Films vus en compagnie
Chicken Run: Dawn of the Nugget de Sam Fell (2023, Chicken Run : La Menace nuggets)

Chicken Run: Dawn of the Nugget est la suite directe de Chicken Run (2000), reprenant le récit là où il s’était arrêté (excepté la disparition mystérieuse de la myriade de poussins entrevus dans l’épilogue du premier, issus probablement d’une indécente polygamie). Là où le long métrage de 2000 jouait avec les codes du film d’évasion, celui de 2023 s’amuse à détourner le film d’espionnage. Le résultat est malheureusement bien inférieur. Techniquement, c’est toujours impressionnant, un régal pour les yeux. Scénaristiquement en revanche, c’est trop prévisible, ça manque de folie et certaines séquences sont longuettes, là où le rythme de Chicken Run ne flanchait jamais. En 23 ans, ils auraient pu bosser davantage leur intrigue. Dommage.
Santa & Cie d’Alain Chabat (2017)

A Noël, j’aime regarder des films de Noël. Appréciant par ailleurs l’humour bête et gentil d’Alain Chabat, Santa & Cie était une sélection appropriée pour un soir du 25. Il a parfaitement rempli son office. Alain Chabat fait du Alain Chabat, père Noël lunaire pas fan des gens et des mômes. Le couple de parents fatigués incarnés par Pio Marmaï et Golshifteh Farahani fonctionne correctement, les gosses ont un jeu variable mais sympathique et tout ça se suit avec plaisir.
Høst de Jan Vardoen (2015, Høst: Autumn Fall)

Les comédies romantiques scandinaves ne suscitent pas l’intérêt des distributeurs français et c’est par hasard que ma conjointe en a déniché quelques-unes sur Netflix ces dernières années (la plateforme possédant un catalogue étonnamment fourni d’œuvres d’Europe du Nord). J’avais été agréablement surpris par le Finlandais Joulumaa (2017) et par le Danois Lykkevej (2003) et j’étais donc prêt à donner sa chance au Norvégien Høst. On ne peut pas avoir du bol à tous les coups... Le problème n’est pas tant la musique jazzy has-been ou la caméra qui tremble, et j’aurais même admis la mère féministe ridicule. Centrer son intrigue sur une différence d’âge de plus de 30 ans et sur un enchaînement de twists nauséabonds ne pardonnent en revanche pas. C’est vraiment dommage car Høst est impeccablement interprété, avec une excellente Ingeborg Raustol en Ingvild, il y a une bonne alchimie entre elle et Helge Jordal (Jeppe) et l’ambiance légère est charmante. Un beau gâchis.
浅田家! [Asada-ke!] de Ryôta Nakano (2020, La famille Asada)

Ryôta Nakano est un réalisateur populaire au Japon, où il accumule les succès depuis Capturing Dad en 2012. Son thème de prédilection est la gestion des traumatismes dans le cadre familial, dans une atmosphère généralement tragicomique. Bien qu’ayant listé plusieurs de ses titres, je n’avais rien vu de lui jusqu’à présent. Ryôta Nakano structure son récit en deux volets, chacun guidé par un album publié par le vrai photographe Masashi Asada : le premier est axé sur la comédie, sur la jeunesse et la reconnaissance de Masashi Asada ainsi que sur sa relation avec sa famille et son amie d’enfance ; le second propulse Masashi dans les conséquences du tsunami de 2011 dans un ton davantage dramatique, il devient bénévole et se questionne sur l’utilité de son métier.
Asada-ke! est un feel-good movie facile, notamment la deuxième moitié qui dégouline de bons sentiments. Il faut néanmoins avouer que ça fonctionne dans l’ensemble grâce à la convaincante prestation de la pop star Kazunari Ninomiya dans le rôle de Masashi et à la dynamique avec les autres membres de sa tribu (délaissés en cours de route pour se focaliser sur les atermoiements de Masashi). Il s’en est fallu de peu que le côté guimauve finisse par m’agacer et je serai curieux de voir les opus précédents de Ryôta Nakano.
Cloudy with a Chance of Meatballs de Phil Lord & Christopher Miller (2009, Tempête de boulettes géantes)

Cloudy with a Chance of Meatballs est le premier long métrage de Phil Lord et Christopher Miller, vaguement inspiré d’un livre jeunesse de Judi Barrett paru en 1978. Comme il n’y avait pas suffisamment de matière, ils élaborèrent une histoire en reprenant le principe de base de la pluie de bouffe incontrôlable. Pour satisfaire une des productrices qui critiquait la minceur de leur trame, ils furent contraints d’effectuer de nombreuses retouches et de développer le père de Flint. Le souvenir de cette expérience les motiva peut-être, après La grande aventure Lego (2014), à se concentrer sur la production, occupant par exemple ce poste sur Spider-Man: Into the Spider-Verse (2018) et Spider-Man: Across the Spider-Verse (2023) (où ils se chargèrent également du scénario).
J’avais beaucoup aimé Cloudy with a Chance of Meatballs à sa sortie. Ce nouveau visionnage ne m’a pas déçu même si Flint est fatigant et sa romance avec Sam est tarte et convenue. La force du film vient de sa galerie de protagonistes secondaires (le père, Steve le singe, Manny le caméraman ou Earl le flic qui devait à l’origine être prof de gym) et de ses idées délirantes autour de la nourriture géante. Le rythme effréné et le foisonnement visuel permettent d’excuser les grosses ficelles narratives et les poncifs, et j’ai repassé un bon moment. Cloudy with a Chance of Meatballs 2 (2013) était de mémoire inférieur malgré de savoureux jeux de mots et quelques séquences amusantes, je ne sais pas si je le reverrai.
Too Late for Tears de Byron Haskin (1949, La tigresse)

Too Late for Tears est un film noir de série B financé par la société indépendante Hunt Stromberg Productions et distribué par United Artists. Il est tiré d’une nouvelle hardboiled de Roy Huggins, qui ne fut pas ravi du résultat. Doté d’un maigre budget, il met en vedette Lizabeth Scott (Jane), une spécialiste des femmes fatales, et Dan Duryea (Danny), crapule récurrente du cinéma hollywoodien des années 40-50. S’y ajoute le polyvalent Arthur Kennedy (Alan) en brave gars et les méconnus Don DeFore et Kristine Miller. Too Late for Tears fut un échec au box-office et coula la Hunt Stromberg Productions. Longtemps oublié, il fut redécouvert à la suite de sa restauration en 2011.
C’est très fauché, tourné dans deux-trois décors sur un coin de plateau, et excessivement bavard. Une série B dure généralement 1h15-1h20. Avec ses 1h40, Too Late for Tears a clairement une vingtaine de minutes de trop, il aurait gagné à être plus sec, en particulier dans sa mise en place. Nonobstant ces défauts, il vaut le coup d’œil. Jane est sans doute une des pires femmes fatales du film noir. Sous couvert d’épouse au foyer de classe moyenne frustrée, c’est un personnage maléfique, manipulatrice sans pitié. Elle réussit en comparaison à rendre l’arnaqueur Danny pathétique et humain. Lizabeth Scott et Dan Duryea sont excellents et le reste du casting tient la route, rattrapant les faiblesses liées au manque de rythme et de ressources.
Films vus seuls
なみだ川 [Namida gawa] de Kenji Misumi (1967, La rivière des larmes)

Namida gawa est l’adaptation d’un roman de Shûgorô Yamamoto, déjà remarqué en ces lieux pour le pas terrible Goben no tsubaki (1964). Ecrivain prolifique fameux pour ses œuvres humanistes sur le petit peuple, il a fréquemment mis en avant la force intérieure d’héroïnes féminines non réifiées. C’est le cas ici, avec ces deux sœurs de la classe moyenne qui luttent contre des hommes égoïstes et retors. On pourra s’étonner de la présence de Kenji Misumi aux manettes, surtout célèbre en Occident pour ses chanbaras bourrés de violence. Il a en réalité une carrière éclectique et était apprécié au Japon pour ses drames. Fidèle de la Daiei, il y demeura de ses débuts en 1951 à la faillite du studio en 1971.
Le script est assez mélo, rédigé par Yoshikata Yoda, le scénariste de vingt-cinq Mizoguchi. Kenji Misumi ne succombe pourtant pas au pathos malgré quelques pleurs d’usage. Il est bien servi par une distribution crédible et sans star, portée par Shiho Fujimura (Shizu) avec qui il a travaillé onze fois. Si Namida gawa n’a rien d’extraordinaire, on est dans le tout-venant de l’époque, c’est une curiosité courte (1h19) et correctement maîtrisée qui dévoile une facette inhabituelle de Misumi.
Livres
Trois cœurs, trois lions de Poul Anderson (Gallimard, collection « Folio SF », 2009), 379 p.

C’est mon second Poul Anderson après l’imparfait La patrouille du temps, agréable en dépit d’une idéologie datée. Trois cœurs, trois lions offre un profil similaire, quoique plus nuancé. Si la virilité d’Holger Carlsen est constamment affirmée par son environnement et par l’image qu’il projette sur son entourage, le héros lui-même ne se considère pas comme un modèle. Il résout les problèmes par la logique scientifique davantage que par ses muscles, se précipite dans les pièges et ne survit que grâce à l’aide de l’enfant-cygne Alianora et du nain Hugi qui l’accompagnent. Si toutes les femmes tombent en pamoison devant lui, elles n’en sont pas moins puissantes et plus complexes que dans La patrouille du temps. La romance entre Holger Carlsen et Alianora est prévisible et creepy (elle a juste 18 ans et est très naïve) et la conclusion est décevante. Ça reste cependant prenant, de la fantasy originale pour la période (publication en 1961), amusante et épique, qui mélange mythes arthuriens et germains couplés à du Shakespeare et à une touche de Tolkien. Trois cœurs, trois lions inspira Elric et le Champion éternel de Michael Moorcock ainsi que le jeu de rôles Donjons & Dragons, qui y puisa la notion d’alignement (loyal, neutre ou chaotique). Une lecture incontournable pour les amateurs de fantasy qui veulent se plonger dans les racines du genre.
Trois cœurs, trois lions est suivi de deux nouvelles dispensables, L’auberge hors du temps et La ballade des perdants, qui décrivent une auberge dont la porte s’ouvre aux figures marquantes de l’Histoire. Elles discutent autour d’un verre sans pouvoir modifier leur destin. Si le concept a du potentiel, il est mal exploité et ces deux récits m’ont ennuyé.
Revues
L'oiseau Magazine – Rapaces de France n°25 – Hors-série 2023

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