samedi 25 mars 2023

Carnet de bord 18/03/2023-24/03/2023



Films vus en compagnie
끝까지 간다 [Ggeutggaji ganda] de Seong Hun Kim (2014, Hard Day)
Un soir, alors qu’il se rend à l’enterrement de sa mère, l’inspecteur Ko renverse un homme sur une route déserte. Flic corrompu, ciblé par une enquête interne, il ne veut pas être accusé en plus d’un homicide involontaire. Il met donc le corps dans le coffre de sa voiture et continue son chemin jusqu’aux funérailles. A son arrivée, il est alerté par un de ses collègues que son véhicule va être fouillé. Il doit absolument se débarrasser prestement du macchabé et dispose du cercueil de sa génitrice, qui doit être enterrée le lendemain. Il n’avait cependant pas escompté l’existence d’un témoin de l’accident.

Avant d’établir sa réputation avec Tunnel (2016) et la série Netflix Kingdom (2019-2020), Seong Hun Kim a mis en scène Hard Day, un thriller dynamique donnant, comme souvent dans le cinéma coréen, une image peu reluisante de la police. S’inspirant des frères Coen et de Bong Joon-Ho, il distille un humour très noir. Le personnage principal est un ignoble pourri, que le spectateur est amené à soutenir malgré tout. Pour cela, Seong Hun Kim installe une tension permanente, à chaque fois que Ko croit émerger un malheur inattendu lui tombe dessus. Ko est interprété par Lee Sun-kyun, qui casse l’image romantique qu’il avait en Corée au début des années 2010, et le méchant par Cho Jin-woong, que Seong Hun Kim transforme en psychopathe invincible et omniscient. Les retournements sont parfois invraisemblables et le dernier combat s’éternise, Hard Day est néanmoins un excellent divertissement sans aucun temps mort.


綱引いちゃった! [Tsuna hiichatta!] de Nobuo Mizuta (2012, Tug of War!)
Afin d’accroitre le prestige de sa ville, le maire d’Oita dans le Kyûshû demande à une subalterne, Chiaki, de monter une équipe municipale féminine de tir à la corde. Elle n’arrive pas à persuader qui que ce soit et suggère au maire de conclure un marché avec les cuisinières chargées de la préparation des repas pour les cantines scolaires, qui protestent quotidiennement devant l’hôtel de ville contre la prochaine privatisation de leurs emplois : si elles participent à une équipe de tir à la corde et se qualifient pour les championnats nationaux, la privatisation prévue sera reconsidérée. Chiaki réussit à convaincre sept femmes. Elle est forcée de se proposer pour compléter la troupe car les équipes doivent comprendre huit membres. Le combat est toutefois loin d’être gagné, chacune ayant une vie de famille à gérer et personne ne prenant la compétition au sérieux.

J’avais mentionné dans ma critique d’Oppai bare (2009) ce genre typiquement japonais où des loosers se mettent à une activité saugrenue, se donnent à fond et retrouvent à travers elle foi en la vie. Il me semble avoir vu à une occasion le terme de Ganbatte eiga (eiga = film) pour désigner ce schéma narratif. Ce n’est pas une dénomination officielle mais elle est adéquate et je l’utiliserai dorénavant. Ganbatte est l’impératif du verbe ganbaru, qui signifie grosso modo « faire de son mieux ». Ce mot sert à encourager quelqu’un à s’accrocher, à poursuivre ses efforts et à ne rien lâcher. Ganbatte comporte aussi en général l’idée de capitalisation des expériences passées et de travail collectif, ce n'est pas tant le succès final qui compte que d’avoir tout tenté en sacrifiant son intérêt individuel pour le bien de la communauté. Cela correspond parfaitement à l’esprit de ces longs métrages, et le titre d’un de ses premiers représentants est d’ailleurs Ganbatte ikimasshoi (1998), sur une équipe féminine d’aviron. Tsuna hiichatta! constitue un nouvel opus, centré sur le tir à la corde. On a l’impression que les scénaristes cherchaient le truc le plus tordu/nase possible qui n’ait pas encore été employé.
Apparemment tiré d’une histoire vraie, Tsuna hiichatta! n’est clairement pas un des meilleurs Ganbatte eiga. Outre des blagues grossophobes agaçantes, il n’apporte rien de neuf, se contentant de recycler des situations convenues. Une des actrices principales, la mère de Chiaki pourtant incarnée par l’expérimentée Keiko Matsuzaka, joue vraiment faux et le personnage de Chiaki est terne. Il y a trop de sous-intrigues et chacune est survolée, ce qui empêche un investissement émotionnel. Tsuna hiichatta! est à réserver aux complétistes. De Nobuo Mizuta, j’ai largement préféré sa comédie musicale Ayashii kanojo (2016).


Super Mario Bros d’Annabel Jankel & Rocky Morton (1993)
Deux plombiers de Brooklyn, Mario et Luigi, sont appelés pour un problème de fuite. Ils croisent sur leur chemin Daisy, une jeune paléontologue qui travaille sur un chantier à proximité. Luigi tombe immédiatement amoureux d’elle. Le soir de leur premier rendez-vous, elle est enlevée par deux sbires du vil roi Koopa et emmenée dans un univers parallèle. Mario et Luigi poursuivent les kidnappeurs et débarquent dans un monde en perdition, aux ressources limitées et dont le chef rêve d’envahir la Terre. Ils vont devoir empêcher ce cataclysme et délivrer Daisy des griffes des autorités.

Curieusement, je n’avais jamais vu ce Super Mario Bros de triste réputation, entouré d’une aura culte chez de rares amateurs. Le tournage a été catastrophique, la vision sombre du couple de réalisateurs se heurtant à la production qui voulait une comédie légère. Venus du clip musical et de la télévision, Annabel Jankel et Rocky Morton s’étaient fait connaître grâce à la série anglaise cyberpunk Max Headroom (1985), où un journaliste entrait en guerre contre les corporations. Dès leur arrivée sur le plateau de Super Mario Bros, ils furent hautains avec l’ensemble de l’équipe et rapidement détestés. Les participants à cette aventure décrivent une ambiance exécrable, un projet excessivement ambitieux et mal maitrisé, des réécritures permanentes et des conditions de sécurité précaires, Bob Hoskins s’étant cassé un doigt et John Leguizamo une jambe sur le plateau. Aujourd’hui encore, les deux acteurs gardent un mauvais souvenir et considèrent que c’est leur pire long métrage.
Le résultat n’a pas grand-chose à voir avec le jeu vidéo et les fans de Mario seront frustrés. Nonobstant cette remarque, est-ce si horrible ? Je ne le pense pas et je serai d’accord avec la constatation de Shigeru Miyamoto, le créateur de Mario, qui disait que c’était un projet fun et que ses concepteurs se sont enlisés en tentant de coller au jeu vidéo plutôt que de développer un bon divertissement en tant que tel. C’est kitsch, crétin, ça part dans tous les sens mais j’ai trouvé ça globalement amusant, avec des effets spéciaux de bric et de broc et un côté joyeusement chaotique, loin de l’expérience pénible que je redoutais.


โปรเม อัจฉริยะ/ต้อง/สร้าง [Tee Shot: Ariya Jutanugarn] de Thanawat Eiamjinda (2019, Ariya Jutanugarn : Une femme sur le green)
Somboon Jutanugarn décide que ses deux petites filles doivent devenir des golfeuses professionnelles. Pour cela, il les entraîne quotidiennement, les forçant à se lever à 4h30 du matin pour courir et à manquer l’école l’après-midi pour pratiquer. Son entreprise est couronnée de succès, elles dominent bientôt la scène thaïlandaise et commencent à se faire un nom au niveau international. Tout ceci se construit toutefois aux dépens de leur vie familiale et de leur bonheur, le père ne tolérant aucun écart ou distraction.

Tee Shot: Ariya Jutanugarn est la biographie romancée d’Ariya Jutanugarn, première golfeuse thaïlandaise à gagner un titre majeure et à être numéro un mondial. Davantage que le golf, il se concentre sur les relations entre un père et ses filles et sur ce qu’on est prêt à sacrifier pour parvenir au sommet. D’après ce que j’ai pu en lire en thaïlandais avec l’aide d’un traducteur automatique, la trame est assez fidèle à la vie d’Ariya Jutanugarn, avec une couche de simplification et de dramatisation. Somboon Jutanugarn ne semble pas aussi sévère dans la réalité, la relation avec son entourage est plus apaisée et c’est un vrai amateur de golf, alors qu’il est montré dans le film poussé vers ce sport uniquement pour l’argent. Son passé et sa psychologie sont évacués, il n’est qu’un bloc tendu vers son objectif et n’éprouvant aucune compassion.
Outre le côté caricatural du père, nombre de protagonistes sont laissés en plan (le frère, l’oncle, le journaliste, le gosse à lunettes) et le montage n’est pas franchement subtil, avec des effets grandiloquents malvenus et un mélange passé/présent inutilement complexe. Un discours au début et à la fin génère par ailleurs une ambiguïté sur le modèle éducatif extrême de Somboon Jutanugarn, le spectateur ne sachant pas s’il est censé le condamner ou l’estimer. On est à des années-lumière du délirant Fast & Feel Love (2022), qui détournait brillamment les clichés. Néanmoins, c’est plaisant à suivre, bien joué, la relation entre les sœurs est touchante et on se prend à espérer la victoire de cette golfeuse gentiment rebelle.


L'année du requin de Ludovic et Zoran Boukherma (2022)
Maja Bordenave est gendarme à La Pointe, bourgade balnéaire du Sud-Ouest de la France. A quelques jours d’une retraite à 49 ans après une morne carrière sans péripétie, elle heurte en bateau un objet massif. Elle est persuadée que c’est un requin tandis que ses collègues amusés pensent que la perspective d’un repos forcé et définitif la pousse à inventer un improbable danger. Leurs railleries se taisent soudainement quand Maja découvre le corps d’un nageur, découpé en morceaux par une puissante mâchoire.

Après Teddy (2020) et son loup-garou qui sévit dans les classes populaires d’un village des Pyrénées, voici L’année du requin, un remake post-covid des Dents de la mer (1975) à la sauce comédie franchouillarde. Compte tenu de l’affiche, de la bande-annonce et du casting, je m’attendais à une parodie rigolote, sans capter que c’étaient les gars de Teddy à la manœuvre. Le résultat est déroutant et explique grandement les critiques catastrophiques du public, qui a estimé que ce n’était pas rigolo. Car L’année du requin est fondamentalement un hommage au genre, saupoudré d’un humour absurde ou grinçant et de réflexions sur une France où les idées réactionnaires et complotistes ont libre court. Les frères Boukherma reprennent telles quelles certaines scènes du blockbuster de Spielberg avec un décalage lié au contexte peu spectaculaire d’une plage tranquille de la côte atlantique. Le ton gagne en gravité et il n’y a guère matière à sourire lorsque débute l’ultime combat. Cela donne un long métrage étrange, pas totalement réussi mais assez unique, avec une ambiance déroutante et un faux rythme. Il rebutera sans doute la majorité, j’ai pour ma part plutôt accroché.


Films vus seuls
オリエント急行殺人事件 [Oriento kyuukou satsujin jiken] de Keita Kôno (2015, Murder on the Orient Express)
Oriento kyuukou satsujin jiken est un téléfilm en deux parties reprenant le célèbre roman d’Agatha Christie en le naturalisant. L’intrigue se déroule au Japon en 1933 dans un train de nuit entre Shimonoseki, ville proche du Kyûshû, et Tokyo. Hercule Poirot devient Suguro Takeru, un détective japonais affublé de la même moustache et des mêmes habitudes. L’épisode 1 présente le meurtre commis dans l’Orient-Express et l’investigation de Suguro Takeru pour découvrir le coupable. Le 2 montre les coulisses de l’affaire et décrit comment l’assassinat a été planifié et mené à son terme.

Il existe pour l’instant trois adaptations d’Agatha Christie avec Suguro Takeru en Hercule Poirot, produites par Fuji TV et scénarisées par Kôki Mitani. Oriento kyuukou satsujin jiken est la première. J’aime beaucoup Kôki Mitani, en particulier quand il réalise les textes qu’il écrit. Ce n’est pas le cas ici et c’est dommage car Keita Kôno n’a pas sa carrure, n’ayant œuvré que sur le petit écran. Si ce n’est pas mal fait en soi, on remarque nettement la facture télévisuelle. Ma principale critique porte sur l’acteur principal, Mansai Nomura, un spécialiste du doublage qui cabotine affreusement, et dont l’histrionisme est renforcé par des gros plans sur ses réactions. Cela rend Suguro Takeru fort agaçant. C’est dommage car le reste du casting est de qualité et comporte quelques visages connus, par exemple Kôichi Satô, Sumiko Fuji ou Toshiyuki Nishida. Dans le second volet, histoire inédite inspirée par les évènements du livre, Kôki Mitani donne aux personnages de la profondeur et rend intéressant cet envers du décor, ce qui n’était pas évident sur le papier. Excepté le faux pas sur Suguro Takeru, j’ai préféré cette version au Crime de l’Orient-Express de Kenneth Branagh (2017) et je récupèrerai les autres enquêtes de cette trilogie.


大空港2013 [Daikûkô 2013] de Kôki Mitani (2013, Airport)
A cause du mauvais temps à Tokyo, un avion d’une ligne intérieure japonaise est obligé de se poser dans le petit aéroport de Matsumoto dans la préfecture de Nagano. Le personnel au sol doit réceptionner les plaintes des clients et les choyer en attendant que l’avion puisse redécoller. Ôkôchi se charge de la famille Tanokura, un couple de quarantenaires accompagné de leurs deux enfants adultes, du père et du frère de l’épouse. Ils reviennent d’un enterrement et chacun dissimule des secrets. Tout en les aidant, Ôkôchi se met à les espionner et à se mêler de leurs querelles.

Bien que j’apprécie Kôki Mitani, comme je le signalais dans ma critique d’Oriento kyuukou satsujin jiken (2015), je n’attendais pas grand-chose de ce téléfilm obscur. Je me trompais lourdement, c’est une pépite, une superbe comédie composée d’un plan séquence d’1h40, impeccablement rythmée et interprétée. Elle a été tournée en neuf jours dans l’aéroport de Matsumoto avec une équipe extrêmement réduite, durant les deux heures précédant l’ouverture. Les trois premiers jours servirent aux répétitions, les six suivants aux prises de vue. Le meilleur plan-séquence fut sélectionné entre les six.
Tou·te·s les acteur·ice·s sont excellent·e·s, la superstar Joe Odagiri faisant même des apparitions dans le rôle d’un escroc. Yûko Takeuchi est parfaite en Ôkôchi, une fouineuse sans gêne propre sur elle qui récolte au fur et à mesure les confidences des membres de la famille en gardant une neutralité de façade. Elle s’est malheureusement suicidée en 2020 à l’âge de 40 ans. Daikûkô dégage une telle bonne humeur et une telle gentillesse qu’on pardonne à Kôki Mitani de prendre à la légère des problèmes et révélations parfois sérieuses. Sans être du niveau du génial Welcome Back, Mr. McDonald (1997), cela s’en rapproche et en rappelle l’esprit. Je sens d’ailleurs qu’on va d’ici peu me tirer les oreilles et que je vais revoir Daikûkô en compagnie.


南北少林 [Nan bei Shao Lin] de Liu Chia-Liang (1986, Les arts martiaux de Shaolin)
Zhi Ming s’entraîne depuis son jeune âge dans le temple de Shaolin du Nord. Il veut devenir fort pour venger ses parents, assassinés par un puissant membre de la cour, He Suo. Quand il apprend que ce dernier est revenu au pouvoir après des années de retraite, il décide d’aller le tuer en se déguisant en dragon lors de la fête célébrant son retour. Zhi Ming ne sait pas que deux membres de Shaolin du Sud mettent en place un plan similaire pour assassiner He Suo. Ils sont tous les trois découverts avant d’avoir pu exécuter leur objectif et sont contraints de fuir et de s’entraider, en dépit de leur rivalité.

Si Liu Chia-Liang est connu en France essentiellement pour La 36ème chambre de Shaolin (1978), c’est en réalité un metteur en scène hongkongais majeur. D’abord acteur/cascadeur, il a été pendant plus de dix ans un important chorégraphe d’action de la Shaw Brothers, notamment pour Chang Cheh qui lui laissait une grande liberté. Devenu réalisateur en 1975, il contribue à créer le genre de la Kung-Fu Comedy et met en avant le kung-fu Shaolin, fondé sur une philosophie bouddhiste et un entrainement rigoureux. Les arts martiaux de Shaolin est le troisième volet de la trilogie Shaolin, où l’unique lien entre les épisodes est la présence de shaolins et de Jet Li, dont ce sont les débuts au cinéma. Ce furent parmi les premières grosses co-productions entre Hong-Kong et la Chine continentale, et elles eurent un immense succès dans les deux contrées.
Pour un habitué des Kung-Fu Comedy comme moi (je ne suis pas fan mais j’en ai vu un paquet), Les arts martiaux de Shaolin n’apporte rien de neuf. On retrouve le schéma classique du disciple qui enfreint les règles du temple pour aller se venger, des quiproquos sur l’héroïne prise pour un homme, de la rivalité entre les écoles d’arts martiaux, des blagues transphobes courantes dans les comédies de cette époque, et un puissant cruel qui martyrise la population locale et finit par être puni. Le seul intérêt est un impressionnant combat sur un bateau, qui a nécessité une multitude de figurants (300 experts d’arts martiaux ont été recrutés) et qui est visuellement bluffant. Je verrai probablement par curiosité les deux autres pans de la trilogie, sur lesquels Liu Chia-Liang n’est pas intervenu.


ゴーストブック おばけずかん [Ghost Book Obakezukan] de Takashi Yamazaki (2022)
Trois adolescents font un vœu devant un petit autel, réputé dans la région pour son efficacité. La nuit suivante, un fantôme leur dit d’aller dans la librairie d’occasion à côté de l’autel et d’y récupérer le livre des Yôkai. Le lendemain, un bâtiment est en effet apparu, ils y entrent, subtilisent l’ouvrage et ressortent, suivis par leur professeure remplaçante qui les a aperçus. Ils débouchent dans un monde différent du leur et rencontrent leur amie Minato, qui dit errer là depuis quelques temps. Ensemble, ils vont devoir attraper sept yôkai en moins de trois jours, au risque de perdre la vie en cas d’échec.

Obakezukan est une série populaire de romans pour enfants écrite par Hiroshi Saito. Elle est initiée en 2013, comporte 34 volumes et est toujours en cours. Le film Ghost Book Obakezukan succède à deux saisons d’animés, en 2020 et 2022, et il se termine en laissant la porte ouverte à des suites. Le public visé est les pré-adolescents, les monstres ne sont guère effrayants et les dangers relatifs. On n’a jamais vraiment peur pour les héros et les difficultés se surmontent facilement. C’est mon huitième Takashi Yamazaki, il ne sait clairement pas donner vie aux récits et rendre crédible ses personnages. A l’image de Destiny: Kamakura monogatari (2017), il y a un univers foisonnant mal exploité, des images de synthèse à peu près potables et c’est tout. Les adolescents ne sont pas mauvais, en particulier Jyo Kairi vu dans Une affaire de famille (2018) et qui est membre d’un groupe de J-pop à la mode. Ils sont par contre un peu vieux, leurs réactions étant plus adaptées à des enfants de 8-10 ans que de 14-16 ans. A noter que j’ai regardé Ghost Book Obakezukan avec des sous-titres issus d’un traducteur automatique, c’était cependant suffisant compte tenu de la complexité du truc et avec mes maigres bases en japonais.


Highwaymen de Robert Harmon (2004, Highwaymen - La poursuite infernale)
Après le travail, Alex raccompagne en voiture son amie Molly. En traversant un tunnel, un camion fait une embardée et occasionne un grave accident qu’elles évitent de justesse. Alex part chercher des secours et essaye d’arrêter un véhicule qui s’approche. Au lieu de lui prêter assistance, le conducteur l’écrase violemment puis s’en prend à Molly, qui réussit à s’échapper avec des égratignures. A sa sortie de l’hôpital, elle est contactée par James, qui lui explique que le même chauffard a assassiné sa femme. Il estime que le meurtrier va essayer de tuer Molly et il lui demande de l’aider à l’attraper.

En 1986, Robert Harmon réalise Hitcher, un thriller tendu avec un Rutger Hauer terrifiant en auto-stoppeur psychopathe. Presque 20 ans plus tard, il revient avec un mystérieux tueur en série de la route, pâle succédané de l’illustre néerlandais. Sans être le navet décrit par certaines critiques, Highwaymen demeure quelconque et bourré d’incohérences. On n’est clairement pas dans un drame tourmenté, plutôt dans un slasher réduit à son essence afin de maximiser la tension et l’action. Le montage initial faisait environ 2h, il a été réduit à 1h20 en virant le superflu, la psychologie et le passé des protagonistes. Cette courte durée permet de ne pas s’ennuyer et de ne pas trop réfléchir, soutenu par des scènes d’action correctes. Jim Caviezel fournit le minimum syndical, monolithique à souhait, et Rhona Mitra est la scream girl de service. Oubliable sans être horrible.


黒井戸殺し [Kuroido Goroshi] de Hidenori Jôhô (2018, The Murder of Kuroido)
Sanako Karatsu, une riche veuve, se suicide dans sa maison. Rokusuke Kuroido, qui était amoureux d’elle, demande au médecin de campagne Heisuke Shiba de venir le voir chez lui dans la soirée. Il apprend à Heisuke que Sanako avait empoisonné son mari et était depuis victime de chantage. A cet instant, son majordome apporte le courrier, qui contient une lettre de la morte. Rokusuke souhaite rester seul et Heisuke rentre chez lui. Une heure s’est écoulée lorsque ce dernier reçoit un coup de fil l’informant que Rokusuke vient d’être assassiné. Il se précipite sur les lieux et découvre le corps. Le lendemain, sa sœur lui suggère de faire appel à leur voisin pour mener l’enquête, le célèbre détective Suguru Takeru.

Après Oriento kyuukou satsujin jiken (2015), Kuroido Goroshi est la deuxième production Fuji TV tirée d’Agatha Christie. Ils adaptent cette fois le plus obscur Meurtre de Roger Ackroyd, porté à deux reprises sur grand écran en 1931 en Grande-Bretagne et en 2002 en Russie. Dans la bande annonce diffusée à la télévision, le nom du scénariste Kôki Mitani, très apprécié au Japon, est mis au même niveau que celui d’Agatha Christie. Le metteur en scène n’est en revanche pas évoqué, c’est un inconnu spécialiste du petit écran. Kuroido Goroshi bénéficie d’un budget sensiblement inférieur à Oriento kyuukou satsujin jiken, c’est une enquête minimaliste, les décors sont moins somptueux et le casting moins prestigieux. Kôki Mitani effectue à nouveau un beau travail de transposition de l’histoire dans un village japonais en 1952. A part ça, selon le Agatha Christie Wiki que j’estime fiable, il est fidèle à l’original et la plupart des passages du livre sont retranscrits. Si cette volonté de Kôki Mitani de coller au texte est respectable, le résultat est long, dans les 2h30, pour une enquête qui n’est pas exceptionnelle. Pourtant, malgré le côté toujours exaspérant de Suguru Takeru, ce Poirot japonais joué de façon excessivement parodique par Mansai Nomura, les amateurs de whodunit à l’ancienne y trouveront probablement leur compte.


Livres
Martiens, go home ! de Fredric Brown (Denoël, collection « Présence du futur », 1982), 192 p.
Luke Devereaux est un écrivain de SF qui doit impérativement écrire son prochain roman, pour lequel il a déjà reçu une avance de son éditeur. En quête d’inspiration, il part s’isoler dans la cabane d’un ami en plein désert. Après trois jours à ruminer, une vague idée de Martiens pointe enfin lorsque quelqu’un frappe à la porte. C’est un petit homme vert désagréable, qui dit venir d’une autre planète et qui se met à fouiner dans les affaires de Luke. Le lendemain matin, Luke décide de rentrer chez lui. Sur le chemin, il apprend qu’il n’est pas fou et que les Martiens ont débarqué en force, un milliard d’entre eux étant apparus sur Terre la veille au soir.

Pardonnant le raté Fantômes et farfafouilles, j’ai décidé de laisser une chance à Fredric Brown et tenter ce Martiens, go home ! qui trainait dans ma bibliothèque. Bien m’en a pris, il s’est avéré distrayant et amusant. Rendre les Martiens intangibles et intrusifs est original et le principe est exploité intelligemment, avec des changements de points de vue qui enrichissent progressivement le propos. Fredric Brown lance de nombreuses fausses pistes, le lecteur pensant tomber sur une figure importante qui s’avère être un charlatan ou un incompétent. Les personnages féminins servent uniquement de faire-valoir, au moins il n’y a pas la misogynie ou la vulgarité de Fantômes et farfafouilles. Un court bouquin plaisant donc, qui se moque de la surexploitation de la peur des Martiens dans la culture populaire des années 50. A noter que Martiens, go home ! a été adapté au cinéma avec Randy Quaid dans le rôle de Luke Devereaux (renommé Mark). 3,2 sur imdb, ça pique, est-ce que je dois réellement m’infliger ça ?


Coups d’éclat de Yoshihiro Tatsumi (Vertige Graphic, 2003), 111 p.
Coups d’éclat est composé de cinq nouvelles de Yoshihiro Tatsumi publiées entre décembre 1969 et janvier 1972. Excepté Un grand coup, elles sont toutes présentes dans les recueils de Cornélius. Vertige Graphic a ajouté une brève préface d’un auteur de BD américain dont je n’avais jamais entendu parler, Adrian Tomine, qui n’apporte strictement rien à un lecteur français.

Un grand coup n’est pas terrible, encore un homme déçu par sa femme et par la vie, qui cherche un substitut et échoue. Quant aux autres nouvelles, je les avais lues récemment. Sachant que Cornélius va certainement continuer son intégrale des œuvres de Tatsumi année après année, les BD de Vertige Graphic deviennent obsolètes. Mieux vaut se concentrer sur Cornélius, qui effectue qui plus est un meilleur travail éditorial.

Le livre noir du colonialisme – XVIe-XXIe siècle : de l’extermination à la repentance dirigé par Marc Ferro (Robert Laffont, collection « Hachette Littératures – Pluriel », 2003), 1123 p.
Ce pavé de 1000 pages propose un état de la recherche au début des années 2000 sur l’histoire du colonialisme. Vingt-deux chercheur·se·s ont contribué, majoritairement membres de labos, écoles ou universités français·e·s, chacun se focalisant sur sa spécialité. Il est divisé en cinq parties :
• « L’extermination », qui se penche sur l’éradication des indiens des Caraïbes, de l’Amérique du Nord et des aborigènes d’Australie ;
• « La traite et l’esclavage », en particulier au sud des Etats-Unis ;
• « Dominations et résistances » constitue le gros morceau et est composé de sous-parties géographiques : Amérique du Sud, Asie et Afrique ;
• « Le sort des femmes », un unique chapitre centré sur les femmes durant les colonisations ;
• « Représentations et discours », qui traite de l’anticolonialisme, des colonies dans la chanson et au cinéma, et de la Négritude.
Le livre noir du colonialisme se situe dans la continuité du Livre noir du communisme, gros succès de librairie et ouvrage polémique paru en 1997. Comme souvent avec ce type de travail collectif, c’est assez variable selon les auteurs. En dépit de sa taille imposante, il n’était pas possible de couvrir tous les pays et toutes les questions, et des choix ont dû être effectués. Ils ont voulu parcourir un large spectre et ont tenté des ouvertures sur le genre ou sur les colonisations non ouest-européennes (japonaise, arabe ou russe). Si cette initiative est louable et sert à donner une meilleure vision d’ensemble, elle est également frustrante. Il est ainsi ridicule d’avoir un unique article, remarquable au demeurant, dans la partie sur les femmes et on ne peut que noter l’absence de certains Etats : la Chine a par exemple été laissée de côté, que ce soit dans sa colonisation par l’Occident ou dans son colonialisme en Asie. Il aurait été en outre intéressant d’adopter une approche plus comparative. Malgré la diversité des aspects abordés, chaque chercheur·se reste dans sa zone géographique et n’examine pas la situation ailleurs. C’est au lecteur de construire les ponts entre les époques et les lieux.
Passé ces critiques, Le livre noir du colonialisme est d’une lecture aisée et la plupart des chapitres sont passionnants. Il date de 2003 et apparaît parfois daté, bien qu’il conserve sa pertinence dans la majorité des cas. Chaque sujet mériterait un livre en soi, Le livre noir du colonialisme a le mérite d’introduire une diversité de questionnements, que le lecteur pourra creuser s’il le désire par la suite à travers des études spécialisées récentes. J’ai beaucoup appris sur des pays que je connaissais mal et, même sur des aires que je maîtrise mieux, j’ai pris plaisir à parcourir des analyses généralement synthétiques et lisibles. Je recommande donc cette somme aux amateurs d’Histoire, qui trouveront à coup sûr de quoi les satisfaire dans la multitude des domaines évoqués.


2 commentaires:

  1. Je me joindrai volontiers à vous si un nouveau visionnage de Daikûkô s'impose !

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    1. Tu es tellement prévisible que j'ai déjà acheté des trucs à bouffer au cas où tu viendrais prochainement ^^

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