samedi 17 décembre 2022

Carnet de bord 10/12/2022-16/12/2022



Films vus en compagnie
Twilight de Catherine Hardwicke (2008, Twilight : Chapitre 1 – Fascination)
Bella part habiter chez son père à Forks, ville pluvieuse de l’état de Washington, pour laisser sa mère mener une vie tranquille avec son nouveau mari. Son arrivée dans son nouveau lycée se passe bien, elle est tout de suite intégrée sans vraiment le vouloir dans un groupe sympathique. Elle est toutefois plus intéressée par la famille Cullen, la fratrie des riches snobinards blancs comme des cachets d’aspirine, en particulier le ténébreux Edward. L’attirance est réciproque et elle découvre bientôt son terrible secret.

Je n’avais jamais lu ou vu aucun Twilight, n’étant pas dans le public cible, et je n’ai pas eu de fan dans mon entourage. Je n’en avais donc que des échos lointains, une œuvre simpliste pour jeunes filles, aux valeurs discutables. Ne dénigrant pas les phénomènes culturels populaires, j’étais curieux à l’occasion de me faire ma propre opinion. Les cinq films ont été marquants, ils ont généré des millions d’entrées et lancé deux acteur·rice·s qui se sont réorienté·e·s ensuite vers un cinéma plus auteurisant, Kristen Stewart et Robert Pattinson.
De façon assez prévisible, c’est très mièvre, les personnages sont sans relief et la réalisation est ultra-convenue. Les acteurs et actrices font le travail demandé, ils ne sont pas en cause. J’espère juste que l’individu qui a eu l’idée saugrenue de mettre un filtre bleu sur à peu près toutes les scènes s’est fait virer. Je pense malheureusement que le complétisme va nous pousser à voir la suite.


海月姫 [Kurage hime] de Taisuke Kawamura (2014, Princess Jellyfish)
Tsukimi est une adulte renfermée, fan de méduses. Elle vit en colocation avec d’autres femmes, otaku comme elle et passionnées par des domaines très précis. Elles sont toutes terrorisées par l’idée de contact avec le monde extérieur, en particulier avec les jeunes gens à la mode. Voulant sauver une méduse en danger, Tsukimi se heurte au vendeur d’un magasin d’animaux et est violemment expulsée de la boutique. Elle est secourue par Kuranosuke, un beau jeune homme qui s’habille en femme. Kuranosuke va se prendre d’affection pour cette maison de marginales, et leur rencontre va changer leurs vies.

J’ai récupéré Kurage hime un peu par hasard, ne sachant si j'allais tomber sur une comédie bête et gentille ou sur une comédie reloue, la frontière étant parfois mince. Je me doutais, rien qu’en voyant l’affiche, que les acteurs et actrices seraient en roue libre. J’avais raison. Mais j’aime bien l’actrice principale Non, qui joue aussi dans Tempura (2020), sympathique même quand elle en fait des caisses. Kurage hime est l’adaptation d’un josei manga (manga pour femmes adultes) éponyme en 17 tomes, qui a aussi donné lieu à un animé. Le film et l’animé sont sortis avant la fin du manga et ne reprennent qu’une partie de l’histoire.
J’ai bien aimé cette bande d’otaku asociales, en particulier le personnage principal, Tsukimi, avec sa passion des méduses. On retombe parfois dans des schémas classiques où la norme reprend le dessus, les passages romantiques surgissant essentiellement lorsque Kuranosuke est en garçon ou lorsque Tsukimi est bien habillée sans ses lunettes et ses fringues informes. Ce n’est cependant pas dominant et la fin reste ouverte, probablement aidée par l’inachèvement du manga au moment de la réalisation. Une petite comédie sympathique donc, surtout quand ça vient après un machin comme Twilight.


Apollo 10 ½: A Space Age Adventure de Richard Linklater (2022, Apollo 10 ½ : Les fusées de mon enfance)
Stan est un jeune garçon de 10 ans qui vit près de Houston avec sa famille nombreuse. Son père travaille à la NASA, de même que la plupart des hommes du voisinage, et leur vie est ponctuée par le décollage des fusées. Un jour, deux hommes de la NASA contactent Stan afin qu’il les assiste dans une mission secrète : la mission Apollo 10 ½, qui consiste à envoyer un enfant sur la Lune en préparation d’Apollo 11.

La mission secrète Apollo 10 ½ est un prétexte visant à donner une vague trame à ce film, dont l’objectif principal est de montrer la vie quotidienne d’un enfant blanc de classe moyenne durant les années 60. Richard Linklater est né et a grandi près de Houston. Il a écrit le scénario en s’inspirant fortement de son enfance, sur laquelle il porte un regard empreint de nostalgie et de tendresse. Apollo 10 ½ est une accumulation de scénettes portant sur la politique, la culture, les nouveautés technologiques, la nourriture… perçues par un enfant. J’ai trouvé tout cela très facile et ça ne m’a pas du tout parlé. Le scénario est complètement secondaire, et ces deux heures de nostalgie sur l’enfance dans les années 60 m’ont gonflé.


Guillermo del Toro's Pinocchio de Guillermo del Toro & Mark Gustafson (2022, Pinocchio)
Geppetto perd son fils Carlo lors d’un bombardement durant la première guerre mondiale. Il ne se remet pas de ce décès et passe les années suivantes à survivre comme il peut, délaissant son travail et buvant plus que de raison. Une nuit, fortement éméché, il décide de créer une marionnette en bois pour remplacer son enfant. A sa grande surprise, au matin, la marionnette a pris vie et dit s’appeler Pinocchio. Elle n’est toutefois pas aussi docile que Carlo, au grand désespoir de Geppetto.

J’attendais beaucoup de cette version de Pinocchio par Del Toro, à la suite notamment des deux critiques dithyrambiques des Cahiers et de Mad Movies. De ce qu’ils en disaient, j’escomptais une production très adulte, dans la lignée de L’échine du diable (2001) ou du Labyrinthe de Pan (2006), mes deux Del Toro préférés. Ce dernier ayant pris la peine de déplacer l’histoire du XIXe siècle à la période de l’Italie fasciste, je m’attendais à un fort contexte politique, à une critique de la dictature et de la religion. Ce n’est quasiment pas le cas.
Guillermo del Toro's Pinocchio est un film pour enfants, globalement léger, ponctué de chansons assez nases et de méchants caricaturaux. L’animation est exceptionnelle et la marionnette de Pinocchio est très réussie, mais j’ai été déçu. Bien qu’étant beaucoup moins moraliste que le Disney, avec un Pinocchio plus rebelle, il est encore plus enfantin, il n’y a aucun passage malaisant ou effrayant. Or, un bon Pinocchio doit d’après moi comporter une dose d’étrangeté, un peu comme une bonne adaptation d’Alice au pays des merveilles.
Il pâtit aussi de la comparaison avec le feuilleton télévisé en six épisodes Les Aventures de Pinocchio de Comencini (1972), que j’ai découvert il y a moins de 2 ans et qui est une des œuvres qui m'a le plus marquée ces dernières années. Le Geppetto interprété par Nino Manfredi est indépassable, j’écoute de temps en temps la musique mélancolique de Fiorenzo Carpi, et Comencini montre de façon poignante la pauvreté dans les villages ruraux et le mépris des autorités pour les petites gens. Son Pinocchio, rebelle et anarchiste, fait ce qu’il faut pour survivre. Il ne comprend pas les règles écrites pour les riches et les ignore, il est fainéant, obstiné, irréfléchi et cruel. Comencini était très doué pour dépeindre les enfants, comme dans le très beau L'Incompris (1966), et son Pinocchio reste gravé dans ma mémoire, à l’inverse du Del Toro que j’aurai bien vite oublié.


Dark Touch de Marina de Van (2013)
Dans une petite ville irlandaise, Neve s’échappe un soir de chez ses parents pour se réfugier chez ses voisins. Elle est couverte de bleus et d’écorchures, s’est mordue la langue et est paniquée. Ses parents viennent rapidement la chercher et expliquent qu’elle a peur de la maison, dans laquelle ils ont récemment emménagé. Une nuit, Neve se rend compte que les meubles se mettent à bouger. Ses parents se réveillent et se font agresser par le mobilier. Toute la famille meurt excepté Neve, réfugiée dans le buffet. Elle est recueillie par les voisins. Personne ne croit son histoire de maison hantée et elle reste fermée à tout contact ou relation sociale.

J’avais entendu parler de Marina de Van dans Mad Movies il y a pas mal d’années et je n’avais pas eu l’occasion de me pencher sur son œuvre. Sans être spécialisée dans le fantastique, elle dit aimer évoluer à la limite du réel jusqu’au malaise. Dark Touch aborde le sujet sensible de l’inceste avec une approche horrifique à la Carrie et n’épargne pas le spectateur. Je n’ai pas accroché, sans être capable de dire précisément ce qui m’a gêné. Bien qu’étant probablement réaliste dans les circonstances, l’incompréhension des tenants et aboutissants par l’ensemble des adultes a fini par m’agacer. J'ai également eu du mal à relier certains éléments scénaristiques à la trame générale, comme les sifflements dans les oreilles de la voisine ou les images furtives d'une jeune fille qui crie. La fin a le mérite d’aller au bout du concept sans prendre de pincettes, mais son côté over the top m’a laissé dubitatif. Je suis tout de même curieux de voir Ne te retourne pas (2009), la réalisation la plus connue de Marina de Van, sur laquelle elle s’était beaucoup investie et qui avait fait un bide.


Films vus seuls
東京五人男 [Tokyo gonin otoko] de Torajirô Saitô (1945, Five Tokyo Men)
Cinq soldats démobilisés retournent chez eux après la guerre, dans une ville en ruines. Deux d’entre eux retrouvent leur femme, qui les croyaient mort et ne sont pas ravies de les voir revenir les mains vides. Un autre attend le retour de son fils, parti à la campagne depuis le début des bombardements. Les deux derniers travaillent, dans un restaurant et dans un centre de rationnement. Tous se heurtent à la corruption, au marché noir et à la mesquinerie des chefs et des notables.

Tokyo gonin otoko est un film étonnant. Réalisé quelques mois seulement après la défaite, c’est une comédie qui se moque joyeusement de tous les problèmes de l’époque. Tourné dans un Tokyo délabré avec le populaire Roppa Furukawa dans un des rôles principaux, les dures conditions sont acceptées avec bonne humeur. L’Etat est absent et la ville est régie par des trafiquants bêtes et méchants. Les héros ne peuvent compter que sur eux-mêmes et aident les plus pauvres par principe. On est bien loin des œuvres de propagande encore présentes dans les esprits. Bien qu’il y ait deux personnages comiques assez pénibles, c’est globalement distrayant et plaisamment anarchique. La copie présentée par la chaîne youtube Cinema Japan Retrospective est malheureusement affreuse.


Alice in Wonderland de Harry Harris (1985, Alice au pays des merveilles)
"You are old, Father William," the young man said,
"And your hair has become very white;
And yet you incessantly stand on your head—
Do you think, at your age, it is right?"
"In my youth," Father William replied to his son,
"I feared it might injure the brain;
But now that I'm perfectly sure I have none,
Why, I do it again and again."

Il existe de nombreuses adaptations d’Alice au pays des merveilles. Elles se situent généralement entre deux extrêmes, entre le terriblement creepy et le super niais pour enfant de 5 ans. Le summum inégalable du traumatisant va sans conteste au Alice de Jan Švankmajer (1988). A l’inverse, ce téléfilm américain en deux parties produit par CBS est peut-être le plus enfantin que j’ai pu voir, avec le dessin animé nippo-allemand que je regardais quand j’étais enfant.
Le casting est assez prestigieux mais c’est très mal dirigé et tout le monde cabotine affreusement. Le peu de sous a dû servir à payer tous ces gens car les costumes et les décors sont moches. Les scènes s’enchaînent sans transition, on cherche juste à caser tous les passages connus de l’œuvre. Chaque partie dure 1h30, notamment à cause d’un tas de chansons assez nulles et globalement sans grand rapport avec le ton du livre. Mention spéciale loose à Telly Savalas, qui croone vaguement en chat du Cheshire. C’est sans doute la plus mauvaise version que j’ai vue jusqu’à présent, bien pire encore que le gros ratage de Norman Z. McLeod en 1933. En presque trois fois plus courte, l’adaptation anglaise de 1966 produite par la BBC est, de mémoire, largement supérieure, avec une bonne dose d’étrangeté (il en faut d’après moi au moins un peu pour réussir un Alice au pays des merveilles).


富江 [Tomie] d’Ataru Oikawa (1998)
Une jeune étudiante a perdu partiellement la mémoire à la suite d’un accident de voiture. Régulièrement sujette à des cauchemars sanglants, elle consulte une psychiatre qui lui propose une séance d’hypnose. Elle mentionne alors le nom de Tomie, nom qui revient régulièrement dans une enquête criminelle que mène en parallèle un inspecteur de police.

Dans ma chronique sur Spiral (2000), j’avais mentionné mon envie de voir Tomie, autre adaptation du mangaka spécialiste de l’horreur Junji Itô. C’est chose faite, j’aurais pu vivre sans. C’est pour le coup très différent de Spiral, ce n’est pas un scénario uniquement centré sur une idée déclinée de toutes les façons horribles possibles. Le réalisateur Ataru Oikawa, que je ne connaissais pas et qui semble avoir surtout fait des longs métrages d’horreur fauchés, prend le temps d’installer une histoire et des personnages. Le problème, c’est que ce n’est pas franchement intéressant et on finit par attendre avec impatience la venue des scènes terrifiantes. Quand elles arrivent enfin, elles s’avèrent plutôt nases, sans tension ni frisson. Et la conclusion en forme de twist tombe complètement à plat. A oublier, je ne verrai pas les nombreuses suites, encore plus mal notées sur imdb.


ギョ [Gyo] de Takayuki Hirao (2012, Gyo: Tokyo Fish Attack)
Trois amies sont en vacances à Okinawa : une fille un peu forte, une allumeuse et l’héroïne, la sérieuse Kaori. Lorsqu’elles reviennent dans leur location, une odeur affreuse les assaillent, et Kaori écrase un étrange poisson muni de pattes se déplaçant comme un arachnide. Les poissons sur pattes envahissent rapidement l’île. Kaori réussit à prendre un vol pour Tokyo pour retrouver son fiancé, pendant que ses deux amies restent coincées à Okinawa.

Je ne savais pas en regardant cet anime récupéré par hasard que c’était encore tiré d’un manga de Junji Itô. Cette fois, c’est le schéma Spiral (2000), soit un concept effrayant exploité jusqu’à la moelle. L’idée est originale et les poissons sur pattes sont bien flippants. Néanmoins, les personnages sont ultra clichés et l’intrigue est complètement mécanique. Je ne sais pas ce que valent les mangas de Junji Itô mais les films qui en proviennent sont pour l’instant assez mauvais. A noter que c’est réalisé par Takayuki Hirao, connu pour son décevant Pompo: The Cinéphile (2021).


エレキの若大将 [Ereki no wakadaishô] de Katsumi Iwauchi (1965, Campus A-Go-Go)
Yuichi est un jeune homme populaire, capitaine de l’équipe de football américain et guitariste doué. En sortant d’une fête un soir, son ami provoque un accident de voiture. La belle jeune femme qui conduisait l’autre véhicule est hospitalisée pour quelques contusions. Yuichi assume la responsabilité afin que son camarade ne perde pas son permis de conduire. Il s’engage à rembourser les frais d’hôpital et la réparation de la voiture, et doit donc trouver un moyen rapide de gagner de l’argent. Un concours de guitare électrique s’ouvre prochainement, avec un prix de 100 000 yens à la clé. Il va devoir réunir un groupe pour s’y inscrire.

Campus A-Go-Go est le sixième volet des Wakadaishô (Young Guy), une série de 17 films mettant en vedette l’acteur/chanteur Yûzô Kayama dans le rôle de Yuichi. Campus A-Go-Go est sans doute le plus connu, où Yûzô Kayama chante son tube Kimi to Itsumademo. C’est le seul de la série avec des sous-titres anglais sur lequel j’ai pu mettre la main, ce genre de comédie musicale dépassant difficilement les frontières du Japon. Le réalisateur, Katsumi Iwauchi, est un illustre inconnu, rien dans sa filmographie ne m’évoque quoi que ce soit.
Sorti en 1965, on est au summum de l’américanisation de la jeunesse japonaise, qui pratique ici le football américain et joue de la guitare électrique. Je ne connais pas bien les comédies musicales américaines pour jeunes des années 60, les films de plage ou avec Elvis Presley, et j’ai du mal à comparer. En l’état, sans être particulièrement remarquable, Campus A-Go-Go n’est pas désagréable, le genre de titre produit à la chaîne selon un schéma bien rodé, avec des acteurs et actrices correct·e·s et une bande originale passable. Yûzô Kayama chante bien, même si son jeu est assez monolithique. Il a malgré tout fait une belle carrière, avec des rôles importants chez Naruse ou Kurosawa. Si l’accès aux comédies musicales japonaises était aisé pour un non nippophone, Campus A-Go-Go n’aurait guère d’intérêt. En l’état, c’est un bon exemple d’une pop culture méconnue chez nous.


Dites-le avec des fleurs de Pierre Grimblat (1974)
Jean-Claude est un jeune homme timide, défiguré par une large tâche de naissance sur sa joue droite. Il vit dans une grande maison en bord de mer avec sa famille, son père misanthrope, sa mère obsédée par les fleurs, sa sœur et ses trois jeunes frères. Il est très troublé par la fille au pair allemande qui vient s’occuper des enfants durant l’été. C’est en effet la première femme qui n'est pas gênée par son visage. Les parents de Jean-Claude sont mal à l’aise depuis son arrivée et de sinistres évènements surviennent peu après.

J’avais entendu parler de cette coproduction franco-espagnole comme une fiction bien menée fleurtant avec le fantastique. Santa María de la decepción, c’est raté. Le casting est pourtant trois étoiles, avec Fernando Rey dans le rôle du père, Delphine Seyrig dans celui de la mère et Francis Blanche en individu louche. Rocío Dúrcal, qui joue la fille au pair, et John Moulder-Brown en Jean-Claude sont acceptables. Le scénario est par contre extrêmement prévisible, et la touche fantastique quasiment absente. La réalisation de Pierre Grimblat est quelconque et il ne réussit pas à tenir une ambiance mystérieuse, excepté dans quelques scènes trop rapides. Je n’ai réussi à récupérer que la version espagnole, pas moyen de mettre la main sur la VF.


孔雀王朝 [Kong que wang chao] de Chor Yuen (1979, Murder Plot)
Shen Lang recherche le mystérieux Roi joyeux, un dangereux maître d’arts martiaux responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes des années plus tôt. Il entend dire que le trésor du Roi joyeux est apparu dans une tombe au Nord d’une cité proche, et que tout ceux qui ont tenté de s’en emparer sont décédés peu après. A la recherche d’indices, il se rend sur place et commence son enquête. Il est accompagné dans ses aventures de sa jalouse fiancée et du chef du clan des mendiants, tous deux doté·e·s de très bonnes capacités martiales.

Encore un Chor Yuen tiré d’un roman de Gu Long, faut dire qu’il y en a un paquet. Dans le rôle principal cette fois, le charismatique David Chiang, acteur habituel de Chang Cheh où il est souvent employé en duo avec Ti Lung. Murder Plot est apparemment le seul film de Chor Yuen où il tient le rôle principal. C’est dommage, c’est un acteur que j’aime beaucoup. Il n’est pas exploité ici à son maximum, un peu perdu dans la masse de personnages et d’intrigues. Le méchant est joué par Lo Lieh, un habitué de la Shaw Brothers qui a plusieurs centaines de long métrages hongkongais à son actif.
Murder Plot reprend les schémas habituels des adaptations de Gu Long par Chor Yuen : des décors et costumes somptueux, des intrigues à foisons, des héros innombrables, le tout avec décontraction. Malgré une apparente complexité, le scénario est étonnamment simple et linéaire. C’est un peu moins délirant que d’habitude et ce n’est pas mon préféré dans le genre. Ça reste tout de même plaisant.


Livres
Le grand dieu Pan d’Arthur Machen (Le livre de poche, 1977), 160 p.
Un médecin un peu dérangé pratique une opération chirurgicale sur le cerveau d’une jeune femme afin qu’elle puisse déchirer le voile masquant la réalité, qu’elle puisse voir le dieu Pan comme disaient les anciens. Clarke, un riche amateur d’ésotérisme, lui sert de témoin. L’expérience fonctionne au-delà des espérances et la jeune femme perd la raison quelques minutes après s’être réveillée de l’anesthésie. Des années plus tard, Clarke est devenu un homme respectable connu pour sa rationalité. Il ne peut toutefois s’empêcher de noter dans son journal une série de faits troublants entourant une femme mystérieuse répondant au nom d’Hélène, qui semble vecteur de misère et de folie. Plusieurs hommes vont mener l’enquête pour comprendre qui elle est réellement.

Arthur Machen est un écrivain britannique de la fin du XIXe-début du XXe siècle, spécialisés dans les histoires surnaturelles ou horrifiques. Le grand dieu Pan est son roman le plus connu, cité par Stephen King comme un des meilleurs récits d’horreur jamais écrit. Bien qu’ayant apprécié ce court texte d’une centaine de pages, je n’irais pas jusque-là. Le procédé narratif utilisé est intéressant : Arthur Machen se sert de différents protagonistes, qui entrevoient chacun une partie du mystère puis la raconte à un des complices. Cela permet de maintenir la tension et de ne pas s’encombrer d’enquêtes fastidieuses, le lecteur découvrant directement le résultat des recherches. Néanmoins, l’intrigue est trop banale, la belle étrangère habitée par un esprit maléfique était déjà un poncif à l'époque. Cela m’empêche de considérer Le grand dieu Pan comme autre chose qu'une petite œuvre distrayante.


Anthologie Creepy – Volume 1 (Delirium, 2012), 208 p.
Recueil de courts récits horrifiques tirés du magazine Creepy, publié aux Etats-Unis entre 1934 et 1983 dans l’esprit des EC Comics des années 50. Ce volume 1 comporte les nouvelles des sept premiers numéros, majoritairement scénarisées par le rédacteur en chef Archie Goodwin. Faisant toutes moins de 10 pages, elles reprennent pour la plupart le bestiaire occidental habituel du genre : vampires, loups-garous, sorcières et autres esprits.

Je ne connaissais pas Creepy, moins réputé en France que les EC Comics type Tales from the Crypt. On se situe dans la même catégorie, la plupart des dessinateurs ayant travaillé précédemment pour EC Comics. Les nouvelles sont assez inégales. Les meilleures sont celles tirées des histoires d’Edgar Allan Poe ou de Bram Stocker. Archie Goodwin était apparemment un bon rédacteur en chef, très humain avec les dessinateurs, ce n’était en revanche pas un conteur exceptionnel et la plupart de ses scénarios sont très prévisibles. Côté dessinateur, Frank Frazetta n’a malheureusement collaboré qu’une fois avant de passer à autre chose. J’aime bien le style des dessins de Reed Crandall, les autres illustrateurs sont assez quelconques. Les deux textes servant de postface permettent de bien comprendre le contexte dans lequel le magazine est paru, en France comme aux Etats-Unis. Je reste mitigé, j’attends de lire le volume 2.


Policing Paris: The origins of modern immigration control between the wars de Clifford Rosenberg (Cornell University Press, 2006), 264 p.
Cet ouvrage universitaire étudie la mise en place d’un système de contrôle et de suivi des immigrés et des colonisés à Paris entre les deux guerres mondiales. Il est découpé en deux grandes parties : la première se concentre sur l’instauration du système sur les immigrés étrangers, dans un contexte d’explosion de l’immigration et de montée du communisme ; la deuxième analyse la création d’un service dédié aux Nord-Africains issus des colonies, en particulier des Algériens, qui font l’objet de procédures particulièrement contraignantes.
L’introduction et le premier chapitre posent les bases de l’analyse et sont, avec le dernier chapitre et la conclusion, les plus passionnants. Comme souvent dans les études universitaires, le centre du livre est un ventre mou, qui accumule les données mais apporte peu à la théorie exposée.
Clifford Rosenberg montre comment, avant la première guerre mondiale, le suivi des immigrés étrangers est considéré comme secondaire. Les populations dangereuses pour les autorités sont les immigrés de l’intérieur, les pauvres des régions agricoles venant s’installer dans les villes. Est considéré comme étranger toute personne venant de l’extérieur, que ce soit la campagne d’à côté ou le pays lointain. Plusieurs phénomènes se combinent pour faire évoluer la situation :
• au début du XXe siècle, les Parisiens élisent plusieurs membres éminents de l’extrême droite au conseil municipal ;
• la première guerre mondiale engendre une méfiance vis-à-vis des non français, soupçonnés de pactiser avec l’ennemi ;
• l’Etat français instaure les premières aides sociales réservées aux nationaux. Il faut donc pouvoir différencier un national d’un non national.
Arrivent les premiers papiers d’identité réservés aux étrangers, les premiers contrôles, les premières expulsions, et un premier fichier de suivi. L’efficacité de tout cela est discutable :
• le premier fichier de suivi est par ordre alphabétique et mêle étrangers et criminels, rendant son exploitation quasi impossible ;
• les expulsions sont locales et, en l’absence d’une surveillance nationale, rien n’empêche les gens de revenir ou d’ignorer l’ordre d’expulsion, comme cet étranger condamné 29 fois sans succès à quitter le territoire.
Cela pourrit toutefois la vie quotidienne des immigrés, et l’efficacité du système s’accroit durant les années 20 et 30, avec le passage du contrôle des étrangers aux renseignements généraux. Ils vont notamment mettre en place une classification plus efficace. Ce rattachement lie contrôle des étrangers et politique, les RG étant normalement dédiés aux suivis des activités politiques, et met au premier plan la lutte contre l’infiltration communiste au sein des communautés étrangères.
La deuxième partie du livre analyse un autre volet de la question. A cette époque, l’Algérie est un département, et le Maroc et la Tunisie sont des colonies françaises. Les colonisés ne sont donc pas des immigrés étrangers, les Algériens en particulier sont censés pouvoir circuler librement. Dans les faits, un service est créé spécialement en 1925 pour tracer ces populations à Paris et aux alentours : le service de surveillance et de protection des indigènes nord-africains (SSPINA). Il s’avère particulièrement zélé, les colonisés, à l’inverse des immigrés, ne bénéficiant pas de la protection des ambassades et ne risquant pas de générer des incidents diplomatiques. Le SSPINA va mener la vie dure aux quelques dizaines de milliers de Nord-Africains vivants à Paris, multipliant les tracas administratifs et les « rapatriements » (plus de Nord-Africains sont « rapatriés » que d’immigrés expulsés alors qu’ils sont beaucoup moins nombreux). Des services sociaux dédiés sont créés et rattachés au SSPINA, comme l’hôpital franco-musulman, construit en 1935 et réservé aux Nord-Africains musulmans, ou un bureau du travail censé les aider à trouver un emploi. Dans les faits, ces services accroissent les capacités de traçage, liant les aspects policiers et sociaux. Le SSPINA servira même à enrôler des Nord-Africains dans des milices d’extrême droite anti-juives sous Vichy.

L’étude de Clifford Rosenberg décrit les prémisses d’un système de contrôle des étrangers considéré aujourd’hui comme normal. Plus personne ne s’étonne du besoin d’un passeport pour voyager, d’un visa ou d’un permis pour immigrer, ou de la collecte des données personnelles. Il montre également comment, dès le départ, les populations nord-africaines sont victimes d’une procédure spéciale, plus contraignante et stigmatisante. Paris a été à la pointe, pas de quoi en être fier.


Articles
Ce court article d’une dizaine de pages aborde le cinéma japonais des années 20 et 30 essentiellement à travers trois angles : les salles de cinéma, l’industrie du film et l’Etat japonais. C’est un bon résumé de la situation à l’époque. Je n’ai cependant rien appris de neuf. Les références bibliographiques sont intéressantes, il faut que je lise notamment le numéro 166 des Cahiers du cinéma, qui comporte un entretien avec Teinosuke Kinugasa.


Revues
Mad Movies n°366 – Décembre 2022
Pas mal de choses encore dans le numéro de ce mois-ci. Du côté des nouveautés, Dual (2022) a un pitch original, avec des clones qui prennent la place de gens malades proches de la mort, mais sa note imdb fait un peu peur. La critique d’Unicorn Wars (2022) est plus détaillée que celles des Cahiers, avec une interview du réalisateur, et finalement je veux le voir. Spiritwalker (2020) a l’air de tomber dans la catégorie des films d’action coréen énervés, avec en plus un côté fantastique, et pourrait faire l’affaire pour un soir de fin de semaine. Terrifier 2 (2022) à l’inverse, malgré la bonne critique et le dossier qui va avec, ne m’attire pas, trop torture porn pour moi.

Le dossier sur les évolutions récentes du cinéma d’horreur ne m’a pas convaincu. J’ai bien aimé par contre celui sur les sleeper hits, ces longs métrages à petit budget au succès inattendu. J’ai, à ma grande surprise, appris l’existence d’un film noir réputé dont j’ignorais l’existence, Le calvaire de Julia Ross (1945), il va falloir que je vois ça.
Le dossier sur Kamen Rider Black Sun, écrit par le spécialiste du cinéma japonais Fabien Mauro, est passionnant. Il permet de mettre un pied dans un univers très particulier, complètement méconnu en dehors du Japon.

Du côté des interviews, l’entretien avec Mark Gustafson, le coréalisateur du Pinocchio de Del Toro, est très intéressante. Il revient sur les difficultés du projet et sur la stop-motion. Il donne bien envie de se pencher sur cette œuvre, ce que j’ai fait cette semaine.
Il faudra également que je regarde la suite d’À couteaux tirés (2019), Glass Onion : une histoire à couteaux tirés (2022), par Rian Johnson, interviewé dans ce numéro. J’avais bien aimé le premier, qui jouait astucieusement avec les codes du whodunit. Rian Johnson mentionne à la fin du numéro, dans la rubrique Give me five, un whodunit que je ne connais pas et qui a l’air bien, Les Invitations dangereuses (1973). Rien à faire enfin de l’entretien avec le producteur d’ Avatar 2, je n’ai jamais compris l’engouement autour du premier.


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