samedi 14 janvier 2023

Carnet de bord 07/01/2023-13/01/2023



Films vus en compagnie
Matewan de John Sayles (1987)
En 1920, voyant leur salaire diminuer brutalement sans compensation, les mineurs de la ville de Matewan en Virginie-Occidentale se mettent en grève et songent à se syndiquer. La direction de la mine fait appel aux immigrés italiens déjà présents et à des travailleurs noirs venus d’un autre état pour briser la grève, jouant sur les rivalités entre communauté et sur le racisme. Joe Kenehan est envoyé par la United Mine Workers pour organiser le mouvement syndical naissant. Evitant les pièges du patronat, il incite les mineurs à coopérer quelle que soit leur origine et à éviter la violence. Sa position pacifiste suscite des débats, les conflits s’aggravant avec l’arrivée de détectives privés violents aux ordres de la compagnie.
John Sayles est un écrivain et réalisateur américain de gauche qui fait des films à petit/moyen budget très engagés sur des questions généralement sociales et/ou raciales. J’avais apprécié Brother (1984), de la SF fauchée sur un extra-terrestre noir poursuivi par des chasseurs de primes de l’espace, et Lone Star (1996) avec un shérif texan confronté aux tensions interraciales près de la frontière. Dans une ambiance très différente, j’avais bien aimé également Le secret de Roan Inish (1994), autour d’une communauté de pêcheurs irlandais pauvres dans un récit teinté de merveilleux. Matewan se penche sur un évènement célèbre de l’histoire sociale américaine, la bataille de Matewan, où une communauté de mineurs a résisté aux expulsions de famille ordonnées par la direction (attention : la page wikipedia spoile).
Matewan n’est pas historiquement juste dans les détails, il cherche à retranscrire l’ambiance de l’époque, les questionnements des mineurs et les interactions entre les communautés. John Sayles crée de toute pièce son héros Joe Kenehan, invente des méchants détestables et mélange les évènements pour rendre la narration plus dense et plus cinématographique. Bien que comprenant ses motivations, cela engendre plusieurs problèmes :
• En important de l’extérieur un homme détenteur du savoir, il gomme l’expérience des mineurs déjà très politisés et bien au fait des problématiques syndicales. De façon générale, il se concentre trop sur le local alors que Matewan n’est qu’un exemple parmi d’autres d’un phénomène global à cette époque ;
• Il minimise le rôle des femmes, que ce soit dans le quotidien ou dans la lutte, la Virginie-Occidentale étant notamment un des terrains d’intervention de l’organisatrice syndicale Mother Jones, très célèbre à l’époque ;
• C’est dommage qu’il se sente obligé de mettre des méchants très méchants pour révulser le spectateur et le faire adhérer aux positions des mineurs : les conditions d’exploitation étaient suffisamment révoltantes, il n’y avait pas besoin d’en rajouter. Il se focalise beaucoup trop sur l’agence de détectives privés, mettant au second plan les patrons et l’Etat américain, qui finira par envoyer les troupes fédérales pour mater les contestations dans la région.
Malgré tout, Matewan reste incontournable et met en valeur une histoire sociale invisible dans les médias. Il montre la solidarité des mineurs à une époque où les autres syndicats pratiquaient la ségrégation, et l’importance du mouvement syndical dans les luttes. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que, quand sort Matewan en 1987, le président Ronald Reagan menait, à l’image de sa consœur Thatcher en Grande-Bretagne, une politique de destruction systématique des grandes fédérations syndicales. Il se questionne enfin sur le recours à la violence comme moyen de contestation dans un endroit coupé du monde extérieur et où le patronat fait sa loi.


Steel Magnolias de Herbert Ross (1989, Potins de femmes)
Steel Magnolias suit trois années de la vie de M’Lynn, de sa fille Shelby qui se marie dans la première partie, et de leurs amies. Il y a Truvy la tenancière du salon de coiffure, Annelle nouvelle venue en ville et fraichement engagée par Truvy, la riche et amusante Clairee et la misanthrope au grand cœur Ouiser. A elles six, elles se soutiennent et traversent les épreuves, ne pouvant compter sur les hommes absents, décédés ou inutiles.

Steel Magnolias est scénarisé par l’auteur de la pièce éponyme, écrite en l’honneur de sa sœur. Durant la quasi-totalité du métrage, l’origine théâtrale est visible, que ce soit dans les dialogues ou par le montage, qui saute d’une scène de discussion dans un lieu fixe à une autre. Certaines ne durent que dizaines de seconde et servent juste à placer un bon mot. On se demande un peu où tout cela mène jusqu’au dernier tiers, moins figé et qui fonctionne mieux. C’est dommage car la dynamique entre les actrices est bonne. Confié à un autre réalisateur (ce qui n’aurait pas été un mal, Herbert Ross ayant apparemment été ignoble sur le tournage) et scénarisé par quelqu’un d’un peu plus extérieur vis-à-vis du texte d’origine, ça aurait pu donner quelque chose de très bien. En l’état, ça ne casse pas trois pattes à un canard.


Jurassic World de Colin Trevorrow (2015)
Un ado et son petit frère sont envoyés en vacances à Jurassic World, géré par leur tante Claire pour le compte d’un milliardaire. Ce parc d’attraction a été construit sur les ruines de Jurassic Park à la suite de l’échec du rêve de John Hammond. L’actuel propriétaire n’ayant apparemment rien appris de son prédécesseur, ses équipes développent des dinosaures toujours plus gros et effrayants en mélangeant des ADN. Leur nouveau monstre est sur le point d’être présenté au public. Claire demande au dresseur et comportementaliste animalier Owen Grady de venir inspecter les locaux afin de s’assurer qu’il n’y ait aucune faille de sécurité.

Rien à sauver dans le premier épisode de la trilogie Jurassic World, 14 ans après le mauvais Jurassic Park 3 dont je ne me souviens plus du tout et ce n’est pas plus mal. Sans une once d’originalité, les scénaristes ont repris le duo d’enfants perdus dans la jungle, les vélociraptors, les dinos qui s’échappent, le thème de John Williams… Heureusement en même temps car les vélociraptors et le thème musical sont les seuls trucs potables, le reste étant complètement indigent. Le héros est un bad boy qui fait chavirer le cœur de l’héroïne avec ses gros muscles, héroïne qui passe en deux secondes de la méchante capitaliste à la femme sensible émue par les animaux et les enfants. C’est complètement nul et le pire est que je vais sans doute voir les deux épisodes suivants.


きのう何食べた? [Kinô nani tabeta?] de Kazuhito Nakae (2021, What Did You Eat Yesterday?)
Shiro et Kenji sont deux hommes d’âge mûr qui vivent en couple à Tokyo. Shiro est avocat, il est assez réservé et aime cuisiner durant son temps libre. Kenji est extraverti, il est coiffeur et est plus préoccupé par son apparence. On suit leur vie quotidienne durant quelques mois, faite de joies, de contrariétés, et de recettes préparées par Shiro.

What Did You Eat Yesterday? est au départ un manga débuté en 2007 et toujours en cours de parution. Il a été adapté en TV drama en 2019 et la série a connu un immense succès, poussant les producteurs à la porter au cinéma avec le même casting. C’est un adroit mélange de comédie romantique et de préparations culinaires. La gastronomie est très à la mode au Japon depuis des années, à l’image du diptyque Petite forêt (2014-2015) chroniqué précédemment.
L’homosexualité au Japon est un sujet complexe que je ne maîtrise pas bien, n’ayant jamais lu d’étude approfondie sur le sujet. De ce que j’en sais, elle était perçue de manière assez neutre avant l’occidentalisation du Japon durant l’ère Meiji, puis a progressivement été rejetée à partir de la fin du XIXe siècle. Elle commence à être mieux acceptée ces dernières années, notamment dans les grandes villes, et certaines personnalités se mettent à faire leur coming-out. Cela demeure marginal et l’autorisation du mariage entre personnes de même sexe n’est pas à l’ordre du jour (Taïwan est le seul pays d’Asie qui l’autorise). What Did You Eat Yesterday? montre d’ailleurs bien les réticences encore présentes, par exemple chez la mère de Shiro qui ne souhaite pas voir Kenji.
De façon assez paradoxale, dans les arts et dans les mangas, la représentation des amours homosexuels a toujours été répandue et il existe même un genre, le yaoi, consacré uniquement aux romances entre hommes. Il est principalement destiné aux femmes et comporte en général du sexe explicite. What Did You Eat Yesterday? se démarque par la faible sexualisation de la relation entre Shiro et Kenji, pour se concentrer sur les évènements de la vie quotidienne. C’est une comédie très simple et gentille avec quelques bonnes recettes que je pourrais tester à l’occasion.


Films vus seuls
絕代雙驕 [Jue dai shuang jiao] de Yuen Chor (1979, The Proud Twins)
Deux frères jumeaux sont séparés à la naissance après le meurtre de leurs parents. Le premier, Jiang Xiao Yu, est récupéré par un ami de la famille, le second est enlevé par une ennemie qui veut se venger. Ils grandissent sans avoir connaissance de l’existence de l’autre. Arrivés à l’âge adulte, Jiang Xiao Yu part à la recherche des assassins de ses parents tandis que son frère est chargé par sa mère d’adoption de le tuer.

Alexander Fu Sheng est un des premiers acteurs important spécialiste de rôles comiques dans des films d’arts martiaux, vu par beaucoup comme un précurseur de Jackie Chan. Il est décédé en 1983 à 28 ans à l’apogée de sa carrière dans un accident de voiture. Je n’ai jamais été un grand fan, les comédies de la Shaw avec lui sont souvent lourdingues et son jeu n’est guère subtil. C’est le cas ici, Alexander Fu Sheng est pénible et c’est embêtant car tout tourne autour de lui. J’ai préféré l’adaptation du même roman par Chun Yen 8 ans plus tôt. Bien que plus brouillonne, elle était plus rythmée, plus folle et c’était une bonne idée de transformer le héros en héroïne.


二階の他人 [Nikai no tanin] de Yôji Yamada (1961, The Strangers Upstairs)
Un jeune couple, Masami et Akiko, loue une de leurs chambres au 1er étage de leur maison pour rembourser leur crédit. Elle est occupée par un homme et une femme au chômage, qui cumulent déjà trois mois de retard dans leur loyer. Les propriétaires demandent poliment à être payés, les locataires ne sont pas pressés et inventent à chaque fois de nouvelles excuses. Excédé, Masami contacte le policier de son quartier, qui lui explique qu’il n’y a guère de moyen rapide de se débarrasser des indésirables.

Nikai no tannin est la première réalisation de Yôji Yamada, alors âgé de 30 ans. C’est un SP (ou Sister Picture), moyen métrage projeté avant un long métrage. Le concept se rapproche de la série B à l’américaine et permettait aux studios de tester un metteur en scène inexpérimenté sans risque, les spectateurs se rendant dans les salles pour le titre principal et non pour le SP. A la demande de la Shôchiku, Yôji Yamada a dû transformer en comédie un roman policier de l’écrivain Kyô Takigawa. Cette origine se sent surtout dans la deuxième partie, avec un suspens construit autour du remboursement d’une grosse somme d’argent. Pour un premier film, c’est plutôt bien mené, malgré plusieurs personnages secondaires assez agaçants. Rien de mémorable toutefois, c’est plus une petite curiosité pour les fans de Yôji Yamada (ou les complétistes comme moi).


神在月のこども [Kamiarizuki no kodomo] de Takana Shirai (2021, L'enfant du mois de Kamiari)
Depuis la mort de sa mère, Kanna n’arrive plus à courir. Elle avait l’habitude de s’entraîner avec elle et de se surpasser pour lui faire plaisir. Refusant d’admettre son blocage, elle participe au marathon de l’école et réussit à s’élancer dans la course. Lorsqu’elle arrive près de la ligne d’arrivée, elle s’effondre en larmes. Elle rejette son père venu la consoler et s’enfuit, enfilant le bracelet qui appartenait à sa mère. Le temps se fige soudain et des créatures étranges surgissent, dont un lapin blanc qui parle. Il lui explique qu’elle est la descendante d’un Dieu et qu’elle doit reprendre la mission familiale consistant à livrer le repas des Dieux dans 5 jours.

Je suis tombé par hasard sur Netflix sur cet animé assez mal noté. Il n’avait pas l’air vilain techniquement et j’étais curieux. Malheureusement, la note est justifiée, ce n’est vraiment pas terrible. C’est une production du studio Liden Films, plutôt spécialisé dans les séries TV. Le financement a été assuré en partie par un crowfunding et c’est la première réalisation de Takana Shirai. Le scénario, qui ne provient pas d’un manga pour une fois, est assez faible : les personnages n’ont aucune profondeur, les situations sont terriblement classiques et la résolution complètement prévisible. Dispensable.


മിന്നൽ മുരളി [Minnal Murali] de Basil Joseph (2021, Minnal Murali: Par le pouvoir de l'éclair)
Jaison et Shibu sont frappés au même instant par la foudre. Le premier était en train de se disputer avec le chef de la police, qui a promis sa fille à un autre alors que Jaison sortait avec elle depuis des années ; le second se rendait chez Usha, une femme que Shibu aimait, qui s’était mariée et qui vient de revenir chez elle à la suite de son divorce. Ils survivent et se remettent rapidement du choc. Quelques jours plus tard, ils commencent, chacun de leur côté, à développer des super pouvoirs, qu’ils vont exploiter différemment.

L’appropriation du genre typiquement hollywoodien des super-héros par d’autres cultures donnent souvent des résultats intéressants, pour le meilleur comme le japonais Go Find a Psychic! (2009), le français Vincent n’a pas d’écailles (2014) ou le finlandais The Innocents (2021) , ou pour le pire comme le nanardesque italien L'incroyable homme puma (1980). J’avais entendu parler positivement de Minnal Murali dans Mad Movies, qui le mentionnait en passant dans un article. Je n’avais jamais vu de film malayalam et je m’attendais à une superproduction à la Bollywood ou Kollywood. Eh bien pas du tout, le cinéma malayalam est apparemment connu pour son progressisme et son réalisme et n’a clairement pas des budgets gigantesques.
Minnal Murali a une trame scénaristique ultra-classique, un gentil et un méchant qui découvrent leurs pouvoirs et finissent par s‘affronter. Sauf que c’est ancré dans le quotidien d’un village, tout est à une échelle humaine, et on passe beaucoup de temps sur la vie des héros et sur leurs interactions avec la communauté. Ça change des Marvel récents et ça évoque un peu les comics des années 60-70, qui se préoccupaient plus des questions sociales et proposaient des univers crédibles. J’ai trouvé Minnal Murali fort sympathique, il dégage une sincérité et un amour du genre que je n’avais plus vu depuis longtemps, à des années-lumière de l’affreux Thor : Love and Thunder (2022). Les acteurs et actrices ne sont pas spécialement beaux, les décors font vrais, les effets spéciaux sont limités et utilisés à bon escient. La storyline du méchant est bien construite, sans manichéisme excessif. Même l’humour, généralement pénible dans les productions indiennes, est léger et passe sans problème. Quelques chansons intégrées au récit agrémentent le métrage. Il a très bien marché en Inde et j’espère juste que, en cas de suite, ils sauront rester modestes et garder le même esprit.


Mal de Espanha de José Leitão de Barros (1918)
Un respectable homme marié d’un certain âge dévore des yeux sur la plage une belle Espagnole. Obsédé par cette vision, il part le soir même à la recherche la demoiselle, finit par l’apercevoir et elle devient son amante. Dans le même temps, sa fille se prend d’affection pour un jeune homme propre sur lui, apprécié également par la mère. Le père refuse leur mariage et ils vont devoir trouver un moyen de le faire changer d’avis.

Mal de Espanha est la première réalisation de José Leitão de Barros, juste avant Malmequer (1918). Les deux courts métrages ont été produits par la compagnie Lusitânia Film, qui fera faillite l’année suivante. Mal de Espanha a été tourné principalement sur la plage de Caxias, à côté de Lisbonne, avec quelques intérieurs dans une salle du palais royal de Queluz (palais également utilisé dans Malmequer). José Leitão de Barros se moque de l’attraction que les artistes espagnoles exerçaient à l’époque sur les bourgeois portugais. Le scénario est plus évolué que Malmequer, c’est néanmoins platement filmé et très statique, rappelant le cinéma des années 1900.


Livres
L’île des morts de Roger Zelazny (J’ai lu, 1973), 192 p.
Francis Sandow est un des 27 Noms vivants, le seul être humain dans l’univers capable de façonner des planètes. Cette aptitude est normalement réservée aux Pei’en, une ancienne race en lente voie d’extinction mais Francis, sous le parrainage d’un illustre Nom, a réussi les épreuves et a reçu la consécration. Il a été lié à Shimbo, une divinité du panthéon Pei’en, qui le possède lorsqu’il crée des mondes. Alors qu’il coule des jours paisibles isolé sur sa propre planète, Francis reçoit des photographies récentes d’amis et ennemis décédés depuis des siècles, puis peu après un appel à l’aide d’une ancienne amante perdue de vue. Inquiet à l’idée que quelqu’un cherche à lui nuire, il décide de sortir de sa retraite.

L’île des morts est un roman écrit dans la première partie de la carrière de Zelazny. On y retrouve déjà la plupart de ses thèmes de prédilection, avec son héros immortel habité par un Dieu, qui réussit à déjouer toutes les embuches par sa puissance et son intelligence. Le livre est écrit à la première personne, du point de vue de Francis Sandow, qui découvre progressivement le piège qu’on lui a tendu. Le problème est qu’on ne ressent guère d’empathie pour lui et que les aventures s’enchaînent de façon un peu artificielle. J’aimais beaucoup Zelazny quand j’étais jeune, ses bouquins se démarquaient des classiques récits d’apprentissage ou de bouleversement de la vie d’un être ordinaire. Avec le temps, ça devient lassant, c’est toujours un peu pareil. Pas désagréable, ça se lit facilement, juste que l’effet nouveauté est passé et je suis devenu plus exigeant.


Les Sciences participatives au secours de la biodiversité de Florian Charvolin (Editions Rue d’Ulm, collection « Sciences durables », 2019), 76 p.
Les cinq chapitres de ce petit livre constituent un survol sociologique de l’état actuel des sciences participatives :
• Une courte présentation de l’histoire des sciences participatives, moins récentes qu’on ne le pense
• Une description du cadre protocolaire couramment utilisé sur le terrain
• Les difficultés à connaître en détail les contributeurs aux sciences participatives
• Les raisons qui poussent les amateurs à contribuer
• Les bouleversements liés à l’arrivée du numérique et du big data
Les Sciences participatives au secours de la biodiversité a plusieurs qualités et deux gros défauts. Commençons par ces derniers. Premièrement, le titre est assez trompeur. Son objectif est de dresser un état sociologique des sciences participatives, pas de montrer ce qu’elles peuvent apporter à la sauvegarde de la biodiversité. Ce n’est pas une étude explorant comment elles peuvent influencer les politiques publiques, la façon dont on doit préserver les espaces naturels ou comment elles font évoluer les mentalités. Ces points sont abordés parfois au détour d’une phrase, ce n’est cependant pas le cœur du livre.
Deuxièmement, il manque une définition claire de ce que l’auteur entend par sciences participatives. Cela peut paraître évident, ça ne l’est pas. J’ai ainsi dû attendre le dernier chapitre pour comprendre qu’il mettait à part les données opportunistes (données entrées par des amateurs hors du cadre d’un protocole clairement défini sur une durée prédéterminée) et que l’essentiel de ses analyses se limitaient aux données protocolées. Les données opportunistes sont pourtant la source la plus importante en volume, notamment via le site Faune-France, et répondent à des problématiques parfois différentes. La façon dont l’auteur conçoit les sciences participatives semble également changer à chaque chapitre : le premier sur l’historique prend en compte les données opportunistes, pas le second sur les protocoles, et on ne sait pas trop sur ceux qui viennent ensuite. Il y a peut-être également d’autres soucis que je n’ai pas vus, n’étant pas un spécialiste du domaine mais juste un participant occasionnel.
Passé ces deux problèmes non négligeables, c’est une présentation facile et rapide à lire, qui permet de bien contextualiser la situation des sciences participatives en France à l’heure actuelle, avec ses forces et ses faiblesses. Il pose en outre de bonnes questions pour appréhender les limites du phénomène, à la fois sur le petit nombre de volontaires et la difficulté de maintenir leur motivation dans le temps. Il y aurait sans doute beaucoup d’autres choses à dire, les recherches approfondies sur le sujet commencent juste à être réalisées. Ce court texte est une bonne première approche, qui permet de mettre un pied dans le sujet sans rebuter le néophyte.


La promesse de Shôhei Kusunoki (Cornélius, collection « Pierre », 2009), 304 p.
Ce recueil contient neuf nouvelles publiées entre 1966 et 1973 dans le magazine Garo par le jeune Shôhei Kusunoki, auteur prometteur qui décèdera à l’âge de 30 ans des suites d’une malformation cardiaque. Les histoires, souvent tragiques, sont centrées sur des gens ordinaires dans un style assez réaliste et se situent parfois dans les années 60, parfois durant l’ère Edo.

Je continue mon exploration du gekiga, après les œuvres de Masahiko Matsumoto et de Yoshiharu Tsuge. Je n’avais jamais entendu parler de Shôhei Kusunoki, ce n’est guère étonnant vu la brièveté de sa carrière. Atteint de problèmes cardiaques depuis l’enfance, la maladie hante ses récits. L’optimiste n’est guère de mise, un destin inéluctable pèse sur les protagonistes. J’ai trouvé que la qualité de la narration augmentait au fil du temps et j’attends avec impatience de lire le deuxième recueil publié par Cornélius.


Revues
Mad Movies n°367 – Janvier 2023
Le numéro de ce mois-ci est moins riche que les précédents. Côté nouveauté, je note juste Ashkal (2022), un thriller tunisien qui semble assez original ; Saloum (2021), un film fantastique sénégalais intrigant ; La montagne de Thomas Salvador, étant donné que j’avais bien aimé son premier long métrage Vincent n’a pas d’écailles (2014) ; et peut-être Qala (2022), un drame musical indien par la réalisatrice de Bulbbul qui ne m’avait pas convaincu (2020), et Earwig (2021) même s’il faudrait sans doute que je commence par les œuvres précédentes de Lucile Hadzihalilovic.

Le bilan 2022 de la rédaction n’a pas suscité d’envie particulière, il m’a juste rappelé l’existence de Decision to Leave (2022), qu’il va falloir que je regarde, et de Men (2022), qui était un peu sorti de mon esprit. Le dossier sur Starship Troopers est intéressant et j’aime bien cette citation de Verhoeven : « Je voulais engager de beaux acteurs susceptibles d’attirer la sympathie du public. Et en cours de projection, je voulais dire au spectateur : « Au fait, ce sont des nazis ! » ». J’ai moins accroché au dossier sur les films de bande, je connais la plupart des titres cités et ça n’a jamais été mon truc.
En cinéma de patrimoine enfin, pas moyen de me souvenir si j’ai déjà vu Seven Swords (2005) de Tsui Hark. Dans le doute, je vais dire que non et il faudrait que je le récupère, peut-être le coffret Spectrum Films qui contient également une traduction d’un bouquin de Stephen Teo que je voulais lire. Je ne sais plus non plus si j’ai vu Doomsday (2008) de Neil Marshall, réalisateur du distrayant Dog Soldiers (2002) et du bon The Descent (2005). Mad Movies en dit beaucoup de bien mais, de mémoire, j’en avais eu des échos négatifs à sa sortie. Ils mentionnent également positivement Sorcière (2020) et The Lair du même metteur en scène, dont les notes à moins de 5 sur imdb font peur. Je remarque enfin la curiosité Le drive-in de l'enfer (1986), de l’ozploitation qui a l’air terriblement kitsch.


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