samedi 22 avril 2023

Carnet de bord 15/04/2023-21/04/2023



Films vus en compagnie
Barbarian de Zach Cregger (2022, Barbare)
A la veille d’un entretien d’embauche, Tess a loué un AirBnB dans un quartier malfamé de Détroit. Il fait froid, il pleut et la nuit est déjà tombée lorsqu’elle se gare devant la maison. A sa grande surprise, la clé n’est plus à l’emplacement prévu et le logement est occupé. Un homme, Keith, lui ouvre et lui explique qu’il a également réservé via un autre site de location. Réticente, Tess accepte en définitive de prendre la chambre pendant que Keith s’installe sur le canapé. A-t-elle raison de rester, alors que son instinct l'inciterait à partir ?

Barbarian est initialement un exercice d’écriture. A la suite de la lecture du livre La peur qui vous sauve de Gavin de Becker, Zach Cregger rédigea une conversation dans laquelle une femme ignorait tous les signaux d’alerte qui s’accumulaient. Appréciant le résultat, il développa sa trame et en fit un long métrage. J’avais lu de bonnes critiques de Barbarian mais j’étais méfiant, je savais qu’il y avait un virage narratif important et je redoutais une deuxième partie ratée. Elle est effectivement inférieure à la première, moins subtile et tendue, avec un humour noir porté par le détestable personnage joué par Justin Long et un final grand-guignolesque. Je l’ai cependant trouvée distrayante, Zach Cregger exploitant son concept jusqu’au bout sans sortir de son chapeau une rédemption de dernière minute. Point appréciable, les effets spéciaux ont été majoritairement créés manuellement, minimisant les images de synthèse. Barbarian est donc un plaisant film d’horreur à l’ancienne, simple et rondement mené.


دونده [Davandeh] d’Amir Naderi (1984, Le coureur)
Amiro est un jeune orphelin, qui survit de petits boulots dans une ville portuaire et rêve de s’enfuir un jour au loin dans un bateau ou un avion. Il fouille dans la décharge pour se procurer des objets à revendre, ramasse des bouteilles en verre à recycler, vend de l’eau fraiche ou cire des chaussures. A chaque fois qu’il commence à se débrouiller, un problème surgit et il doit changer d’occupation. Il ne se laisse toutefois pas abattre, se lançant avec rage dans de nouvelles activités.

Après la révolution islamique de 1979, le cinéma iranien disparut des radars occidentaux. Sélectionné à Nantes, Venise et Locarno, Davandeh permit de rappeler l’existence de ce pays aux souvenirs des festivaliers et des critiques. Amir Naderi est un représentant de la deuxième nouvelle vague iranienne, après celle des années 60. A cause d’ennuis avec la censure, il s’expatria aux Etats-Unis en 1990 et son œuvre est assez confidentielle. Davandeh pourrait être défini comme du néo-réalisme stylisé : par son thème centré sur les conditions de vie des enfants pauvres, le tournage dans la rue et la focalisation quasi-documentaire sur le quotidien d’Amiro, on se rapproche du néo-réalisme ; dans le même temps, l’image et le son sont travaillés, les plans et cadrages sont étudiées pour créer un beau rendu lyrique. La ville est un mélange de plusieurs lieux éloignés en Iran et, en observant la coupe de cheveux d’Amiro, on voit que les scènes ont été prises à différents moments, ce n’est pas uniquement l’observation d’une réalité.
Davandeh est en partie autobiographique, Amir Naderi est issu d’un milieu modeste et est devenu orphelin à 5 ans. Il a par contre remplacé sa passion du cinéma par une fascination des avions chez Amiro. Le récit est basique, on suit la façon dont Amiro refuse de courber l’échine devant la société qui l’écrase, devant les adultes qui le maltraitent ou les étrangers qui le méprisent. Si Davandeh avait tout pour me plaire sur le papier, j’ai eu beaucoup de mal avec le jeune acteur qui incarne Amiro, perpétuellement en train de crier, de remuer, un côté hyperactif qui m’a fatigué. C’est sans doute volontaire de la part d’Amir Naderi, ça m’a néanmoins sorti de l’histoire à la longue. C’est un reproche personnel et Davandeh mérite d’être vu pour se faire sa propre opinion.


Sing 2 de Garth Jennings & Christophe Lourdelet (2021, Tous en scène 2)
Alors que le spectacle de Buster Moon cartonne dans son théâtre à Calatonia, la découvreuse de talents Suki Lane estime que la troupe n’a pas le niveau pour se présenter devant le fameux producteur Jimmy Crystal. Buster Moon ne l’entend pas de cette oreille et s’arrange pour passer l’audition. S’appuyant sur un pitch stupide de Gunter, il affirme qu’il peut monter une comédie musicale de science-fiction avec le concours de Clay Calloway, artiste mythique reclus depuis la mort de son épouse 15 ans auparavant. Enchanté, Jimmy Cristal donne son feu vert. La difficulté est que Buster Moon n’a jamais rencontré Clay Calloway et que pas la moindre ligne de ce qu’il a vendu n’est écrite.

Doté d’une réputation flatteuse, j’avais été déçu par Sing (2016), convenu et dégoulinant de bons sentiments faciles typiques d’une certaine comédie hollywoodienne. Le déroulement était ultra-classique, avec ses outsiders qui révèlent leurs talents malgré les épreuves et finissent par prouver leur valeur. Ce second épisode n’innove pas davantage, le show monté dans l’adversité était déjà un poncif au début du parlant. On a l’impression que les scénaristes ont pioché dans un stock de clichés et qu’ils les ont accolés. Même si c’est plus pêchu que le 1, je préfère encore revoir un Warner des années 30 du style 42nd Street (1933). A noter que je ne connaissais pas la plupart des chansons de Sing 2 (heureusement qu’il y a un peu de U2 qui traine), ce qui n’a pas aidé.


Dark Night of the Scarecrow de Frank De Felitta (1981, Les fleurs de sang)
Dans une ville rurale du sud des Etats-Unis, Bubba, un simple d’esprit, est poursuivi par une poignée d’hommes haineux. Ils pensent qu’il a tué une petite fille, en réalité sauvée par Bubba des crocs d’un chien. Il se cache dans un champ, déguisé en épouvantail, mais la bande le retrouve et le crible de balles. Au terme d’un procès bâclé et devant un district attorney dépité, les criminels sont innocentés sous couvert de légitime défense et reprennent leur vie paisible. Un matin, l’un des accusés remarque dans sa plantation un épouvantail similaire à celui dans lequel s’était dissimulé Bubba. La nuit suivante, il décède en tombant dans sa machine à broyer les branches. Accident ? Vengeance de la mère de Bubba ou du district attorney ? Ou châtiment par le fantôme de Bubba revenu d’entre les morts ?

Initialement pensé pour une sortie en salles, le projet de Dark Night of the Scarecrow fut racheté par CBS et diffusé à la télévision en octobre 1981. Tourné en 17 jours en Californie, l’action est censée se passer au Texas et le scénariste J.D. Feigelson y fit un voyage express pour enregistrer le son des cigales, jugeant que le chant des grillons californiens était trop joyeux. L’écrivain d’horreur Frank De Felitta, auteur d’Audrey Rose et de The Entity, est à la direction, son expérience dans ce domaine se résumant à une poignée de téléfilms et à un unique long métrage peu réputé. Il fait ici un bon travail, instaurant un climat de tension croissante, avec des séquences nocturnes parfaitement photographiées. Charles Durning, un second couteau antipathique aperçu dans des dizaines de titres des années 70 à 2000, est absolument odieux en tant que leader du groupe des lyncheurs. La fillette, Tonya Crowe qui n’a guère percée par la suite, est convaincante, et c’est une des ultimes apparitions de Jocelyn Brando, la sœur de Marlon, dans le rôle de la mère de Bubba. Dark Night of the Scarecrow bénéficie aux Etats-Unis d’une aura culte méritée. Les grincheux l’estimeront mou ou bavard car il prend son temps pour poser une ambiance et joue sur l’atmosphère davantage que sur les effets sanglants. J’ai pour ma part accroché, j’aurais juste préféré qu’ils tiennent le fantastique jusqu’au bout en conservant le mystère sur l’identité du/de la/des vengeur(s)/vengeresse(s).


Films vus seuls
地獄新娘 [Di yu xin niang] de Chi Hsin (1965, The Bride Who Returned from Hell)
Pendant que Yi-Ming attend sa femme Sui-Han pour se rendre à un anniversaire, il est contacté par la police car le sac de son épouse a été repêché près du corps noyé d’un cousin de Yi-Ming. Ce dernier était apparemment amoureux de Sui-Han, ils se sont probablement enfuis ensemble et leur bateau a dû couler. Dégoûté et ne supportant plus sa petite fille qui lui rappelle trop Sui-Han, Yi-Ming engage une gouvernante pour s’en occuper. C’est en fait la sœur de Sui-Han, Sui-Min, à qui elle ressemble étrangement. Elle ne croit pas aux conclusions de l’enquête et veut comprendre ce qui est réellement arrivé.

L’intéressante conférence de Wafa Ghermani sur le cinéma taïwanais de (mauvais) genre indique que le cinéma taïwanais dans les années 60 comportait deux tendances. D’un côté, l’officiel en mandarin dit du réalisme sain, qui montrait des gens heureux dans un pays en phase de modernisation. De l’autre, le populaire en taïwanais, fauché, naturaliste par moments, chaotique et occasionnellement transgressif. Ses représentants étaient en général mis en boîte en deux semaines, en une seule prise car la pellicule coûtait cher. Les acteur·ice·s devaient amener leurs costumes et leur maquillage, et participaient parfois à plusieurs tournages simultanément. Cela donnait des résultats d’une qualité variable. Considérés comme des produits de consommation, ils ont été très mal conservés. Le Taiwan Film and Audiovisual Institute en a restauré un certain nombre, dont The Bride Who Returned from Hell.
Hsin Chi est un artiste éclectique venu du théâtre et ayant une quinzaine de réalisations à son actif quand il s’attaque à The Bride Who Returned from Hell. Pour se démarquer des thèmes habituels du cinéma en taïwanais, il s’inspire de Mistress of Mellyn de Victoria Holt (pseudonyme de l’autrice Eleanor Alice Burford), un roman gothique anglais tardif de 1960 qui lorgne du côté de Jane Eyre et de Rebecca. Niveau genre, c’est le bazar. Outre le mélodrame inquiétant, il y a de la comédie, des chansons, un passage fantastique, de la romance, un cadavre horrifique et une tentative ratée de suspens plombé par une utilisation saugrenue du leitmotiv de James Bond en fond sonore. L’actrice principale, Chin Mei, était une chanteuse à la mode et les deux interprètes masculins importants, Ou Wei et Ko Chun-Hsiung, seront subséquemment récupérés par le cinéma en mandarin pour jouer les bad guys.
Bien que The Bride Who Returned from Hell pompe allègrement en introduction la musique de Vertigo, il ne faut pas s’attendre à du Hitchcock, l’intrigue est versatile et on a l’impression que Sui-Min oublie en cours de route pourquoi elle est venue. L’essentiel se déroule en plein jour, c’est dommage car les rares scènes de nuit ont une belle photographie et une ambiance oppressante. L’ajout d’une fillette creepy apporte une touche d’étrangeté bienvenue. De façon amusante, ce n’était pas dans le script d’origine, Chi Hsin a été obligé de caser l’enfant du producteur et a fait ce qu’il a pu. Sans être réussi, The Bride Who Returned from Hell est une curiosité qui comprend quelques bonnes idées et aurait gagné à être condensé en 1h30 au lieu de 2h.


雲がちぎれる時 [Kumo ga chigireru toki] de Heinosuke Gosho (1961, As the Clouds Scatter)
Yoshimi Misaki est conducteur de bus entre Tosashimizu et Nakamura dans le sud de l’île de Shikoku. C’est un trajet périlleux, avec une route de montagne étroite et des virages serrés. Il effectue régulièrement le parcours en compagnie de la contrôleuse Kaeko, avec qui il a prévu de se marier. Un soir en revenant à Tosashimizu, il entraperçoit une passagère qu’il connaît, Ichie Tanimoto, une amie d’enfance qu’il avait perdu de vue depuis longtemps. Il se souvient des jours heureux et on apprend comment l’existence d’Ichie fut bouleversée durant l’après-guerre.

Kumo ga chigireru toki est tiré d’un roman de Torahiko Tamiya, écrivain au summum de sa popularité dans les années 50 qui, d’après Tadao Satô, dépeignait des héros sombres et honnêtes essayant de vivre dans une société qui les oppresse. Ibo kyôdai de Miyoji Ieki (1957), adaptation d’une des œuvres les plus réputées de Torahiko Tamiya, offrait une critique pertinente bien qu’un peu forcée de la société japonaise traditionnelle. J’étais curieux de voir Kumo ga chigireru toki, titre obscur qui n’a pas de fiche wikipedia japonaise. J’apprécie généralement le travail de Heinosuke Gosho, qui a débuté sa carrière au temps du muet et a été un fidèle de la Shôchiku. C’est un des spécialistes du shôshimin-eiga, des drames du petit peuple auxquels on pourrait sans trop de difficultés associer Kumo ga chigireru toki. En 1961, une telle approche était un anachronisme et Kumo ga chigireru toki ne semble pas avoir eu de succès.
Alors que Heinosuke Gosho fait d’habitude preuve de retenue, il tombe ici dans un mélodrame conventionnel sur une femme brisée et salie, qui refuse d’entraîner dans sa chute son amour de jeunesse. Il y a un joli casting avec Keiji Sada en Yoshimi, Ineko Arima (vue chez Ozu et Masaki Kobayashi) en Ichie, une toute jeune Chieko Baishô en Kaeko, le toujours convaincant Yûnosuke Itô en mentor de Yoshimi et une apparition de Tatsuya Nakadai. Ça ne suffit pas à sauver ce Kumo ga chigireru toki, plan plan et à la fin prévisible et inutilement tragique.


大俠梅花鹿 [Da xia mei hua lu] de Ying Chang (1961, The Fantasy of Deer Warrior)
Dans une forêt paisible, une bande de loups surgit et décime un groupe d’animaux. Sur ordre de cerf sika senior, un oiseau part alerter cerf sika junior. Il est en train de se battre avec l’élan pour les beaux yeux de la biche, malgré les protestations du bouc qui veille à l’harmonie. Aussitôt prévenu, le cerf sika se lance à la recherche des loups. La perfide renarde en profite pour attiser la haine de l’élan et le pousser à prendre la biche par la force.

Da xia mei hua lu est un étrange objet cinématographique, avec ses interprètes en costumes d’animaux et au visage visible qui évoquent un mauvais cosplay. Censé être une œuvre pour enfants, il est bourré d’allusions sexuelles et de violence, et je serais curieux de savoir quel public l’a réellement vu en salles à l’époque. Son metteur en scène, Ying Chang, est au départ un bon soldat, dans tous les sens du terme. Après être passé par le théâtre de l’armée nationaliste chinoise, il est envoyé à Taïwan pour tourner des extérieurs et se retrouve bloqué sur l’île avec l’arrivée des communistes à Shanghai. En 1958, il intègre le China Film Group, le studio phare du réalisme sain. Suspendu consécutivement à un incendie, il se met à diriger des longs métrages en taïwanais, à l’image de ce bizarre Da xia mei hua lu.
A l’instar de tous les films en taïwanais, Da xia mei hua lu est fauché. Il a été achevé en un mois (ce qui est supérieur à la moyenne située autour de 10-15 jours) dans les montagnes du district de Beitou près de Taipei durant la saison des pluies, obligeant l’équipe à se lever tôt pour profiter du soleil matinal. Chaque comédien·ne n’avait qu’un seul costume, qu’iel devait laver et faire sécher quotidiennement. Le rôle principal du cerf sika est tenu par Yun Ling, qui jouera dans des grosses productions de la Shaw Brothers, notamment celles de Yuen Chor. Scénaristiquement, à l’image de L’invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel (1956), Da xia mei hua lu peut se lire à la fois comme de l’anticommunisme, avec les loups rouges envahissant la paisible Taïwan, ou comme une critique du gouvernement nationaliste, les loups symbolisant le KMT venu de Chine et troublant la tranquillité des natifs (le cerf sika de Taïwan étant une sous-espèce endémique). Ying Chang ajoute à cela deux fables d’Esope (Le lièvre et la tortue et L’enfant qui criait au loup) et un conte chinois (Le loup de Zhongshan). Musicalement, il mélange des chansons façon opéra chinois à de la musique classique occidentale, Les planètes de Holst et L’apprenti sorcier de Dukas.
Da xia mei hua lu a été mal conservé et, en dépit d’une belle restauration, des morceaux ont été perdus. Il y a donc quelques ellipses, qui n’empêchent pas la compréhension. Ce n’est franchement pas féministe, les deux femelles importantes étant semeuses de trouble : la renarde ment et trahit ; la biche, en refusant de choisir entre le cerf sika et l’élan, attise les tensions, puis secourt le loup. Le côté délirant de l’entreprise permet de pardonner les défauts et je ne regrette pas d’avoir regardé ce truc.


名探偵コナン 工藤新一への挑戦状 [Meitantei Conan: Kudo Shinichi he no chosenjo] de Koichi Okamoto (2006, Detective Conan: Kudo Shinichi's Written Challenge)
Shinichi Kudo reçoit une lettre de défi l’avertissant que, durant le voyage scolaire du lendemain, un(e) élève de sa classe sera enlevé(e) sur le bateau traversant le lac Ashi. Malgré une vigilance de tous les instants, la prédiction se réalise et Sonoko disparaît. Tandis qu’il essaye en vain de découvrir des indices, Shinichi reçoit un appel le prévenant qu’un(e) deuxième camarade sera kidnappé(e) à midi.

Kudo Shinichi he no chosenjo est un téléfilm en prises de vue réelles diffusé sur Yomiuri TV et Nippon TV pour fêter les 10 ans de la série animée Détective Conan. Il se situe avant le rajeunissement de Shinichi, au moment où il est un lycéen populaire qui aide la police. Doté d’un budget restreint, il est dirigé par le novice Koichi Okamoto et est pourvu d’un casting à l’économie, les rôles principaux étant tenus par des habitués du petit écran sans charisme. C’est mal monté, mal interprété et le célèbre thème musical est mal utilisé. Je ne sais pas si je verrai les trois autres téléfilms sortis par la suite. Le second est l’œuvre de la même équipe, je n’en attends rien. Les troisième et quatrième mettent en vedette un nouveau duo Shinichi/Ran et n’ont pas Koichi Okamoto aux manettes, ce sera peut-être moins nul.


Moira possède un pouvoir de précognition, qui est étudié dans une station spatiale de recherche scientifique spécialisée dans la perception extrasensorielle. Après qu'elle ait eu une vision montrant les trois membres de l’équipage se faire massacrer, un vaisseau à la dérive émettant un signal de détresse les évite de justesse. En allant le visiter, ils constatent qu’il ne reste qu’un unique survivant blessé, Buzz, et le corps d’un extraterrestre. Ils les ramènent avec eux mais le médecin de bord les oblige à rejeter l’alien dans l’espace. Trop tard, une mystérieuse entité se met à les décimer.

Roots Search est un sous Alien (1979) de piètre qualité, offrant une piteuse animation, des dessins moches et une bande son irritante. Narrativement, ça ne tient pas debout, diverses idées s’imbriquent imparfaitement et des scènes stupides s’enchaînent, Moira ayant par exemple une vision d’elle et de Buzz gambadant nus dans l’herbe. Les responsables de cette OAV n’ont pas eu beaucoup d’occasion de récidiver, c’est la seule réalisation de Hisashi Sugai et, excepté le directeur de l’animation Hiroshi Negishi, la plupart des membres de l’équipe technique n’ont pas eu de grande carrière. A oublier au plus vite.


[Ana] de Kon Ichikawa (1957, The Hole)
Nagako Kita est journaliste. En raison d’un article dénonçant la corruption dans la police, elle s’est faite licenciée et cherche du boulot. Une amie lui suggère de faire un reportage sur les gens qui disparaissent sans laisser de traces. Nagako propose à un magazine de se mettre pendant un mois dans la peau d’une de ses personnes puis de documenter son aventure. Afin de faire de la publicité, le magazine propose une prime de 500 000 yens à quiconque sera capable de la retrouver durant ce laps de temps. Pour couvrir ses dépenses, Nagako demande un prêt à la banque. Le responsable de l’agence y voit l’opportunité qu’il attendait pour dérober des fonds.

A l’image de Pû-san (1953), Ana est une comédie de Kon Ichikawa écrite avec sa femme Natto Wada. Il détourne ici les clichés du film policier en forçant une reportrice au chômage à s’innocenter elle-même, ne pouvant faire confiance à une police inefficace ou à un détective débutant. Machiko Kyô est excellente en héroïne pugnace et désenchantée, c’est vraiment une actrice polyvalente capable de passer sans problème d’un genre à l’autre. Kon Ichikawa s’amuse à dénaturer son image glamour en l’affublant de vêtements informes et d’une coupe de cheveux approximative, sauf quand elle se déguise. Le rythme est soutenu, on ne s’ennuie pas et l’humour assez noir fonctionne globalement bien. Le mélange comédie et enquête est correctement dosé et rend Ana probablement plus abordable que nombre de comédies de cette période.
A noter que Kon Ichikawa aborde la question de ce que l’on n’appelle pas encore au Japon les Jôhatsu, ce phénomène de société désignant l’évaporation d’individus. Le sujet prendra de l’importance dans les années 60 et Shôhei Imamura en fera le thème de L’évaporation de l’homme en 1967.


三鳳震武林 [San feng zhen wu lin] de Hung-Min Chen (1968, Vengeance of the Phoenix Sisters)
L’ancien magistrat Yang Dun est tué sauvagement par trois prisonniers évadés qu’il avait jugé dans le passé. Les assassins massacrent au passage son épouse et ses serviteurs. Les trois filles de Yang leur échappent et elles sont séparées durant la fuite. 15 ans après, entraînée par le frère juré de son père, l’aînée Xiufeng est devenue experte en arts martiaux. Déguisée en homme, elle part à la recherche de ses sœurs avec lesquelles elle souhaite venger ses parents.

Hung-Min Chen était initialement monteur pour la Central Motion Picture Corporation, studio gouvernemental taïwanais. Bien que spécialisé dans le cinéma en mandarin, la Central Motion Picture Corporation possédait le meilleur équipement de l’île et on lui envoyait également les longs métrages en taïwanais pour la post-production. C’est dans ce cadre que Hung-Min Chen devint familier avec ce cinéma. En 1963, il fut envoyé au Japon, à la Toho et à la Toei, pour se perfectionner. A son retour, il travailla avec King Hu sur le montage de Dragon Inn (1967) et on lui confia sa première réalisation avec Vengeance of the Phoenix Sisters. Comme toujours avec le cinéma en taïwanais, le budget était modeste et Hung-Min Chen improvisa, il dut par exemple éclairer les scènes de nuit à la lumière de phares de voitures. Il dirigea par la suite une vingtaine de titres et en monta une centaine.
Scénaristiquement, l’influence de King Hu se ressent dans Vengeance of the Phoenix Sisters, et Hung-Min Chen reprend sans se gêner la séquence de l’empoisonnement de Dragon Inn quasi à l’identique. Il utilise des thématiques classiques du wuxia, notamment la vengeance familiale, la femme habillée en homme et un fort manichéisme. Pour la sœur aînée Xiufeng, il prend Yang Lihua, actrice qui venait de l’opéra gezaixi et avait construit sa célébrité en jouant des rôles masculins. Il s’inspire en sus du western spaghetti, avec des plans et un découpage parfois Leonien, un abus de gros plans et des morceaux de la bande originale de Pour une poignée de dollars (1964) qui se baladent de-ci de-là.
On est qualitativement en dessous de ce qui se faisait au même moment à la Shaw Brothers, Hung-Min Chen disposa d’un budget très inférieur et d’une équipe moins expérimentée. Compte tenu des conditions de tournage, il y a fort à parier qu'il dut souvent se contenter de prises imparfaites. Outre sa formation, cela peut expliquer le surdécoupage occasionnellement pénible, qui génère du dynamisme aux dépends de la lisibilité. Avoir des héroïnes fortes était classique dans le monde chinois à cette époque, c’est ici poussé au maximum avec l’absence totale de protagoniste masculin positif majeur. Vengeance of the Phoenix Sisters vaut le coup d’œil pour les amateurs de wuxia en quête de nouveauté, les novices feront mieux de regarder du côté des classiques hongkongais du genre.


Livres
Les langages de Pao de Jack Vance (Denoël, collection « Présence du futur », 1965), 224 p.
La planète Pao abrite 15 milliards d’êtres humains gouvernés par un autocrate tout puissant, le Panarque. Ils parlent tous la même langue et présentent une grande homogénéité physique et morale. C’est un peuple pauvre, sans passion ni envie, masse passive attachée aux traditions et allergique aux changements. Les seuls bouleversements se déroulent en haut lieu, avec de ponctuels coups d’Etat. L’assassinat du Panarque Aiello par son frère n’est donc pas une première. L’enlèvement de Béran, le fils d’Aiello, par le sorcier Palafox de la planète Breakness, est en revanche inédit. Palafox veut se servir de l’enfant pour un plan à long terme, il veut révolutionner la société de Pao en introduisant différentes langues, les langues structurant d’après lui les comportements.

Jack Vance sait construire des univers captivants peuplés d’individus étranges et hauts en couleur, dans de courts romans agréables à lire. C’est encore le cas avec Les langages de Pao, qu’il articule autour de deux idées fortes : la manière dont les langues façonnent le caractère et l’obsession de l’immortalité par la transmission génétique. Malheureusement, le héros Béran est fade, on ne s’attache jamais à lui et ses changements de points de vue paraissent artificiels. Les méchants manquent par ailleurs de finesse et de relief, Jack Vance se concentrant surtout sur ses concepts aux dépens de ses personnages. C’est dommage, il y avait du potentiel et Les langages de Pao demeure plaisant malgré ses nombreux défauts.


Taiwan cinema / Le cinéma taiwanais dirigé par Corrado Neri & Kirstie Gormley (Asiexpo, collection « Asian Connection », 2009), 256 p.
Ce recueil collectif consacré au cinéma taïwanais compte quatorze articles disponibles en français puis en anglais. Il n’y a pas vraiment de fil conducteur, si ce n’est une surreprésentation du nouveau cinéma taïwanais et des réalisateurs phares Hou Hsiao-hsien, Edward Yang et Tsai Ming-liang. Après trois papiers introductifs s’interrogeant sur ce qu’est le cinéma taïwanais et survolant son histoire, le livre alterne entre analyses thématiques (la représentation de la montagne, de l’errance, de l’homosexualité ou des aborigènes) et focalisation sur un metteur en scène (Hou Hsiao-hsien et Tsai Ming-liang) ou un genre (documentaire ou nouveau cinéma). Un DVD est également inclus.
Avant la parution en 2019 de Le cinéma taiwanais – Son histoire, ses réalisateurs et leurs films par Matthieu Kolatte, Taiwan cinema / Le cinéma taiwanais était peut-être le seul ouvrage en français sur le sujet. Dans cette perspective, il offrait une approche générale utile d’un cinéma méconnu. Il contient toutefois des défauts :
• Aucun article ne comporte plus de 15 pages, chacun étant rédigé par un expert sur un domaine spécifique. Difficile dans ces conditions d’approfondir quoi que ce soit.
• Peu de chapitres sont consacrés à la situation avant 1982. Environ 500 films en mandarin et entre 900 et 1100 en taïwanais ont pourtant été produits dans les années 60 et 70. C’est tout un pan de la culture, à une période où le grand écran avait une influence bien supérieure à aujourd'hui. Ce cinéma a en outre nourri la jeunesse des maîtres de la nouvelle vague et leur ont permis de faire leurs premières armes.
• Rien ne précise si le texte d’origine a été écrit en anglais ou en français. Je préfère lire la VO et j’ai dû prendre la version qui me paraissait logique en fonction du parcours de l’auteur·ice.
Il y a des analyses enrichissantes et cela m’a donné envie de récupérer pas mal de choses, ma connaissance du cinéma taïwanais étant très parcellaire. Je pense cependant que le récent livre de Matthieu Kolatte sera plus instructif, la partie de Matthieu Kolatte dans Taiwan cinema / Le cinéma taiwanais étant déjà une de celles que j’ai préférée car proposant une perspective historique et revenant sur de vieux titres.

Quelques mots sur le DVD. Il est composé de neuf reportages effectués à Taïwan en 2009 par Jean-Pierre Gimenez, le président de l’association Asiexpo, éditrice du présent ouvrage et organisatrice de 1995 à 2009 du festival Cinémas et Cultures d'Asie à Lyon. Ce sont essentiellement des entretiens avec des figures du cinéma taïwanais contemporain :
• Le directeur des programmes du cinéma d’arts et essai Spot, une des seules salles d’arts et essai de Taïwan qui occupe les locaux de la Taipei Film House ;
• La directrice marketing et le rédacteur en chef du magazine de cinéma I Look Movie Magazine, le leader du marché à Taïwan, une sorte de Première ;
• Le directeur du Chinese Taipei Film Archive, les archives nationales du film taïwanaises ;
• La présidente de la Taipei National University of Arts, une des deux universités importantes dans le domaine du cinéma. Elle est accompagnée d’un enseignant, d’un producteur, d’un réalisateur et d’une réalisatrice.
• La jeune réalisatrice Singing Chen, qui venait à l’époque de sortir son premier long métrage, God Man Dog (2007) ;
• La responsable de la rubrique Spectacles et le rédacteur en chef adjoint du Taipei Times, un quotidien taïwanais en langue anglaise ;
• Le président de la National Taiwan University of Arts, l’autre université importante dans le domaine du cinéma, accompagné d’une professeure ;
• Des spectateurs taïwanais à la sortie des salles, à qui Jean-Pierre Gimenez demande leur avis sur le cinéma taïwanais et sur leurs habitudes cinéphiles.

Je passe rapidement sur les aspects techniques : le menu du DVD est moche et la navigation est incommode ; les reportages sont mal montés, tournés à la va-vite et cadrés à la va-comme-je-te-pousse, et l’anglais de Jean-Pierre Gimenez est approximatif ; il n’y a aucune contextualisation expliquant qui sont les gens interviewées et ce qu’incarnent leurs institutions ; j’ai noté des boulettes dans les sous-titres français.
Sur le fond en revanche, c’est un parfait complément du livre, les entretiens fournissent un panorama assez complet de la situation du cinéma à Taïwan en 2009, les interlocuteurs parlent sans langue de bois et on a l’impression en éjectant le DVD de comprendre pourquoi le cinéma taïwanais est dans cet état. Je pense qu’il est d’ailleurs préférable de voir le DVD avant de lire Taiwan cinema / Le cinéma taiwanais, une conscience préalable de la conjoncture peut sans doute aider à mieux appréhender certains articles.

Revues
Mad Movies n°370 – Avril 2023
Côté actualités, si Evil Dead Rise (2023) n’a pas l’air exceptionnel, l’entretien avec le responsable des effets spéciaux est intéressant. C’est amusant d’apprendre comment ils ont fait pour générer des tonnes de faux sang ou pour faire jaillir des litres de vomi de la bouche d’une des actrices. Toujours dans le domaine des trucages, la description du travail effectué sur Mad God de Phil Tippett (2021), maître de la stop-motion ayant notamment œuvré sur Robocop (1987), Willow (1988), Jurassic Park (1993) ou Starship Troopers (1997) est passionnante. Mad God a l’air d’être une prouesse technique et visuelle et je serai curieux de le voir. Ça semble manquer d’un vrai scénario et je ne vais probablement pas accrocher mais ça mérite le coup d’œil.
L’interview carrière de Bob Murawski, le monteur de Sam Raimi, m’a apporté un éclairage inhabituel sur les films de Raimi et sur Chasse à l’homme (1993) de John Woo, malheureusement torpillé par les producteurs et par Jean-Claude Van Damme lui-même, qui craignait d’être éclipsé par le reste du casting.

Niveau sorties, Scream VI est nase comme attendu, et rien n’a attisé ma curiosité, excepté Donjons & Dragons : L’honneur de voleurs (2023), réalisé par des anciens rôlistes et qui peut être un blockbuster d’aventures sympathique.


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