samedi 10 juin 2023

Carnet de bord 03/06/2023-09/06/2023



Films vus en compagnie
12人の優しい日本人 [Juninin no yasashii nihonjin] de Shun Nakahara (1991, Gentle 12)
Douze jurés doivent décider de la culpabilité d’une femme qui a poussé son ex-mari sous les roues d’un camion. Meurtre ou légitime défense ? Un consensus se dégage rapidement vers un acquittement et tout le monde commence à partir quand un des jurés change son vote. Il estime l’accusée coupable et souhaite discuter. Saura-t-il convaincre ses collègues ?

Juninin no yasashii nihonjin est au départ une pièce de théâtre écrite par Kôki Mitani parodiant le célèbre Douze Hommes en colère (1957) de Sidney Lumet. Le dramaturge s’amusa à imaginer ce que donnerait un système de jury à l’américaine au Japon. Juninin no yasashii nihonjin fut jouée par la troupe des Tokyo Sunshine Boys, créée par Kôki Mitani en 1983, au théâtre Sun-mall à Tokyo. Après une première représentation en juillet 1990, puis une reprise en 1991, elle fut portée au cinéma fin 1991. Kôki Mitani se chargea du scénario, le modifiant pour l’accorder aux comédien·ne·s prévu·e·s, et laissa la direction à Shun Nakahara, fameux au Japon pour son queer Sakura no sono (1990) dans lequel une bande de lycéennes monte La Cerisaie de Tchekhov.
Transposé dans le Japon des années 90, les prises de positions de chacun ne viennent plus de leurs préjugés sociaux et raciaux mais de leurs sentiments et de leur vécu. Kôki Mitani montre la relativité de la vérité et l’impossibilité de juger de façon objective, les faits s’interprétant différemment selon l’angle utilisé. L’humour repose sur la nonchalance de certains jurés et l’incongruité de leur comportement. C’est la deuxième fois que je vois Juninin no yasashii nihonjin et je me suis davantage rendu compte des défauts, notamment de la longueur excessive du métrage. Il faudrait couper une bonne demi-heure pour accélérer le rythme et dynamiser les échanges. Cela reste plaisant et propose une variation originale du classique de Lumet.


Angustia de Bigas Luna (1987, Angoisse)
John Pressman est un assistant ophtalmologue myope et diabétique qui vit dans un sombre appartement avec des pigeons en cage, des escargots et une mère possessive. Elle est capable de percevoir les conversations autour de son fils et de le contrôler par hypnose. Estimant qu’il n’est pas reconnu à sa juste valeur, elle l’envoie tuer tous ceux qui l’ont déprécié, John récupérant au passage les yeux de ses victimes.
Ces scènes sont en fait extraites de The Mommy, que des spectateurs sont en train de regarder dans une salle de Los Angeles. Devant la violence des images, plusieurs d’entre eux se sentent mal, en particulier la jeune Patty qui demande à son amie Linda de quitter la séance avec elle.

Dans un entretien en bonus du DVD français, Bigas Luna explique que l’idée initiale d’Angustia était de faire interagir l’assistance avec ce qui était projeté. Un de ses amis lui avait signalé la double mise en abyme de Fenêtre sur cour, le public s’identifiant à James Stewart qui lui-même était propulsé dans une autre histoire. Cela générait un film dans le film, avec deux niveaux narratifs en interaction. Bigas Luna approfondit ce concept en élaborant des doubles des spectateurs, faisant de l’écran un miroir reflétant leur réaction. Pensant que son scénario était parfaitement adapté au cinéma hollywoodien, il s’installa à Los Angeles et tenta de monter son projet durant quatre ans. Le budget était important, d’autant plus qu'il espérait un tournage en 3D. Ce fut en définitive un producteur espagnol qui lui débloqua le financement nécessaire et les prises de vue eurent lieu à Barcelone, bien que la préproduction ait été effectuée aux Etats-Unis. Une rue de Los Angeles fut reconstruite à l’identique et des acteur·rice·s essentiellement américain·ne·s furent employé·e·s.
La partie autour de John baigne dans une ambiance glauque, avec une obsession sur les yeux rappelant les surréalistes Buñuel ou Dali, et l’appartement des Pressman est en réalité l’intérieur de la Casa Vicens bâtie par Gaudí. Par contraste, la photographie dans Los Angeles est lumineuse. Si le procédé d’imbrication des récits est intellectuellement intéressant, je ne suis jamais entré dans Angustia. Tout ce qui entoure John vise à susciter le malaise et à faire bizarre, cela ne s’appuie pas sur une intrigue solide, et comporte des longueurs ; les séquences dans Los Angeles se fondent uniquement sur la tension sans développer de personnages. Cela fonctionne peut-être mieux en salle, où on se prend à se méfier de son voisin. Dans son canapé en face de sa télé, j’ai trouvé ça décousu et mou.


The Twilight Saga: Eclipse de David Slade (2010, Twilight : chapitre 3 - Hésitation)
Afin de suivre l’injonction des Volturi, Edward est censé mordre Bella pour la transformer en morte-vivante. Il hésite, à l’inverse de sa bien-aimée qui est persuadée que les vampires c’est trop cool. Edward veut se marier avec elle et ne pas faire de trucs avant car le sexe hors union sacrée c’est mal. Jacob boude parce que ce n’est pas lui l’élu du cœur de Bella. Pendant ce temps, un méchant vampire organise une armée de newbies à Seattle, menaçant la stabilité de la région.

Difficile de dire si ce troisième épisode de la saga Twilight, que je poursuis doucement, est pire ou meilleur que les précédents. Le couple principal me semble de plus en plus tarte, cela vient assurément de la lassitude. L’aspect moralisateur est ici clairement assumé, avec une valorisation par Edward de la romance platonique qui ne peut se concrétiser que par le mariage. Narrativement, on en est exactement au même point à la fin qu’au début, Bella a toujours le sang chaud et ils sont toujours célibataires. Autant dire qu’il ne se passe pas grand-chose et qu’on s’ennuie ferme, excepté éventuellement quand les méchants se décident à bouger et à attaquer les gentils. Encore deux volets, ouf.


The Princess Comes Across de William K. Howard (1936, Une princesse est à bord)
La princesse Olga de Suède embarque avec sa gouvernante Lady Gertrude sur le paquebot Mammoth pour se rendre aux Etats-Unis et être engagée comme actrice à Hollywood. Sa cabine royale a déjà été réservée par le chef d’orchestre King Mantell, peu résolu à laisser sa place jusqu’à ce qu’il aperçoive la belle. Il commence dès lors à la courtiser, pas refroidi par les rebuffades et les regards noirs de Lady Gertrude. Mais Olga est-elle vraiment ce qu’elle prétend être et pourquoi le maître chanteur Darcy est-il retrouvé mort dans sa chambre ?

The Princess Comes Across est un curieux mélange de comédie screwballisante et de whodunit, avec la reconstitution du duo Carole Lombard/Fred MacMurray qui avait montré une bonne alchimie un an auparavant dans Hands Across the Table (1935). George Raft devait initialement incarner King Mantell. Vexé d’avoir été éclipsé par sa costar dans leur précédente collaboration Rumba (1935), il déclina et la production s’orienta vers le moins susceptible Fred MacMurray, qui ne risquait pas de faire de l’ombre à Carole Lombard. S’il n’est pas charismatique et peine en héros solitaire, il est parfait en soutien d’une vedette féminine, que ce soit Carole Lombard ici ou Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort (1944). Le réalisateur William K. Howard est un professionnel hollywoodien qui a dirigé une cinquantaine de titres dont aucun n’a marqué l’histoire du cinéma.
Carole Lombard en fait des tonnes en fausse suédoise, se moquant allégrement de Greta Garbo. Les seconds rôles sont excellents et je remarque la présence de l’américain d’origine japonaise Tetsu Komai en inspecteur de la police japonaise (appréciable à cette époque où les détectives est-asiatiques Charlie Chan ou Mr. Moto étaient interprétés par des blancs grimés). La romance et l’enquête se mélangent laborieusement. Après le meurtre de Darcy, l’intrigue s’assombrit et Lombard passe au second plan. On a deux films en un et, si le résultat n’est pas désagréable, on est loin d’un The Thin Man (1934) qui mariait harmonieusement les genres. A noter que Fred MacMurray chante accompagné d’un concertina sans être doublé, c’était apparemment un musicien et chanteur doué.


Films vus seuls
House of Wax de Jaume Collet-Serra (2005, La maison de cire)
Carly, son frère jumeau Nick, son copain Wade et trois de leurs ami·e·s se rendent à un match de football américain. La nuit tombe, ils plantent leur tente dans une forêt perdue et ils s’amusent autour du feu quand un mystérieux pick-up vient les éclairer. Menacé par Nick, il rebrousse chemin. Le lendemain, la courroie du ventilateur d’une des deux voitures est cassée. Carly et Wade décident d’aller au village le plus proche pendant que les autres poursuivent leur route. La bourgade étrangement calme possède une impressionnante maison de cire, qu’ils visitent en attendant le garagiste. A son retour, celui-ci les emmène chez lui pour récupérer la courroie et, tandis que Carly reste dans la voiture, Wade disparait.

Libre remake du classique de 1953 avec Vincent Price, House of Wax est le premier long métrage de l’espagnol Jaume Collet-Serra, venu de la pub et du clip. Echec critique mais succès public, il se rapproche davantage de l’horreur redneck à la Massacre à la tronçonneuse (1974) que de son illustre ancêtre, dont il emprunte uniquement le titre et l’idée initiale. Parmi les nombreux défauts de House of Wax, je note un démarrage fastidieux, des jeunes pénibles et une trame convenue très proche de Tourist Trap (1979). La photographie est en revanche assez réussie, et le décor et les figures en cire sont superbes. Des dizaines d’artistes ont travaillé dessus durant des mois, ça se voit. Le final est impressionnant et donne un intérêt à ce slasher par ailleurs banal.


怪談番町皿屋敷 [Kaidan Banchô sarayashiki] de Toshikazu Kôno (1957, Ghost in the Well)
A Edo (ancien nom de Tokyo), le seigneur Mizuno n’hésite pas avec sa bande à causer des troubles dans la ville. Il est accompagné d’Harima Aoyama, un garde doué au sabre et héritier des Aoyama. Ce dernier est amoureux de sa servante Okiku, à qui il a promis fidélité malgré la différence de classe. Harima est toutefois obligé de se rétracter bien vite : pour éviter de subir le sort de son ami Mizuno, condamné pour ses outrages à se suicider, il est fiancé à la fille de la puissante famille Inaba. Folle de rage, Okiku brise une assiette de valeur apportée par le père de la promise.

Kaidan Banchô sarayashiki est inspiré de l’histoire de fantômes Banchô Sarayashiki. C’est au départ une pièce de bunraku (théâtre de marionnettes) créée en 1741, transposée avec succès au théâtre kabuki au XIXe siècle. Okiku y est assassinée sauvagement, jetée dans un puit et réapparaît en esprit vengeur, comptant sans cesse les assiettes qui ont causé sa perte. Ring (1998) reprendra en partie le concept, Sadako renvoyant à Okiku. En 1916, l’écrivain Okamoto Kido transforme Banchô Sarayashiki en drame romantique et psychologique, influencé par les pièces occidentales à la mode à cette période. Kaidan Banchô sarayashiki est tiré de cette version, l’horreur en est absente et les rares manifestations surnaturelles pourraient être issues de l’imagination d’un Harima assailli par les remords. C’est un moyen métrage de série B à petit budget, qui était projeté en double programme avec un long prestigieux. Le réalisateur est Toshikazu Kôno, un vétéran de la Toei spécialiste du jidai-geki qui n’a rien tourné de notable, et Hibari Misora joue une Okiku soumise et en retrait. C’est un mélo statique et manichéen, 45 lentes minutes qui ne m’ont guère emballé.


毒玫瑰 [Du mei gui] de Lei Pan (1966, Poison Rose)
La propriétaire de la boite de nuit La veuve noire, Chiang Feng, est soupçonnée par la police de trafic de drogues. Deux officiers ont déjà essayé de s’infiltrer et ont été tués. Le commissaire fait alors appel à son meilleur inspecteur, l’agent A3 Kang-Hua, qui doit séduire la patronne et stopper ses activités illégales. Armé de gadgets et se faisant passer pour un homme d’affaire canadien, il conquiert la belle Chiang Feng, qui commence pourtant à avoir des soupçons sur la réelle identité de Kang-Hua.

A la suite du succès de James Bond 007 contre Dr. No (1962), les films d’espionnage deviennent à la mode un peu partout dans le monde, notamment en Asie de l’Est. Du mei gui se situe dans cette veine et est relativement sobre pour son époque, que ce soit dans les costumes, les vilains ou la technologie utilisée. Plus que Kang-Hua en pseudo James Bond, le personnage principal est Chiang Feng, interprétée par l’actrice et chanteuse Julie Yeh Feng qui pousse la chansonnette à trois reprises. Spécialiste des femmes romantiques à la beauté froide, Julie Yeh Feng fut repérée par la MP&GI (future Cathay) au début des années 60 avant de passer à la Shaw Brothers. Bien que produit par la Shaw Brothers, Du mei gui se déroule à Taipei et est dirigé par le Taïwanais Lei Pan, écrivain et scénariste connu pour Typhoon (1962), qui a récemment été édité en Blu-Ray en France par Carlotta. La star taïwanaise Hsieh Wang, révélé par Lei Pan et transféré à la Shaw Brothers en 1965, joue Kang-Hua, à contre-emploi des bad guy auxquels il était habitué.
Du mei gui ne révolutionne rien, c’est prévisible et ça reprend les clichés du genre, avec son héros cool, irrésistible et invincible. Néanmoins, on ne s’ennuie pas, c'est un aimable divertissement et le poids accordé à Julie Yeh Feng, convaincante en femme fatale, permet de s’écarter du sous-James Bond ordinaire. Il faudra que je me penche sur ces films d’espionnage hong-kongais, dont certains semblent funs à l’instar de Temptress of a Thousand Faces (1969).


スウィートホーム [Sûîto hômu] de Kiyoshi Kurosawa (1989, Sweet Home)
Une équipe de télévision composé d’un producteur, de sa fille, d'une réalisatrice, d'un caméraman et d’une journaliste se rend dans le manoir du célèbre peintre Ichirou Mamiya, décédé trente ans auparavant, pour y tourner un documentaire pour une émission. Fermée au public, la demeure est censée être maudite. Mamiya y a dessiné une gigantesque fresque avant de mourir que personne n’a jamais vue. Peu après leur arrivée, la reporter se met à avoir un comportement bizarre et déterre dans le jardin un cercueil contenant le cadavre d’un bébé brûlé.

Sûîto hômu est le premier film d’horreur dirigé et scénarisé par Kiyoshi Kurosawa, loin de la terreur métaphysique et contemplative qui feront sa réputation durant la seconde moitié des années 90. S’il copie le concept d’Evil Dead Trap (1988) d’une journaliste enquêtant avec son équipe dans un lieu inquiétant, il s’en démarque rapidement. Evil Dead Trap évoquait un giallo choquant et glauque, tandis que Sûîto hômu fait penser aux films de maison hantée occidentaux ou à Poltergeist (1982). A l’image de celui-ci marqué par le conflit entre le metteur en scène Tobe Hooper et son producteur Steven Spielberg, Sûîto hômu opposa Kiyoshi Kurosawa à Jûzô Itami, qui finança l’entreprise par l’entremise d’Itami Productions. Itami imposa son épouse Nobuko Miyamoto dans le rôle principal, se réserva un personnage secondaire important, retourna plusieurs séquences et modifia la fin, laissant à Kurosawa un souvenir amer. Sûîto hômu fut adapté en jeu vidéo sur Famicom (NES) par Capcom la même année. En 1993, la compagnie entreprit de développer un remake avec le game designer Tokuro Fujiwara. Ils remplacèrent les fantômes par des zombies et renommèrent le jeu Bio Hazard, Resident Evil en Occident.
L’intrigue de Sûîto hômu ne présente guère d’intérêt et la photographie n'est pas particulièrement réussie. Nobuko Miyamoto y va à fond, le reste du casting déroule tranquillement. Tout le charme provient des effets spéciaux, confiés partiellement à Dick Smith. Réputé pour son travail sur L’exorciste (1973) ou Scanners (1981), il a modelé ici des maquillages horribles et organiques, qui rappellent le Cronenberg des débuts ou un ersatz de The Thing (1982). A cela s’ajoutent des effets moins heureux, qui installent cependant une atmosphère kitsch globalement plaisante. Dans ses meilleurs moments, on s’approche presque de la folie d’un Hausu (1977). Il ne faut donc pas regarder Sûîto hômu comme un Kiyoshi Kurosawa mais comme un spectacle fauché et amusant qui fleure bon les années 80.


Hostel: Part II d’Eli Roth (2007, Hostel - Chapitre II)
Beth et deux de ses amies Whitney et Lorna vont à Prague pour se relaxer quelques jours. Dans le train, elles croisent Axelle, un mannequin qu’elles avaient aperçue dans leur classe de dessin. Elles sympathisent et Axelle leur recommande d’aller en Slovaquie, où se trouvent selon elle d’excellentes sources chaudes et où les hommes ne sont pas trop relous. Elles décident de s’y rendre et descendent avec Axelle dans un hôtel qu’elle recommande. Elles passent une agréable soirée au cours de laquelle la prude Lorna s’émancipe. Le lendemain, quand elle manque à l’appel, Beth commence à s’inquiéter.

Mon complétisme désespérant m’amène régulièrement à visionner de prévisibles navets. Pourquoi ai-je été m’embarquer dans cet Hostel: Part II après un lamentable épisode 1 descendu en flammes en ces lieux ? Parce qu’il est sur la liste des 300 films à voir avant de mourir de Mad Movies, liste que je compte achever dans les mois à venir. Ce second volet, tout en étant terriblement mauvais, est moins nul que le premier. Les héroïnes ont un peu de volume, le rythme est davantage soutenu et la photographie est moins crapoteuse. Scénaristiquement, c’est du kif kif bourricot, zéro originalité et plein de gore gratuit. La Slovaquie tournée en république Tchèque est toujours aussi caricaturale, et j’ai des difficultés à comprendre les critiques globalement positives qu’Hostel: Part II a reçu des revues spécialisées.


Livres
Les talents de Xanadu de Theodore Sturgeon (J’ai lu, 1978), 320 p.
Ce recueil comporte sept nouvelles allant d’une quinzaine à une quatre-vingtaine de pages publiées dans des magazines entre 1946 et 1958 :
Les talents de Xanadu : Un colonisateur venant d’une civilisation militarisée à haute technologie débarque sur une planète peuplée d’humains plus évolués qu’il n’y parait.
L’hôte parfait : Les narrateurs se succèdent pour tenter de saisir ce qui est arrivée à Mme Stoye, qui s’est jetée par la fenêtre d’un hôpital sous les yeux d’un adolescent et dont le corps a disparu pendant quelques minutes.
L’amateur de cimetières : Pour comprendre son épouse décédée qu’il n’a jamais pu cerner, un homme apprend à lire le passé des morts dans leur tombe.
L’autre homme : Grâce à une technologie de pointe, un psychiatre renommé est capable de formater les personnalités de ses patients afin de faire ressortir le meilleur d’eux-mêmes. Il tombe sur un os lorsqu’il applique sa méthode à l’individu qui lui a volé sa femme.
Le ciel était plein de vaisseaux : Un inventeur accompagne un vieil archéologue dans une grotte pour percer un trou dans un mur constitué d’une matière extraterrestre.
Maturité : Après une série d’injections, un génie immature se transforme de façon inquiétante.
Mémorial : Un scientifique songe à provoquer une catastrophe atomique d’une telle puissance qu’elle dissuade pour toujours l’humanité de faire la guerre.
J’ai peut-être lu du Sturgeon il y a longtemps, je n’en ai aucun souvenir. Auteur de plus de cent nouvelles et de onze romans, il est peu connu des amateurs de SF. Ses thèmes de prédilection sont apparemment la solitude, l’amour et le sexe, enrobés d’une dose de sentimentalisme. Cette description colle à plusieurs des histoires du recueil, notamment pour le sentimentalisme, Sturgeon se focalisant sur les tourments intérieurs de ses héros. Malgré de bonnes idées, aucune ne m’a réellement convaincu. La plupart ne réussissent pas à dépasser leur pitch, Sturgeon s’enlise dans les descriptions et les réflexions, et les conclusions m’ont laissé sur ma faim. Excepté L’hôte parfait qui alterne les points de vue et les styles, l’écriture est souvent ampoulée, le problème pouvant toutefois venir de la traduction. Si je lirai sans doute son fameux Cristal qui songe qui traine sur une de mes étagères, cette première incursion dans l’univers de Sturgeon m’a déçu.


The Four Immigrants Manga – A Japanese Experience in San Francisco, 1904-1924 de Henry (Yoshitaka) Kiyama (Stone Bridge Press, 1999), 152 p.
En 1931, Henry Yoshitaka Kiyama, un Japonais de San Francisco, fait éditer une bande-dessinée humoristique d’une centaine de pages en partie autobiographique décrivant le quotidien de quatre immigrés japonais débarquant aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Henry vient pour étudier l’art occidental et devenir peintre ; Fred veut se lancer dans l’agriculture ; Frank dans l’import-export ; et Charlie a juste envie de voir le fonctionnement de la démocratie américaine, lassé des us de son pays. L’auteur les accompagne dans leur quotidien durant une vingtaine d’années, se moquant de leurs problèmes et pointant du doigt les tares de la société américaine.

The Four Immigrants Manga est inhabituel à cette période, tant dans la forme que dans le fond. Alors que les bandes-dessinées paraissaient sous forme de strips quotidiens ou hebdomadaires, Henry Yoshitaka Kiyama propose un livre chronologique, où les épisodes se suivent pour donner une vision d’ensemble de la vie des immigrés. Parler de graphic novel comme le traducteur Frederik L. Schodt est cependant exagéré, on reste dans une logique de strips avec une continuité supérieure à la moyenne. Les planches avaient été pensées pour une publication quotidienne dans un journal local mais aucun n’en a voulu et l’auteur a poursuivi son projet dans son coin jusqu’en 1924.
Destiné au public des immigrés japonais, les bulles mélangent japonais (en kana et kanji) et anglais. Frederik L. Schodt a eu la judicieuse idée d’adopter dans la traduction une police de caractère d’imprimerie pour le japonais et de garder les lettres manuscrites d’origine pour l’anglais. On a ainsi l’impression que la langue normale et correcte est le japonais et la langue compliquée et mal exprimée est l’anglais, reflétant la réalité des protagonistes. Ceux-ci sont inspirés des amis de Kiyama, qui pointe leurs difficultés à s’intégrer à une société qui ne veut pas d’eux. Il passe en revue les grands évènements historiques, la guerre russo-japonaise de 1905, le tremblement de terre de San Francisco en 1906, la Première Guerre mondiale ou l’épidémie de grippe espagnole. Il n’oublie pas de mentionner les différentes lois d’exclusion, qui vont doucement limiter la capacité des Japonais à immigrer ou à acquérir la nationalité. Frederik L. Schodt a ajouté de nombreuses notes en fin d’ouvrage expliquant le contexte et divers aspects culturels mentionnés dans les cases.

Les documents dépeignant l’existence des nippo-américains de première génération (les Issei) sont rares et The Four Immigrants Manga est passionnant. Il est principalement centré sur Charlie et Frank, sorte de Laurel et Hardy qui cumulent gaffes et malchance. Œuvre de son temps, Kiyama reprend les clichés racistes des auteurs blancs quand il dessine des noir·e·s ou des sino-américains. L’humour est plaisant et la planche sur le port du masque obligatoire en extérieur pendant l’épidémie de grippe espagnole m’a rappelé des souvenirs récents. C’est un texte incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire de l’immigration, de la bande-dessinée américaine ou japonaise ou à l’imbrication des cultures chez les immigrés. A noter que le livre a été adapté en comédie musicale en 2017 par l’américain d’origine coréenne Min Kahng.




Contes d'une grand-mère cambodgienne d’Yveline Féray (Philippe Picquier, collection « Contes et légendes d’Asie », 2003), 194 p.
Contes d'une grand-mère cambodgienne comprend dix contes issus de la culture cambodgienne et compilés par Yveline Féray. Ils sont introduits par un conteur, le lok-ta, qui les narrent au public d’une bourgade à une époque indéterminée. Les deux derniers sont tirés des aventures de Thmenh Chey, un héros populaire espiègle et insolent qui se moque des puissants.

Ecrivaine mariée à un Français ayant des origines indiennes et vietnamiennes, Yveline Féray a vécu plusieurs années au Cambodge et au Vietnam et a réussi à intégrer parfaitement les cultures Sud-Asiatiques à son œuvre. Elle a consacré deux romans historiques à deux personnalités vietnamiennes, Nguyên Trai et le médecin Lê Huu Trac, et a été décorée au Vietnam de l’Ordre d’Etat de l’Amitié, distinction réservée aux étrangers ayant contribué à la consolidation et au développement de l'amitié entre le Vietnam et les pays amis dans le monde. Pour les éditions Philippe Picquier, spécialistes de l’Asie, elle a effectué un travail de compilation et écrits des livres de contes à la manière d’une aïeule racontant des histoires à ses petits-enfants ou à une assemblée villageoise. Contes d'une grand-mère cambodgienne est le troisième volume, après les versions vietnamiennes et chinoises.
Je connais très mal la culture cambodgienne et j’ai découvert un univers qui ne m’est pas familier, où le bouddhisme et l’hindouisme irriguent les récits et où la Chine, qui n’a pourtant aucune frontière avec le Cambodge, sert régulièrement de référence. Alors qu’Yveline Féray insiste dans sa préface sur le pouvoir des femmes dans les premiers royaumes du Cambodge, elles sont en retrait dans ce recueil, absentes ou soumises à une exception près. Le narrateur est d’ailleurs systématiquement un vieillard, le lok-ta, car la parole se transmettait d’homme à homme. On retrouve des schémas classiques du conte, la répétition, la ruse, le miséreux qui devient roi ou riche, ou le roi qui se déguise en pauvre. C’est fort distrayant et je vais m’empresser de récupérer les autres titres de la collection.


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