Films vus en compagnie
Renfield de Chris McKay (2023)

Bien que centré sur Renfield, larbin oublié du roman de Bram Stoker, cette fausse suite du Dracula de Tod Browning de 1931 est en réalité un véhicule à la gloire de Nicolas Cage, qui cabotine à fond les ballons dans un rôle qu’il rêvait de jouer. Il est concurrencé dans l’outrance par Awkwafina en Rebecca et par Ben Schwartz en Teddy Lobo. Au milieu de cet océan de lourdeur, Nicholas Hoult surnage avec son Renfield très anglais et flegmatique, une espèce de Hugh Grant perdu dans un film bourrin. Le charme de Renfield vient des moments avec son groupe d’entraide ou de ses tentatives d’entrer dans la normalité davantage que des scènes d’action un peu longuettes ou du montage clipesque. Distrayant et sans prétention, c’est plutôt réussi dans son genre.
Halloween Kills de David Gordon Green (2021)

Pfff, que ce Halloween Kills est brouillon… David Gordon Green envoie Laurie à l’hôpital, clin d’œil à Halloween 2 (1981), mais s’amuse à la rendre impotente. Michael n’arrive pas sur les lieux, il se balade dans Haddonfield et massacre à tour de bras, traqué par une horde de vigilantes énervés. Le propos est confus, dénonçant d’un côté la violence et les dérives d’une foule, multipliant de l’autre les passages gores et funs. David Gordon Green tombe dans le fan service avec moults flashbacks sur la nuit du 31 octobre 1978 et convoque tous les survivants, parfois incarnés par les actrices d’origine, parfois remplacés par un nouvel interprète, avec en bonus une doublure maquillée pour Loomis. Le récit sombre dans un infame gloubi-boulga, changeant sans cesse de point de vue. Cela n’augure rien de bon pour le troisième et ultime volet.
Mean Girls de Mark Waters (2004, Lolita malgré moi)

Mean Girls est un film très apprécié aux Etats-Unis où il a gagné un statut culte avec le temps. Il a inspiré la chanson Obsessed de Mariah Carey, a été cité dans un tweet de la Maison-Blanche ou dans un discours de Jennifer Lawrence durant une remise de prix. Il a engendré un téléfilm, un jeu vidéo, deux romans, une BD et une comédie musicale qui a elle-même été adaptée au cinéma en 2024. C’est le seul scénario pour le grand écran de Tina Fey, tiré du livre de développement personnel Queen Bees and Wannabes de Rosalind Wiseman. Je m’attendais logiquement à un divertissement sympathique dans la lignée des œuvres d’Amy Heckerling comme Fast Times at Ridgemont High (1982) ou Clueless (1995). Ce n’est malheureusement pas le cas. Accablé par un humour lourdingue occasionnellement raciste, Mean Girls ne s’émancipe jamais des clichés et des situations convenues. Mieux vaut voir ou revoir Legally Blonde (2001) produit trois ans auparavant, infiniment meilleur dans le genre.
Panna a netvor de Juraj Herz (1978, La Belle et la Bête)

Bien que contemporain de la Nouvelle Vague tchèque des années 60, Juraj Herz a toujours été à la marge, juif slovaque rescapé des camps de la mort qui n’a pas été formé en école de cinéma. Son opus le plus fameux est L'incinérateur de cadavres (1969), comédie noire satirique retirée de la circulation au bout de quelques semaines et qui ne ressortit des placards qu’en 1990.
Sur le papier, une transposition de conte parut sans doute moins susceptible de choquer les censeurs. Panna a netvor est cependant loin de la version de Disney de 1991, Juraj Herz déploie une atmosphère gothique terriblement glauque dotée d’une photographie globalement terne qui contraste avec les rares touches de couleurs générées par le feu, le vin ou les rêves illuminées de Julie. Le récit réintègre ici un élément souvent oublié du conte originel de Madame de Villeneuve, où la Belle imagine en songes le véritable visage de la Bête. Le côté incestueux est également présent : le père refuse de laisser partir sa fille qui l’adore ; la Bête qui lui succède tombe au départ amoureux du portrait de la mère de Julie, qui lui ressemble énormément. Cette mouture se démarque donc à la fois du Disney et du Cocteau, ne serait-ce que par son aspect horrifique et sa représentation de la Bête en rapace déplumé. Malgré un rythme lent typique de l’Europe de l’Est de cette époque, cette passionnante variation d’un classique mérite le coup d’œil.
Bastarden de Nikolaj Arcel (2023, King's Land)

Bastarden est tiré du roman Kaptajnen og Ann Barbara d’Ida Jessen, vaguement inspiré d’une histoire vraie. Mads Mikkelsen incarne un Kahlen taiseux au passé violent contraint de dissimuler sa colère face aux puissants. L’ambiance évoque le western américain, on pense au Eastwood période Unforgiven (1992). Très traditionnel dans sa trame et dans sa forme, Bastarden convainc grâce à la qualité des acteurices, la désolation des paysages et le réalisme des costumes. En dépit d’un méchant caricatural, j’ai apprécié ce western scandinave sobre et premier degré.
چکمه [Chakmeh] de Mohammad-Ali Talebi (1992, Les bottes rouges)

Mohammad-Ali Talebi est un spécialiste des œuvres mettant en scène des enfants. Il développe des intrigues simples sans sentimentalisme, avec parfois une touche sociale à l’image de Chakmeh où il décrit la rude existence d’une femme sans mari en Iran dans les années 90. Ce moyen métrage de 55 minutes fut produit par Shahed TV pour dépeindre le quotidien des victimes de la guerre Iran-Irak. On se concentre ainsi sur une veuve, sur sa fille Samaneh qui a perdu son père ou sur un gosse du quartier amputé d’une jambe. Chakmeh reste toujours à hauteur d’enfant, il épouse le point de vue de l’insupportable Samaneh et transforme la traversée d’une route ou la rencontre avec un chien en trépidante aventure. Malgré le comportement souvent énervant de Samaneh, c’est émouvant, un beau film pour enfants comme les Iraniens savaient le faire dans les années 80-90.
The Good Neighbor de Kasra Farahani (2016)

The Good Neighbor est le premier long métrage de Kasra Farahani, un chef décorateur et illustrateur irano-américain. L’action est essentiellement vue à travers un caméscope que transporte Ethan en permanence, la webcam de son ordinateur ou des caméras de surveillance installées dans sa maison ou cachées chez Harold. Ces séquences sont entrecoupées par un procès se déroulant plusieurs mois après les évènements, qui laisse entendre qu’un drame a résulté de ce jeu malsain. S’il y a un côté touchant à voir un James Caan de 76 ans en papy inquiétant et si le discours sur les dangers de la vidéosurveillance n’était pas encore complètement galvaudé en 2016, ça ne suffit pas à sauver The Good Neighbor qui s’appuie sur un script de court métrage. On passe un temps infini sur ces deux ados antipathiques assis devant leur PC, avec l’impression d’espionner deux mecs qui regardent une version live de Paranormal Activity. Pour montrer qu’il n’est pas dupe, Kasra Farahani s’arrange pour que les protagonistes se moquent du found footage, ce qui n’empêche pas The Good Neighbor d’être agaçant, longuet et de perpétuer certains défauts du genre.
Films vus seuls
Just Before Dawn de William Castle (1946)

Ce sixième volet des aventures du Crime Doctor est totalement centré sur Ordway, meurtrier involontaire qui mène l’investigation avec la bénédiction de l’inspecteur Burns. N’ayant pas à s’encombrer d’un jeune premier tartouille, le casting est plus solide que précédemment. Le scénario est à l’avenant, assez tendu avec une galerie de méchants patibulaires menés par Marvin Miller, un second couteau de série B célèbre pour son doublage de Robby le robot dans Planète interdite (1956). William Castle instaure une ambiance relativement sombre, renforcée par une bonne utilisation des éclairages. C’est sans doute le meilleur épisode jusqu’à présent.
El espectro del estrangulador de René Cardona (1966, Santo vs. the Ghost of the Strangler)

Les Santo se suivent et se ressemblent. Bien que sorti en salles un an plus tard, El espectro del estrangulador a été tourné en même temps que Santo vs. el estrangulador en 1963. C’est l’ultime Santo du producteur Alberto López, qui a capitalisé à fond sur la franchise et a constitué un long métrage sans réelle matière. L’intrigue est quasi-inexistante, les séquences s’enchaînent sans tenir compte des précédentes. Il faut meubler, on a le droit à huit chansons et à trois matchs de catch. Ce dyptique de l’étrangleur était franchement faiblard, les prochains sous la houlette de Luis Enrique Vergara devraient apporter un certain renouvellement. Dépité du départ de Santo de son écurie, Alberto López lança un autre super-héros masqué, El Enmascarado de Oro, mais il ne rencontra aucun succès et fut vite abandonné.
土忍記 風の天狗 [Doninki Kaze no tengu] de Keiichi Ozawa (1970, Haunted Samurai)

Arrivé à la Nikkatsu en 1956, assistant de Toshio Masuda et de Umetsugu Inoue, Keiichi Ozawa attendit douze ans pour passer à la réalisation en 1968. Il exerça principalement dans le cinéma d’exploitation, mêlant régulièrement action et érotisme. Doninki Kaze no tengu est davantage porté sur le premier que sur le second, nonobstant une scène de combat au bord de l’eau où des femmes ninjas ont oublié de mettre leur haut de kimono. La trame est extrêmement traditionnelle, un ninja-eiga avec une touche de matatabi-mono axé sur un héros solitaire et impassible qui aide les habitants d’un village oppressés par les méchantes autorités. Cela se regarde toutefois sans déplaisir grâce à un rythme soutenu et à une distribution solide menée par Hideki Takahashi, un spécialiste du yakuza-eiga méconnu en Occident.
- Livres
Histoires fausses, textes réunis par Demètre Ioakimidis, Jacques Goimard & Gérard Klein (Le livre de poche, collection « La grande anthologie de la science-fiction », 1984), 411 p.Ce recueil regroupe seize nouvelles de treize auteurs et une autrice publiées aux Etats-Unis entre 1942 et 1972. Leur point commun est un humour lié non au style mais aux composantes scientifiques ou pseudo-scientifiques du récit, sans volonté de véracité. - • Rapport sur la migration du matériel éducatif de John Thomas Sladek (1968) : Les livres migrent brusquement vers les tropiques.
- • Le soulier qui trouva chaussure à son pied de Philip K. Dick (1954) : Un soulier prend vie dans une machine permettant d’animer la matière.
- • Cochon tirelire de Henry Kuttner (1942) : Lassé d’être sans cesse cambriolé, un fabriquant de diamants commande un robot tirelire qui se carapate dès qu’on l’approche.
- • On demande le docteur Tic-Tac de Ron Goulart (1965) : Un homme en visite dans un hôpital se retrouve cloué dans un lit, interdit de sortie par un médecin androïde.
- • Le poison d'un homme de Robert Sheckley (1953) : Deux astronautes en quête de nourriture échouent sur un astre désolé et tentent de dénicher leur pitance dans des caisses abandonnées par des extraterrestres.
- • De tout pour faire un monde de Evelyn E. Smith (1962) : Deux officiers récalcitrants sont expédiés sur une planète hostile pour récupérer des pierres précieuses. Ils préfèrent s’occuper de leur maison plutôt que de leur mission.
- • La vie de pionnier de Robert Sheckley (1954) : Un couple de pionniers est perpétuellement rattrapé par la civilisation.
- • Le libérateur de Arthur Porges (1953) : Contrainte de capituler devant des envahisseurs, la Terre est sur le point d’être réduite en esclavage. Satan ne l’entend pas de cette oreille.
- • Les travailleurs immigrés de Richard Wilson (1958) : Un producteur de spectacles tombe sur un immeuble d’aliens immigrés spécialisés dans le show business.
- • Spectacle de marionnettes de Fredric Brown (1962) : Une horrible créature atterrit sur dans le désert de l’Arizona. L’armée est envoyée pour négocier.
- • Mots de mise en garde de Alex Hamilton (1972) : Les mots s’échappent des livres et s’enfuient en masse.
- • A thing of beauty de Norman Spinrad (1972) : Un Américain essaye de vendre à un Japonais les monuments new-yorkais.
- • Criminel en Utopie de Mack Reynolds (1968) : Un individu sans le sou recourt au crime pour survivre dans une société où l’argent a été totalement dématérialisé et où toute activité est tracée par un système de cartes.
- • Comment refaire Charlemagne de R. A. Lafferty (1967) : Une équipe de savants décide de changer un évènement dans le passé et de vérifier en direct les conséquences dans le présent.
- • Le modificateur de Arthur Sellings (1959) : Un studio de cinéma recherche la personne capable de modifier les projections en temps réel, transformant des drames en comédie ou des romances en films érotiques.
- • Un coup tu la vois de Richard Wilson (1967) : Un bon père de famille devient soudainement invisible en se réveillant un matin et doit gérer la situation avec son entourage.
- Les funérailles de la Grande Mémé de Gabriel García Márquez (Grasset, collection « Les Cahiers Rouges », 2003), 153 p.Cet ouvrage paru en 1962 réunit huit textes rédigés par Gabriel García Márquez se déroulant dans le fameux village de Macondo :
- • La sieste du mardi : Une mère et sa fille arrivent à Macondo et se dirigent d’un pas déterminé vers l’église.
- • Un jour comme les autres : Le dentiste Don Aurelio Escovar arrache une dent au maire.
- • Il n'y a pas de voleurs dans ce village : Damaso a dévalisé le billard et n’a trouvé que trois boules dont il ne sait que faire.
- • Le merveilleux après-midi de Balthazar : Balthazar a construit une superbe cage à oiseaux pour un destinataire qui n’est pas prêt à payer son prix.
- • La Veuve Montiel : La veuve de don José Montiel se retrouve seule à la suite du décès de son mari, que tout le monde haissait.
- • Un jour après le samedi : Un étranger descend du train par hasard pendant que les oiseaux se réfugient dans les habitations pour mourir.
- • Roses artificielles : Mina confectionne des roses artificielles, épiée par sa grand-mère aveugle.
- • Les funérailles de la Grande Mémé : Le gratin se presse à l’enterrement de la Grande Mémé.
Revues
Les Cahiers du cinéma n°812 – Septembre 2024

Au niveau des nouveautés, je découvre le travail de la française Sophie Fillières, décédée à 58 ans en juillet 2023. Pas sûr que ça me plaise mais il faudra que je tente à l’occasion. L’hommage à Alain Delon n’est pas trop apologique, il se concentre sur les films davantage que sur l’homme. Pas grand-chose sinon, le dossier sur Wiseman n’apporte rien de neuf et je connaissais déjà la majorité des ressorties.
Je reconnais bien la plume d' A A !
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