dimanche 20 avril 2025

Carnet de bord 05/04/2025-18/04/2025



Films vus en compagnie
Marty de Delbert Mann (1955)
Marty est un boucher italo-américain du Bronx qui habite dans une vaste maison avec sa mère. A 34 ans, il est toujours célibataire alors que tous ses frères et sœurs sont mariés. Doté d’un physique peu avantageux, il n’arrive pas à trouver chaussure à son pied et s’est résolu à son sort. Pour faire plaisir à sa mère, il consent à aller dans un dancing un samedi soir. Il tombe sur Clara, une femme rejetée par son cavalier avec qui il sympathise immédiatement. Il se heurte toutefois à son entourage, qui l’estime moche ou pas assez italienne.

Marty est à l’origine un téléfilm de 51 minutes de la NBC diffusé dans le cadre de l’émission The Philco Television Playhouse en mai 1953. Déjà mis en scène par Delbert Mann, un spécialiste des drames télévisés, il offrait le rôle de Marty à un débutant prometteur nommé Rod Steiger. Pour son passage sur grand écran, il est remplacé par Ernest Borgnine (né Borgnino de parents immigrés italiens) jusqu’ici abonné aux personnages de vilains gros. Il incarne un Marty extrêmement touchant, qui lui permit de gagner son seul Oscar. Betsy Blair, l’épouse de Gene Kelly, voulait absolument interpréter Clara mais était à l’époque blacklistée à cause de son intérêt pour le marxisme. Son mari menaça de quitter le tournage de Beau fixe sur New York (1955) si elle n’était pas sélectionnée, le chantage fit son effet et elle fut choisie.
A partir d’une histoire banale ramassée sur un week-end, Marty dépeint une romance émouvante entre deux âmes malheureuses qui avaient abandonné tout espoir de rencontrer l’amour. Il brosse également un beau portrait de la communauté italo-américaine, avec sa pression sociale et ses conflits entre générations. Il n’y a pas de méchant, on comprend la logique de chacun. Les acteurices sont excellent·e·s même si ça n’aida pas Ernest Borgnine à échapper à son typecasting de sale type ni à Betsy Blair d’entamer une carrière hollywoodienne. Cela reste un chef d’œuvre hollywoodien des années 50, il démontre la qualité et la diversité de cette industrie à cette période et prouva qu’il était possible de produire des petits budgets de catégorie A rentables et capables de remporter des récompenses prestigieuses.


Pidä huivista kiinni, Tatjana d’Aki Kaurismäki (1994, Tiens ton foulard, Tatiana)
Dans les années 60 en Finlande, Valto vit avec sa mère et coud des vêtements. Révolté par le refus de sa génitrice de racheter du café, il l’enferme à clé dans le cagibi, prend l’argent de son sac et se rend au garage de son ami Reino pour récupérer sa voiture. Les deux compagnons partent sur les routes et croisent deux touristes, la russe Klavdia et l’estonienne Tatjana, bloquées dans un restaurant en raison d’une panne de bus. Valto et Reino acceptent de les emmener au port situé à plusieurs jours de trajet.

Pidä huivista kiinni, Tatjana est un Kaurismäki pur jus, avec un humour pince sans-rire parfois absurde, des protagonistes taiseux joués par la bande habituelle (Kati Outinen en Tatjana, Matti Pellonpää en Reino et Mato Valtonen en Valto), une intrigue mince et de la musique improbable (avec notamment des tubes de The Renegades, un groupe anglais très populaire en Finlande dans les années 60). Selon Kaurismäki, c’est un hommage à la Finlande triste de son enfance. Il n’y avait pas de script, les séquences étaient improvisées au jour le jour. Cela se ressent, il ne se passe pas grand-chose, Kaurismäki ne s’est pas beaucoup fatigué et déroule tranquillement. Pidä huivista kiinni, Tatjana est donc un spectacle amusant bien qu’anecdotique, qui séduira les fans du réalisateur.
Ça ne vaut pas les sœurs en pyjama.


化け猫あんずちゃん [Bakeneko Anzu-chan] de Yôko Kuno & Nobuhiro Yamashita (2024, Anzu, chat-fantôme)
Pour échapper à ses créanciers qui menace de le tuer, Tetsuya revient dans sa campagne natale qu’il avait quitté vingt ans auparavant. Il confie sa fille pré-ado Karin à son père, un moine qui habite dans son temple en compagnie d’un chat-fantôme, Anzu, doté d’une taille humaine et capable de parler. Karin s’ennuie loin de Tôkyô et craint que Tetsuya ne remplisse pas sa promesse d’être de retour pour l’anniversaire du décès de sa mère. Entre deux commissions pour les gens du village, Anzu la surveille du coin de l’œil.

Bakeneko Anzu-chan est un rare exemple de coproduction franco-japonaise, le studio français Miyu Productions ayant pris en charge les décors et la mise en couleur d’une animation en rotoscopie à partir d’images filmées au Japon par le duo de metteurs en scène japonais (la novice Yôko Kuno et le vétéran Nobuhiro Yamashita, réalisateur en 2005 de l’excellent Linda, Linda, Linda). L’histoire est tirée du manga éponyme de Takashi Imashiro publié d’août 2006 à novembre 2007 dans le magazine pour enfants Comic BonBon. Le manga suivait le quotidien d’Anzu, on ne savait rien de Tetsuya qui s’était exilé à Tôkyô pour devenir catcheur et Karin n’existait pas. L’adaptation a grandement étoffé le récit même si elle conserve un aspect épisodique, avec un enchaînement de saynètes centrées sur Anzu ou Karin. Le rythme est assez lent, avec un découpage influencé par les opus de Takeshi Kitano, Aki Kaurismäki ou Jim Jarmush.
J’avoue avoir trouvé Bakeneko Anzu-chan gentillet et dénué d’enjeux excepté dans la dernière demi-heure. Les petites aventures se succèdent, les personnages sont sympathiques mais manquent de profondeur et je me suis légèrement désintéressé des évènements. Je le conseillerais plutôt à un jeune public.


Films vus seuls
Santo vs. las lobas de Rubén Galindo & Jaime Jiménez Pons (1976, Santo vs. the She-Wolves)
Santo reçoit la visite d’un détective engagé par un certain César Harker. Dans une lettre, celui-ci lui demande de venir à sa ferme à propos d’une affaire de lycanthropes. Sceptique, Santo ne promet rien et retourne à ses occupations. En s’éloignant du stade, il est blessé par un chien enragé. Il décide de se rendre chez les Harker où il apprend par la bouche de César qu’il a été mordu par un loup-garou et qu’il risque de se transformer à la prochaine lune rouge. Selon la légende, un homme au masque d’argent pourrait vaincre le roi des loups-garous, seule solution pour stopper la malédiction.

Pour le spécialiste du cinéma mexicain Dave Wilt, Santo vs. las lobas est probablement la combinaison de deux épisodes d’une hypothétique série télévisée qui ne s’est jamais concrétisée, d’où la présence au générique de deux réalisateurs, deux directeurs de la photographie, le côté composite de l’intrigue et l’écart entre la date du tournage (1972) et sa sortie au cinéma (1976). Cela faisait en tout cas longtemps que je n’avais pas vu un Santo aussi sérieux, avec une vraie tentative de créer un film d’horreur premier degré à l’ambiance oppressante. Le scénario est bancal, vaguement inspiré du Dracula de Bram Stoker, et les maquillages sont globalement ratés. Il s’en dégage pourtant une sincérité qui le hisse au-dessus de la moyenne des Santo des années 70.


丹下左膳 怒涛篇 [Tange Sazen dotô-hen] de Sadatsugu Matsuda & Shoji Matsumura (1959, Tange Sazen: Mystery of the Twin Dragons)
Deux brûleurs d’encens jumeaux en forme de dragon sont censés mener à un fabuleux trésor mais le second a été perdu. Le shôgun a offert le sien au clan Yagyû sans savoir qu’il s’agissait d’un objet dépareillé et ne peut se dédire. Afin de sauver l’honneur, un de ses magistrats confie à l’officier Ibuki Daisaku la mission de le dérober. Des ennemis du shôgun sont cependant aux aguets et poursuivent l’envoyé de Daisaku. Le brûleur atterrit par hasard dans les mains de Tange Sazen, qui souhaite en tirer un bon prix.

Ce second Tange Sazen avec Ryûtarô Ôtomo propose un casting similaire au premier avec une redistribution des rôles, excepté Ryûtarô Ôtomo, Ofuji et un conseiller du shôgun qui conservent leur poste. Isao Yamagata est de nouveau le vilain de service, Hashizô Ôkawa passe de Genzaburô à Ibuki Daisaku, Masao Mishima du frère de Genzaburô à l’acolyte du méchant… Manque Hibari Misora qui devait être occupée ailleurs. La trame joue encore sur le poncif de la carte au trésor, avec moult machinations et des adversaires du shôgun pas franchement malins. Ryûtarô Ôtomo est dans la surenchère, il roule des yeux en permanence et finit par fatiguer. Ça se termine comme souvent dans le genre par un combat irréaliste à deux héros contre pleins de sbires. Cela reste néanmoins dynamique et relativement plaisant.


El diabólico de Giovanni Korporaal & Rafael Villaseñor Kuri (1977, The Diabolical)
Un homme masqué portant un étrange médaillon autour du cou attaque une banque et s’enfuit avec le butin et la fille du propriétaire. Il la viole, la marque au fer rouge et l’abandonne en ville durant la nuit. Elle décède peu après en demandant à être vengée. Le bandit est capturé. Au moment où il s’apprête à être pendu, un pauvre cireur de chaussure le libère et s’échappe avec lui. Le condamné, mortellement blessé, transmet à son bienfaiteur le médaillon qui possède des pouvoirs démoniaques.

El diabólico est une espèce de western spaghetti mexicain horrifique, un pur produit d’exploitation racoleur au scénario minimaliste dirigé par un néerlandais qui navigua entre son pays et le Mexique (Giovanni Korporaal) et un réalisateur de série B qui débuta sa carrière en tant qu’assistant de Jodorowsky (Rafael Villaseñor Kuri). Le rythme est lent, avec une touche de surnaturel liée à un collier diabolique qui oblige son détenteur à commettre de mauvaises actions. Cette idée est mal employée, servant principalement à montrer des viols et des femmes dénudées. Si certaines critiques louent son ambiance sombre, je me suis pour ma part ennuyé et j’ai trouvé cela facile et cliché.


イゾウ [IZO] de Takashi Miike (2004, Izo)
En 1865, l’assassin Izô Okada à la solde du samouraï Takechi Hanpeita est exécuté par crucifixion. Sa haine l’empêche d’aller dans l’au-delà et il se met à errer dans le temps, massacrant tout sur son passage. Il attire l’attention des dirigeants du monde et des cieux, qui envoient des tueurs pour l’arrêter. Mais Izô poursuit implacablement sa route et se rapproche d’eux, se transformant progressivement en démon.

Takashi Miike est un réalisateur prolifique capable du meilleur comme du pire. A l’époque d’IZO, il était dans sa période faste, tournant quatre à six longs métrages par an. Il accumulait les petits budgets bouclés à la va-vite, qui tombaient régulièrement dans le porte-nawak plus ou moins sympathique. Izo est un objet bizarre, qui commence où s’achevait Hitokiri, le châtiment d’Hideo Gosha (1969). Izô est incarné par Kazuya Nakayama, un comédien brutal et ingérable impliqué dans plusieurs faits divers et abonné aux direct-to-video. Les péripéties d’Izô sont commentées en musique par Kazuki Tomokawa, un chanteur d'acid-folk surnommé « le philosophe hurlant » en raison de sa curieuse façon de chanter. Cet aspect est la seule chose qui m’a séduit dans IZO, enchaînement de violence à l’intrigue obscure doublée d’un sous-texte mystico-fumeux qui m’est complètement passé au-dessus. Je préfère quand Miike ne se prend pas au sérieux et offre un simple divertissement rigolo.


Dr. Watson and the Darkwater Hall Mystery de James Cellan Jones (1974)
Alors que Sherlock Holmes vient de partir en vacances, une dame sollicite son aide. Son mari, Harry Fairfax, un magistrat de province, a été menacé de mort par un individu récemment sorti de prison qu’il avait condamné pour braconnage. Le docteur Watson consent à se rendre dans la maison des Fairfax dans la campagne anglaise pour convaincre Harry de se protéger. Sur place, il découvre que le frère de Harry et un ami de Lady Fairfax auraient tout intérêt à le voir disparaître.

Dr. Watson and the Darkwater Hall Mystery est une parodie de Sherlock Holmes imaginée pour la BBC par Kingsley Amis, un romancier et poète anglais du XXe siècle. C’est un shaggy dog story, une longue anecdote ponctuée d’incidents hors de propos et se terminant par une chute décevante. Kingsley Amis s’amuse à construire un who will do it (variation sans cadavre du whodunit), avec un homme entouré par un tas de gars louches qui ne lui veulent pas du bien. Watson personnifie le bon sens, il multiplie les déductions à deux sous et la résolution est stupide. C’est un téléfilm assez fauché, sans acteur connu, et on reste évidemment sur sa faim puisque c’est le principe des shaggy dog stories. J’ai été pris au dépourvu et je ne sais que penser.


Livres
Découpes du chanbara – Motifs, mythes et modernités du film de sabre japonais sous la direction de Morgan Bréhinier, Simon Daniellou & Yannick Kernec’h (Presses Universitaires de Strasbourg, collection « Formes cinématographiques », 2023), 416 p.
Découpes du chanbara – Motifs, mythes et modernités du film de sabre japonais est un recueil de dix-huit textes d’une vingtaine de pages en moyenne rédigés par dix-huit chercheurs francophones. Il est divisé en trois parties à peu près égales :
Motifs du chanbara : circulations des images et des sons du combat au sabre analyse comment la photographie, le montage et le son accentuent la centralité de l’affrontement, élément autour duquel s’axe le genre. Cet aspect explique pourquoi le jeu vidéo a pu facilement reprendre les codes du chanbara. Il est dès lors étonnant que le tateshi, le maître d’armes responsable des chorégraphies, n’aient pas eu plus de poids, à l’inverse de son équivalent hongkongais.
Mythes du chanbara : des personnages au croisement de l’Histoire et de la légende examine les liens entre le chanbara et l’Histoire à travers des héros ou titres emblématiques : Les sept samouraïs (1954), les longs métrages avec Miyamoto Musashi ou Tange Sazen, la saga Zatoichi, les adaptations de Yotsuya kaidan et la figure du samouraï chez Hideo Gosha.
Modernités du chanbara : subversivité et altérations du genre et de ses composantes se penche sur la face rebelle du samouraï, et ce dès les débuts de Daisuke Itô dans les années 20. Ce positionnement contestataire se retrouve dans les opus de Kenji Misumi consacré au Shinsengumi, dans le Harakiri de Masaki Kobayashi (1962) et dans son remake de 2011 de Takashi Miike, dans le suicide de Mishima, dans la manière dont les armes à feu sont employées et dans les chanbaras déconstruits contemporains, à l’instar d’IZO de Takashi Miike (2004).
Moi qui déplore l’insuffisance de livres sur les genres cinématographiques japonais, une notion pourtant structurante de cette industrie, je ne peux que me réjouir de cette parution française de qualité réunissant une jeune génération d’experts (tous masculins malheureusement). Comme toujours dans ce type de bouquins, les articles sont d’un intérêt et d’une lisibilité variable mais il n’y en a qu’un seul que je n’ai pas aimé (celui sur l’analogie entre Mishima et Pasolini, que j’ai trouvé inopportun et ampoulé). Les chapitres sur les bruitages, sur les tateshi et sur les armes à feu sont particulièrement passionnants et inédits. Le caractère multimédia de la culture japonaise est correctement pris en compte, avec des réflexions sur le jeu vidéo et des mises en parallèle avec des mangas, des pièces de théâtre ou des romans.
A quelques exceptions près et en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une étude universitaire, le style est en général accessible si l’on possède des bases en chanbara. Certains articles ne pourront cependant pleinement s’apprécier qu’en ayant le film traité en tête, notamment celui sur la comparaison des deux Harakiri où j’ai parfois décroché, n’ayant pas vu le Miike et mon dernier visionnage du Kobayashi remontant à de nombreuses années. Davantage de photos auraient en outre été utiles, par exemple dans le rapprochement entre le manga Lone Wolf and Cub et la série des Baby Cart : des séquences sont confrontées avec les planches d’origine, il y a une photocopie des pages décrites sans la photo de la scène en contrepoint, ce qui rend la compréhension difficile. Il manque aussi un glossaire, ça ne coûte pas grand-chose et c’est très pratique.
Je mentionnerai enfin la faiblesse de l’association effectuée entre Tange Sazen et Fang Gang, le sabreur manchot hongkongais. Si l’idée est séduisante et le texte captivant, la théorie est bancale, l’auteur admettant lui-même que The Return of the Condor Heroes de Jin Yong pourrait également avoir influencé la conception de Fang Gang. Cette piste me semble plus probante que celle de Tange Sazen. La littérature populaire de wuxia était extrêmement importante à Hong Kong et la Shaw Brothers a allègrement puisé dans les œuvres de Gu Long puis de Jin Yong au cours des années 60 et 70. Ni Kuang, le coscénariste de Un seul bras les tua tous de Chang Cheh (1967), premier volet de la trilogie initiale du sabreur manchot, était par ailleurs un célèbre écrivain spécialiste du wuxia. Surtout, dans The Return of the Condor Heroes, le héros Yang Guo a son bras coupé par la fille de son oncle adoptif et maître occasionnel durant une querelle, exactement comme dans Un seul bras les tua tous. Je ne pense pas qu’il faille aller chercher plus loin la référence en l’absence d’une déclaration contraire de Ni Kuang ou Chang Cheh.
En dépit de ces quelques remarques, Découpes du chanbara – Motifs, mythes et modernités du film de sabre japonais est un excellent recueil sur le chanbara, qui explore de nouveaux terrains et offre des perspectives enthousiasmantes pour l’avenir, la plupart des intervenants étant relativement jeunes selon les standards universitaires.


Portugais et Luso-Français, Tome II : Enseignement et langue d’origine de Maria-Alice Tomé & Teresa Carreira Pires (L'Harmattan, collection « Recherches Universitaires et Migrations », 1994), 203 p.
Comme indiqué dans la critique du tome I, Portugais et Luso-Français est la fusion de deux thèses de doctorat en sciences de l’éducation soutenues à Paris 8 en 1989 et 1991. Le tome I, qui semblait principalement tiré du travail de Teresa Carreira Pires, ne m’avait pas emballé, trop brouillon, pétri de contradictions et manquant de sources claires. Le tome II, probablement issu de la thèse de Maria-Alice Tomé, est plus homogène et méthodologiquement cohérent.
On est dans une étude sociologique sur les immigrés portugais du Val Fourré, plus grande ZUP de France, avec une forte population étrangère majoritairement marocaine, portugaise, sénégalaise et algérienne. Maria-Alice Tomé a conduit de nombreux entretiens avec des familles portugaises, parents et enfants, desquels elle retranscrit des extraits. Elle a également discuté avec des professeurs et compilé ses résultats dans des tableaux statistiques. Son objectif était d’examiner l’impact de la double culture chez les deuxièmes générations et ce que peut apporter l’apprentissage de la langue et de la culture d’origine.

J’ai apprécié la manière dont la chercheuse, à partir d’une analyse concrète de la population d’un quartier sur une dizaine d’années, dresse un bilan des avantages et des limites des cours de langue d’origine. La demande venait au départ des parents, essentiellement de ceux qui espéraient retourner au pays, et les cours étaient destinés aux enfants baignant dans un quotidien lusophone, se fermant la porte des couples mixtes ou des familles mieux intégrées (c’est mon cas, j’avais été découragé en primaire après avoir suivi quelques leçons car j’étais débutant, on parlait français chez moi et je m’étais retrouvé avec des gosses qui se débrouillaient déjà dans la langue). On voit aussi que les Portugais du Val Fourré, issus d’un milieu paysan, n’étaient pas franchement progressiste dans les années 80, les filles devaient rester à la maison, le père souvent violent était l’autorité suprême et ça ne rigolait pas tous les jours. Portugais et Luso-Français, Tome II : Enseignement et langue d’origine permet donc de se plonger dans une époque et fournit des éléments de réflexions pour les immigrations actuelles, avec des enseignements qu’il serait bon de méditer.


Guide Delachaux des amphibiens et reptiles de France et d'Europe de Jeroen Speybroek, Wouer Beukema, Bobby Bok, Jan Van Der Voort & Ilian Velikov (Delachaux et Niestlé, 2018), 432 p.
Après une cinquantaine de pages d’introduction expliquant les bases de la biologie des amphibiens et reptiles et détaillant la façon de les observer et les lieux où les trouver, le Guide Delachaux des amphibiens et reptiles de France et d'Europe liste l’intégralité des salamandres, tritons, grenouilles, crapauds, tortues, lézards, amphisbènes et serpents visibles en Europe. Pour chacune des 219 espèces, il offre une description, une carte de répartition avec des indications écrites, les variations possibles entre les individus selon l’âge, le genre et les morphes, l’habitat et la biologie ainsi qu’un ou plusieurs dessins montrant les points notables et parfois des photos complémentaires. L’ouvrage se termine par un glossaire, des conseils en cas de morsure de vipère et une bibliographie.

Paru en 2016 en anglais et en 2018 en français, le Guide Delachaux des amphibiens et reptiles de France et d'Europe s’est rapidement imposé comme la référence incontournable dans le domaine. C’est un excellent guide de terrain qui aide à distinguer les espèces proches grâce à des illustrations de qualité et des informations précises et utiles. A l’inverse de l’ancien Guide herpéto publié par Delachaux et Niestlé depuis 1978 et régulièrement actualisé qui réunissait les descriptions, les planches puis les cartes, il est intelligemment pensé avec des données regroupées par espèce, ce qui évite de sauter en permanence d’une section à une autre. C’est un peu l’équivalent du Guide ornitho pour l’herpétologie, que toute personne intéressée par le sujet se doit de posséder.


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