dimanche 16 octobre 2022

Carnet de bord 01/10/2022-14/10/2022 - Livres, articles & revues



Livres
Conversation sur la naissance des inégalités de Christophe Darmangeat (Agone, 2013), 200 p.
Ce livre survole l’évolution des inégalités dans l’histoire de l’humanité. Il distingue 3 périodes : les sociétés égalitaires initiales évoluent en sociétés inégalitaires puis finalement en sociétés de classes. L’auteur s’appuie beaucoup sur les travaux d’Alain Testart pour la partie théorique et sur des études anthropologiques classiques pour sa démonstration.

Je n’ai jamais lu Alain Testart mais la théorie démontrée ici ne m’a qu’à moitié convaincu. Une approche marxiste est utilisée, tout est vu essentiellement en fonction de la possession des moyens de production. Le point de vue est intéressant mais trop limité je pense, il ignore toute une partie de la recherche actuelle tournée vers les aspects culturels ou environnementaux, mis en avant par des chercheurs comme Jared Diamond. C’est toujours dommage de se limiter à une explication plutôt que d’essayer de croiser plusieurs facteurs, surtout quand l’auteur reconnait les limites de sa théorie concernant certains problèmes soulevés.
C’est clairement un ouvrage de vulgarisation, il est construit comme un dialogue entre un questionneur fictif et l’auteur, procédé platonicien assez agaçant d’après moi. Il n’aborde que superficiellement les choses en renvoyant aux œuvres de Testart pour plus de détails. A voir donc du côté de Testart pour creuser quelques idées intéressantes esquissées dans ce livre.


Marzi de Marzena Sowa et Sylvain Savoia (intégrale en 3 volumes chez Dupuis, 2008/2009/2017), 262 p./238 p./263 p.
Marzi est une BD autobiographique, scénarisée par Marzena Sowa (Marzi donc) et dessinée par Sylvain Savoia. On y suit le quotidien de Marzi durant son enfance et son adolescence dans la Pologne des années 80 et 90.

On est dans le genre assez classique et balisé de la BD autobiographique d’une personne ordinaire dans un environnement original pour le lecteur français. J’avoue que, sorti de quelques clichés, j’avais moi-même une vision assez limitée de la vie en Pologne durant les années 80. Le personnage de Marzi est attachant, le ton est globalement léger avec quelques moments plus graves et on reste ancré dans le quotidien. L’Histoire apparaît en toile de fond et s’impose parfois au premier plan quand les événements la propulsent bon gré mal gré dans la vie de Marzi. Une belle réussite dans l’ensemble.


Anime From Akira To Howl's Moving Castle: Experiencing Contemporary Japanese Animation de Susan J. Napier (Palgrave Macmillan, 2005), 355 p.
Ce livre est la réédition augmentée de 2005 de l’ouvrage classique de Susan Napier, paru initialement en 2001. C’est un des premiers ouvrages universitaires de référence consacré à l’animation japonaise. Susan Napier utilise les techniques de la critique littéraire pour analyser la narration des œuvres animées d’un point de vue essentiellement féministe. La majorité des animés, estime-t-elle, peuvent être classés selon trois modes d’expression : apocalyptique, festivalière ou élégiaque. Elle utilise cette catégorisation comme angle d’approche de nombreuses œuvres, regroupées dans le livre dans trois grandes parties : corps, métamorphose, identité ; magical girls et mondes de fantaisie ; animé et Histoire.

La division des animés en trois modes d’expression m’a moyennement convaincu et je n’en ai pas bien perçu l’utilité au final. Le livre est toutefois assez stimulant intellectuellement : l’autrice se penche sur des animés que je connais pour la plupart en utilisant des optiques nouvelles pour moi, comme les questions de genre dans Ranma ½ ou Cowboy Bebop ou les côtés réactionnaires du Tombeau des lucioles. Je ne suis pas d’accord avec tout, comme dans toute analyse littéraire, l’autrice voit dans les œuvres ce qu’elle a envie de voir, en extrapolant parfois beaucoup. Elle met en outre de côté les aspects visuels et tout le contexte dans lequel les œuvres sont créées. Enfin, certaines définitions utilisées sont discutables, comme celle du shôjo qu’elle considère d’après moi de façon bien trop large car cela l’arrange et lui permet d’englober plus d’animés. Il n’empêche que le livre pose des bases d’analyse originales, a fait date et reste une bonne lecture quand on aime les bouquins universitaires à tendance féministe.


In Praise of Film Studies - Essays in Honor of Makino Mamoru dirigé par Aaron Gerow et Abé Mark Nornes (Kinema Club, 2001), 257 p.
Ce livre est une compilation d’articles mélangeant d’une part des articles de Makino Mamoru traduits du japonais et d’autres part des articles en hommage à Makino Mamoru. Makino Mamoru est un chercheur cinéphile collectionneur qui a exercé une forte influence sur la recherche en cinéma japonais. Il a aidé de nombreux chercheurs japonais et étrangers, dont plusieurs participent à cet ouvrage. On y retrouve la plupart des grands spécialistes du cinéma japonais d’avant 1945, comme Aaron Gerow, Joanne Bernardi, Jeffrey A. Dym, Mitsuyo Wada-Marciano ou Peter B. High pour citer ceux que je connaissais déjà. Une partie des articles sont malheureusement écrits en japonais et je n’ai pas pu les lire, mon niveau n’étant pas suffisant.

Excepté celui traitant de la censure au Japon avant sa systématisation, les articles de Makino Mamoru ne sont pas les plus intéressants de mon point de vue : ils sont surtout destinés aux chercheurs souhaitant s’y retrouver dans les méandres des bibliographies japonaises. Les essais en hommage à Makino Mamoru correspondent plus à mes attentes : un article sur un benshi célèbre, un sur les studios Kamata de la Shôchiku, un sur le film nippo-allemand Die Tochter des Samurai/Atarashiki tsuchi (1937, La Fille du samouraï) et un autre sur un script non réalisé d’Ozu durant la guerre. Il reste toutefois frustrant que je ne puisse lire quasiment la moitié des articles en japonais, c’est dommage de ne pas avoir tout traduit et de ne pas avoir rendu le livre plus accessible.


Châteaux en espace de Jack Vance (Presses Pocket, 1993), 288 p.
Je continue à lire les vieux bouquins de SF récupérés chez ma mère que j’avais acheté quand j’étais ado/jeune adulte. Mon objectif est de faire le ménage en revendant/donnant tous ceux que je ne relirai pas, et y en a un paquet. La plupart ne sont pas mauvais, juste quelconques, agréables à lire une fois mais rien de plus. C’est le cas de Châteaux en espace de Jack Vance, recueil de 8 nouvelles écrites entre 1947 et 1966.

La meilleure est d’après moi la première et la plus longue du livre : Château en Hispanie (New Bodies for Old (1950)). Une entreprise mystérieuse propose une aventure à des gens soit très riches, soit moins riches, la différence de prix n’étant apparemment liée qu’à une différence de contrôle sur les détails de l’aventure. La nouvelle suit un homme moins riche, embarqué dans une aventure dont il se serait bien passé. Le titre anglais est plus explicite que le français, et l’éditeur ou le traducteur français a bien fait de le modifier. Le récit est bien mené et réussit à tenir son rythme tout du long.
Les autres nouvelles sont plus quelconques mais pas désagréables dans l’ensemble, suffisamment courtes pour garder la tension et ne pas s’éloigner de leur concept. Pas mal donc mais pas assez pour rester dans ma bibliothèque, la concurrence est féroce.


Articles
« Lost Memories of Korean Cinema: Film Policies During Japanese Colonial Rule, 1919-1937 » de Brian M. Yecies & Ae-Gyung Shim (Asian Cinema, 14(2), Fall/Winter 2003, p.75-90)
Ce court article d’une dizaine de pages trace rapidement l’histoire mal connue des débuts du cinéma coréen. C’est un très bon article d’introduction sur ce sujet, et il va falloir que je creuse ça un peu plus un jour.

« Movie Attendance of Japanese Children and Youth – The Ministry of Education’s Policies and the Social Diffusion of Cinema, 1910-45 » de Harald Salomon (Japonica Humboldtiana 6, 2002)
Article d’une vingtaine de pages qui décrit l’évolution des positions de l’Etat japonais vis-à-vis des spectateurs mineurs entre 1910 et 1945. La première partie de l’article est assez générale et décrit la composition du public des cinémas japonais dans les années 10. C’est la partie qui m’a le plus intéressé, la suite entrant dans des aspects légaux plus techniques.

« The Carnival of Edo: Misemono Spectacles from Contemporary Accounts » de Andrew L. Markus (Harvard Journal of Asiatic Studies, 45(2), Dec 1985, p.499-541)
Article d’une quarantaine de pages qui examine l’évolution des misemonos (littéralement choses que l’on montre) au XIXe siècle. Je voulais voir si je pouvais y trouver un lien avec les débuts du cinéma japonais ou avec les benshis mais je n’ai rien vu d’évident. L’article est assez long, très descriptif et, bien qu’intéressant sur le fond, il m’a un peu ennuyé.

« Shakespeare’s Starlings: Literary History and the Fictions of Invasiveness » de Lauren Fugate & John Macneill Miller (Environmental Humanities, 13(2), 2021, p.301–322)
Article d’une vingtaine de page qui décortique le mythe de l’invasion des étourneaux sansonnets en Amérique du Nord. Il cherche à comprendre comment ce genre de mythe surgit et se perpétue.
J’avais lu plusieurs fois que l’invasion des étourneaux sansonnet en Amérique du Nord était principalement dû à une personne, Eugene Schieffelin, qui aurait relâché des étourneaux dans Central Park en 1890 afin d’importer en Amérique du Nord tous les oiseaux des œuvres de Shakespeare. Cette histoire permettait d’illustrer les dangers des introductions sauvages d’espèces à travers un personnage farfelu et je l’avais lue dans des livres sérieux écrits par des scientifiques ou des ornithologues expérimentés. Il s’avère que tout ceci est une invention, ce que retracent parfaitement les auteur·e·s de cet article. La démonstration est impeccable, le style est agréable, c’est un excellent article à la fois du point de vue ornithologique et sociologique, montrant comment les mythes se construisent et se propagent.


Revues
Pardela n°64 – Printemps/Eté 2022
Je n’ai pas appris grand-chose dans ce numéro du journal de la SPEA, équivalent portugais de la LPO. Mais ça me fait lire un peu de portugais, c’est toujours bien. Je remarque tout de même un article intéressant de Helder Costa (qui avait été notre guide lors d’un séjour au Portugal) sur une brève histoire des guides ornitho. J’ai ainsi découvert qu’un des premiers guides ornitho de terrain, Birds Through an Opera Glass en 1888, a été écrit par une femme, Florence Merriam Bailey.

Mammifères sauvages n°83 – Juin 2022
Rien de notable dans ce numéro si ce n’est une note de lecture sur un ouvrage potentiellement intéressant : Comportement et bien-être du chat, une approche interdisciplinaire coordonné par Thierry Bedossa et Sarah Jeannin.

Mad Movies n°364 – Octobre 2022
Pas beaucoup de découvertes cinématographiques dans le numéro de ce mois-ci, sauf peut-être la mention de l’intrigant Under the Shadow (2016) de Babak Anvari et de X de Ti West.
Plusieurs entretiens intéressants par contre avec Jamie Lee Curtis, Barry Sonnenfeld et la directrice de casting Bonnie Timmermann. J’ai bien aimé également la seconde partie du dossier sur Michael Crichton et celui sur Jeepers Creepers (où j’ai appris au passage que le réalisateur des films était presque aussi creepy que son personnage principal). Rien à faire des pages liées à la ressortie d’Avatar, film qui m’ennuie toujours autant. Un bon numéro dans l’ensemble.


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