samedi 3 décembre 2022

Carnet de bord 26/11/2022-02/12/2022



Films vus en compagnie
The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society de Mike Newell (2018, Le cercle littéraire de Guernesey)
Juliet Ashton est une écrivaine à succès peu satisfaite de son travail. Elle rédige sous pseudonyme des petits ouvrages distrayants pour le grand public alors qu’elle voudrait écrire des livres sérieux sous son vrai nom. Quelques mois après la fin de la seconde guerre mondiale, elle est contactée par courrier par un homme membre du club de littérature et de tarte aux épluchures de pommes de terre de Guernesey. Cette lettre va l’amener à se rendre sur l’île de Guernesey afin d’enquêter sur ce club au nom curieux.

Bien qu’assez prévisible, ce drame romantique anglais est plutôt agréable à regarder. Ça fait un peu penser à du Jane Austen version années 1940, avec son héroïne un peu naïve propulsée dans un autre milieu, son mélange de peines et de joies et son histoire d’amour qui finit bien. Les acteurs et actrices sont bien choisi·e·s, et les différents personnages sont tous crédibles et suffisamment développés. Petit détail amusant : alors que le récit se déroule en bonne partie sur l’île de Guernesey, aucune séquence n’y a été filmée.


私をくいとめて [Watashi wo kuitomete] de Akiko Ôku (2020, Tempura)
Mitsuko est une célibataire introvertie. Elle vit seule dans son appartement et passe son temps à discuter avec « A », une voix imaginaire masculine projetée par son inconscient. « A » souhaiterait qu’elle soit plus féminine, plus douce, et qu’elle ait un petit ami. Ça pourrait être son collègue Tada, que Mitsuko semble apprécier et à qui elle fait régulièrement des plats à emporter. Mais elle ne semble pas si malheureuse dans sa vie solitaire et rentrer dans les normes n’est pas forcément synonyme de bonheur.

C’est le premier film que je vois d’Akiko Ôku, autre réalisatrice japonaise qui a déjà fait une dizaine de longs métrages. Watashi wo kuitomete est sorti en France en juillet 2022 sous le titre de Tempura parce qu’à deux moments l'héroïne prépare des tempuras… Le titre anglais, Hold me back, est lui une traduction littérale du japonais.
Watashi wo kuitomete est original dans son propos et dans sa réalisation. Alors qu’on prévoit une comédie romantique assez classique, le personnage de Mitsuko déjoue les attentes, à la fois satisfaite et insatisfaite de sa situation. Elle est tiraillée entre un désir de rentrer dans la norme, symbolisé par les conseils de « A », et son plaisir à faire des activités seules sans avoir à transiger avec un autre. Loin de lui apporter le bonheur, le début de sa relation avec Tada engendre une grande détresse, et sa meilleure amie lui avoue ne s’être jamais sentie aussi seule que depuis qu’elle est mariée et enceinte. Dans une société japonaise où le célibat est en forte augmentation, il est bon d’avoir un film qui ne dramatise pas ce genre de situation et qui montre qu’on peut même y trouver un confort.


Vivo de Kirk DeMicco & Brandon Jeffords (2021)
Vivo est un kinkajou recueillit par Andrés, un vieux musicien cubain vivant à La Havane. Ils gagnent leur vie en jouant de la musique dans la rue et sont appréciés de tout le voisinage. Un jour, Andrés reçoit une lettre de son ancienne amie, Marta, une chanteuse devenue célèbre aux Etats-Unis. Elle lui demande de la rejoindre pour son dernier concert. Andrés dévoile à Vivo qu’il était amoureux de Marta et qu’il a écrit lors de son départ une chanson qu’il n’a jamais pu lui remettre. Tout ne va cependant pas se passer comme prévu et c’est Vivo qui va devoir délivrer la chanson à Marta.

Après Encanto (2021) il y a quelques mois, c’est le second long métrage d’animation latinisant que je vois dont la bande originale est composée par Lin-Manuel Miranda. Encore plus que dans Encanto, j’ai eu l’impression que la production n’assumait pas jusqu’au bout leur concept : passé le début à Cuba et la fin, la musique ressemble essentiellement à de la pop US moderne très facile, évacuant complètement les sonorités plus exotiques. C’est d’autant plus dommage que le plus gros succès d’Encanto au hit-parade est un des titres les plus latinisés musicalement, We don’t talk about Bruno. Le blocage ne se situe donc pas au niveau du public. A part ça, Vivo est très classique dans son schéma narratif et je trouve que le film décline dès qu’il arrive en Floride. Si le passage dans les Everglades permet de mettre en avant quelques espèces originales, comme les Spatules rosées, la biodiversité présentée reste limitée. Il n’y a pas d’insectes (même pas un moustique), peu de chants d’oiseaux, tout cela a un côté artificiel loin de l’environnement naturel d’un WolfWalkers (2020).
Point qui m’a fortement agacé, ils ont transformé le héros, un kinkajou, en gentil singe. Le kinkajou est apparenté aux coatis et aux ratons-laveurs, il n’a rien à voir avec la famille des primates. Ils le présentent en outre dans Vivo comme une espèce Sud-américaine alors qu’elle remonte jusqu’au Mexique. Elle fait partie des espèces Nord-américaines qui sont descendues en Amérique du Sud lors du Grand échange faunique interaméricain. Il n’y avait pas de carnivores placentaires en Amérique du Sud avant le Grand échange donc tous les carnivores actuels proviennent du continent Nord-Américain à l’origine. Je ne demandais pas une telle précision mais ils auraient pu faire un kinkajou un peu plus ressemblant à l’animal réel.


Skeletons de Nick Whitfield (2010)
Deux hommes déterrent sur demande les squelettes dans les placards des gens. En regardant dans les armoires, ils sont projetés dans les souvenirs les plus secrets des habitants de la maison, puis leur révèlent ce qu’ils ont vu. Fort de leur succès, leur supérieur leur confie une mission plus compliquée : retrouver un homme disparu que sa femme cherche depuis 8 ans.

J’ai récupéré ce film par hasard en me baladant sur un énorme catalogue de titres. Le pitch m’intriguait et je pensais tomber sur une comédie anglaise à l’humour noir. Skeletons ne correspond pas à cette définition, il ne correspond en fait à aucune définition. Il réussit à créer un univers fantastique étrange et cohérent, et à y plonger le spectateur. Les acteur et actrices parlent très vite, on est parfois un peu paumé, mais ce n’est pas grave, ça fonctionne.
C’est le seul long métrage du scénariste réalisateur Nick Whitfield. Il a apparemment écrit Skeletons lors de la veillée funèbre de son père. Le film véhicule en effet une certaine mélancolie, une réflexion sur la perte et la difficulté de passer à autre chose. La musique de Simon Whitfield (le frère du réalisateur) est omniprésente et peut agacer, j’ai trouvé pour ma part qu’elle fonctionnait bien et ajoutait à l’ambiance étrange. Une belle réussite.


Bodies Bodies Bodies de Halina Reijn (2022)
L’introvertie Bee s’est mise en couple depuis quelques semaines avec la riche et extravertie Sophie. Cette dernière l’amène à une fête d’ouragan (= faire la fête dans une maison le soir d’un ouragan) d’un de ses amis. Sophie n’avait pas confirmé sa venue et son arrivée jette un froid. La soirée commence, malgré les nombreuses tensions dans le groupe. Sophie propose alors de faire une partie de Bodies Bodies Bodies, un jeu où les participants doivent découvrir qui est parmi eux le tueur qui les décime.

A24 est un studio de production créé en 2012 et connu notamment pour ses films d’horreur intellos (high-brow horror ou elevated horror en anglais), comme Under the Skin (2014), The Witch (2016), Hereditary (2018), Under the Silver Lake (2019), Midsommar (2019) ou The Lighthouse (2019). Bien qu’utilisant les codes du slasher et des films pour ado, Bodies Bodies Bodies se rapproche de cette horreur intello par sa volonté de déconstruire les codes, de jouer avec les clichés et les idées reçues pour déstabiliser les attentes des spectateurs. Ça m’a fait penser à une version post-moderne de The Slumber Party Massacre (1982) ou de The House on Sorority Row (1982) (que je n’ai pas encore vu mais dont j’ai entendu parler), avec son groupe de jeunes femmes terrées dans une maison et unies contre un tueur mystérieux.
Bodies Bodies Bodies est toutefois un peu trop conscient de lui-même. A force de s’amuser avec des anciens clichés des années 1980-90, il finit par propager ceux des années 2000-2010. A quelques twists près, j’ai eu une grosse impression de déjà-vu en regardant ces jeunes riches américains dont la vanité et l’absence de morale va causer leur perte. Ils sont opposés à l’héroïne pauvre et pure qui a les pieds sur terre. Bien que tout ça soit mis à la sauce 2020 avec les réseaux sociaux et la présence permanente des smartphones, ça reste convenu et bien trop bavard, le dernier quart se perdant dans des tunnels de dialogues inutiles.


Films vus seuls
[Uguisu] de Shirô Toyoda (1938, Nightingale)
Uguisu suit les drames ordinaires se déroulant dans une gare et un poste de police d’une petite ville de province dans le Japon des années 30. Un homme n’a pas suffisamment d’argent pour que ses deux enfants prennent le train avec lui ; un père ruiné veut vendre sa fille à un riche exploiteur de la ville ; une femme exerce le métier de sage-femme sans autorisation… Toutes ces situations sont gérées par les autorités, de façon aussi juste et humaine que possible.

Shirô Toyoda est un réalisateur à tout faire de la Toho, dont la carrière s’étend de 1929 à 1976. Ses longs métrages les plus connus sont des adaptations d’œuvres littéraires. Uguisu, tiré du roman éponyme d’Einosuke Itô, est constitué de scénettes centrées sur les difficultés des pauvres à la campagne. Les personnages principaux ne sont toutefois pas ces pauvres, ce sont les notables qui les aident. Le réalisateur propage un regard paternaliste et moralisateur, avec une idéalisation du rôle des autorités, que ce soit les policiers sévères mais justes, le chef de gare au grand cœur, le professeur dévoué… Je préfère largement les films de la Shôchiku tournés à la même époque, où les pauvres sont souvent les vrais héros.


劍花煙雨江南 [Jian hua yan yu jiang nan] de Lo Wei (1977, Le vengeur)
Les parents de Lei Shao-feng sont assassinés sous ses yeux par la cheffe de la bande des Abeilles tueuses, Ding Can-ren. Après l’avoir blessé gravement, elle le laisse en vie et finit même par le soigner, pour mieux le persécuter par la suite. Une fois remis, Lei Shao-feng part à la recherche de sa compagne, qu’il avait chassé quelques temps plus tôt afin de la protéger des Abeilles tueuses.

Je continue dans mes adaptations des romans de Gu Long. Le vengeur est une production Lo Wei Motion Picture Company, la société du réalisateur Lo Wei. Lo Wei est connu en Occident pour avoir lancé la carrière de Bruce Lee, à l’époque où il travaillait pour la Golden Harvest. Il a également fait connaître Jackie Chan, en essayant d’en faire un nouveau Bruce Lee. Le vengeur fait partie de cette première période de la carrière de Jackie Chan, des films d’action avec un scénario plutôt dramatique où il joue des personnages sérieux.
Je ne suis pas un grand fan de Lo Wei. C’est un réalisateur assez brouillon d’après moi et, sorti de Big Boss (1971) et de La fureur de vaincre (1972) où les faiblesses sont compensées par le charisme de Bruce Lee, ses œuvres ne m’ont jamais laissé une bonne impression. Le vengeur confirme mes vues : le scénario est confus, Jackie Chan est mal dirigé, certaines scènes font tache (genre je vais voir mon bien-aimé en gambadant dans la prairie sur fond de musique sirupeuse) et les retournements scénaristiques sont absurdes. Dans son autobiographie I Am Jackie Chan, Jackie Chan explique (p.212) que Lo Wei lui avait juste dit de tirer la tronche en permanence et que personne, y compris peut-être Lo Wei, ne comprenait l’histoire. A oublier.


Damen i svart d’Arne Mattsson (1958, The Lady in Black)
Un couple de détectives, John et Kajsa Hillman, part en vacances à la campagne chez des amis. La secrétaire de ces derniers a mystérieusement disparu quelques jours plus tôt, la nuit où a été vu le fantôme de la dame en noir. Kajsa décide de mener l’enquête pendant que John préfère pêcher tranquillement.

Ce whodunit suédois a été un succès en Suède à l’époque et a donné lieu à quatre suites entre 1958 et 1963, toutes centrées sur les enquêtes du couple Hillman. Damen i svart est plutôt léger, bavard, avec un rythme assez lent malgré la multitude de meurtres. Le personnage masculin principal est accompagné d’un sidekick lourdaud franchement inutile. Comparé aux longs métrages américains de la même époque, l’originalité vient de l’importance du rôle de Kajsa. C’est elle qui fait avancer l’enquête tandis que le nonchalant John se consacre à ses vacances. Ça reste cependant un film des années 50, donc à la fin c’est John qui a tout compris et arrête le criminel. Damen i svart ne m’a pas emballé et je ne regarderai pas les suites.


秘録怪猫伝 [Hiroku kaibyô-den] de Tokuzô Tanaka (1969, The Haunted Castle)
Un seigneur tyrannique souhaite prendre comme concubine la sœur d’un de ses sujets. Ce dernier refuse, le seigneur le tue en secret puis pousse la sœur au suicide. C’était sans compter sur le chat de la famille, qui va revenir venger tout ce beau monde en possédant le corps des femmes de l’entourage du seigneur.

Le chat a longtemps été mal vu au Japon, perçu comme un animal inutile et parasite. Il est montré comme maléfique dans de nombreuses légendes. Une des plus connues est l’histoire du chat-vampire de Nabeshima, source d’inspiration de nombreuses œuvres, la plus fameuse en Occident étant sans doute Kuroneko de Kaneto Shindô (1968). La plupart des films donnent toutefois un rôle moins négatif au chat, qui d’initiateur du mal devient instrument aveugle de la vengeance.
The Haunted Castle ressemble très fortement au flash-back médiéval de Black Cat Mansion de Nobuo Nakagawa (1958), en moins gore et baroque (Black Cat Mansion ayant lui-même des similitudes avec ses prédécesseurs, comme Legend of Ghost Cat in Nabeshima (1949)). J’avoue avoir préféré la version de Nakagawa et je considère que The Haunted Castle n’apportait pas grand-chose de neuf.


風前の灯 [Fûzen no tomoshibi] de Keisuke Kinoshita (1957, Danger Stalks Near)
Trois jeunes délinquants guettent une maison repérée précédemment. Ils ont entendu dire que le couple était aisé et que la grand-mère cachait de l’argent. Ils attendent le bon moment pour cambrioler mais il y a sans cesse des gens qui vont et viennent. Le couple vient en effet de gagner un appareil photo à une loterie et leurs proches en profitent pour quémander de l’argent. L’épouse doit gérer en outre la belle-mère acariâtre et ses sœurs qui s’incrustent.

On n’est plus habitué de la part de Kinoshita à des drames larmoyants qu’à des comédies désinvoltes. C’est pourtant lui qui a réalisé Carmen revient au pays (1951), premier film japonais en couleur et sympathique comédie musicale avec Hideko Takamine dans le rôle principal. On retrouve Hideko Takamine dans Fûzen no tomoshibi. Elle cabotine gentiment, accompagnée de Keiji Sada. C’est le même casting que dans le plus classique Times of Joy and Sorrow (1957), récit fleuve sur la vie de famille d’un gardien de phare sorti un mois plus tôt et auquel Fûzen no tomoshibi fait un clin d’œil à un moment. Fûzen no tomoshibi est très rythmé et n’est pas désagréable. Néanmoins, le mélange suspens/humour ne marche pas très bien et je suis resté sur ma faim.


The Flight of Dragons de Jules Bass & Arthur Rankin Jr. (1982)
Dans une société médiévale en cours de modernisation, la magie commence à disparaître, remplacée par la technologie. Aragh, un des derniers grands magiciens, réunit ses trois frères afin de construire un ilot de magie sous cloche invisible, qui serait protégé à jamais contre l’évolution du monde. Deux d’entre eux acceptent mais le méchant Ommadon, maître des ténèbres, refuse et menace de prendre le contrôle de la Terre. Aragh décide de réunir un groupe de compagnons pour aller voler la couronne d’Ommadon, source de son pouvoir. Ce groupe est mené par un homme du XXe siècle, Peter Dickenson.

The Flight of Dragons est un téléfilm (d’où l’absence d’une affiche digne de ce nom) de Rankin/Bass, société de production américaine spécialisée dans le dessin animé entre 1962 et 1987. Elle est connue notamment pour Rudolph the Red-Nosed Reindeer (1964), La Dernière Licorne (1982) ou la série TV Cosmocats (1985-1986). La plupart des œuvres, souvent réalisées par les producteurs Jules Bass & Arthur Rankin Jr., ont été faites pour la télévision, ce qui explique la qualité parfois faible de l’animation. Leurs films sont souvent très naïfs, simples voir simplistes, et assez lents. Cela fonctionne bien je trouve dans leurs moyens métrages de fêtes en stop motion de marionnettes, comme Rudolph the Red-Nosed Reindeer, Santa Claus Is Comin' to Town (1970) ou The Easter Bunny Is Comin' to Town (1977). Ça marche beaucoup moins bien dans leurs longs métrages d’animation. The Flight of Dragons est mou et le scénario est une succession de clichés. J‘aurais peut-être aimé si j’avais vu ça enfant dans les années 80, à voir aujourd’hui c’était assez pénible.


ウルフガイ 燃えろ狼男 [Urufu gai: Moero ôkami-otoko] de Kazuhiko Yamaguchi (1975, Wolf Guy)
Un journaliste, Akira Inugami, voit un corps être déchiqueté vivant dans une ruelle alors que personne d’autre n’est présent. Il est emmené par la police, qui le libère bien vite car le médecin légiste estime que le responsable ne peut être qu’un gros animal. Akira décide de mener l’enquête pour comprendre ce qui est arrivé.

Produit à la gloire de Sonny Chiba, Wolf Guy correspond à l’archétype du film d’exploitation des années 70 : violence gratuite, drogue, yakuzas, personnages féminins ne servant qu’à se dénuder et à adorer le héros (les trois seules femmes qui ont une ligne de texte sont toutes amoureuses de Sonny Chiba), un scénario à la va-comme-je-te-pousse… Ça plait sans doute à des Tarantino, moi j’ai passé l’âge.


吸血蛾 [Kyûketsu-ga] de Nobuo Nakagawa (1956, Vampire Moth)
Une styliste réputée, Asaji Fumiyo, reçoit une pomme portant de curieuses marques. Cela semble la bouleverser et elle s’évanouit. A partir de ce moment, ses modèles se font tuer les unes après les autres tandis qu’un maître-chanteur masqué extorque de l’argent à Fumiyo. Un journaliste ami d’un des modèles va mener l’enquête.

Kyûketsu-ga est un objet curieux, qui ne sait pas trop sur quel pied danser. On trouve d’un côté de l’horreur à la Nobuo Nakagawa, avec son tueur déformé, ses meurtres horribles et gratuits et son ambiance étrange. D’un autre côté, c’est tiré d’un livre de Seishi Yokomizo et le détective Kôsuke Kindaichi surgit soudain de nulle part vers la moitié du métrage. C’est toutefois un Kindaichi inhabituel, loin du personnage chevelu excentrique des romans ou des adaptations des années 70 de Kon Ichikawa. Les homicides se succèdent, on perd un peu le fil. Le maître-chanteur est assassiné et on apprend que c’est un personnage qui avait à peine été mentionné auparavant ; le journaliste enquêteur passe complètement au second plan après l’arrivée de Kindaichi ; on ne comprend pas vraiment pourquoi les modèles sont tuées… On a un peu l’impression que Nakagawa a fait ce qu’il voulait lors de la première moitié et qu’il a dû raccrocher les wagons dans la deuxième. Pas le film le plus intéressant de Nakagawa. Ah et aucun rapport avec un quelconque papillon de nuit suceur de sang, le méchant est appelé homme-loup tout du long.


Livres
La fin des temps d’Haruki Murakami (10/18, 2020), 688 p.
La fin des temps narre deux récits à la première personne en parallèle. Dans « Pays des merveilles sans merci », un programmeur de 35 ans est chargé par un vieux professeur de coder ses notes de recherche afin de les protéger des pirateurs, puissante organisation de hackers. Le programmeur se retrouve rapidement au centre d’une machination, dont il va tenter avec peine de s’extirper. Dans « Fin du monde », un homme amnésique est séparé de son ombre et enfermé dans une cité fortifiée. Il est chargé de lire les vieux rêves à partir des cranes des licornes décédées dans l’enceinte de la ville. Peu satisfait de sa situation, il va essayer de récupérer son ombre pour s’échapper.

Je n’avais jamais rien lu de Murakami, je ne le situais pas bien et ça ne me tentait pas plus que ça. C’est la série Haibane renmei qui m’a donné envie de lire La fin des temps, dont elle s’est inspirée. Elle a en fait repris le concept de la cité fortifiée dans laquelle des amnésiques gérés par des gardiens effectuent des tâches limitées sans comprendre vraiment le monde qui les entoure. Elle s’en écarte par contre complètement sur les raisons d’être de cette ville étrange et de ses habitants, et j’ai préféré l’univers de Haibane renmei.
Il y a de bonnes idées dans La fin des temps, surtout dans la partie homonyme. L’autre partie, « Pays des merveilles sans merci » qui occupe les deux-tiers du livre, m’a moins convaincu : les digressions permanentes du narrateur m’ont vite fatigué, et les personnages secondaires, notamment féminins, sont mal exploités. Sans parler de la façon dont la fille de 17 ans un peu grosse est perçue, le narrateur l’appelant la « grassouillette » et la ramenant en permanence à son physique. Certes, personne n’a de nom ou prénom, mais il y avait moyen de faire autrement. L’ouvrage fait presque 700 pages en poche, il aurait gagné à être plus condensé d’après moi, et l’auteur fait un peu trop le petit malin blindé de références. Ça ne m’a pas donné envie de lire d’autres trucs de Murakami.


Le maître des rêves de Roger Zelazny (Presses Pocket, 1981), 160 p.
Charles Render est un façonneur de rêves, une sorte de psychiatre capable de créer des rêves curatifs. Il doit pour cela plonger dans l’esprit de ses clients, expérience non sans risque à la fois pour le médecin et pour le patient, et seules les névroses légères peuvent être soignées. Il est contacté par une brillante psychiatre qui souhaite devenir façonneuse. Elle est aveugle de naissance, handicap a priori insurmontable pour exercer un métier où le praticien imagine des univers visuels dans le cerveau des gens. Elle demande donc au docteur Render de lui faire découvrir la vue à travers des rêves façonnés. Charles Render accepte, malgré les risques que cela comporte.

J’avais payé 6 francs en bouquinerie à l’époque ce court roman de Zelazny, c’était le bon temps. L’idée de base est bonne et Zelazny pose bien son décor. Mais il s’embourbe rapidement dans des digressions, autour notamment de chiens mutants intelligents. Il aurait mieux fait de se concentrer sur son concept, quitte à condenser cela en une nouvelle plutôt qu’un court roman. Dommage.


L’homme sans talent de Yoshiharu Tsuge (ego comme x, 2004), 224 p.
Un homme marié avec un enfant refuse de poursuivre son métier de mangaka dans lequel il a pourtant acquis une petite réputation, estimant son art incompris et défiguré par les contraintes éditoriales. Accumulant les échecs, il installe un stand sauvage au bord d’un fleuve et tente en vain de vendre les cailloux qu’il y a ramassé.

C’est une des dernières œuvres de Yoshiharu Tsuge. A l’inverse des nouvelles publiées par Cornélius, L’homme sans talent est une longue histoire avec une progression scénaristique (dans le sens où les évènements à un instant t tiennent compte de ceux qui précèdent). Alors que je n’avais guère été enthousiasmé par les nouvelles, j’ai bien aimé L’homme sans talent. Le récit véhicule un nihilisme mélancolique et certaines parties sont très réussies, notamment le chapitre sur l’oiseleur. Bien que les personnages féminins soient plutôt négatifs, on est à des kilomètres de la misogynie des nouvelles. La dureté de l’épouse n’est ainsi qu’une conséquence de l’inutilité du héros, incapable de mener à bien un projet ou de reprendre le dessin, seul domaine dans lequel il est un peu doué. J’ai donc été agréablement surpris par ce dernier ouvrage de Tsuge, dont je n’attendais plus grand-chose.
Je note au passage qu’il existe un film de 1991 adapté du livre, Munô no hito, réalisé par l’acteur Naoto Takenaka qui y tient également le rôle principal. J’aime beaucoup cet acteur et je serais très curieux de voir ça, il faut que je regarde s’il y a moyen de le récupérer.


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