samedi 3 février 2024

Carnet de bord 27/01/2024-02/02/2024



Films vus en compagnie
クレイジークルーズ [Kureiji Kuruzu] de Yûsuke Taki (2023, In Love and Deep Water)
Suguru est maître d’hôtel sur un immense paquebot de luxe, engagé pour une croisière d’une quarantaine de jours en compagnie de milliers de passagers. Il estime que le client a toujours raison et se plie en quatre pour satisfaire les pires caprices. Savoir que sa petite amie l’aime et qu’ils vont bientôt se marier lui permet de tenir le coup et de subir sans broncher les humiliations. Lorsqu'une certaine Chizuru s’embarque à la dernière seconde et lui révèle que sa copine a une liaison, le monde de Suguru s’écroule. Comble de malheur, il assiste à un meurtre mais le corps disparait et les autres témoins refusent de parler.

Encore un raté pour Netflix, ici distributeur et contributeur au financement. Pour son premier long métrage, le téléaste Yûsuke Taki échoue sur tous les plans : sa réalisation est plate et molle ; les comédien·ne·s semblent s’ennuyer et ne sont jamais crédibles (mention spéciale à un combat sans aucune tension entre Suguru et un ancien yakuza) ; le scénario, pourtant écrit par Yûji Sakamoto récemment primé à Cannes pour L'innocence (2023) de Kore-eda, enchaîne les clichés et ne décolle pas ; le tout est une énorme page de publicité pour MSC Cruises, avec une fascination déplacée pour un tourisme de riches écologiquement aberrant. A fuir.


Hombre mirando al sudeste de Eliseo Subiela (1986, Homme regardant au sud-est)
Dans l’hôpital psychiatrique où il travaille, le cynique docteur Denis apprend par une infirmière qu’un malade s’est joint aux effectifs sans avoir été admis. Cet individu nommé Rantes prétend être l’hologramme d’un extraterrestre et demeurer sur Terre pour étudier la stupidité humaine. En dépit de son scepticisme, le médecin se rend compte que Rantes est prodigieusement intelligent et doué, et il finit par être obsédé par son patient.

Hombre mirando al sudeste est un classique du cinéma argentin, allègrement pompé en 2001 par l’hollywoodien K-PAX que je n’ai pas vu. Sorti quatre ans après la chute de la dictature, il en porte les stigmates et s’interroge sur les notions de normalité, d’autorité, de responsabilité et d’indifférence à la souffrance. Il garde continuellement une ambiguïté sur la réalité des propos de Rantes, doutes renforcés par l’interprétation minimaliste d’Hugo Soto (qui décèdera du SIDA en 1994). Le rythme contemplatif et les réflexions mystico-religieuses m’ont néanmoins lassé et je ne sais pas trop quoi penser. A noter que le mixage son est catastrophique et que les dialogues couverts par la musique sont parfois inaudibles, souci apparemment récurrent chez Eliseo Subiela.


Elemental de Peter Sohn (2023, Élémentaire)
Un couple d’immigrés de Fireland, Burdi et Sidder, débarque à Element City et ouvre une épicerie dans un coin défavorisé à l’écart du centre. Les années s’écoulent, ils ont une fille, Ember, de nouveaux arrivants s’installent dans les environs et une communauté de gens du feu se forme. Burdi, désormais appelé Bernie, souhaiterait qu’Ember reprenne le magasin. Le caractère explosif de celle-ci complique la passation, Bernie vieillit et elle n’est toujours pas mûre. Un jour, en descendant à la cave pour déverser sa rage, elle endommage la plomberie. Wade, un homme d’eau fonctionnaire de la ville, s’extrait d’un tuyau percé, commence à lister les irrégularités et menace de fermer l’échoppe.

Un an après Turning Red (2022), Pixar réaborde la question de l’immigration et de la transmission. Ils ancrent cette fois l’intrigue dans un univers imaginaire, sans rattacher les divers éléments à des cultures précises. L’objectif est de construire un récit collectif sur la tolérance, sur l’intégration et le respect de l’autre. Sauf qu’à tenter d’inclure tout le monde, on tombe dans les poncifs et la mièvrerie. Des situations identiques sont traitées ailleurs avec davantage de finesse, les personnages manquent de relief et c’est extrêmement prévisible. Si ça reste techniquement magnifique, mieux vaut sur ce genre de problématique regarder la trilogie Father knows best d’Ang Lee.


Goutte d’or de Clément Cogitore (2022)
Ramsès est marabout dans le quartier de la Goutte-d'Or dans le 18e arrondissement de Paris. En piratant les téléphones et les comptes de ses clients sur les réseaux sociaux, il collecte des informations qu’il utilise ensuite dans des séances de divination lucratives. Sollicité par une bande d’ados délinquants pour retrouver leur pote, il a pour la première fois une vraie vision qui l’amène jusqu’au corps sans vie du disparu.

Ancien habitant de la Goutte-d'Or, Clément Cogitore a voulu mettre en avant sans jugement moral des précaires et des marginaux à travers une figure de petit escroc. La malhonnêteté des protagonistes et de leur entourage résulte essentiellement d'une misère qui les empêche de concevoir une autre existence. Même les gamins marocains, inspirés d’un gang qui a sévi en 2016 dans le quartier et présentés au départ comme de dangereux drogués incontrôlables, s’avèrent être des paumés prêts à faire confiance à un arnaqueur. Goutte d’or bâtit doucement une atmosphère fantastique à l’aide d’ellipses, de rôles secondaires (le père de Ramsès, le gardien d’immeuble, le groupe de médiums) ou de lieux (la boutique indienne où on brûle des composants) en marge de la normalité. C’est donc une belle réussite, portée par un Karim Leklou excellent en Ramsès.


La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher (2018)
Sam débarque chez son ex pendant une soirée pour récupérer ses cassettes audios oubliées dans un carton. Il reçoit accidentellement un coup sur le nez en allant les chercher dans une pièce isolée, s’installe dans un fauteuil pour se rétablir et s’endort. A son réveil, l’appartement est dévasté, rempli de traces de sang. Devant l’entrée, deux zombies qui attendaient se précipitent sur lui et il leur claque la porte au nez. Il se résout à rester seul et en sécurité, et commence à organiser son quotidien.

Quand les Français font un film de zombies, ça ne donne évidemment pas de l’action terrifiante mais un récit contemplatif sur la solitude où il ne se passe pas grand-chose. C’était apparemment déjà le cas du roman d’origine de Pit Agarmen (pseudonyme de l’écrivain Martin Page), qui adoptait en revanche un ton acerbe envers notre société de consommation. Rien de tel ici, Sam s’occupe en créant de la musique expérimentale ou en écoutant ses cassettes. Le spectateur s’ennuie malgré la courte durée de l’ensemble, ranimé avant la conclusion par une séquence de poursuite dynamique. C’est un peu tard, j’avais décroché et j’aurais mieux fait de relire Je suis une légende sur un thème assez similaire.


Rare Exports de Jalmari Helander (2010, Père Noël Origines)
Sous prétexte de prospection minière, des ouvriers américains creusent à la dynamite une colline en Russie, à proximité de la Finlande, à la recherche de la tombe du père Noël. De l’autre côté de la frontière, des éleveurs de rennes menés par le taciturne Rauno retrouvent leur troupeau décimé. Persuadé que c’est la faute de loups rendus fous à cause des explosions, ils décident d’aller réclamer aux étrangers une compensation financière. Le jeune fils de Rauno, Aimo, sait toutefois que le vrai coupable est le père Noël, un monstre loin du gentil papy vendu par le marketing contemporain.

Rare Exports est le premier long métrage de Jalmari Helander, cinéaste et scénariste finlandais venu de la publicité et auteur de Sisu (2022) chroniqué la semaine dernière. Il se fit connaitre en 2003 par le court métrage Rare Exports, Inc., produit avec à peine 3500$ par le studio Woodpecker Film pour servir de cadeau de fin d’année pour ses clients et diffusé sur son site internet. Il devint immédiatement viral en Finlande puis dans le monde et une séquelle vit le jour en 2005, Rare Exports: The Official Safety Instructions. A l’instar de Sisu, Rare Exports met en vedette Jorma Tommila (Rauno) et son fils Onni Tommila (Aimo). C’est une histoire de famille car Jorma Tommila est marié à la sœur de Jalmari Helander et Onni est donc le neveu du réalisateur.
Rare Exports comporte les mêmes ingrédients qui apportaient sa saveur à Sisu, soit un mélange de premier et de second degré, une dose d’humour noir et une intrigue simple et directe qui ne se moque jamais de ses personnages ou du public. Cela engendre une péloche horrifique de Noël profondément sincère centrée sur le regard d’un enfant. Si c’est moins pêchu que Sisu, avec quelques longueurs et ralentis inutiles, cela demeure un honnête divertissement parfait pour un vendredi soir.


Films vus seuls
新吾二十番勝負 第一部 [Shingo nijuban shobu dai ichibu] de Sadatsugu Matsuda (1961, 20 Duels of Young Shingo - Part 1)
En vainquant Takeda Isshin dans un tournoi, Shingo est promu meilleur épéiste du Japon. Il continue cependant son entrainement et croise Ichimusai, un homme âgé à l’aura impressionnante qui refuse de se battre contre lui. Il affronte ensuite un élève du vieillard, un mercenaire effrayant nommé Yajiro, dans un bref accrochage rapidement interrompu. Cette rixe n’est que le début de leur rivalité, Yajiro souhaitant obtenir la place de numéro 1 détenue par Shingo.

Je reprends les Shingo avec l’épisode 1 de la deuxième fournée. Rien de neuf, Shingo est toujours aussi insupportable avec ses « ohlàlà je veux me consacrer à l’escrime, je ne peux pas avoir de vie sentimentale ou rencontrer mes parents ». Le seul intérêt réside dans la présence d’un sympathique second couteau joué par Minoru Chiaki, pseudo-disciple de Shingo. Acteur de théâtre recruté par Kurosawa pour Chien enragé en 1949, il s’illustra dans onze titres du maître. Sans s’affilier à un studio, il eut une jolie carrière sur grand écran et à la télévision, avec une centaine de films et une cinquantaine de séries TV. Pour en revenir à Shingo, ce Shingo nijuban shobu dai ichibu était nasouille et je n’espère pas grand-chose du 2 je l’avoue.


新吾二十番勝負 第二部 [Shingo nijuban shobu dai nibu] de Sadatsugu Matsuda (1961, 20 Duels of Young Shingo - Part 2)
Shingo est hébergé par son oncle à Saijô sur l’île de Shikoku. Celui-ci s’évertue à dérider son neveu et à l’éloigner de son dévouement à l’art du sabre en lui assignant six belles demoiselles. Arrivent dans le même temps la princesse Yuki et Nui, l’amie d’enfance de Shingo qui travaille pour sa mère. Chacune essaye de l’attirer à lui et Shingo préfère s’enfuir plutôt que de trancher. Il tombe sur Yajiro, engagé par ses ennemis, et s’en sort de justesse. Il choisit alors d’aller se perfectionner auprès d’Ichimusai.

Oh que ce Shingo était barbant. A la suite du premier volet pas folichon, je n’avais guère d’attente. J’ai pourtant réussi à être déçu. Grâce à Ichimusai, Shingo concède qu’on puisse être un bon épéiste sans mener une existence d’ascète isolé. Il va enfin voir sa mère… Ah bah non, une péripétie improbable surgit, c’est de plus en plus tiré par les cheveux, le scénariste serait à côté de moi il recevrait des baffes. Le méchant Yajiro, qui avait du potentiel, devient un vilain ricanant caricatural et agaçant. C’est dommage car son interprète Mikijirô Hira, fameux au Japon pour ses prestations théâtrales et réputé pour ses rôles shakespeariens, lui donne de l’intensité. Encore deux Shingo à se coltiner…


Séries
ウルトラマン [Urutoraman] de Eiji Tsuburaya & Tetsuo Kinjo (1966-1967, Ultraman), 39 épisodes
La patrouille scientifique est la succursale japonaise de l’organisation internationale de la police scientifique basée à Paris. Elle comporte cinq membres : le capitaine Toshio Muramatsu, chef du groupe ; son adjoint le brave Shin Hayata ; le tireur d’élite Daisuke Arashi ; le chercheur rigolo Mitsuhiro Ide ; et l’experte en communications Akiko Fuji. Ils sont chargés d’enquêter sur les incidents mystérieux qui se déroulent au Japon et de protéger la Terre contre les invasions extraterrestres et les kaijus. Au cours d’une mission, l’avion d’Hayata est percuté accidentellement par la soucoupe volante d’un policier de l’espace. Pour s’excuser, ce dernier lui fournit une beta-capsule qui permet à Hayata de se métamorphoser en cas de danger en Ultraman, un super-héros géant et surpuissant.

Le tokusatsu est un terme générique qui désigne au Japon les productions centrées sur les effets spéciaux. Genre extrêmement riche, il abonde en figures emblématiques. J’ai déjà une bonne appréhension de la plus illustre d’entre elles, Godzilla, et je souhaite à présent me pencher sur une autre sommité, Ultraman. De janvier à juillet 1966, la série télévisée Ultra Q, vaguement inspirée de The Twilight Zone, rencontra un accueil enthousiaste. Les diffuseurs se rendirent compte que les moments préférés du public étaient ceux avec les monstres et ils décidèrent de dédier un feuilleton aux kaijûs. Quinze jours après la conclusion d’Ultra Q, ils lancèrent Ultraman, en fusionnant deux sous-genres obscurs à l’époque : le henshin hero, où le super-héros ne dispose de ses pouvoirs que temporairement ; et le kyodai hero dans lequel le gentil se transforme en géant. Son retentissement immédiat et phénoménal bouleversa durablement la télévision japonaise.
Produit pour la chaîne TBS par Tsuburaya Productions, compagnie créée par le directeur des effets spéciaux de la Tôhô Eiji Tsuburaya, Ultraman puise allégrement dans les accessoires de la Tôhô, n’hésitant pas à reprendre des maquettes (le vaisseau de la patrouille scientifique issu du Choc des planètes (1962)) et des costumes (au moins deux têtes recyclées de vieux Godzilla et pas mal de designs vus ailleurs). Chaque semaine, un antagoniste est inventé à la va-vite, avec un nom que tout le monde semble connaître, comme s’il existait un dictionnaire des kaijûs de l’univers aisément consultable. Le personnage principal Hayata est incarné par un nouveau venu, Susumu Kurobe, précédemment figurant dans des films d’Ishirô Honda.

Ultraman a affreusement vieilli. Le problème n’est pas tant du côté des effets spéciaux, dès lors qu’on tolère la profusion de maquettes et des gars en costume qui font du catch, que des scénarios. 80% ont une trame similaire : un kaijû jaillit du néant, la patrouille scientifique tente sans succès de le neutraliser, Ultraman apparaît et le tue. Il faut patienter jusqu’à l’épisode 37 pour qu’Ide admette que son équipe ne sert à rien et qu’Ultraman fait tout le boulot. Il n’y a de surcroît aucune progression narrative ou évolution des protagonistes entre les épisodes 2 et 38.
Heureusement, il y a les réalisations d’Akio Jissôji. Si ses longs métrages m’ont rarement convaincus, sur Ultraman il se démarque de ses collègues et son style est facilement identifiable. Ses six épisodes sont uniques, ils contribuèrent à son prestige dans l’archipel et cinq d’entre eux furent compilés pour une sortie sur grand écran en 1979 dans Jissôji Akio Kantoku Sakuhin Urutoraman. Outre le numéro 34, distrayante parodie de la série, le meilleur est selon moi le numéro 15, Terrifying Cosmic Rays. Le kaijû hebdomadaire est ici un graffiti d’enfant appelé Gavadon qui a pris vie et se contente de dormir. Dépité, les gamins le redessinent terrifiant sans que cela change son attitude, il continue à pioncer. La patrouille scientifique se résigne à l’éliminer car il perturbe Tôkyô par sa taille gigantesque et ses ronflements. Ultraman extermine Gavadon, sous les huées des gosses qui crient avec raison que leur monstre est inoffensif. Les Akio Jissôji sont néanmoins des exceptions et le reste est plutôt lassant.


Livres
Le diamant du Bouddha de Kenji Miyazawa (Le serpent à plumes, collection « motifs », 2003), 215 p.
Le diamant du Bouddha est un recueil de onze nouvelles de 9 à 29 pages, qui baignent dans une ambiance lyrique et éthérée, où les objets et les animaux bavardent, ressentent, et subissent les mêmes désillusions que les êtres humains.

Je poursuis ma découverte des œuvres de Kenji Miyazawa avec cet ouvrage inégal. De jolis récits étranges ou amusants alternent avec des textes qui me sont complètement passés au-dessus, à l’instar de La pulsatille barbue, Le diamant du Bouddha ou Le filet d’Indra qui accumulent les images poétiques sans réelle intrigue. En revanche, Le bois des loups, le bois des paniers et le bois des voleurs, Le rat Tsué et L’éléphant blanc, contes cruels à la morale déroutante, m’ont davantage convenu. Déconcertant mais pas inintéressant dans l’ensemble.


La concierge du grand magasin de Tsuchika Nishimura (Le lézard noir, 2023), 288 p.
Akino est concierge au Hokkyoku, le prestigieux bazar du cercle polaire où des animaux variés viennent y faire leurs courses. Il est notamment fréquenté par des VIA, Very Important Animals, terme utilisé pour désigner les espèces éteintes. Sous la surveillance stricte du chef de rayon Todo et épaulée par de bienveillantes collègues, Akino tente de satisfaire sans gaffer les demandes des chalands.

J’ai récemment entendu parler de Tsuchika Nishimura lors de la sortie en France du Grand magasin (2023), adaptation animée de La concierge du grand magasin. Cela avait piqué ma curiosité et j’ai acheté le manga. La version française regroupe les deux tomes japonais prépubliés en 2017-2018 dans le magazine Big Comic Zôkan-Gô. La concierge du grand magasin enchaîne les scénettes, chaque chapitre étant focalisé sur un ou deux animaux. L’auteur y explique en quelques lignes la sombre destinée d’une espèce et ce qui l’a amené à disparaître. Akino explore les différents départements du centre commercial, avec cette logique très japonaise et discutable du client roi déjà présente dans le nul In Love and Deep Water. Malgré la légèreté apparente, une certaine tristesse se dégage, couplée à une critique de la société de consommation. C’était une lecture agréable et je vais me procurer les autres Tsuchika Nishimura traduits en français.


Le manoir des roses, anthologie réunie par Marc Duveau (Presses Pocket, collection « Le Livre d'Or de la science-fiction – L’épopée fantastique », 1978), 416 p.
D’après le quatrième de couverture, le principe de la collection « Le Livre d'Or de la science-fiction » est de fournir un « panorama complet de la science-fiction classique et moderne à travers les œuvres, les écoles et les genres qui ont marqué son évolution ». « L’épopée fantastique » est une de ses sous-collections, dédiée à l’heroic fantasy. Le manoir des roses est le premier volume. Il comporte seize nouvelles de 1 à 87 pages parues entre 1912 et 1976 et rédigées par dix écrivains et trois écrivaines. Il se concentre sur une heroic fantasy peu héroïque, avec des textes privilégiant à la violence l’humour, la ruse, la poésie et la nostalgie.

Il y a à boire et à manger dans ce recueil inégal. Je passe rapidement sur les poèmes, pas mon truc, et sur les illustrations de Jeff Jones essentiellement constituées de femmes nues (à l'instar de la couverture, les éditeurs de SF ne se refont pas...). On trouve en outre une bizarrerie avec une pièce de théâtre de Lord Dunsany pas franchement palpitante. Pour le reste, c’est plutôt correct. Petit bémol sur Les enfants du nixe de Poul Anderson, trop long, manquant de souffle, je l’ai connu mieux inspiré ; et sur La trêve de Tanith Lee, une des rares femmes de cette compilation qui livre une histoire à chute assez navrante. En revanche, Chu-bu et Sheemish de Lord Dunsany est fort amusant, sur deux idoles persuadées d’être des Dieux puissants qui s’affrontent dans un temple ; et j’ai apprécié le Jack Vance que j’avais lu dans Cugel saga quand j’étais ado. Je récupèrerai à l’occasion les trois volumes suivants de « L’épopée fantastique », qui semblent offrir une heroic fantasy plus traditionnelle.


Articles
Le katsuben, abbréviation de katsudô shashin benshi, est une désignation plus rigoureuse du benshi, mot qui signifie littéralement orateur et qui peut être utilisé dans des contextes non cinématographiques. Jean-Michel Durafour revient dans cet article sur leur travail et sur la manière dont ils influencèrent les réalisateurs des années 30 et au-delà. Jusqu’en 1935, le cinéma japonais fut majoritairement muet et les katsuben eurent une importance considérable. A leur apogée, leur popularité était supérieure aux bobines projetées, les gens se déplaçaient pour les voir dans des salles qui n’étaient pas plongées dans l’obscurité comme aujourd’hui. Ils pouvaient imposer des coupures ou des modifications au scénario avant le tournage, et certains producteurs créaient des films adaptés à un katsuben en particulier. Par leurs discours, ils étaient capables de changer totalement le sens des images, transformer un mauvais mélodrame en comédie, ou demander à un projectionniste de ralentir ou accélérer le défilement pour coller à leur narration. Bien que critiqués par des intellectuels modernistes dès les années 10, ils résistèrent et leur empreinte est palpable chez de nombreux metteurs en scène. Jean-Michel Durafour estime ainsi qu’Ozu eut recours à des objets-katsuben et à un montage-katsuben, éléments extérieurs aux personnages qui les regardent et commentent silencieusement leurs actions.

La dernière partie sur Ozu ne m’a pas convaincu, le concept d’objet et de montage katsuben est selon moi artificiel et l’argumentation est bancale. Ce qui précède sur le développement des katsuben constitue par contre une bonne et courte synthèse en français même si je n’ai pas appris grand-chose de neuf.


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