l’argent, il s’arrête d’écrire. Il fait ainsi une pause de 2 ans entre 1970 et 1972. Les deux premiers récits proposent un dessin très fouillé, différent de ses œuvres précédentes. On est dans une ambiance cauchemardesque qui m’a rappelé l’Ero guro nansensu, mouvement artistique japonais des années 30 dont Edogawa Ranpo est le représentant le plus célèbre. Tsuge revient ensuite aux histoires à la première personne, qui constituaient l’essentiel du volume précédent, mais de façon un peu plus sombre et absurde. Les derniers récits, après sa pause de 2 ans, reprennent un peu la veine onirique/cauchemardesque des deux premières nouvelles mais en moins bizarre narrativement.

Techniquement et dans la construction des histoires, ce volume m’a bien plus convaincu que les précédents. Le style de Yoshiharu Tsuge s’est considérablement enrichi. Les deux premières nouvelles baignent dans une étrangeté que j’ai appréciée et j’ai été un peu déçu que la suite reprenne une tournure plus conventionnelle. On retrouve malgré tout dans le livre une ambiance teintée de surnaturel, qui manquait d’après moi précédemment.
Toutefois, un gros problème peu présent précédemment apparaît : la façon dont il représente la femme, montrée quasi exclusivement comme objet sexuel. A une exception près, toutes les histoires comportent une scène de viol ou d’agression sexuelle, considéré du point de vue de l’agresseur. C’est un phénomène assez courant chez un certain milieu intellectuel d’avant-garde japonais : je me souviens ma lassitude, quand je regardais beaucoup de films d’auteur japonais des années 60 et 70, devant la présence quasi-systématique d’une scène de viol. A voir dans le prochain livre mais je ne suis guère optimiste pour la suite.


Les mémoires de papa Moomin de Tove Jansson (Le lézard noir, collection « Le petit lézard », 2014), 178 p.
Papa Moomin écrit ses mémoires édifiantes et les raconte au fur et à mesure à sa famille. Il décrit sa jeunesse mouvementée et les leçons qu’il a tiré de ses aventures, tout en se donnant le beau rôle.

J’ai déjà lu les strips des Moomin de Tove Jansson édités dans la même collection, et je me suis mis depuis quelques temps aux romans. Je n’avais pas été complètement séduit par les strips, le format court ne permettant pas de développer suffisamment les situations. Les romans me parlent plus. Je les lis dans l’ordre de parution originale.
Les mémoires de papa Moomin est le quatrième roman et celui que j’ai préféré jusqu’à présent. Il me semble plus resserré que les précédents, restant focalisé sur une trame principale. J’ai bien aimé l’alternance des écrits de papa Moomin et les retours dans le présent, où toute la famille commente l’histoire racontée. Ma préférence peut aussi venir du fait que, en étant au quatrième volume et ayant lu les strips, je connais mieux les personnages et y suis plus attaché. Les dessins accompagnant le récit sont toujours aussi beaux. Vivement le prochain.


Le Soleil, la Terre... la vie : La quête des origines de Muriel Gargaud, Purificación López-García, Hervé Martin, Thierry Montmerle & Robert Pascal (Belin/Pour la science, collection « Bibliothèque scientifique », 2009), 304 p.
Description scientifique détaillée présentant l’état de la science sur la formation du système solaire et de la Terre puis l’apparition de la vie de -4,57 milliards d’années à -540 millions d’années.

J’avais entendu parler de cet ouvrage dans le passionnant Guide critique de l’évolution dirigé par Guillaume Lecointre. Bien que datant de 2009, Le Soleil, la Terre... la vie semblait offrir une vision relativement juste de l’état des connaissances sur les sujets traités. Le livre est en effet très précis et détaillé, trop en fait pour moi : il est plus centré sur des sujets de physique, chimie et géologie que de biologie, et les démonstrations des phénomènes sont trop pointues pour mon besoin. Je ne regrette pas de l’avoir lu, j’ai appris beaucoup de choses sur la création du système solaire et de notre planète, et les débats en cours sont bien présentés. Mais un bouquin plus vulgarisé aurait aussi bien fait l’affaire. A réserver à ceux qui veulent les démonstrations précises des phénomènes décrits.


Revues
Les Cahiers du cinéma n°792 – Novembre 2022
Pas mal de choses dans ce numéro de novembre. Côté sorties ciné, Pacification (2022) d’Albert Serra m’intrigue. La critique des Cahiers est dithyrambique mais je me méfie un peu des films célébrés par les Cahiers et la durée de 2h43 me rebute. J’ai moins de questionnements sur le dernier James Gray, Armageddon Time, qu’il va falloir que je voie. Après ses gros machins The Lost City of Z (2016) et Ad Astra (2019), que je n’ai pas du tout aimés, il revient à un cinéma plus intimiste et autobiographique avec cette histoire d’un jeune juif qui découvre l’ascension sociale. Je note également la sortie de Saint Omer (2022) d’Alice Diop, reconstitution du procès d’une jeune sénégalaise ayant noyée son enfant de 15 mois ; de Jacky Caillou (2022), film français de loup-garou ; et de Fumer fait tousser (2022), le dernier Dupieux. Il ne faudra par contre pas compter sur moi pour le dernier Tsai Ming-Liang, Days (2020), qui a l’air soporifique comme à son habitude. Quant à la nouvelle trilogie Halloween de David Gordon Green, je la verrai sans doute un jour par complétisme mais je ne suis pas super pressé.

Côté cinéma de patrimoine, je découvre le réalisateur philippin Mike de Leon, qui me semble être tout à fait ma came : du cinéma social/politique mâtiné de fantastique. Carlotta va sortir ses films au cinéma, j’espère qu’il y aura un coffret Blu-Ray ensuite. Je serais également curieux de voir La victime désignée (1971), un giallo que je ne connais pas et qui vient de paraître chez l’éditeur Frenezy.
Quelques articles intéressants également sur les premiers films de John Ford, sur la ressortie de L’ange rouge (1966) et Tatouage (1966) de Yasuzo Masumara (pas fan du premier, pas vu le second mais il m’intrigue car j’ai lu la nouvelle de Jun'ichirô Tanizaki dont le film est tiré) et sur la deuxième édition du Dictionnaire des films de Jacques Lourcelles.


2 commentaires:

  1. Je repars cette semaine avec deux envies de films, merci ! Hun Hunshi Hunshilal ça a l'air d'être quelque chose en effet, et je vais même peut-être pouvoir convaincre Camille de le voir…

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    1. Tu me diras ce que tu as pensé de Hun Hunshi Hunshilal si tu le vois, c'est tellement différent qu'on peut aussi détester je pense.

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