Films vus en compagnie
L’été nucléaire de Gaël Lépingle (2020)

Ce petit ovni français attisait ma curiosité malgré une critique assez négative de Mad Movies, qui lui avait reproché « d'être autant une caricature de film de genre qu'une parodie de cinéma d'auteur à la française ». Je comprends leurs reproches et j’y adhère en partie, tant il est vrai que Gaël Lépingle s’enlise dans son huis-clos où il ne se passe rien, le plus farouche opposant étant une bande de poules. Tout n’est toutefois pas à jeter, cette façon de dépeindre comment l’ordinaire reprend rapidement le dessus en cas d’évènement extraordinaire est assez pertinente, anticipant les confinements des dernières années (sorti en salles en 2022, L’été nucléaire avait été tourné en 2019). Gaël Lépingle évacue les interactions avec le monde extérieur, ne montrant pas une invasion de pillards ou la plupart des coups de fil, pour se concentrer sur les relations au sein du groupe. L’idée est intéressante, c’est malheureusement là que le bât blesse. On cerne vite ces jeunes adultes sans surprise et aux mornes dialogues, et on finit par attendre avec impatience une péripétie qui ne vient jamais.
The Last of Sheila de Herbert Ross (1973, Les invitations dangereuses)

Dans le Mad Movies de décembre 2022, Rian Johnson expliquait qu’il avait piqué pour Glass Onion (2022) l’argument de départ et un personnage de The Last of Sheila, et que ce petit whodunit méritait d’être redécouvert. Son scénario est écrit par le célèbre auteur de comédies musicales Stephen Sondheim et par l’acteur Anthony Perkins, qui s’amusaient à concocter régulièrement pour leurs amis des chasses au trésor ou des soirées enquêtes. Stephen Sondheim a d’ailleurs servi d’inspiration pour la pièce Sleuth, adaptée ensuite à l’écran par Joseph L. Mankiewicz en 1972. The Last of Sheila est loin de la qualité du Mankiewicz, il n’y a pas de suspens, les retournements de situation ne sont pas correctement préparés en amont, et la réalisation est quelconque, en particulier dans la première moitié un peu longuette. Pourtant, grâce à un beau casting et à une intrigue pas trop prévisible, où les invités se chargent eux-mêmes de l’investigation sans l’aide d’un détective super intelligent, j’ai passé un bon moment.
Ni juge, ni soumise de Jean Libon et Yves Hinant (2017)

Strip Tease reposait sur un règle fondamentale : concevoir des documentaires selon les principes de la fiction. Il fallait raconter une histoire distrayante de façon fluide, sans commentaire ni voix-off. Plus qu’une fenêtre sur le réel, chaque numéro proposait la vision subjective d’un metteur en scène sur une situation donnée. Les émissions fleurtaient avec le voyeurisme, et on ne savait jamais dans quelle mesure le spectateur était censé compatir ou se moquer. J’ai retrouvé dans Ni juge, ni soumise certains des éléments qui me posaient un problème dans Strip Tease comme le goût du sordide (est-ce vraiment utile de nous montrer plusieurs fois les photos des femmes assassinées il y a 20 ans ou le cadavre fraichement exhumé d’un homme ?), une absence de contextualisation ou de mise en perspective, ou le point de vue unique d’un intervenant central ambigu et malaisant.
La juge Anne Gruwez est une habituée de Strip Tease, ayant déjà participée à deux épisodes, Le Flic, la Juge et l'Assassin en 2008 et Madame la juge en 2012. C’est une bonne cliente, elle a un discours sans filtre, clivant, et baigne dans des affaires de mœurs, de vols et de meurtres. Dotée d’un humour noir souvent cynique, elle édicte ses vérités, discutables dès lors qu’elle n’hésite pas à sortir du domaine légal et à dispenser son opinion sur tout, à des accusé·e·s qui ne sont pas en position de contester. On voit un peu le fonctionnement du système judiciaire belge mais le but est clairement de présenter une femme rigolote, puissante et parfois choquante. De façon assez prévisible, Ni juge, ni soumise m’a laissé la même impression mitigée que la plupart des émissions de Strip Tease.
Mystic Pizza de Donald Petrie (1988)

Je connaissais depuis longtemps de réputation Mystic Pizza, un des rares films hollywoodiens portant sur des luso-américains. Je savais que la fort peu méditerranéenne Julia Roberts incarnait Daisy, je ne pensais pas par contre qu’il n’y aurait aucun luso-américain dans des rôles secondaires voire tertiaires. Je n’ai pas vu un seul nom portugais au casting et personne n’est typé portugais, si ce n’est peut-être le chanteur vers la fin. Les noms de famille sont mal orthographiés (Ferriera, Arujo, Barboza au lieu de Ferreira, Araújo, Barbosa), la déco du restaurant n’est absolument pas typique (d’autant plus étonnant aux Etats-Unis où une forte partie de la communauté est açorienne, les Açoriens ayant en général la main lourde sur la déco) et la pizza traditionnelle aux épices de l’Algarve, comment dire… L’autrice du roman original s’était inspirée de la Mystic Pizza Shack à Mystic dans le Connecticut, tenue par des Grecs. La ville de Mystic n’a pas de communauté étrangère particulièrement importante, et ses habitants sont majoritairement d’origine anglaise, irlandaise, allemande et italienne. Pourquoi transformer les Grecs en Portugais et inventer une communauté portugaise locale ? Sans doute un désir d’exotisme, les Portugais étant très rares dans la fiction américaine. Au moins, on ne peut pas dire que leur représentation est clichée, l’origine ou les habitudes culturelles des protagonistes n’exerçant aucune influence sur le récit, du moins dans le long métrage, seul le catholicisme de Jojo et Bill ayant un impact.
Excepté cet aspect, c’est une comédie romantique assez classique sur le passage à l’âge adulte de trois jeunes femmes, qui explore leurs joies, leurs hésitations et leurs déboires. Le trio d’actrices possède une bonne synergie, qui compense la fadeur des prétendants masculins. Mystic Pizza a d’ailleurs lancé la carrière de Julia Roberts, Annabeth Gish et Lili Taylor, qui n’avaient pas fait grand-chose avant cela. C’est en outre la première apparition de Matt Damon à l’écran dans un tout petit rôle.
The VelociPastor de Brendan Steere (2018)

Il n’y a encore pas si longtemps, j’étais fan de nanars, les débuts de ce blog en portent les traces. Je cherchais régulièrement des clients potentiels, le risque étant de tomber sur un navet mou du genou plutôt que sur un mauvais film sympathique. Si je suis devenu un peu trop vieux pour ces conneries, ce n’est pas le cas de mon entourage et j’ai cédé à la pression sociale en regardant ce VelociPastor dont je n’attendais rien. J’en avais entendu parler quelques mois plus tôt, peut-être dans Mad Movies, et je craignais un navet fauché post-moderne trop conscient de son statut.
The VelociPastor est au départ une bande-annonce de fin d’études. Le concept provient du correcteur orthographique du téléphone de Brendan Steere, qui avait transformé velociraptor en veloci pastor. La bande-annonce s’inspire de celles du cinéma d’exploitation des années 70, à la manière du Grindhouse (2007) de Tarantino et Rodriguez. Elle devint rapidement virale sur YouTube et Brendan Steere décida d’en faire un long métrage. Il mit plus de 5 ans à réunir les fonds et reprit son canevas en y ajoutant des ninjas. Le résultat est conforme aux attentes : c’est très fauché, mauvais dans l’ensemble, oscillant entre la parodie et la sincérité. Ce n’est pas une exploitation commerciale du porte-nawak façon Asylum, Brendan Steere croit en son concept, un peu trop peut-être pour son propre bien. Il tente d’étoffer sa fiction, via notamment de nombreuses scènes de dialogues trop longues et trop sérieuses, peu aidées par la faible qualité de l’interprétation et de la réalisation. Mieux vaut se contenter d’après moi de la bande-annonce et s’éviter la pénible version longue.
Films vus seuls
బాహుబలి:ద బిగినింగ్ [Baahubali: The Beginning] de S.S. Rajamouli (2015, La légende de Baahubali : 1ère partie)

Enorme blockbuster, le plus cher du cinéma indien au moment où il a été produit (il a depuis été largement battu par la deuxième partie de Baahubali et surtout par RRR (2022) du même S. S. Rajamouli), La Légende de Baahubali a été tourné en télougou et tamoul. Netflix ne propose que les doublages hindi et malayalam (plus un doublage anglais dans un montage international charcuté) et j’ai choisi l’hindi. Il a été bien accueilli lors de sa sortie, à la fois par le public, pulvérisant les records au box-office, et par la critique. De façon amusante, alors que je suis nul en cinéma de Tollywood, j’ai vu le long métrage précédent de S. S. Rajamouli, Eega (2012), où un homme réincarné en mouche se venge de son assassin. C’était une expérience et Baahubali: The Beginning apparaît presque sobre en comparaison. Presque car on est dans une mise en scène over the top avec moults ralentis ou ralentis/accélérés, héros classe en toutes circonstances, poses prétentieuses et regards de braise, le blockbuster indien dans toute sa splendeur qui ferait passer un concurrent américain pour un exemple de subtilité. Comme dans quasiment tous les S. S. Rajamouli, son père Vijayendra Prasad a écrit l’histoire. Il s’est inspiré du Mahabharata, épopée hindoue qui relate une lutte dynastique entre deux branches d’une famille.
Baahubali: The Beginning est spectaculaire, les acteur·ice·s sont charismatiques et les combats sont à peu près lisibles et impressionnants. Est-ce qu’il mérite sa note de 8 sur imdb et ses critiques unanimement dithyrambiques ? C’est discutable. J’ai pour ma part toujours été allergique aux ralentis/accélérés depuis ma découverte de ce procédé chez Zack Snyder, j’estime qu’ils coupent l’élan et gâchent l’action. Dans Baahubali, ils sont omniprésents, couplés à un abus de ralentis plus traditionnels. Les images de synthèse piquent un peu les yeux et le scénario est extrêmement classique et prévisible. D’un autre côté, il n’a pas la prétention d’être plus qu’un gros divertissement, et il n’a pas à rougir face à un Marvel ou autre truc du même style. C’est plus bourrin et décomplexé, assumant totalement de se vautrer dans les clichés. Je me suis beaucoup moins ennuyé que devant Black Adam (2022) ou la trilogie Jurassic World par exemple, et je regarderai la suite avec plaisir.
బాహుబలి 2: ది కన్ క్లూజన్ [Baahubali: The Conclusion] de S.S. Rajamouli (2017, La légende de Baahubali : 2ème partie)

Le premier Baahubali se terminait sur un cliffhanger, qui révélait qui avait tué Amarendra Baahubali sans expliquer le pourquoi. Ce second volet consacre l’essentiel de sa durée à répondre à cette question, le dernier quart revenant au présent et concluant les aventures de Shiva. Baahubali: The Conclusion est mieux équilibré que Baahubali: The Beginning, on se concentre sur un plus petit nombre de protagonistes, ce qui les rend plus humains et attachants. Les scènes d’action sont plus dynamiques et resserrées, et les ralentis-accélérés ont quasiment disparu, sans doute passés de mode. Les acteur·ice·s sont ultra charismatiques et S.S. Rajamouli réussit à donner un vrai souffle épique, le genre de chose qu’Hollywood ne sait plus faire. Ce chapitre 2 est probablement un des meilleurs blockbusters d’action que j’ai vu depuis longtemps, l’Inde a à présent surpassé les Etats-Unis sur ce créneau et c’est dommage que les distributeurs et le public ne s’en soient pas encore rendus compte.
O Primo Bazilio de George Pallu (1923)

(N.B. : j’ai retranscrit les prénoms tels qu’ils étaient dans les intertitres, on ne les écrirait pas comme ça en portugais de nos jours)
O Primo Basílio est le livre le plus célèbre de l’écrivain naturaliste portugais Eça de Queiroz, publié en 1878. Il y dresse une critique sarcastique de la petite bourgeoisie lisboète de l’époque et se moque de l’institution du mariage. Il a été porté plusieurs fois à l'écran, dont deux fois au Portugal. Celle de 1923, réalisée par l’incontournable George Pallu, est la plus ancienne. La compagnie de production Invicta Film hésita longuement avant de valider le projet, refroidie par les résultats décevants de leur adaptation littéraire précédente, Amor de Perdição (1921). O Primo Basílio réunit plusieurs acteurs et actrices majeur·e·s du théâtre portugais, dont c’est pour la plupart la première apparition au cinéma. Ce n’était sans doute pas une bonne idée d’utiliser le roman très verbeux d’Eça de Queiroz pour du muet, d’autant plus avec des acteurs de théâtre et sans retravail conséquent du scénario. L'affiche précise d'ailleurs que "vous devez lire [l]e livre pour mieux comprendre le film". Le nombre de cartons est impressionnant, certains nécessitent plusieurs intertitres et on passe son temps à lire. La mise en scène est extrêmement conventionnelle et on a l’impression de regarder du théâtre filmé sans le son. J’attends de voir la version de 1959, celle de 1923 est dispensable.
ひばり・チエミの弥次喜多道中 [Hibari Chiemi no Yaji Kita Dochu] de Tadashi Sawashima (1962, Travels of Hibari and Chiemi: The Tumultuous Journey)

Hibari Misora était une superstar de la chanson, qui a joué dans plus d’une centaine de films, principalement dans les années 50 et la première moitié des années 60. Probablement lesbienne, elle affectionnait les rôles d’homme ou de femme déguisée en homme, élément présent dans Hibari Chiemi no Yaji Kita Dochu. Elle est ici accompagnée de Chiemi Eri, autre vedette à la mode avec qui elle avait déjà tourné une trilogie à succès dans les années 50, Sannin Musume (littéralement les trois filles, la troisième étant la chanteuse Izumi Yukimura). Comme l’indique le titre VO, Hibari Chiemi no Yaji Kita Dochu est inspiré du roman picaresque Tôkaidôchû hizakurige, où deux malotrus, Yaji et Kita, voyagent sur la route reliant Kyoto à Edo. Yaji et Kita, connus du public japonais et utilisés dans de nombreuses œuvres, sont ici féminisés et rendus moins grossiers.
Hibari Chiemi no Yaji Kita Dochu est une comédie dotée d’un humour très porté sur le slapstick et les grimaces, agrémentée de quelques chansons entrainantes bien qu’assez courtes et en nombre limité. La plupart du temps, Hibari Misora et Chiemi Eri courent en accéléré en surjouant horriblement. Ça fonctionne probablement auprès d’un certain public qui le découvre enfant, comme le pénible Un monde fou, fou, fou, fou (1963) qui est culte pour les spectateurs américain d’un certain âge. Ce type de comédie me laisse pour ma part perplexe.
ひばり・チエミのおしどり千両傘 [Hibari Chiemi no oshidori senryô gasa] de Tadashi Sawashima (1963, Travels of Hibari and Chiemi 2: The Lovebird's 1000 Ryo Umbrella)

Hibari Chiemi no oshidori senryô gasa est une fausse suite de Hibari Chiemi no Yaji Kita Dochu (1962). Hibari Misora et Chiemi Eri interprètent à nouveau des femmes nommées Kimi et Toshi, qui n’ont strictement rien à voir avec celles de l’épisode précédent. Le style est également très différent : Hibari Chiemi no oshidori senryô gasa est une comédie romantique classique, Hibari Misora joue une femme soumise aux traditions qui veut découvrir le monde. Elle demeure cantonnée dans un rôle genré propret, tout le volet comique est assuré par Chiemi Eri. Ce n’est pas désagréable, on évite l’humour lourd du précédent et les quelques chansons sont enlevées. Cela reste néanmoins très banal, on y perd le bagout et la force de caractère habituellement associés à Hibari Misora.
修羅八荒 [Shura hakko] de Yasushi Sasaki (1958, The Lost Public Funds)

Utaemon Ichikawa est une star du chanbara de la fin des années 20 au début des années 60, crédité dans plus de 200 titres. Il a notamment incarné Mondonosuke Saotome, un hatamoto (garde officiel d’un daimyo ou du shogun) qui mène des enquêtes, dans une trentaine d’épisodes de la série Bored Hatamoto entre 1930 et 1963. Il se retire pour se consacrer au théâtre en 1963, alors que le chanbara commence à perdre en popularité au profit des films de yakuzas. Shura hakko est adapté d’un roman-feuilleton très célèbre de Rifû Yukitomo, paru dans le Asahi Shimbun en 250 parties entre 1925 et 1926, et qui a été transposé de nombreuses fois sur grand écran.
Utaemon Ichikawa n’est pas dépaysé, son Asaka Keinosuke rappelle fortement le Mondonosuke Saotome qui a fait sa réputation, en un peu moins moqueur et impertinent. Asaka Keinosuke est un banshi, statut très proche d’un hatamoto, qui doit également enquêter pour son seigneur. Je serai curieux de savoir dans quelle mesure le scénario a été modifié pour se rapprocher des Bored Hatamoto. Utaemon Ichikawa était à l’époque un des acteurs phare de la Toei, membre de son conseil d’administration, et il avait sans doute un droit de regard sur ce qu’on lui proposait. Shura hakko est au final un peu inférieur aux Bored Hatamoto que j’ai pu voir et il vaut mieux se tourner vers cette série.
宴 [Utage] de Heinosuke Gosho (1967, Rebellion of Japan)

Utage est la dernière production prestigieuse de Heinosuke Gosho, grand réalisateur humaniste des années 30 à 50. Il prendra sa retraite peu après, n’étant plus en phase avec son époque. Utage porte sur l’incident du 26 février, où des jeunes officiers tentèrent de renverser le gouvernement afin de redonner à l’empereur sa juste place, supprimer la démocratie, éliminer la corruption et effectuer une grande réforme agraire. Cet évènement a inspiré plusieurs œuvres littéraires ou cinématographiques, qui donnent généralement le beau rôle aux rebelles, mettant en avant leur sens de l’honneur et leur romantisme. L’importance de cet incident dans la mise en place d’un régime militariste est souvent passé sous silence. C’est le cas dans Utage, centré sur l’amour de deux êtres pris dans la tourmente d’une époque. Heinosuke Gosho est excellent quand il s’agit de dépeindre la vie des petites gens et de montrer leur quotidien. Les faits historiques ne le passionnent clairement pas et j’ai un peu du mal à comprendre pourquoi il a tourné ce scénario tiré d’un livre de l’écrivain Yutaka Tonegawa. Cela donne un long métrage bancal, surtout dans le dernier tiers où Suzuko passe au second plan, loin des chefs d’œuvres des années 50 comme Là d'où l'on voit les cheminées (1953) ou Une auberge à Osaka (1954).
Livres
La petite fille et le doberman de Serge Brussolo (Denoël, collection « Présence du futur », 1995), 272 p.

Je ne sais pas ce qui a pris à Denoël sur son quatrième de couverture, où ils annoncent fièrement que Serge Brussolo pratique toutes les formes narratives : « Science-fiction, roman à suspense, historique, fantastique, littérature avec un grand L ». La collection « Présence du futur » de cet éditeur est une collection mythique, qui a permis de faire découvrir de nombreux auteurs et de donner une certaine respectabilité à la SF en France. Cette dépréciation de certains genres, opposés à une prétendue « littérature avec un grand L », est regrettable.
Je ne savais pas que La petite fille et le doberman était le deuxième volume d’une trilogie. Je n’ai cependant pas été perdu, le roman m’a semblé autonome, présentant dans le détail le monde et les protagonistes sans que l’on ait l’impression d’avoir manqué un épisode. Je n’ai pas du tout accroché au style de Brussolo, que j’ai trouvé pompeux et verbeux. Un autre auteur aurait aisément rédigé le même ouvrage en deux fois moins de pages et d’une manière plus modeste. Je ne suis en outre pas entré dans le récit, les personnages manquent de relief, d’humanité, et on ne se sent pas concerné par ce qui leur arrive. Je ne lirai pas les deux autres volumes de la trilogie.
L’enfer de Yoshihiro Tatsumi (Cornélius, 2008), 312 p.

J’ai découvert Yoshihiro Tatsumi assez tardivement, par le long métrage d’animation Tatsumi (2011) consacré à sa vie. C’est une adaptation libre de son manga autobiographique Une vie dans les marges, que j’ai ensuite acheté et lu avec beaucoup d’intérêt. Il y décrit sa carrière et le milieu de la bande dessinée au Japon après la guerre. Dans Tatsumi, le réalisateur Eric Khoo a mélangé au pan biographique des nouvelles de Tatsumi écrites à différentes époques. Ces récits étaient un peu sordides et j’hésitais à me lancer dans la lecture de son œuvre (si ce n'est Une vie dans les marges, qui n'est pas du tout représentatif). Créateur du gekiga, Tatsumi est incontournable dans l’histoire du manga et je ne pouvais indéfiniment l’ignorer. Je me suis enfin décidé en commençant par L’enfer, premier recueil d’une trilogie éditée par Cornélius.
La première nouvelle éponyme était présente dans Tatsumi, c’était la meilleure du film et c’est aussi le cas pour le livre. Elle tourne en dérision un sujet rarement abordé, la façon dont certains individus ont utilisé à leur profit le drame de la bombe atomique, avec une touche d’humour noir. La suite est plus anecdotique, on sent que l’auteur suit un schéma assez classique avec toujours une scène de sexe et généralement un·e amant·e déçu·e. Comme le reconnaissait Yoshiharu Tsuge, le lecteur masculin était demandeur et souhaitait de la nudité. Au moins, on ne retrouve pas chez Tatsumi la misogynie de Tsuge : si le personnage masculin est souvent central, le féminin n’est pas dévalorisé ou accusé de tous les maux. Tout ceci n’est pas passionnant, cela manque d’ampleur ou de folie, ce sont des faits-divers assez banals et je crains que la suite soit du même acabit.
Revues
Mammifères sauvages n°84 – Novembre 2022

A part ça, pas mal de pages sur les loutres, entre le 15e congrès international de la loutre et un webinar sur les données en Allemagne, Belgique et Pays-Bas. Si la situation de la loutre en Europe s’améliore, ce n’est malheureusement pas le cas partout dans le monde. Un court dossier sur le blaireau rappelle les informations de base sur cet animal. Le compte-rendu du 34e colloque européen sur les mustélidés aborde ensuite brièvement les recherches récentes sur le phénotypage des putois (plus fortement hybridés avec les furets qu’on ne le pensait, même chez les individus supposément purs) ou les différentes techniques de repérage et d’identification.
Sur ce sujet de l’identification, un intéressant article sur la structure des poils de loups présente les limites de cette technique, ceux-ci se révélant souvent impossible à distinguer des poils de chiens. Par ailleurs, l’Etat français est toujours aussi affligeant, que ce soit par son refus de démanteler la cellule Demeter, jugée illégale par le tribunal administratif de Paris ; l’énorme écocontribution de l’Office Français de la Biodiversité aux fédérations de chasse ; la non prise en compte des études d’impact visant à minimiser les dégâts des éoliennes sur les espèces animales ; ou l’extermination illégale et inutile de bouquetins par arrêté préfectoral. Du côté des livres enfin, j’ai noté quelques titres, notamment Les manchots de Mandela et autres récits océaniques.
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