samedi 21 septembre 2024

Carnet de bord 14/09/2024-20/09/2024



Films vus en compagnie
[Kol] de Chung-Hyun Lee (2020, The Call)
Pour se rapprocher de sa mère hospitalisée à cause d’une tumeur au cerveau, Seo-yeon retourne dans la maison familiale qu’elle avait quittée depuis longtemps. Peu après avoir rebranché un vieux téléphone fixe pour compenser la perte de son smartphone dans le train, elle commence à recevoir des coups de fil étranges d’une jeune femme nommée Young-sook qui prétend habiter à son adresse. Seo-yeon fouille la demeure et tombe sur un porte murée donnant sur une pièce souterraine. Elle y découvre le journal intime de Young-sook daté d’il y a vingt ans.

Je me suis rendu compte au bout d’une quinzaine de minutes que j’avais déjà vu The Call. Nous avons néanmoins continué le visionnage car ma copine avait un doute. Nous aurions mieux fait de nous abstenir. Sorti directement sur Netflix en raison du covid, ce remake de The Caller, une obscure péloche anglo-portoricaine, est catastrophique Le scénario est bourré d’incohérences, les personnages sont caricaturaux et Jeon Jong-seo, qui incarne Young-sook, est complétement en roue libre. A éviter.


Three Identical Strangers de Tim Wardle (2018)
Le jour de son arrivée sur le campus d’un community college de l’état de New York en 1980, Bobby est surpris de l’accueil, tout le monde le saluant chaleureusement. Il comprend qu’on le confond avec un autre, un certain Eddy qui lui ressemblerait énormément. En allant chez ce dernier, ils s’aperçoivent qu’ils sont des frères jumeaux séparés à la naissance. L’histoire prend une tournure encore plus invraisemblable quand un troisième larron, David, les contacte et s’avère être leur triplet. Les trois garçons deviennent inséparables.

Sur la forme, Three Identical Strangers est un documentaire américain typique, avec de mauvaises reconstitutions, un montage manipulateur poussant le spectateur à adhérer à une théorie puis à son contraire, et la mise en place d’un faux suspense, les entretiens se déroulant vingt ans après les faits. Il est cependant tellement hallucinant sur le fond que ces défauts sont rapidement oubliés. Cette réunion inopinée de trois frères envoyés dans trois familles de milieux sociaux différents sur lesquels a été mené une expérience scientifique secrète est incroyable. Chaque fois que l’on pense en avoir terminé, un élément surgit et ajoute une nouvelle couche. Three Identical Strangers propose par ailleurs une réflexion intéressante sur les notions d’innée et d’acquis, en dépit de l’absence de point de vue du film qui soutient alternativement leur prédominance. Je recommande donc cette enquête passionnante en pardonnant sa réalisation discutable.


Halloween Ends de David Gordon Green (2022)
Quatre ans après la terrible nuit d’Halloween marquant le retour de Michael Myers, Haddonfield reste traumatisé par les évènements. Michael s’étant volatilisé, les habitants ont transféré leur haine sur Corey Cunningham, un babysitter d’un soir qui tua accidentellement l’enfant qu’il surveillait trois ans auparavant. Persécuté par un groupe d’étudiants, il est secouru par Laurie Strode qui s’est installée en ville. Laurie s’arrange pour le présenter à sa petite-fille Allyson, qui tombe sous le charme de cet être perturbé. Elle ne soupçonne pas la noirceur de son âme.

Cet ultime volet de la trilogie de David Gordon Green est probablement le pire des trois, et il y avait pourtant de la concurrence. Selon le principe de la contamination du mal, il est centré sur Corey qui remplace Michael. Le souci est qu’il ne lui arrive pas à la cheville. Je me suis vite désintéressé de ce méchant vaguement tourmenté, pas aidé par l’interprétation du peu charismatique Rohan Campbell. Ce vilain de bazar est totalement éclipsé par la réapparition de Michael et sa trame narrative n’a au final presque aucune importance. C’est triste de constater à quel point ce superbe croque-mitaine qu’est Michael Myers a été pitoyablement exploité, entre cette trilogie pourrie ou le dyptique nul de Rob Zombie.


Under the Shadow de Babak Anvari (2016)
En plein conflit irano-iraquien, Shideh tente de reprendre ses études de médecine interrompues par la révolution iranienne de 1979 et par la naissance de sa fille Dorsa. On lui explique que son passif de militante d’extrême-gauche et son statut de femme rendent son souhait impossible. Elle reporte sa colère sur Dorsa et sur son mari, qui la condamnent à n’être qu’une femme au foyer. Quand celui-ci est envoyé au front, Shideh reste seule avec Dorsa dans leur appartement de Téhéran. Influencée par les histoires d’un jeune voisin, Dorsa craint les djinns, des esprits néfastes qu’elle dit apercevoir. Lorsque sa poupée préférée disparaît, elle commence à avoir de la fièvre et Shideh peine à gérer la situation.

Under the Shadow est le premier long métrage de Babak Anvari, un Britannico-Iranien qui a grandi en Iran dans les années 80. Il mélange un côté social fréquent dans le cinéma iranien contemporain dénonçant la condition de la femme dans ce pays à une atmosphère fantastique qui s’accroit au fur et à mesure que l’intrigue avance. Tourné en persan en Jordanie principalement en studio, c’est une coproduction anglo-jordano-qatari. Le premier tiers pose le décor, montre le quotidien d’une intellectuelle de classe moyenne dans les années 80 et le contexte qui engendre son insatisfaction ; le second insiste sur les conséquences de la guerre sur la population et instille des éléments surnaturels ; le troisième bascule complètement dans le fantastique en isolant la mère et sa fille dans un immeuble abandonné. En dépit d’une Shideh parfois antipathique en raison de sa frustration, l’ensemble est convaincant, avec un environnement original et une dernière demi-heure prenante.


Films vus seuls
Crime Doctor's Man Hunt de William Castle (1946)
Le docteur Ordway est consulté par un homme victime de crises d’amnésie. Une semaine plus tard, un soir, Ordway le recroise dans la rue, soutenu par deux gorilles patibulaires. Le médecin comprend que son patient a été assassiné et il joue la comédie pour ne pas subir un destin similaire. Après avoir mystifié les malandrins, il téléphone à la police. Le corps demeurant introuvable malgré les recherches effectuées, les autorités doutent cependant de la réalité du meurtre.

Ce septième volet des enquêtes du Crime Doctor est assez mollasson. Les seconds couteaux sont quelconques, l’héroïne incarnée par Ellen Drew est fade et le récit est linéaire. A l’inverse de Just Before Dawn (1946) également mis en scène par William Castle, la photographie est terne. Au suivant.


Atacan las brujas de José Díaz Morales (1968, The Witches Attack)
Ofelia rêve qu’elle est sacrifiée à Satan par des sorcières et qu’elle est secourue à la dernière seconde par Santo. A son réveil, elle est rabrouée par l’ex-secrétaire de son père, Elisa, la cheffe des sorcières de son cauchemar, qui l’accuse d’être trop imaginative. Mal à l’aise dans son antique maison, Ofelia voudrait partir mais ses parents décédés ont stipulé dans leur testament qu’elle ne pourra hériter que si elle vit au minimum un an dans le manoir familial. Son fiancé Arturo n’a pas confiance en Elisa, qui n’a pas vieilli d’un pouce en une vingtaine d’années. Il appelle son ami Santo pour qu’il investigue.

Afin de diminuer les coûts, Atacan las brujas employa des membres du STIC (Sindicato de Trabajadores de la Producción Cinematográfica), un syndicat autonome qui n’était pas autorisé à travailler sur des longs métrages. Atacan las brujas est donc la combinaison de trois courts, Atacan las Brujas (L’attaque des sorcières), La Bruja Maldita (La sorcière maudite) et Aquelarre sangriento (Le clan sanglant). Chaque épisode répète le même schéma sans vraiment tenir compte du précédent, Ofelia est enlevée, Santo la délivre. Cette récurrence renforce l’aspect onirique de cette œuvre curieuse, fort différente des productions d’Alberto López. Pour des questions de budget, il fut tourné en extérieur ou dans des décors en ruines. Il n’y a qu’un unique match de catch (affreusement mal monté et cadré), pas de chanson, à peine une intrigue. Bien qu’objectivement médiocre, ce n’était pas déplaisant, plus original que ses prédécesseurs et doté d’une atmosphère fantasmagorique.


悪魔ですとーりー [Akuma de sutôrî/Devil De Story] de Santetsu Natsuki (1983, Devil Story)
Un homme se réveille dans le désert sans se souvenir comment il est arrivé là. Il rencontre une extraterrestre de la galaxie d’Andromède qui lui rapporte trois cartes colorées qu’il avait perdues. En les remettant à d’étranges créatures, il revoit des moments clés de sa banale existence, de son enfance où il rêvait d’être Ultraman à son embauche pour un magazine érotique.

La copie 16mm de Devil De Story a été retrouvé par hasard en 2022 lors d’une vente aux enchères par un collectionneur japonais, qui l’a sous-titrée puis faite scanner et restaurer par Kineko Video, une communauté spécialisée dans la numérisation d’animés. Ils l’ont ensuite mis à disposition sur YouTube dans une version légèrement censurée pour respecter les règles d’usage du site. Outre les informations fournies par le générique, la seule donnée disponible sur ce moyen métrage est l’étiquette « Natsuki Productions » collée sur le boitier contenant la bobine. Ce nom étant également porté par une agence de talents lancée en 1982, Kineko Video estime que Devil De Story avait probablement pour objectif de promouvoir ses acteurices, qui ne tournèrent dans aucun autre film.
Le résultat est très amateur et extrêmement fauché, avec des chansons, de la nudité gratuite, et de l’humour fondé sur un mélange de jeux de mots intraduisibles et de gros n’importe quoi. Ça fleure bon les années 80, que ce soit dans les costumes ou dans l’ambiance. Sans être désagréable, c’est à réserver aux fans de bizarreries nippones.


月形半平太 [Tsukigata Hanpeita] de Kôkichi Uchide (1952, Tsukigata Hanpeita)
Tsukigata Hanpeita est un samouraï idéaliste qui voudrait renverser le shogunat corrompu grâce à l’alliance des domaines de Satsuma et du Chôshû. Il est poursuivi par le Mimawarigumi, une police spéciale chargée de rétablir l’ordre à Kyôtô. Il doit aussi se méfier de ses propres alliés en raison de dissensions au sein de son clan. Il peut en revanche compter sur l’aide de sa bien-aimée Umematsu et de sa sœur Hinagiku ainsi que de Tatsuma Hayase, un ancien membre déçu du Mimawarigumi.

Tsukigata Hanpeita est à l’origine une pièce de Rifû Yukitomo écrite en 1919 pour la compagnie de théâtre Shinkokugeki. C’est une des premières se déroulant durant la restauration de Meiji, une période trouble située entre la fin du shogunat et la consécration de l’empereur Meiji à la tête du pays. Elle est centrée sur un personnage fictif appelé Tsukigata Hanpeita, ami de deux figures historiques importantes, Ryôma Sakamoto et Kogorô Katsura. Elle a été adaptée à seize reprises sur grand écran, ici par la Shôchiku avec Utaemon Ichikawa en Tsukigata Hanpeita. La direction a été confiée à Kôkichi Uchide, qui quittera la Shôchiku pour la Toei en 1955 et travaillera sur des séries de jidai-geki et pour la télévision.
Ce Tsukigata Hanpeita de 1952 est essentiellement le récit d’un triangle amoureux entre Umematsu, Tsukigata et l’ex-conjointe d’un de ses ennemis. C’est terriblement convenu, un véhicule pour Utaemon Ichikawa qui assure le service minimum. A noter la présence d’Hibari Misora en Hinagiku, qui pousse brièvement la chansonnette.


Livres
Quête sans fin d’A.E. Van Vogt (Le livre de poche, collection « SF », 1977), 279 p.
Peter Caxton est professeur de physique au collège de Tichenor. Lors d’une projection de films éducatifs à ses élèves, il constate que la copie ne correspond pas au titre inscrit sur la boite, remplacée par d’étranges images futuristes. Le phénomène se reproduit et Peter, d’une nature paranoïaque, commence à soupçonner un complot contre lui. Sa réaction outrancière oblige le directeur à demander sa démission. Son calme retrouvé, Peter comprend que le responsable est le projecteur, qui change en direct le contenu des bobines. Il décide de partir à la recherche du vendeur de la machine sans se douter des aventures extraordinaires qui l’attendent.

Le dernier Van Vogt que j’avais lu était moins catastrophique que d’habitude et j’espérais réitérer avec ce livre apparemment axé sur des mondes parallèles. Ce ne fut pas le cas, on retombe dans les travers de l’auteur. C’est encore une fois un fix-up assez grossier de trois nouvelles publiées dans Astounding Science Fiction dans les années 40 : Film Library (juillet 1946), The Search (janvier 1943) et Far Centaurus (janvier 1944). La pire des trois, The Search, constitue malheureusement l’ossature du bouquin. Le héros est détestable, totalement égocentrique ; la trame est bancale, confuse, et les textes sont reliés entre eux de manière approximative ; la misogynie est omniprésente. A fuir.


Revues
Mad Movies n°385 – Septembre 2024
La longue interview d’Alexandre Aja m’a donné envie de récupérer les quelques films de ce réalisateur que je n’ai pas vus. Je suis loin d’être fan mais je reconnais une certaine sincérité dans ses œuvres, qui se démarquent généralement du tout-venant. Son dernier opus, Mother Land (2024), semble alléchant. Mad Movies propose également un gros dossier enrichissant sur le cinéma d’action indien pour la sortie de Kill (2023), et un entretien avec Francis Ford Coppola. De façon amusante, il est plus intéressant que celui des Cahiers. Eux au moins mentionnent, certes en note de bas de page, les accusations sur son comportement déplacé durant le tournage. On se contente de peu… Je signale enfin la rencontre avec Shinji Higuchi, le coréalisateur de Shin Godzilla (2016).
Du côté des nouveautés, rien de spécial, excepté peut-être Speak No Evil avec James McAvoy, remake d’un long métrage danois fauché ; et l’islandais Les belles créatures, sur une tragédie adolescente mâtinée de fantastique.


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