Films vus en compagnie
La La Land de Damien Chazelle (2016)

Je vois avec huit ans de retard le fameux La La Land, énorme succès commercial encensé en son temps. Il est parfaitement conforme à mes attentes, soit un gros machin hollywoodien nostalgique de la comédie musicale des années 50 qui n’apporte rien de neuf à quiconque connait ses classiques. La partition de Justin Hurwitz ne se démarque pas des blockbusters contemporains, pas désagréable et vite oubliée. J’ai doucement rigolé au moment où Emma Stone (Mia) explique que le jazz est pour elle uniquement un fond sonore relaxant sur lequel les gens discutent et que Ryan Gosling (Sebastian) tente de lui dévoiler l’âme du jazz… en parlant allègrement sur la musique d’un groupe qu’ils écoutent à peine. Visuellement, les références abondent et j’ai pensé à cette phrase de Croc (citée de mémoire) : « un hommage est un plagiat qui a gagné son procès ». Scénaristiquement, Damien Chazelle emploie le cliché des protagonistes qui se détestent, s’aiment puis se déchirent, avec une touche d’originalité bienvenue dans l’épilogue. Ce n’est pas suffisant, j’ai trouvé ça facile, loin de la satisfaction générée par un bon vieux Fred Astaire/Ginger Rogers, un Gene Kelly ou un Judy Garland.
브로커 [Beurokeo] de Hirokazu Kore-eda (2022, Les bonnes étoiles)

Beurokeo est le premier film coréen de Hirokazu Kore-eda, qui voulait depuis longtemps travailler ou retravailler avec Song Kang-Ho, Gang Dong-Won et Bae Doona (l’interprète principale d’Air Doll (2009), que Kore-eda tient en haute estime). Le concept de la baby box, répandu en Corée du Sud, lui permit de construire une intrigue adaptée au contexte local dans laquelle il insère ses problématiques habituelles, notamment la prédominance de la famille choisie sur son équivalent génétique.
On suit quatre paumé⸱e⸱s et un bébé dans un road-movie à travers la Corée. Par un concours de circonstances, iels se transforment en une famille dysfonctionnelle mais heureuse. Ce n’est pas le meilleur Kore-eda, il tombe parfois dans un certain sentimentalisme, avec une ou deux réflexions douteuses sur l’avortement, et ça traine en longueur. Cela reste cependant plaisant grâce à une excellente distribution, de jolis paysages et un humanisme gentillet.
A noter que je suis bien embêté pour ranger Beurokeo dans ma page de catégorisation par pays. C’est un exemple emblématique des difficultés d’attribuer une nationalité à une œuvre, souci que j’ai abordé en détail dans mon article de Réflexions sur la nature du cinéma japonais et de ses complications. D’un côté, c’est produit et tourné en Corée, avec une équipe 100% coréenne excepté le réalisateur. D’un autre côté, c’est mis en scène et scénarisé par Kore-eda, qui injecte ses méthodes et ses questionnements, et le résultat ne ressemble absolument pas à du cinéma coréen. Je vais le classer sans grande conviction dans les titres coréens.
Being Elmo: A Puppeteer's Journey de Constance Marks & Philip Shane (2011)

Il ne faut pas attendre de Being Elmo: A Puppeteer's Journey un regard distancié ou nuancé sur Kevin Clash. C’est un pur éloge de l’homme et de son talent, où tout le monde explique à quel point il est formidable dans un style très américain. Cela n’empêche pas Being Elmo: A Puppeteer's Journey d’être foncièrement sympathique quand on a grandi avec Sesame Street ou le Muppet Show, ou que l’on aime les marionnettes. C’est en outre réconfortant qu’un passionné sans ressource arrive à percer dans le milieu par ses capacités et sa persévérance. Le documentaire repose sur la bonhommie et le charisme de Kevin Clash et j’ai été d’autant plus choqué d’apprendre qu’il avait dû démissionner de Sesame Street et abandonner Elmo en 2012 en raison de trois plaintes l’accusant de relations avec mineurs et d’abus sexuels. Kevin Clash clama son innocence et l’affaire fut enterrée à cause du délai de prescription. Cela jette un froid et ternit rétrospectivement Being Elmo: A Puppeteer's Journey.
RRRrrrrr !!! d’Alain Chabat (2004)

Bien qu’ils aient parfois travaillé ensemble sur les projets des uns et des autres, RRRrrrrr !!! est l’unique long métrage de la troupe des Robins des bois, également auteurs du scénario. La production devait être assurée par Dominique Farrugia, qui les avait découvert en 1996. Nommé à la tête des programmes de Canal+, il céda sa place à Alain Chabat, qui en profita pour récupérer la mise en scène. RRRrrrrr !!! fut éreinté par la presse à sa sortie et Chabat, vexé, délaissa la réalisation durant huit ans. Les rudes critiques ne sont malheureusement pas injustifiées. Malgré deux-trois idées amusantes, c’est globalement poussif, baignant dans l’esprit et l’humour des Robins des bois dont je n’ai jamais été amateur. A réserver aux inconditionnels.
The Polka King de Maya Forbes (2017, Le roi de la polka)

The Polka King est tiré d’une histoire vraie et est fortement inspiré du documentaire The Man Who Would Be Polka King (2009) sur la vie de Jan Lewan. A l’image de Bernie (2011), Jack Black tente de rendre sympathique un individu douteux, avec un point de vue subjectif centré sur Jan Lewan. Celui-ci est montré comme un gentil arnaqueur pas totalement conscient de ses erreurs. Prenant des sous à des riches qui souhaitent esquiver le fisc, il le redistribue à son entourage en essayant de contenter tout le monde. Jack Black est en roue libre, avec un accent polonais improbable et forces jeux de sourcils, et Jenny Slate cabotine. On peut aisément passer son chemin.
Pee-wee's Big Adventure de Tim Burton (1985, Pee Wee Big Adventure)

Pee-wee Herman est un personnage de fiction créé par Paul Reubens à la fin des années 70 durant une séance d’improvisation théâtrale. Il le réutilisa ensuite dans un one-man-show puis à la télévision. Devant le succès rencontré, la Warner l'engagea pour rédiger un scénario centré sur Pee-wee. A la réalisation, ils sélectionnèrent un jeune prometteur, remarqué pour ses courts métrages Vincent (1982) et Frankenweenie (1984), un certain Tim Burton. Pour la musique, Paul Reubens suggéra Danny Elfman, le chanteur-compositeur du groupe Oingo Boingo qu’il appréciait. Malgré des critiques négatives, le film fit un carton et lança la carrière de Burton, à qui le studio confia un projet d’envergure, Beetlejuice (1988).
Si la patte de Burton est parfois visible dans Pee-wee's Big Adventure, le résultat baigne surtout dans l’univers infantile et cartoonesque inventé par Paul Reubens. C’est souvent gênant et l’introduction est embarrassante. Le script respecte à la lettre un manuel d’écriture pour novices que Paul Reubens, Phil Hartman et Michael Varhol avaient acheté. Au bout d’une demi-heure, l’histoire décolle avec une incursion assez réussie dans le road-movie. Ça se termine par une course-poursuite sur les plateaux de la Warner, avec une référence à Godzilla moqueuse et sincère (Godzilla a la tête des opus pour enfants des années 70 et affronte King Ghidorah). C’est donc une œuvre boiteuse, je ne sais pas sur le long terme ce que je retiendrai, le côté pénible ou amusant.
Films vus seuls
陸軍中野学校 竜三号指令 [Rikugun Nakano gakko: Ryu-sango shirei] de Tokuzô Tanaka (1967, Assignment Dragon No. 3)

Ce troisième épisode des aventures de Jirô Shiina de l’école militaire de Nakano revient à la période de la guerre sur fond de révisionnisme avec de supposées négociations de paix avec les Chinois. On est davantage dans la lignée du deuxième volet que du premier, avec un classique récit d’espionnage peu crédible et pas franchement passionnant. Je note juste la présence de Michiyo Yasuda, repérée par la Nikkatsu en 1964 et qui perça en arrivant à la Daiei sur les conseils de Shintarô Katsu en 1966. Elle débuta par une brillante prestation dans La vision de la vierge (1966), qui lui permit d’enchaîner les rôles jusqu’à la faillite du studio en 1971. Elle adopta en 1976 le nom de Michiyo Ôkusu et son ultime apparition sur grand écran remonte à 2020 dans Ichidomo uttemasen.
Santo contra hombres infernales de Joselito Rodríguez (1961, Santo vs. Infernal Men)

Je savais qu’il ne fallait pas attendre grand-chose de ce second Santo, tourné à Cuba en 1958 en même temps que Santo contra cerebro del mal. Sans surprise, il n’y a rien à sauver. Mon résumé raconte une bonne moitié du truc, Joselito Rodríguez meuble pour livrer une pellicule de 1h15 qui aurait facilement pu être condensée en 10 minutes. Il réutilise des morceaux de Santo contra cerebro del mal sans s’attarder sur les invraisemblances (le flic mentionne ainsi deux héros masqués dans la dernière séquence alors qu’il n’y en a qu’un dans Santo contra hombres infernales). Heureusement, le prochain Santo, Santo contra los zombis (1962), propulse enfin le catcheur au premier plan.
虹をつかむ男 南国奮斗篇 [Niji o tsukamu otoko: Nangoku funto-hen] de Yôji Yamada (1997, The Rainbow Seeker 2)

On sent dans cette suite de Niji o tsukamu otoko (1996) une volonté de se démarquer légèrement des Tora-san. Ryô est clairement le personnage principal ; Katsu couche avec une femme, chose impensable dans un Tora-san ; les parents de Ryô ne sont plus incarnés par Gin Maeda et Chieko Baishô, bien que celle-ci apparaisse dans un rôle secondaire… Cela ne suffit pas, Niji o tsukamu otoko: Nangoku funto-hen manque d’inspiration, Yôji Yamada recycle ses thèmes et exécute sans effort la commande de la Shôchiku. Même l’hommage au cinéma est forcé, sans la conviction du volet précédent. Le résultat déçut le public, Niji o tsukamu otoko: Nangoku funto-hen fut un échec commercial et n’engendra pas de nouvelle série.
ブワナ・トシの歌 [Bwana Toshi no uta] de Susumu Hani (1965, La chanson de Bwana Toshi)

Venu du documentaire, Susumu Hani a souvent privilégié les extérieurs avec des acteurs non professionnels. Bwana Toshi no uta est le premier de ses trois longs métrages tournés à l’étranger, ici au Kenya et au Tanganyika. Excepté Kiyoshi Atsumi, le futur interprète de Tora-san, le casting est majoritairement amateur, recruté sur place, la plupart n’ayant jamais vu un film de leur vie. Susumu Hani resta près de six mois en Afrique, Kiyoshi Atsumi environ trois mois. Ce dernier assimila des rudiments de swahili et revint régulièrement sur le continent. Pour le scénario, Susumu Hani a transposé un livre autobiographique de Toshihide Katayose, un architecte qui participa en 1961-1962 à une mission scientifique sur les primates menée par l’université de Kyôto.
Je voulais récupérer Bwana Toshi no uta depuis longtemps et j’ai enfin mis la main sur une copie et des sous-titres. C’est une œuvre assez unique sur la rencontre entre un Japonais et des Africains technologiquement moins développés. Toshio adopte au départ un comportement raciste digne des blancs, avec un fort complexe de supériorité et une incapacité à sortir de sa logique japonaise. Cela l’amène à commettre des erreurs qui menacent la réussite de son travail et le poussent à se remettre en question. Il va devoir accepter l’autre, gagnant au passage l’amitié d’Hamisi et un enrichissement personnel. Si le discours est naïf, cela n’empêche pas Bwana Toshi no uta d’être touchant et original, avec une culture locale jamais prise de haut. C’est dommage qu’il ne soit pas plus connu et j’espère pouvoir un jour dénicher l’opus suivant de Susumu Hani, Andesu no hanayome (1966) qui se déroule au Pérou.
Livres
Paddington Goes to Town de Michael Bond (Harper Collins, collection « The Classic Adventures of Paddington Bear – The Complete Collection », 2019), 153 p.

Cela faisait trois mois que j’avais délaissé les Paddington, lassé par la répétitivité des nouvelles. Ce huitième volume ne se démarque pas, l’ours espiègle continue de comprendre les choses de travers et d’enchaîner de gentilles mésaventures. L’espacement entre les bouquins permet de mieux avaler l’absence d’enjeux, je vais donc poursuivre à un rythme tranquille sans attente particulière.
- Légendes du Guatemala de Miguel Angel Asturias (Gallimard, collection « Folio », 2020), 181 p.Légendes du Guatemala est composé de trois parties :
- • Après une introduction sur l’Histoire du Guatemala, un narrateur demande à deux personnages de lui raconter des légendes en échange de la description de sa nuit de délire. S’ensuivent cinq récits sur le volcan, le Cadejo (un monstre qui enlève les filles aux longues tresses), la Tatuana (une jeune femme dotée d'un tatouage magique), le Sombrerón (une balle en caoutchouc maléfique) et le trésor du pays fleuri.
- • Les sorciers de l'orage du printemps relate le destin de Juan Poyé, l’homme-rivière, et de ses descendants.
- • Cuculcán est une pièce de théâtre sur Cuculcán le soleil, jaune la journée, rouge le soir et noir la nuit, et sur l’oiseau Guacamayo qui souhaite le renverser.
Revues
Les Cahiers du cinéma n°811 – Juillet-Août 2024

Niveau sortie, beaucoup de critiques ce mois-ci. La comédie romantique argentine Septembre sans attendre (2024) semble originale et s’ajoute à la longue liste des opus argentins récents qu’il faudrait que je récupère. Le dernier Patricia Mazuy, La prisonnière de Bordeaux (2024), me fait de l’œil étant donné la qualité de Bowling Saturne (2022). Je remarque également Here (2023) du belge Bas Devos, sur la rencontre entre un travailleur roumain et une doctorante en bryologie (les mousses) sino-belge. Et Le roman de Jim (2024), où un père de substitution joué par Karim Leklou est mis sur la touche.
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