samedi 27 juillet 2024

Carnet de bord 20/07/2024-26/07/2024



Films vus en compagnie
늑대사냥 [Neukdaesanyang] de Hong-seon Kim (2022, Project Wolf Hunting)
Des dizaines de criminels coréens sont extradés des Philippines vers la Corée du Sud dans un vieux cargo, escortés par une vingtaine de flics aguerris pour un voyage de trois jours. Durant la nuit, des individus planqués dans le bateau réussissent à massacrer une partie des gardiens et à délivrer leurs camarades. Alors que les policiers rescapés s’apprêtent à affronter les bagnards en salle des machines, une sorte de mort-vivant surgit soudain et commence à exterminer tout le monde sans distinction.

Du côté positif, Project Wolf Hunting est un divertissement d’action énervé sans une minute de répit, qui mélange allègrement les genres, un croisement entre Les ailes de l'enfer (1997), The Raid (2011) et un boogeyman monstrueux à la Jason Voorhees ou Michael Myers. Les protagonistes se font dégommer sans pitié, avec du bon gros gore festif, et on ne sait pas qui va s’en tirer. Du côté négatif, c’est franchement trop long (2h au lieu d’un classique 1h30) et extrêmement convenu, avec des méchants inutilement sadiques pour montrer à quel point ils sont vilains. Les révélations sont nases et la dernière demi-heure est ratée. Sentiment mitigé donc.


Barbie de Greta Gerwig (2023)
Tous les matins, Barbie stéréotypée se réveille dans sa maison de rêve à Barbieland et vit une super journée avec ses amies. Ken plage n’existe lui que dans l’espoir d’un regard de Barbie, jaloux des autres Ken qui lui volent la vedette. Le joyeux quotidien de Barbie est bouleversé quand elle réalise qu’elle nourrit des idées noires et que son corps change doucement. Barbie bizarre la persuade de se rendre dans le vrai monde pour rencontrer l’enfant dont elle est le jouet. Accompagnée de Ken, iels découvrent un univers fort différent de Barbieland, où règne le patriarcat et où les femmes sont en retrait.

Ce n’est pas tant le féminisme gentillet qui m’a dérangé dans Barbie, je savais à quoi m’attendre, ni même le fait que Ken ait un rôle aussi important que Barbie et qu’il bénéficie du meilleur numéro musical. Le souci est la glorification de Mattel et de sa poupée, avec une relecture de son histoire et de son marketing. Le pseudo-féminisme de Barbie, son ouverture à la diversité et sa variété de métiers sont des phénomènes récents. Malgré des exceptions, Barbie a longtemps été un cliché ambulant de femme au foyer bien propre sur elle. Et sa créatrice Ruth Handler n’a pas seulement eu quelques problèmes avec le fisc, elle fut condamnée à la plus longue peine de travail d’intérêt général jamais prononcée dans le cadre d’un énorme scandale financier. Si on ajoute une intrigue complètement hollywoodienne sans une once d’originalité, cela m’a globalement agacé et je ne le conseillerais guère.


Una farfalla con le ali insanguinate de Duccio Tessari (1971, Un papillon aux ailes ensanglantées)
Une adolescente est retrouvée morte dans un parc de Bergame. L’enquête de la police les conduit jusqu’à un journaliste sportif de la télévision que tout accuse. Sa famille a du mal à admettre sa culpabilité et son avocat se démène pour prouver son innocence. Il est finalement condamné mais son dossier est rouvert lorsqu’une nouvelle victime est assassinée dans des circonstances similaires.

Duccio Tessari est essentiellement connu de nos jours pour ses deux Ringo avec Giuliano Gemma, Una pistola per Ringo (1965) et Il ritorno di Ringo (1965), deux sympathiques western spaghetti. A l’instar de ses confrères de l’époque, il a œuvré dans tous les genres à la mode et a tâté du giallo à l’occasion. Una farfalla con le ali insanguinate se démarque néanmoins des productions habituelles par une absence de personnage principal, cherchant davantage à instaurer une ambiance en sautant d’un protagoniste à l’autre dans un rythme lent et dépressif. Il n’y a pas non plus de bizarreries scénaristiques, de fantastique, de violence extrême ou d’horreur, à tel point que son rattachement au giallo est discutable. Le montage est étrange et ne m’a pas convaincu, naviguant dans le temps et l’espace, avec des cadrages souvent curieux. La musique est à l’avenant, désenchantée, moderne et mollassonne. Cela m’a ennuyé et j’ai rapidement décroché.


Moonfall de Roland Emmerich (2022)
En 2011, l’astronaute Brian Harper est attaqué dans l’espace par une forme mystérieuse et parvient à retourner sur Terre avec une navette abimée. Personne ne le croit, il est viré de la NASA et son épouse le quitte. Dix ans s’écoulent, la Lune change de trajectoire et se dirige vers notre planète. Aidé d’un complotiste qui pense que la Lune est une mégastructure créée par des aliens, Brian est appelé par son ex-collègue devenue chef de la NASA pour tenter de sauver l’humanité dans un plan de la dernière chance.

Une touche de Gravity (2013), une couche d’Armageddon (1998) et une grosse plâtrée de Roland Emmerich version film catastrophe/Independence Day. Doté d‘un budget exceptionnel pour une production indépendante, Moonfall a été un énorme bide et ça se comprend. Avec une trame inspirée des pires théories conspirationnistes, Roland Emmerich n’apporte rien de neuf, on a déjà vu mille fois chaque situation et on prévoit à l’avance les mouvements des héro·ïne·s. Les acteur·rice·s font de la figuration, Halle Berry a l’air de s’embêter et Patrick Wilson a le charisme d’une huitre. J’ai un ami qui aime le cinéma d’Emmerich en plaisir coupable, je suis pour ma part trop vieux pour ces conneries.


Films vus seuls
陸軍中野学校 開戦前夜 [Rikugun Nakano gakkô: Kaisen zen'ya] d’Akira Inoue (1968, The Night before Pearl Harbor)
Novembre 1941, les négociations de paix entre le Japon et les Etats-Unis sont au point mort et le risque de guerre est grand. Envoyé à Hong Kong pour dérober des documents secrets à un militaire américain, Jirô Shiina accomplit sa mission et rentre au Japon. Parmi les papiers récupérés, un compte-rendu d’une réunion confidentielle démontre la présence d’une taupe en haut lieu. Jirô est chargé de la découvrir tandis que l’armée japonaise se prépare à foncer sur Pearl Harbor.

Cette ultime aventure de Jirô Shiina, encore confiée à Akira Inoue, ne relève malheureusement pas le niveau. C’est toujours aussi poussif, scénaristiquement bancal et sans suspense. En résumé, excepté le premier opus qui avait constitué une agréable surprise et m’avait incité à me coltiner les suites, il n’y a pas grand-chose à sauver dans cette série, on est dans du sous-James Bond vaguement révisionniste avec des histoires nazouilles.


Santo contra el rey del crimen de Federico Curiel (1962, Santo vs. the King of Crime)
Depuis des générations, les hommes de la famille de La Llata se transmettent le masque argenté de Santo et perpétuent la légende du justicier adulé de la population. Quand Ricardo arrive à l’âge adulte et en pleine possession de ses moyens, il accepte de devenir Santo. Il abandonne son identité et Matías, son majordome, lui indique l’entrée de l’antre secrète qui lui servira de refuge. Il se remet au catch sous son nouveau nom et atteint rapidement les sommets. Durant un match, des sbires d’un chef maffieux qui truquent les compétitions sportives tentent de le blesser. Santo s’en sort de justesse et décide d’aider la police à arrêter les coupables.

Les épisodes quatre à six de Santo ont été tournés simultanément en octobre-novembre 1961. D’après le spécialiste du cinéma mexicain David Witt, ils ont longtemps été perdus et ils ont été moins étudiés que d’autres titres du cycle. Santo contra el rey del crimen est le début de la trilogie, qui établit le récit fondateur de Santo. Il est définitivement batmanisé, avec son domestique Matías/Alfred et son repaire bourré de gadgets dissimulé dans sa demeure. La seconde singularité de ce Santo, outre les habituels combats de catch (filmés cette fois dans une vraie salle avec une foule enthousiaste et pas dans un studio), est l’importance accordée à la pelote basque, dont on voit plusieurs matchs. A part ça, on est sur un modèle proche de Santo contra los zombies (1962), avec une enquête au cours de laquelle Santo surgit ponctuellement pour botter des popotins et offre son assistance à un détective qui rame sévère. Sans être exceptionnel, c’est meilleur que les volets précédents, avec une ambiance noirisante et un affrontement final réussi, Santo dégageant une aura super-héroïque.


Cat-Women of the Moon d’Arthur Hilton (1953)
Un équipage composé du rigide commandant Laird Grainger, de son copilote Kip Reissner, de la navigatrice Helen Salinger, de l’opérateur radio Doug Smith et l’ingénieur Walt Walters est envoyé sur la Lune. A leur arrivée, Helen propose de se poser sur la face cachée dans une vallée qu’elle semble connaître alors qu’elle ne l’a jamais vue. Ses pressentiments se poursuivent à leur débarquement et elle amène ses collègues à une grotte dotée d’une atmosphère respirable. A leur grande surprise, ils tombent sur une ville en apparence déserte.

Cat-Women of the Moon est une série B indépendante que j’ai récupérée après en avoir entendu parler dans le livre Horror at the Drive-In: Essays in Popular Americana. C’est un mélange de film noir et de science-fiction dans un climat paranoïaque très années 50 : la menace est omniprésente et même sa fiancée peut se révéler être une agente de l’ennemi. Si je n’avais pas lu au préalable l’article dans Horror at the Drive-In, j’aurais surtout perçu le côté misogyne, avec le dur-à-cuire Kip qui se méfie de la gent féminine et emporte le cœur d’Helen face au fadasse Laird. Remis dans le contexte de la production des années 50, Cat-Women of the Moon se démarque pourtant par le rôle central donné aux femmes, avec des méchantes lesbiennes (élément évidemment implicite) qui intègrent facilement l’héroïne dans leur camp et sont à deux doigts de renverser le patriarcat incarné par le faible Laird. Cela rappelle que, dans les années 50, le danger intérieur ne provenait pas seulement des communistes mais également des homosexuel·le·s. Avec la publication des rapports Kinsey en 1948 et 1953, le grand public aux Etats-Unis découvrit que la sexualité de leurs concitoyens était bien plus complexe qu’escomptée et que la frontière entre homosexualité et hétérosexualité était poreuse. Au lieu de générer des conséquences positives en prouvant que les gays et lesbiennes n’étaient pas des anomalies, iels furent davantage stigmatisé⸱e⸱s car susceptibles, selon les conservateurs, de pervertir les âmes pures.
Si Cat-Women of the Moon est passionnant d’un point de vue socio-historique, cinématographiquement c’est assez nase, avec des protagonistes stéréotypés et une attaque d’araignée nanardisante. Son unique intérêt réside dans ses sous-entendus et dans ce qu’il dévoile indirectement de la société américaine de cette période.


The Devil's Rejects de Rob Zombie (2005)
Une famille de tueurs en série voit sa maison cernée par la police. Le fils Otis et la fille Baby réussissent à s’échapper. En cavale, ils prennent en otage un groupe de country dans un hôtel miteux en attendant de rejoindre le père de Baby chez un ami proxénète. Pendant ce temps, le shérif Wydell apprend que son frère disparu des années auparavant a été exécuté par la mère des fuyards. Il jure de se venger en les massacrant sans pitié.

The Devil's Rejects est une fausse suite de House of 1000 Corpses (2003), reprenant les aventures du clan de psychopathes qui décimait les touristes de passage. Stylistiquement, il y a moins de gimmicks énervants que dans son prédécesseur, avec une pellicule 16 mm qui renforce l’hommage au cinéma d’horreur des années 70. C’est volontairement de mauvais goût et trash, sans l’aspect kitsch de House of 1000 Corpses, avec une approche réaliste et un désir de développer les personnages pour provoquer une certaine ambigüité et une éventuelle empathie pour des affreux. Ça n’a pas fonctionné sur moi, la violence gratuite me fatigue plus qu’elle me met mal à l’aise et je n’ai aucune sympathie pour des assassins et des violeurs même quand ils sont pourchassés par un flic taré. Cela m’a vite lassé et j’espère que les Halloween de Rob Zombie me convaincront davantage.


At Land de Maya Deren (1944)
Une femme se réveille sur une plage au milieu des vagues. Elle remarque au-dessus d’elle un tronc d’arbre échoué qu’elle escalade avec difficulté. Son sommet aboutit sur un autre décor, le bout d’une immense table située dans une salle à manger en plein dîner d’affaires. Sans que personne ne relève sa présence, elle se hisse sur le meuble et le traverse en rampant, dissimulée par un feuillage qu’elle seule perçoit, jusqu’à arriver à un jeu d’échec.

Maya Deren est une figure majeure du cinéma expérimental américain d’avant-garde des années 40-50, célèbre de nos jours pour son court métrage Meshes of the Afternoon (1943). A l’inverse de ce dernier initialement muet mais pour lequel le troisième mari de Maya Deren, Teiji Ito, avait créé un accompagnement musical, At Land n’a pas été sonorisé du vivant de la réalisatrice. Je l’ai donc regardé sans musique. Il a été tourné dans l’Etat de New York à l’été 1944 et dure 15 minutes. At Land est une sorte de pendant positif du sombre Meshes of the Afternoon, qui explore la subjectivité d’une femme via son environnement interne (son subconscient) et externe (le monde physique réel). On est dans les deux cas dans des représentations surréalistes complexes aux lectures multiples, avec une narration jouant sur le temps et l’espace. Bien que la plupart des symboles et références psychanalytiques me soient probablement passés au-dessus, j’ai apprécié cette œuvre unique et étrange empreinte d’une ambiance de rêve éveillée.


Livres
Aleph de Paulo Coelho (J’ai lu, 2020), 318 p.
En dépit d’une vie apparemment sans nuage, de sa popularité auprès du grand public, de son entourage aimant, Paulo Coelho se morfond, incapable d’atteindre le paradis spirituel auquel il aspire. Sur les conseils de son mentor, il se lance dans une frénésie de voyages pour rencontrer ses fans en Europe et Afrique du Nord. Le clou de son parcours est une traversée de la Russie en transsibérien. Deux jours avant son embarquement à Moscou, il est abordé par Hilal, une jeune femme entreprenante qui le force à accepter sa compagnie. Elle va le suivre dans son périple et lui permettre d’accéder à la connaissance tant désirée.

Je n’ai jamais lu de Paulo Coelho et je n’avais pas d’a priori, n’ayant pas eu vent des critiques à son égard. J’étais tombé sur son nom dans une liste de romanciers adeptes du réalisme magique et j’ai récupéré Aleph au hasard. Ce fut une expérience extrêmement pénible. J’ai pour principe de toujours terminer un livre commencé et j’ai rarement eu autant de mal à m’y tenir. Aucun réalisme magique ici, c’est un récit censément autobiographique à la gloire de son auteur égocentrique, nimbé d’un mysticisme de pacotille et de maximes à deux balles qu’on croirait tirées d’un mauvais manuel de développement personnel (si tant est qu’il en existe des bons). Ce bouquin va dégager fissa de ma bibliothèque.

Horror at the Drive-In: Essays in Popular Americana dirigé par Gary D. Rhodes (McFarland & Company, 2008), 306 p.
Horror at the Drive-In: Essays in Popular Americana est un recueil de dix-huit articles divisé en six parties :
Driving In porte sur le rôle des drive-in dans la culture états-unienne et australienne.
Situating the Horror dissèque les procédés marketing propres aux drive-in, avec des focalisations sur les bandes-annonces, sur la première de The Hideous Sun Demon (1958), sur le double-programme I Married a Monster from Outer Space (1958)/Curse of the Demon (1957), et sur la réception de Last House on the Left (1975).
Boiling Hot and Cold: The Pressures of War montre l’importance de l’environnement idéologique généré par la guerre froide dans The Texas Chain Saw Massacre (1974) et Cat-Women of the Moon (1953).
Interpreting Gender and Sexualized Identities se concentre sur le genre et la sexualité dans les films projetés dans les drive-in, notamment la façon dont les femmes sont définies par leur physique dans Die Nackte und der Satan (1959) et The Brain That Wouldn’t Die (1962). S’y ajoute des textes sur Glen or Glenda (1953) sous l’angle foucaldien ; sur l’atténuation par une horreur irréelle de la violence faites aux femmes dans Daughter of Horror (1955) ; sur les méchantes monstrueuses sur les affiches des années 50-60 ; et sur la défense du patriarcat par Santo dans Santo vs. las mujeres vampiro (1962).
Understanding Cultural Contents lie deux essais fort différents sur la représentation du Sud des Etats-Unis dans Hush...Hush, Sweet Charlotte (1964), Attack of the Giant Leeches (1959) et Two Thousand Maniacs! (1964) ; et sur l’œuvre de Mario Bava.
Examining Technology in, Beyond and Behind the Drive-In étudie comment la découverte de l’ADN fut perçue dans le cinéma des années 50, analyse le montage innovant de The Wizard of Gore (1970) et tente d’appliquer à I Drink Your Blood (1971) les théories de Walter Benjamin développées dans L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée.
On est dans une classique compilation d’articles d’intérêt et de style variables, du lisible au jargonisant insupportable. Curieusement, l’ensemble traite davantage du cinéma de série B américain des années 50 à 70 que des drive-in en tant que tels, qui sont souvent à peine mentionnés. Il manque ainsi un examen historique chiffré et détaillé du phénomène, qui aurait constitué une introduction salutaire. Les meilleurs chapitres selon moi sont ceux consacrés au contexte de la guerre froide et à la sexualité, qui permettent de se plonger dans une époque et offrent un éclairage passionnant. Le reste est plus anecdotique et Horror at the Drive-In: Essays in Popular Americana ne plaira qu’aux amateurs d’ouvrages universitaires pointus.


Revues
L'oiseau Magazine n°155 – Eté 2024
L'oiseau Magazine de cet été propose un captivant dossier sur les orthoptères. C’est un ordre d’insectes que je connais mal et ça m’a donné envie de creuser le domaine. Je découvre en outre l’existence du fleuve du Tech dans le Roussillon, pourvu d’une belle biodiversité. Les comptes-rendus de voyages en Nouvelle-Zélande et au Ghana ne m'ont en revanche pas apporté grand-chose, ayant déjà exploré ces deux destinations, et le reportage sur le lièvre brun survole trop son sujet.


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