Films vus en compagnie
Igby Goes Down de Burr Steers (2002, Igby)

Igby Goes Down devait au départ être un roman semi-autobiographique de Burr Steers, un acteur issu d’une influente famille de l’élite de la côte Est des Etats-Unis. Il le transforma en scénario et réussit à en récupérer la réalisation. Son manque d’expérience est patent, la mise en scène accumule les effets à la mode à la fin des années 90, couplé à un montage un peu bancal. S’y ajoute une galerie de personnages antipathiques, à commencer par Igby qui m’a rapidement gonflé. J’ai éprouvé des difficultés à m’apitoyer sur le sort de ce triste garçon nanti, qui se révolte en utilisant la carte bancaire de sa mère pour dormir dans un hôtel de luxe ou en squattant un appartement gigantesque en plein centre de New-York, dans un univers peuplé de belles femmes dévergondées qui lui tombent dans les bras. Il y a clairement mieux en coming-of-age story.
Macario de Roberto Gavaldón (1960)

Macario est l’adaptation d’une nouvelle de B. Traven, elle-même inspirée du conte des frères Grimm La Mort comme parrain (KHM 44). B. Traven fut un écrivain mexicain d’origine germanique assez mystérieux, qui gagna une renommée internationale quand Hollywood transposa son roman Le Trésor de la Sierra Madre. Anarchiste individualiste, il attaquait l’autorité et se plaçait du côté des prolétaires, des démunis et des exploités piégés par les puissants. On retrouve ce positionnement dans Macario, dans lequel Roberto Gavaldón put exprimer à son gré son obsession de la mort et son amour des anti-héros en marge de la bonne société.
J’avais vu Macario il y a onze ans alors que je ne connaissais rien au cinéma mexicain et je ne l’avais pas apprécié à sa juste valeur. Premier film mexicain nominé aux Oscars, ce classique fréquemment projeté le Jour des morts mérite sa réputation. Il baigne dans une espèce de féérie macabre propre au conte, avec une séquence de cauchemar creepy hanté par des marionnettes et une ultime scène dans une grotte remplie de bougies. A cela s’adjoint un certain réalisme dans la misère qui accable Macario et sa famille, et une critique sociale sur les riches qui manipulent les pauvres. Macario bénéficie par ailleurs d’une superbe photographie de Gabriel Figueroa, un des grands noms du cinéma mexicain, collaborateur récurrent d’Emilio Fernández. La distribution est excellente et Macario marque les débuts de Pina Pellicer. Célèbre en Occident pour La Vengeance aux deux visages (1961), elle se suicida malheureusement en 1964 à l’âge de 30 ans. C’est donc un incontournable, qui a récemment été restauré en HD.
Les années déclic de Raymond Depardon (1984)

J’aime beaucoup Raymond Depardon et Les années déclic offre un éclairage bienvenu sur sa jeunesse et son apprentissage. Le dispositif employé est sobre, porté par la voix de Depardon. Moi qui le connais surtout pour ses films, cela m’a permis de découvrir son métier principal et sa première passion : la photographie. On voit son implication dans la profession, et son côté globe-trotter qui apparaît peu dans ses documentaires tournés essentiellement en France. Seul regret, son volet cinématographique est survolé, des morceaux de ses films sont diffusés sans contextualisation et ils tombent comme un cheveu sur la soupe, en particulier San Clemente (1982). Ça donne l’impression qu’ils ont été ajoutés uniquement pour dépasser la durée d’une heure afin que Les années déclic rentre dans la catégorie des longs métrages. C’est dommage car c’est intéressant bien que ça reste destiné aux amateurs de Depardon, un néophyte n’y trouvera probablement pas son compte.
Films vus seuls
Las bestias del terror de Alfredo B. Crevenna (1973, The Beasts of Terror)

Dans Las bestias del terror, tourné à Miami, Santo est « catcheur et détective ». De façon étonnante, l’acteur César del Campo est crédité producteur et son collègue Fernando Osés producteur exécutif. Ce dernier se charge également du scénario et du rôle du chef des affidés de Mathews. Alfredo B. Crevenna hérite encore une fois de la mise en scène et ne brille guère, pas aidé par une trame confuse, sans fantastique bien que Mathews semble vaguement travailler à la réanimation de cadavres sans qu’on comprenne vraiment les tenants et aboutissants. C’est donc un Santo plutôt médiocre.
A noter la présence sur l’affiche d’un troisième luchador masqué appelé El enmascarado negro qui n’apparaît absolument pas à l’écran, si ce n’est peut-être dans un des stock-shots de match. Et pas la moindre idée de qui sont les « bestias del terror » du titre, probablement des chiens qu’on aperçoit brièvement.
べっぴんの町 [Beppin no machi] de Takahito Hara (1989, Beppin Town)

Beppin no machi est tiré d’un roman de Haku Kenjo, qui fut lui-même éducateur en centre de détention juvénile. Il propose une intrigue noirisante contredite par un ton relativement léger et un héros nonchalant qui essaye de remettre sur le droit chemin les adolescent·e·s qu’il croise. C’est suffisamment rare pour le souligner, il n’y a pas de sous-entendus creepy dans sa relation avec les jeunes femmes parfois aguichantes qu’il rencontre, il leur fait la morale sans chercher à les séduire. L’investigation est un prétexte pour suivre les déambulations dans Kôbe du protagoniste principal jamais nommé, ses actions n’ont en réalité aucune incidence et son absence n’aurait rien changé à la résolution. Je ne connaissais pas son interprète, Kyôhei Shibata, qui a surtout œuvré à la télévision et était aussi chanteur. Avec Beppin no machi, il cultivait son image de détective cool issue du TV drama Abunai Deka (1986-1987), qui avait été adapté dans une série cinématographique à succès (le huitième volet est sorti en 2024 et a cartonné au Japon). Sayama est incarné par un comédien célèbre de nos jours, Masahiro Motoki, vu dans Sumo Do, Sumo Don't (1992), The Bird People in China (1998) ou Departures. Sans être exceptionnel, Beppin no machi se démarque du tout-venant du genre et m’a un peu évoqué The Long Goodbye de Robert Altman (1973).
La cabeza de Pancho Villa de Chano Urueta (1957)

La cabeza de Pancho Villa est le troisième épisode de la trilogie du Cavalier sans tête ou, dit autrement, Luis Aguilar qui met une cagoule noire pour botter le popotin des scélérats entre deux rancheras. Encore une fois, il n’y a pas de lien avec le précédent en dépit d’une distribution globalement similaire. J’ai d’ailleurs remarqué la présence de Carlos Suárez et Fernando Osés à laquelle je n’avais pas prêté attention auparavant, deux acteurs coutumiers des Santo.
Pancho Villa est un des héros de la révolution mexicaine les plus représentés au cinéma. Le 6 février 1926, sa tombe fut profanée et la rumeur courut que sa tête avait été subtilisée. La cabeza de Pancho Villa se focalise sur une boîte qui pourrait contenir cette tête, susceptible de provoquer un nouveau soulèvement de la population. Malgré ces prémices bizarres, La cabeza de Pancho Villa ne comporte aucun élément surnaturel. L’histoire est dans l’ensemble confuse et Luis Aguilar passe au second plan, avec seulement trois chansons mal intégrées. El jinete sin cabeza (1957) reste donc le meilleur de la trilogie, dommage.
跆拳震九州 [Tai quan zhen jiu zhou] de Feng Huang (1973, When Taekwondo Strikes)

Jhoon Rhee fut un grand maître de taekwondo qui émigra aux Etats-Unis en 1956 et ouvrit une école d’arts martiaux dans les années 60. Sur la suggestion de son pote Bruce Lee, la Golden Harvest lui proposa un film centré sur le taekwondo. Le studio associa à Jhoon Rhee Angela Mao, une spécialiste d’un autre art martial coréen, l’hapkido, qui avait été révélée l’année précédente par Hapkido (1972). Sammo Hung fut chargé de la chorégraphie des scènes d’action et récupéra aussi un rôle de vilain japonais. Pour incarner le chef des Japonais, la Golden Harvest engagea Kenji Kazama, le seul Japonais du casting, un karateka qui n’eut qu’une brève carrière de comédien. Signalons enfin l’Américaine Anne Winton, une élève de Jhoon Rhee, dans son unique apparition à l’écran. Elle se bat bien mais joue très mal.
La qualité de jeu n’est clairement pas le point fort de When Taekwondo Strikes. On est dans l’outrance, ça gesticule et ça hurle beaucoup. Quatre langues étaient parlées au cours du tournage et tout le monde fut redoublé, ce qui est parfois franchement visible. La bande originale pompe allègrement ailleurs, une habitude du cinéma HK de l’époque, avec notamment une utilisation curieuse de la musique de La mort aux trousses (1959). Les bruitages sont catastrophiques, à l’image des costumes absolument pas cohérents pas rapport à la période et au lieu. Le scénario est affreusement simpliste et caricatural, sur une idée de Jhoon Rhee. Les méchants japonais étaient à la mode, que ce soit dans le cinéma de Jimmy Wang Yu ou dans La Fureur de vaincre (1972) qui venait de faire un carton. On a même droit à un peu de nudité gratuite pour émoustiller le spectateur masculin cœur de cible. L’amateur appréciera les multiples combats, qui ne sont cependant pas toujours correctement filmés. A réserver aux complétistes.
吾輩は猫である [Wagahai wa neko de aru] de Kon Ichikawa (1975, Je suis un chat)

Wagahai wa neko de aru est la seconde transposition du fameux roman Je suis un chat de Natsume Sôseki publié entre janvier 1905 et août 1906 dans la revue littéraire Hototogisu. Je n’avais pas accroché à la version de Kajirô Yamamoto de 1936 mais je n’avais pas encore lu le livre à l’époque. Pour cette nouvelle mouture, la Geiensha, une filiale de la Tôhô qui eut une courte durée de vie, hésita entre diverses options pour le chat narrateur, envisageant carrément de le supprimer de l’histoire (ce qui aurait été étrange compte tenu du titre). Elle opta finalement pour un entre-deux, le chat ne parle pas (excepté cinq minutes dans la dernière séquence pour caser les célèbres premières lignes du bouquin), ce sont les humains qui commentent ses actions. Tandis que le chat de Natsume Sôseki était fort vilain et d’une couleur indéfinissable, il devient ici un banal chat gris. Le budget étant limité, Kon Ichikawa n’avait pas la possibilité de payer un dresseur. Les plans sur le chat sont donc succincts et hachés, le félin récalcitrant étant par moments remplacé par une marionnette (c’est globalement bien fait et plutôt invisible).
Wagahai wa neko de aru est fauché et ça se sent. Ça a été tourné dans quelques pièces d’un studio entre une poignée d’acteurs, avec une image et un montage télévisuel qui rappelle les Kon Ichikawa avec Kôsuke Kindaichi. Tatsuya Nakadai joue un Kushami plus aimable que dans le livre, c’est excessivement bavard et sans la touche de fantaisie engendrée par la perspective du chat. Ça n’a pas grand intérêt si on n’a pas lu l’original, et même en l’ayant lu c’est assez quelconque.
丹下左膳 [Tange Sazen] de Sadatsugu Matsuda (1958, Secret of The Golden Spell)

Tange Sazen est au départ un second couteau d’un roman de Hayashi Fubô (nom de plume de Kaitarô Hasegawa quand il écrivait dans le genre semi-historique) daté de 1927-1928. Ce rônin manchot et borgne attisa immédiatement l’imagination des lecteurs, générant la création d’une pièce de kabuki et de trois longs métrages centrés sur Tange Sazen, dont un interprété par Denjirô Ôkôchi qui devint aussitôt la référence. Devant la popularité du personnage, Hayashi Fubô rédigea en 1933 une suite dans laquelle Tange Sazen était le héros. Le récit était axé sur un pot contenant des indications menant à un million de ryô. Il connut de multiples adaptations dans la foulée, la plus illustre étant celle de 1935 de Sadao Yamanaka, Le pot d'un million de ryô. Entre 1928 et 1954, Denjirô Ôkôchi incarna dix-sept fois Tange Sazen à la Nikkatsu, la Tôhô et enfin la Daiei. D’autres compagnies après-guerre essayèrent de relancer la mode avec différents comédiens : la Shôchiku avec Tsumasaburô Bandô en 1952 et avec Tetsurô Tanba en 1963 ; la Nikkatsu avec Michitarô Mizushima en 1956 ; la Toei avec Ryûtarô Ôtomo de 1958 à 1962 puis avec Kinnosuke Nakamura en 1966 dans Samouraï sans honneur de Hideo Gosha. Parmi ces tentatives, seul Ryûtarô Ôtomo trouva la faveur du public, digne successeur de Denjirô Ôkôchi.
Tange Sazen est le premier des cinq Tange Sazen avec Ryûtarô Ôtomo. Le scénario est directement inspiré du feuilleton de Hayashi Fubô. Tange Sazen est entouré de ses habituels associés : son amante Ofuji ; Chobiyasu l’orphelin ; le voleur Yokichi ; Genzaburô et son épouse Hagino. La distribution est solide, avec Isao Yamagata en incontournable méchant ; Hashizô Ôkawa en Genzaburô accompagné comme souvent de Hibari Misora en Hagino (ce qui permet de caser trois chansons) ; et même Denjirô Ôkôchi en prêtre rusé habile au sabre. C’est filmé en Toei scope, qui fêtait son premier anniversaire, avec de beaux décors et costumes. Ryûtarô Ôtomo est un Tange Sazen goguenard et sympathique, faisant de Tange Sazen (aussi titré Shin Tange Sazen) un agréable divertissement.
The resurrected de Dan O'Bannon (1991, Le ressuscité)

The resurrected est une adaptation modernisée de L'affaire Charles Dexter Ward d’Howard Phillips Lovecraft, un des plus longs textes de l’auteur écrit en 1927 et paru en 1941 dans Weird Tales quatre ans après sa mort. Dans le film, le narrateur d’origine, le docteur Willett, devient un détective privé et le père de Charles est remplacé par une belle épouse amoureuse. C’est la seconde et ultime réalisation de Dan O'Bannon, le célèbre scénariste d’Alien (1979) et de Total Recall (1990). The resurrected devait initialement durer 2h15 et comporter davantage d’humour. A la suite de la faillite des producteurs, il fut remonté et sortit uniquement en vidéo. A cause de ces péripéties, c’est une œuvre relativement confidentielle et je n’en avais jamais entendu parler. C’est dommage car c’est sans doute une des meilleures transpositions de Lovecraft (la concurrence n’étant toutefois pas très élevée). Sans être extraordinaire, ça tient la route, avec une intéressante ambiance noirisante horrifique. Les effets spéciaux sont convaincants et employés avec intelligence : Dan O'Bannon a retenu la leçon d’Alien, il joue avec les éclairages pour masquer les limites budgétaires, rendant saisissantes les rares apparitions de monstres organiques crados. L’interprétation est d’un bon niveau et cela se regarde avec plaisir. Une agréable surprise à conseiller aux amateurs de Lovecraft.
Livres
Le Llano en flammes de Juan Rulfo (Gallimard, collection « Folio », 2005), 235 p.

Toutes les histoires se situent dans le Llano Grande, plaine aride et hostile de la région du Jalisco à 600 kilomètres à l’ouest de Mexico. Elles s’ancrent dans la guerre des Cristeros, où le gouvernement mexicain affronta entre 1926 et 1929 un mouvement rural et catholique opposé à la séparation de l’église et de l’Etat prévue dans la Constitution de 1917. Juan Rulfo, né en 1917 dans un village du Jalisco, grandit dans ce contexte et vit plusieurs membres de sa famille assassinés. Dans Le Llano en flammes, il ne prend pas parti pour les uns ou les autres, il décrit à travers la voix de gens du peuple le quotidien misérable et l’impossibilité d’échapper à la violence. Il s’en dégage une atmosphère quasi-irréelle et mythique sur la fatalité et l’inéluctabilité du malheur. On voit ici ce que Juan Rulfo a apporté à Gabriel García Márquez, qui était fan de Pedro Páramo. Si Pedro Páramo m’avait laissé sur ma faim dans sa seconde moitié, j’ai grandement apprécié Le Llano en flammes.
A noter que la nouvelle Macario n’a strictement aucun rapport avec le chef d’œuvre de Roberto Gavaldón de 1960.
- Portugais et Luso-Français, Tome I : Double culture et identité de Teresa Carreira Pires & Maria-Alice Tomé (L'Harmattan, collection « Recherches Universitaires et Migrations », 1994), 195 p.Portugais et Luso-Français est une refonte de deux thèses de doctorat en sciences de l’éducation soutenues à Paris 8 en 1989 et 1991. Elles ont été regroupées car portant toutes les deux sur le phénomène migratoire portugais en France et sur la situation des Franco-Portugais dans l’hexagone à la fin des années 80. Au vu de la couverture, le tome I semble principalement extrait du travail de Teresa Carreira Pires et le tome II de celui de Maria-Alice Tomé. Le tome I est divisé en trois volets :
- • Racines, mythes et symboles montre comment les immigrés portugais se représentent l’Histoire de leur pays, quel est leur socle de valeurs et leur identité collective.
- • Le peuple du dehors analyse les caractéristiques mondiales de cette immigration, particulièrement en France, et la perception de ces immigrés par les Portugais restés au pays.
- • Le temps des enfants Luso-Français se focalise sur les enfants dits de deuxième génération, sur la manière dont ils se perçoivent et sur leur rapport avec le Portugal.
La partie la plus intéressante est la troisième, qui emploie une véritable approche sociologique de terrain en citant notamment des enfants interviewés. La différence soulignée entre les mots « portugais » et « lusophone » m’a fait réfléchir, le second renvoyant une image idéalisée ne comprenant que les aspects positifs sans les stigmates du passé colonisateur et de l’immigration. Lusophonie ou Luso-Français sont dès lors plus valorisateurs. Pour ma part, je préfère garder à l’esprit les problèmes qui fâchent et j’utiliserai plutôt à l’avenir portugais (excepté pour désigner les gens parlant la langue sans notion de nationalité, lusophone étant dans ce cas adapté). Le reste est très daté. Sur le plan historique, il vaut mieux se reporter aux ouvrages de Victor Pereira ou Marie-Christine Volovitch-Tavares ; et sur la question de la double identité, les textes d’Abdelmalek Sayad demeurent incontournables. Le second volume a l’air axé sur une étude concrète d’une communauté de banlieue parisienne, j’espère qu’il me convaincra davantage.
Mémoires d'un cétacé – Biologie, écologie et conservation d’Anne Defréville (Delcourt, 2023), 136 p.

- Mémoires d'un cétacé est un livre de vulgarisation scientifique écrit par Anne Defréville en collaboration avec l'association MIRACETI spécialisée dans l’étude et la préservation des cétacés. Sur un ton humoristique, elle décrit l’histoire de l’évolution des cétacés, leur biologie, leur comportement, leur rapport avec l’humanité et les risques qu’ils encourent. Elle s’appuie sur des ouvrages et articles scientifiques listés en dernière page.
Mémoires d'un cétacé ne sait pas trop sur quel pied danser. D’un côté, on a une petite intrigue légère de SF avec des baleines et des dauphins qui se racontent des blagues et survolent rapidement des siècles d’Histoire et des millions d’années d’évolution. De l’autre, on a parfois des détails pointus avec des termes techniques dans des pages surchargées d’informations. Ce mélange est bancal, handicapé par : - • Quelques fautes de typo : milliards d’années au lieu de millions d’années ; chrioptères au lieu de chiroptères ;
- • Des approximations : mauvais emploi du mot classe page 17 qui combine le clade des reptiles, la classe des mammifères, des oiseaux ou des amphibiens, et l’ordre des tortues ou des crocodiles ; pas de discussion autour de la notion d’anthropocène qui fait l’objet de débats ou des limites du concept d’espèce-parapluie ;
- • Un point de départ scientifiquement incohérent avec le propos : ça ne me gêne pas de voir des cétacés qui parlent et l’autrice admet en préambule le fort anthropomorphisme utilisé pour des raisons pédagogiques. C’est en revanche dommage de représenter dans 300 millions d’années des espèces exactement identiques à ce qu’elles sont actuellement, donnant l’impression que l’évolution s’est soudainement arrêtée de nos jours. Ça aurait été l’occasion de rappeler qu’elle est perpétuellement en marche, à l’image du bec des pinsons de Darwin examinés par Peter et Rosemary Grant pendant plus de trente ans et dont les travaux ont été résumés dans le passionnant The Beak of the Finch de Jonathan Weiner (pas traduit en français malheureusement). Ces différents aspects couplés à une narration assez brouillonne desservent Mémoires d'un cétacé. Il a néanmoins le mérite d’exister, le dessin est agréable et il ouvrira peut-être les yeux à un public néophyte ignorant de certaines problématiques environnementales et plus enclin à se tourner vers une BD qu’un essai scientifique sur le sujet.
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