samedi 8 avril 2023

Carnet de bord 01/04/2023-07/04/2023



Films vus en compagnie
Adult Life Skills de Rachel Tunnard (2016)
Depuis la mort de son frère jumeau, Anna vit dans la cabane de sa mère dans le jardin. Elle refuse de faire le deuil et de s’ouvrir aux gens autour d’elle, au désespoir de ses proches. Quand Anna ne travaille pas dans un centre de loisirs, elle passe ses journées à ruminer et à élaborer des vidéos amateurs avec ses pouces. On lui confie un jour la garde de Clint, le fils insupportable d'une voisine gravement malade, qui l’oblige à sortir de sa bulle.

Adult Life Skills est une version anglaise du film Sundance, de l’indé au rythme lent avec une surabondance de chansons tristes et paisibles en fond sonore, et des marginaux qui doivent trouver leur place dans la société. C’est lassant à force, le spectateur a compris les enjeux au bout de 20 minutes, il faut une heure de plus à Anna pour aboutir à ce stade. Il y a aussi un moment où la marginalité rigolote et misanthrope atteint ses limites, Anna est fatigante et invivable, j’ai rapidement cessé de me préoccuper de son sort et attendu avec ennui que ça se termine.


3 Women de Robert Altman (1977, Trois femmes)
Pinky est une jeune femme extrêmement timide et réservée, qui débute un emploi d’aide aux personnes âgées dans un spa d’un coin perdu de Californie. Elle se prend d’affection pour une collègue bavarde, Millie Lammoreaux, et s’arrange pour devenir sa colocataire. Sous des apparences de sociabilité, Millie mène en fait une existence solitaire, personne ne l’écoute ou ne prête attention à elle. La présence et l’adoration de Pinky, au départ valorisantes, vont s’avérer étouffantes et sources de tensions, obligeant Millie à confronter ses failles.

L’idée de 3 Women est issue d’une nuit agitée où Robert Altman, revenant chez lui après avoir laissé son épouse gravement malade à l’hôpital, fit une série de rêves étranges où il tournait un long métrage avec trois femmes. Il écrivit un synopsis d’une trentaine de pages et convainquit son producteur de se lancer. Il n’eut jamais de script finalisé, les scènes étaient rédigées la veille et les actrices improvisaient les dialogues. Shelley Duvall écrivit tous ses monologues, le journal intime de Millie et les recettes de cuisine évoquées à l’écran. Le décor joua également une grande importance, Robert Altman se servant de l’environnement et des accidents de tournage pour faire avancer l’intrigue ou caractériser les héroïnes. Par exemple, la robe de Millie qui se coince systématiquement dans la porte de sa voiture est une erreur de Shelley Duvall que Robert Altman a conservé. L’ambiance éthérée est renforcée par la musique atonale de Gerald Busby, qui engendre une étrangeté angoissante, et par des séquences de rêves bizarres et trop longues, que Robert Altman estime à raison ratées.
Robert Altman dit avoir été influencé par Persona (1966) de Bergman et 3 Women a fait couler beaucoup d’encre. A la suite du visionnage, de la lecture de l’interview d’Altman dans le livret du Blu-Ray de l’édition Arrow et compte tenu des conditions de création de l’œuvre, je pense qu’il s’est laissé porter par son concept et par les actrices à partir d’un vague fil conducteur. Il admet lui-même qu’il ne savait pas exactement comment achever son récit et est resté ambigu sur son interprétation. 3 Women nécessite d'accepter ce flou narratif et de regarder évoluer ces trois femmes sans chercher à comprendre. Il constitue le troisième volet d’une trilogie officieuse malaisante autour de la folie de femmes ordinaires, après That Cold Day in the Park (1969), que je n’ai pas encore vu, et Images (1972), qui versait carrément dans l’horreur.


The Bad Guys de Pierre Perifel (2022, Les Bad Guys)
Wolf, Snake, Tarantula, Shark et Piranha forment la bande des Bad Guys, de redoutables voleurs poursuivis par les autorités. Défiés par la nouvelle gouverneure Diane Foxington, ils décident de dérober le trophée du Dauphin d’Or qu’elle doit remettre au professeur Marmelade, un cochon d’Inde philanthrope. Ils se font capturer le soir de la cérémonie et un choix simple leur est donné : soit ils deviennent de gentils citoyens, encouragés par les conseils de Marmelade, soit ils iront en prison.

The Bad Guys est l’adaptation de la bande dessinée australienne éponyme d’Aaron Blabey. C’est une production Dreamworks supervisée par le français Pierre Perifel, dont c’est le premier long métrage. C’est extrêmement convenu scénaristiquement, une parodie d’Ocean Eleven (2011) qui n’était déjà pas un modèle d’originalité, à la sauce Zootopia (2016). Les scènes d’action sont en revanche bien pêchues et il n’y a pas de temps mort, en faisant un divertissement potable oublié sitôt vu.


The British Garden: Life and Death on Your Lawn de Tom Cook (2017)
Dans ce documentaire de la BBC, cinq jardins d’une rue au nord de Londres sont inspectés à la loupe afin de dénombrer toutes les espèces qui y vivent durant les quatre saisons d’une année. De l’espace sauvage non entretenu à la pelouse impeccable, en passant par un jardin floral ou une aire pensée pour les enfants, le naturaliste Chris Packham et des équipes de chercheurs prélèvent des échantillons représentatifs et les analysent pour découvrir quelle est la configuration la plus propice à la biodiversité.

Passé la surprise de la ressemblance vocale entre Chris Packham et Eric Idle, The British Garden: Life and Death on Your Lawn est un agréable documentaire de vulgarisation scientifique destiné au grand public. Si aucun groupe n’est délaissé, une attention particulière est portée aux insectes, qui constituent plus des trois quarts des espèces recensées. Les prises de vue macroscopiques sont impressionnantes et permettent d’entrer dans l’intimité de ces animaux répandus et peu aimés. Les mammifères, les oiseaux et les amphibiens ne sont pas oubliés, chaque saison effectuant un focus sur une classe (il manque les reptiles non aviens mais la Grande-Bretagne n’en est pas bien pourvue). On retrouve les obsessions typiquement anglaises pour les gazons parfaitement tondus et pour le nourrissage des oiseaux, et la forme même de l’espace examiné est propre à la banlieue britannique, avec des jardins accolés séparés par des haies et agrémentés de nombreux arbres.
Compte tenu du format et de la logique de l’étude, chaque espèce est survolée et je n’ai pas appris grand-chose. L’omniprésence de Chris Packham et des familles propriétaires des lieux est probablement nécessaire à l’implication des spectateurs, bien que j’aurais pour ma part préféré un point de vue neutre et extérieur. Les monteurs n’ont pu s’empêcher de mettre de la musique angoissante quand une araignée attaque une abeille, l’anthropomorphisme reste cependant léger. Dernier reproche, la conclusion est simpliste, se focalisant sur le nombre d’espèces au sein de chaque jardin et non sur leur rareté ou sur les interactions entre les sites. Ainsi, la mare de l’un d’eux profite certainement à tous les animaux des environs et le côté sauvage d’un autre pourrait servir de protection temporaire sans forcément être habité en permanence. Nonobstant ces remarques, The British Garden: Life and Death on Your Lawn demeure fort plaisant, et aide le néophyte à réaliser et apprécier la diversité qui l’entoure.


Films vus seuls
バトルヒーター [Batoru hîtâ] de Jôji Iida (1989, Battle Heater)
Hama et Michio ramassent de vieux appareils électriques usagés qu’Hama répare dans son atelier. Michio met la main sur un kotatsu (une table basse japonaise incluant un chauffage intégré et sous laquelle on met ses jambes), qu’il emmène chez lui car son appartement est mal chauffé. En l’installant, il remarque un petit médaillon fixé sur un bord qu’il enlève. Il ignore qu’il sert à sceller l’esprit maléfique du kotatsu, à présent libre de manger les humains de passage.

Oh que c’est stupide. De Jôji Iida, je connaissais juste Rasen (1998), la suite de Ring inspirée des romans de Koji Suzuki et sortie en même temps. Moins impressionnant que le Hideo Nakata, Rasen tomba dans l’oubli et Ring 2 (1999) n’en tint pas compte. Batoru hîtâ marque les débuts sur grand écran de Jôji Iida. La société de production Amuse Productions lui proposa de financer le projet s’il s’associait à un groupe de rock prometteur, Bakufu-Slump, qu’ils souhaitaient promouvoir. Par un heureux hasard, la popularité de Bakufu-Slump explosa avant la diffusion du film, offrant à Batoru hîtâ une visibilité inespérée pour un truc aussi barré et fauché. L’acteur principal est le guitariste Pappara Kawai ; le chanteur star Sunplaza Nakano apparaît dans le rôle d’un moine, que l’on pense important et qui au final ne sert à rien ; les autres membres du groupe incarnent des voisins musiciens violents. La bande originale est composé de plusieurs chansons de Bakufu-Slump.
Jôji Iida s’est amusé à truffer Batoru hîtâ de références, en reprenant des séquences ou des images d’œuvres cultes comme Hellraiser (1987), Blade Runner (1982) ou Terminator (1984). Les noms des personnages sont des jeux de mots parfois aisément compréhensibles, parfois impossibles à capter pour un non nippophone. Par exemple, le héros s’appelle Michio Furuchi pour Lucio Fulci, facile ; ça devient tordu dans le cas de Futoshi Kawabe, un locataire violent, pour qui les kanjis peuvent se lire KaHenTa, soit le Carpenter de John Carpenter.
Batoru hîtâ baigne dans un esprit cartoon et s’inspire de Sam Raimi et de John Landis, avec un côté Henenlotter japonais. Tous les effets spéciaux ont été construits avec les moyens du bord, c’est joyeusement chaotique et débordant d’idées débiles. C’est le genre de machin clivant qu’on peut trouver sympathique ou détester. J’ai pour ma part accroché car Batoru hîtâ respire une honnêteté et un amour du genre et, à l’inverse d’un The Velocipastor (2018), c’est correctement joué, il n’y a pas de temps mort et de mauvais effets spéciaux à l’ancienne sont toujours plus agréables que de mauvaises images de synthèse.


Séries
エクスプローラーウーマン・レイ [Explorer Woman Ray] de Hiroki Hayashi, Haruhisa Okamoto & Masato Sato (1989), 2 OAV
Deux jumelles pré-adolescentes, Mai et Mami, s’échappent d’un train, poursuivies par des gredins qui veulent les attraper. Elles rejoignent un camp archéologique dirigé par Rayna Kizuki dite Ray, une femme à poigne qui continue le travail de recherche de son grand-père décédé. Elles lui remettent un miroir issu de l’ancienne civilisation des Ords, un peuple disparu qui possédait une technologie avancée. Cet artefact est également convoité par Rieg, un concurrent de Ray qui veut récupérer pour son propre compte le trésor et le pouvoir des Ords.

Explorer Woman Ray est tiré d’un manga en deux volumes de Takashi Okazaki, le futur auteur d’Afro Samurai. Les OAV élaborent des histoires inédites autour de Ray, une Indiana Jones japonaise. Le premier volet, supervisé par Hiroki Hayashi, est largement supérieur au second, tant en termes d’animation que de structure narrative. Hiroki Hayashi, qui commence ici sa carrière de réalisateur, s’illustrera sur les OAV de Tenchi Muyo! et cocréera la franchise El-Hazard. A l’inverse, Haruhisa Okamoto et Masato Sato ne perceront jamais. Explorer Woman Ray est centré sur l’action et ne développe pas ses personnages, brossés en quelques traits. Poursuites, bagarres et destructions de monuments constituent l’essentiel des deux épisodes. Si cela donne un certain dynamisme, il eut été bon de développer les enjeux. Alors que j’ai regardé les deux OAV il y a moins d'une semaine, j’ai déjà complètement oublié ce qu’il se passait dans la seconde.


電脳都市OEDO808 [Saibâ shiti Oedo 808] de Yoshiaki Kawajiri (1990-1991, Cyber City Oedo 808), 3 OAV
En l’an 2808 à Oedo, la cyber police propose à trois criminels lourdement condamnés, Sengoku, Gogul et Benten, de devenir flics en échange d’une suspension de leur peine. Porteur d’un collier explosif autour du cou que leur supérieur hiérarchique peut déclencher à tout moment, ils arrêtent les hors-la-loi qui pullulent dans les rues. Au cours de leurs enquêtes, ils devront secourir des otages retenus prisonniers d’un gratte-ciel géant, affronter un cyborg militaire censé remplacer les policiers, et attraper un vampire qui assassine des biogénéticiens.

Yoshiaki Kawajiri est le metteur en scène de plusieurs films d’animation marquants comme La cité interdite (1987), Ninja Scroll (1993) ou Vampire Hunter D: Bloodlust (2000), et a participé à Animatrix (2003). En 1990, il dirige Saibâ shiti Oedo 808, trois OAV originales dans un Tokyo futuriste, Oedo signifiant Oriental Electric Darwinism Oasis et renvoyant en même temps à Edo, ancien nom de Tokyo. Chaque affaire est centrée sur un des trois héros et offre une ambiance différente. Mort Virtuelle renvoie un peu à Die Hard (1988), sorti deux ans auparavant, avec Sengoku en flic nonchalant à la Bruce Willis, mâtiné de Ghost in the Shell (1995) pour sa vision de la cybernétique. Un des Sengoku les plus fameux de l’Histoire japonaise fut Sengoku Hidehisa, un samurai célèbre pour avoir capturé le bandit légendaire Ishikawa Goemon, je ne sais pas si c’est un hommage. Arme Psychique met en vedette Gogul, qui affronte une sorte de Robocop. Virus Mortel, le meilleur volet, se penche sur Benten, un homme androgyne à la coupe de cheveux très kabuki. Il est chargé d’attraper un vampire dans une ambiance fantastique qui préfigure Vampire Hunter D: Bloodlust. Son nom rappelle Benten Kozô, un voleur honorable d’une pièce de kabuki réputée, spécialiste du déguisement et qui s’habillait souvent en femme.
Saibâ shiti Oedo 808 mélange de façon réussie une ultra modernité à la Blade Runner (1982) et une imagerie traditionnelle : les truands devenus flics reçoivent par exemple un jitte, l’arme des dôshins, les policiers de l’époque Edo. C’est devenu une série culte avec le temps, un modèle de cyberpunk utilisé notamment dans un clip du groupe Nero. 30 ans après sa création, son futur est crédible, son dessin et son animation n’ont pas pris une ride et les trois épisodes se suivent agréablement. Le passé des trois héros n’est qu’esquissé brièvement et il est dommage qu’il n’y ait pas eu de suite, si ce n’est un jeu vidéo et trois romans écrits par le scénariste Akinori Endô.


闇の司法官ジャッジ [Yami No Shihosha Judge] de Hiroshi Negishi (1991, Judge), 1 OAV
Hoichiro Ôma est un employé sans ambition d’une grande entreprise japonaise. Ses chefs lui crient dessus et ses collègues le maltraitent, excepté Nanase qui est amoureuse de lui et avec qui il habite. Tout le monde ignore qu’il est en fait un juge des ténèbres, un envoyé de l’au-delà vengeant les victimes de crimes impunis.

Yami No Shihosha Judge présente un syncrétisme assez courant dans l’animation japonaise, mélange d’imagerie bouddhiste et chrétienne avec une couche de fantastique. C’est une transposition de deux chapitres du manga éponyme en deux volumes de Fujihiko Hosono, connu pour ses œuvres humoristiques Gu-Gu Ganmo et L’académie des ninjas. La première affaire permet de poser le cadre et de dévoiler au public le rôle et les pouvoirs du héros. La deuxième fait surgir un opposant de taille, qui aurait pu devenir un méchant récurrent s’il y avait eu une continuation. Cette seconde partie a une structure narrative bancale et sa résolution ne convainc pas. Graphiquement, c’est variable, avec quelques idées visuelles intéressantes gâchées par un manque évident de budget. Cela laisse un sentiment d’inachevé, l’impression d’être tombé sur un concept pas totalement abouti qu’on aurait balancé en vidéo sans se poser de questions.


幽幻怪社 [Yûgen Kaisha] de Morio Asaka, Kôichi Chigira, Takuji Endo & Jun'ichi Sakata (1994-1995, Exorciste S.A.), 4 OAV
Ayaka Kisaragi est la présidente de la société Yûgen Kaisha, spécialisée dans l’élimination des créatures surnaturelles qui menacent les citoyens. Alcoolique, insouciante, elle a du mal à maintenir l’entreprise à flot malgré l’aide d’un flic étourdi et d’un gosse qui gère les comptes. Au long de ses aventures, elle devra affronter un vampire, un médecin possédé par un démon, le fantôme d’un explorateur et une confrérie bouddhiste concurrente.

Yûgen Kaisha a été édité en France en VHS en 1996, peut-être l’avais-je déjà vu à l’époque. Elle n’a pas eu un grand succès dans notre pays, à l’inverse des Etats-Unis où elle a été appréciée des amateurs. Comme souvent dans ces productions composées d’aventures sans lien direct entre elles et confiées à différentes équipes, la qualité est inégale. Les épisodes 1 et 2 proposent une ambiance horrifique soignée, en particulier dans l’hôpital avec le docteur maléfique, et un rythme soutenu. Les 3 et 4 trainent en longueur et ne réussissent pas à créer de tension. Il n’y a aucune progression narrative entre les OAV, les personnages sont ultra clichés et l’humour gentiment convenu. Sans être désagréable, Yûgen Kaisha est une mini-série quelconque qui ne mérite pas de s’extirper de l’oubli dans lequel elle a chu. A noter que le générique d’introduction a été dirigé par Yoshiaki Kawajiri, dont il a été question ci-dessus avec Saibâ shiti Oedo 808.


Livres
Le vagabond de Fritz Leiber (J’ai lu, 1975), 512 p.
Une planète surgit soudainement dans le ciel à côté de la Lune puis se met à la détruire et à en absorber les morceaux. Cela provoque sur Terre des cataclysmes, avec des marées quatre-vingt fois supérieures à la normale, des éruptions volcaniques et des tremblements de terre. Un peu partout dans le monde, des gens tentent de survivre. Un groupe d’amateurs de soucoupes volantes accompagné de l’épouse d’un astronaute et d’un journaliste essayent de rejoindre une des bases du projet Lune, où réside un scientifique prestigieux. En chemin, le journaliste est enlevé par une femme-chat extraterrestre. Pendant ce temps, un spationaute conduit son vaisseau vers la planète inconnue mais perd le contact avec la Terre, les ondes radios étant bloquées par des interférences.

Le vagabond est un livre choral, qui suit en parallèle une douzaine de récits sur plus de 500 pages. Il y a une trame principale, celle des soucoupomanes, deux ou trois intrigues secondaires et plein d’individus accessoires qui servent à donner un aperçu de comment l’humanité réagit à l’irruption d’un nouvel astre. Je n’ai jamais été fan des trucs chorals, quel que soit le support, et Le vagabond me conforte dans mon opinion. C’est beaucoup trop long, il y a trop d’histoires imbriquées dont une majorité sans intérêt, et le changement incessant de point de vue lasse et casse le rythme. Fritz Leiber aurait mieux fait de se concentrer sur deux ou trois groupes et de condenser ça sur 200 pages. Si on ajoute que j’ai trouvé 90% des protagonistes antipathiques ou fatigants, entre les machistes, les racistes et les simplement relous, autant dire que je n’ai pas aimé ce bouquin.


Sous notre atmosphère d’Osamu Tezuka (Editions H, collection « Manga », 2011), 352 p.
Sous notre atmosphère est composé de seize nouvelles publiées dans le magazine Play Comic entre juin 1968 et avril 1970, dans un esprit adulte proche du gekiga à la mode à l’époque. Chaque histoire est autonome et les liens entre elles sont ténus, elles concernent des personnes à qui surviennent des péripéties extraordinaires inspirées de l’actualité, que ce soit la guerre du Vietnam, les luttes étudiantes ou la pollution des mers. Les fins sont généralement tragiques, avec parfois un côté Quatrième dimension.

Tezuka n’a jamais été un auteur de gekiga, appellation qu’il considérait inutile et restrictive. D’après lui, le vieillissement du lectorat engendrait des mangas plus matures et il n’était pas nécessaire d’inventer un terme pour cela. A sa décharge, le gekiga fut créé en réaction aux mangas enfantins dont il était le symbole et le courant s’est construit en partie en opposition à son travail. Bien qu’il rejette le gekiga, dès le milieu des années 60, Tezuka adopte progressivement un ton plus sérieux et il commence à aborder des sujets sombres. La série Sous notre atmosphère lui permet d’expérimenter au niveau technique et narratif, Play Comic lui laissant une totale liberté. Il abandonne son style rond et relâché pour un trait anguleux et des silhouettes longilignes. Les thèmes sont nombreux et préfigurent occasionnellement des écrits futurs comme L’histoire des 3 Adolf ou Black Jack. Sans tomber dans la dimension sociale et psychologique du gekiga, il centre ses récits sur la condition humaine et l’implacabilité du destin, avec une touche de fantastique et une bonne dose de meurtre, de sexe et de femmes nues.
C’est indéniablement bien mené, chaque nouvelle réussissant en une vingtaine de pages à bâtir son univers et à installer ses personnages avant de les faire basculer dans le drame. L’intérêt est toutefois variable et ça s’essouffle d’après moi au fur et à mesure, les premières histoires étant clairement les meilleures. C’est malgré tout plaisant et Sous notre atmosphère constitue une parfaite entrée en la matière pour quiconque souhaite avoir un aperçu de la face obscure de Tezuka. A noter l’excellente postface du traducteur Xavier Hébert, qui contextualise impeccablement la place qu’occupe ce recueil dans l’œuvre de Tezuka.


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