samedi 11 février 2023

Carnet de bord 04/02/2023-10/02/2023



Films vus en compagnie
Jurassic World: Dominion de Colin Trevorrow (2022, Jurassic World : Le monde d'après)
Quatre ans après leur évasion du centre où ils avaient été enfermés, les dinosaures se sont éparpillés sur toute la planète et prospèrent. Dans le même temps, des insectes préhistoriques surgissent et s’attaquent à toutes les récoltes, excepté les plantations de la société Biosync. Ellie Sattler demande à Alan Grant de l’accompagner au QG de Biosync, où travaille Ian Malcolm, afin de prouver que le laboratoire est la source des ravageurs.

Ce dernier épisode de la trilogie Jurassic World n’est guère meilleur que les deux autres. Le couple principal, composé d’Owen et Claire, est toujours aussi tarte. Owen conduit cette fois une moto dans La Valette poursuivi par des dinos et Claire ne sert à rien. L’histoire est plus centrée sur les trois anciens, dont c’est le grand retour. On est content de les revoir, d’autant que ça fait moins de scènes avec les deux lourdauds cités précédemment. Ils sont toutefois mal exploités, leurs personnalités ont été ultra-simplifiées et l’intrigue est artificielle. Le plan du méchant est complètement nul et les bouleversements induits par la multiplication des dinosaures dans le monde ne sont pas explorés. Je note tout de même l’augmentation des animatroniques et l'arrivée tant attendue de dinosaures à plumes.


The Hollars de John Krasinski (2016, La famille Hollar)
Lorsque John Hollar apprend que sa mère est à l’hôpital atteinte d’une tumeur au cerveau, il revient dans sa ville natale qu’il avait quitté depuis des années. Il y retrouve son père et son frère, de qui il n’avait guère pris de nouvelles. Le frère est au chômage, le père proche de la faillite et John, avec une petite amie enceinte, doute de ses choix de carrière et de vie. Tout ce petit monde dysfonctionnel se regroupe autour de la mère, pilier de la famille, en attendant son opération.

C’est la deuxième réalisation de John Krasinski, célèbre pour son rôle dans la série The Office. Il assure également les fonctions de producteur exécutif et joue le personnage principal. The Hollars est une comédie dramatique de bonne facture, qui enchaîne adroitement les scènes comiques et tragiques. Les parents, interprétés par Richard Jenkins et Margo Martindale, sont excellents, et le couple John Krasinski/Anna Kendrick ne fonctionne pas trop mal. C’est plutôt convenu et le frère est agaçant, ça se regarde cependant sans déplaisir. Je m'étonne juste de l'importance que revêt encore aujourd'hui le mariage aux Etats-Unis, sans doute un biais de mon optique française.


Calamari Union d’Aki Kaurismäki (1985)
Une grosse quinzaine d’hommes dans la trentaine/quarantaine portant des lunettes noires et s’appelant tous Frank se morfondent dans leur quartier. Ils décident de partir vers leur eldorado, le quartier d’Eira situé de l'autre côté de la ville. Sans argent, ils forcent l’entrée du métro puis se mettent à errer en centre-ville, à la recherche d’un moyen de rejoindre Eira. En chemin, beaucoup meurent ou s’égarent, et peu gardent la motivation nécessaire pour aller jusqu’au bout.

C’est le deuxième long métrage de fiction d’Aki Kaurismäki, mis en scène d’après lui alors qu’il était perpétuellement bourré ou avec la gueule de bois. Ce n’est guère surprenant au vu du résultat. Il y parodie le film noir, avec un empilement de scénettes plus ou moins absurdes. Il n’y a quasiment pas de scénario, les Frank sont tous des sales types, et la plupart des rôles sont tenus par des musiciens de la scène rock finlandaise rencontrés lors du tournage d’un documentaire réalisé quelques années auparavant par Aki Kaurismäki et son frère. Kaurismäki s’amuse avec ses potes, met tout ce qui lui passe par la tête, et case des poèmes de Prévert, Michaux ou Baudelaire. Ils ont sans doute passé un bon moment, de mon côté je me suis ennuyé.


My House in Umbria de Richard Loncraine (2003)
Emily Delahunt est une riche écrivaine anglaise vivant en Ombrie, dans le centre de l’Italie. Sa grande maison sert parfois d’hôtel pour les voyageurs égarés. Tandis qu’elle se rend à Milan pour faire du shopping, une bombe explose dans son train. Elle est blessée et se retrouve à l’hôpital. Après avoir récupérée, elle propose aux survivants de son wagon, qui doivent rester à disposition de la police tant que l’enquête n’est pas terminée, de venir passer leur convalescence dans sa demeure. Un vieux militaire à la retraite, un photographe Allemand et une petite fille orpheline, tous marqués par le drame, la suivent pour soigner leurs blessures sous le doux soleil italien.

My House in Umbria est tiré d’un court roman de l’écrivain irlandais William Trevor paru en 1991. Le texte d’origine est apparemment beaucoup plus sombre et explicite, là où l’adaptation aborde le passé douloureux d’Emily via de courts flash-backs suggestifs et préfère se concentrer sur la guérison. C’est réalisé par Richard Loncraine, que je connais surtout pour l’horrifique Le cercle infernal, titre réputé que j’avais mis des années à me procurer et qui m’avait plutôt déçu de mémoire. My House in Umbria est un téléfilm HBO clairement produit à la gloire de Maggie Smith, omniprésente à l’écran et qui réussit à rendre acceptable un personnage alcoolique plutôt agaçant. A part ça, c’est assez mou, trop centré sur Emily aux dépends des autres rôles, et ça aurait pu tenir dans un moyen métrage. C’est par contre un beau spot commercial pour l’Ombrie, dont les paysages et les villes ont l’air magnifiques.


無能の人 [Munô no hito] de Naoto Takenaka (1991, Nowhere Man)
Sukezô tente de vendre des cailloux pour gagner sa vie. Il se contente de ramasser les pierres de la rivière d’à côté puis de les proposer à des prix délirants dans un stand installé sur la berge. Il ne rencontre évidemment aucun succès, laissant sa femme Momoko assurer seule les dépenses de la famille. Elle souhaiterait que son époux reprenne sa carrière de mangaka, qu’il a délaissé alors qu’il connaissait un succès d’estime. Celui-ci ne veut pas, refusant de s’abaisser à produire des dessins qu'ils jugent commerciaux.

Munô no hito est l’adaptation de L’homme sans talent de Yoshiharu Tsuge par l’acteur Naoto Takenaka, qui signe ici sa première réalisation. Naoto Takenaka est un personnage singulier du cinéma japonais qui a participé à plus de 200 longs métrages, souvent dans des rôles extravagants comme le fan de danse à la perruque latino de Shall we dansu? (1996) ou le prof de math faux spécialiste de saxo de Swing Girls (2004). Il joue ici sobrement, malheureusement entouré de quelques acteurs au jeu outrancier.
Munô no hito se focalise sur les parties du manga centrées sur les cailloux, évacuant celles sur les appareils photos ou sur l’oiseleur, rapidement évoquées. Il donne plus d’importance à l’épouse, illustrant en flash-back leur jeunesse via un autre récit de Yoshiharu Tsuge inclus dans Saisi par la nuit. Sukezô est présenté de façon moins négative, la vente aux enchères d'une de ses pierres se solde presque par une réussite et il se remet au dessin à la suite de sa rencontre avec l’oiseleur. Naoto Takenaka reprend l’aspect poétique et contemplatif du manga, en y injectant une certaine compassion. Là où l’original n’avait aucune pitié pour son héros, le film montre sa détresse et laisse percevoir l’affection de sa femme, qui apprécie l’œuvre artistique de son mari. Une longue séquence inédite dépeint les échecs successifs de Sukezô à vendre ses nouvelles planches aux éditeurs, qui rejettent sa noirceur et son approche intellectuelle. Ces ajouts sont bienvenus.
Cependant, le côté haché propre à la parution épisodique dans un magazine ne fonctionne pas bien sur grand écran, il y a un faux rythme et ce n’est pas facile d’entrer dans l’histoire. La belle partie sur l’oiseleur, mon passage préféré de L’homme sans talent, est évacuée, ce dernier n’apparaissant que trop brièvement dans le long métrage. Toutes les scènes avec l’expert en pierres sont pénibles, c’est un individu antipathique et il est très mal interprété. Enfin, la version que j’ai récupérée était un VHS rip de mauvaise qualité, avec des sous-titres assez approximatifs, ce qui n’a pas aidé. Le résultat est pour moi en demi-teinte et je conseillerais plutôt la lecture du manga.


White Noise de Noah Baumbach (2022)
Jack est professeur dans une université de province, spécialisé reconnu de la vie de Hitler. Il habite une grande maison dans un quartier résidentiel avec sa famille recomposée : sa femme Babette, leur fils et des enfants issus de mariages précédents. En vue d’un prochain colloque international sur Hitler qui aura lieu dans son université, il se met à apprendre l’allemand de façon intensive afin de masquer au mieux son ignorance de la langue, gênante par rapport à sa stature de spécialiste de l’Allemagne nazie. En parallèle, Babette a de plus en plus de trous de mémoire, ce qui inquiète particulièrement sa fille Denise. Elle surprend sa mère en train de jeter à la poubelle un flacon vide d’un médicament inconnu, le Dylar.

White Noise est l’adaptation d’un roman apparemment célèbre de l’écrivain Don DeLillo paru en 1985. N'étant pas amateur de littérature contemporaine américaine, je ne l’ai jamais lu. Il était réputé inadaptable. Le film est en tout cas conforme au résumé de la fiche wikipedia de l'ouvrage. Il comporte également trois parties : la première sert à poser le cadre, à présenter les personnages et à se moquer du milieu universitaire de classe moyenne supérieure dans lequel évolue Jack ; la seconde confronte la famille au danger de la mort en bouleversant leur quotidien, les lançant dans une sorte de mini road-movie ; la troisième tourne au drame, montrant les extrémités auxquelles la peur de la mort poussent Jack et Babette. Un livre ne se résume néanmoins pas à son scénario, comme je l’ai constaté récemment avec Dogra Magra (1988), et j’aurais du mal à dire si la transposition est fidèle à l’esprit du texte d’origine.
En l’état, le long métrage est extrêmement pompeux, une caricature d’un certain cinéma indépendant prétentieux. Noah Baumbach a toujours réalisé des œuvres baignées d’intellectualisme new-yorkais bourgeois mais j’avais trouvé que, dans son genre, ça ne fonctionnait pas trop mal, comme dans The Meyerowitz Stories (New and Selected) chroniqué sur ce blog. White Noise est vain, son pastiche du monde universitaire est à côté de la plaque, on ne ressent aucunement la peur de la mort évoquée en permanence par les protagonistes, tout est dit sans être ressenti et ce qui est dit n’a aucun intérêt, c’est un bruit de fond sur des images plus ou moins stylisées. A fuir.


Films vus seuls
Histoires extraordinaires à faire peur ou à faire rire... de Jean Faurez (1949)
Afin d’effrayer un petit nouveau, trois policiers lui racontent des affaires horribles auxquelles ils ont été mêlées : un tueur en série menace deux jeunes filles dans une maison ; un homme trucide son vieil ami à cause de son œil droit recouvert d’une taie ; un noble est entraîné par un autre dans sa cave familiale, soi-disant pour goûter un vin d’exception ; et un riche anglais est assassiné pendant qu’il allait déposer de l’argent et déshériter son neveu.

La première histoire est inspirée d’une nouvelle de Thomas de Quincey et les trois autres d’Edgar Allan Poe. Je connaissais la deuxième et la troisième pour les avoir lues récemment dans Creepy. Je n’avais jamais entendu parler du metteur en scène Jean Faurez, dont les huit réalisations sont plutôt obscures. Histoires extraordinaires à faire peur ou à faire rire... était sur Netflix et je suis bon client pour ce genre de petites œuvres fantastico-policières des années 40-50. Il y a néanmoins des limites à ma mansuétude. C’est assez mauvais dans l’ensemble, il n’y a aucun suspens, aucun élément horrifique, les récits se déroulent de façon pépère avec des acteurs mal dirigés. Dans le même esprit, mieux vaut revoir l’excellent Au coeur de la nuit (1945), ou les Corman avec Vincent Prince si on veut rester sur du Poe.


ドグラ・マグラ [Dogura magura] de Toshio Matsumoto (1988, Dogra Magra)
Un jeune homme se réveille dans la chambre d'un asile psychiatrique. Il n’a plus aucun souvenir et est très agité. Le professeur Wakabayashi entre peu après et lui explique qu’il est victime d’un traumatisme amnésique. Il le présente à la jeune femme de la pièce voisine, qui croit le connaître. D’après le docteur, ils sont tous deux les descendants d’un couple chinois dont le mari aurait assassiné la femme pour en faire son portrait en décomposition, et les deux jeunes gens sont victimes d’une condition psychologique héritée les forçant à reproduire les actes de leurs ancêtres.

Après la lecture de Dogra Magra, j’étais curieux de regarder le film qui en était tiré, ne voyant pas trop comment une adaptation était possible. Cela m’intriguait d’autant plus qu’il était réalisé par Toshio Matsumoto, auteur du barré (et d’après moi surcoté) Les funérailles des roses (1969). Mon intuition s’est confirmée, c’est raté et bien loin de la folie du bouquin.
Le roman est constamment ambigu, Kyûsaku Yumeno égare en permanence le lecteur, le lance sur des fausses pistes, alterne les époques, les styles et les points de vue. Le long métrage tente de faire de même avec notamment une sorte de spectacles de Bunraku (marionnettes), un passage façon cinéma muet et une narration assez découpée. Il est aussi légèrement érotique et un peu malaisant façon ero guro nansensu. Certains critiques évoquent sa complexité, comparé au livre il m’a semblé toutefois terriblement linéaire. Il se concentre en effet sur le dernier tiers de l’ouvrage, le plus abordable, en simplifiant les enjeux. Tandis que Kyûsaku Yumeno s’amusait avec les codes du roman policier, très à la mode dans les années 20 et 30, le film met complètement de côté l’enquête, livrant directement les conclusions. On perd en bonne partie la constante indétermination temporelle du récit et les multiples interprétations finales. Le casting, enfin, ne m’a pas convaincu, en particulier le rôle principal bien terne, Yôji Matsuda, plus réputé comme doubleur que comme acteur. Dogura magura n’a guère d’intérêt, ni pour les lecteurs de l’original qui seront déçus, ni pour les novices qui ne capteront pas la plupart des références et s’ennuieront probablement.


怪談 お岩の亡霊 [Kaidan Oiwa no borei] de Tai Katô (1961, The Ghost Story of Oiwa's Spirit)
Ne voulant pas être associée à un meurtrier, Oiwa est repartie dans sa famille après que son mari Iemon ait tué un homme. Pour regagner sa fierté et son statut, Iemon voudrait qu’elle revienne mais le père d’Oiwa n’est pas de cet avis. Iemon s’arrange pour l’assassiner une nuit sans autre témoin que son ami Naosuke, puis demande à Oiwa de revenir chez eux durant l’enterrement, lui jurant qu’il la vengera. Un an plus tard, Oiwa a accouché d’un garçon et n’est plus aussi séduisante aux yeux d’Iemon, qui cherche par tous les moyens à monter dans la hiérarchie sociale.

Kaidan Oiwa no borei est une nouvelle version de Yotsuya kaidan, après celle de Kenji Misumi chroniqué ici il y a deux mois. Si le Iemon de Misumi était un des plus innocents parmi les nombreuses adaptations, entrainé dans les évènements contre son gré, celui de Tai Katô est un des plus abjects. Encore assez jeune et abonné à l’époque aux rôles de méchant, Tomisaburô Wakayama, le frère de Shintarô Katsu connu en Occident pour Ogami Ittô dans la série des Baby Cart, joue avec délectation un homme absolument ignoble, violent, opportuniste et menteur. La mise en scène de Tai Katô, qui deviendra par la suite spécialiste de films de yakuzas, est sobre et efficace. Il s’intéresse plus aux méfaits d’Iemon qu’aux aspects horrifiques, bien que le maquillage d’Oiwa soit assez réussi. Il donne également plus d’importance que d’habitude à Naosuke, le compère d’Iemon, dont il développe la personnalité et qui se voit accordé une rédemption. Kaidan Oiwa no borei fait donc partie des bons Yotsuya kaidan, aussi peu surnaturel que le Misumi mais avec un Iemon bien plus charismatique et retors, loin de l’interprétation lisse de Kazuo Hasegawa.


名探偵コナン ハロウィンの花嫁 [Meitantei Konan: Harowin no hanayome] de Gôshô Aoyama & Susumu Mitsunaka (2022, Détective Conan : La fiancée de Shibuya)
Alors que Conan et ses amis se rendent au commissariat en compagnie de Kogoro, ils croisent un homme d’origine russe dont la tablette explose soudain. Kogoro est blessé et envoyé à l’hôpital. Sur le corps de la victime, Conan découvre la carte de visite de Jinpei Matsuda, un policier démineur mort trois ans auparavant, qui avait contrecarré les plans d’un dangereux criminel peu avant son décès. Les deux affaires semblent liées et Conan est chargé d’enquêter par l’agent du Bureau de la Sécurité Publique Rei Furuya.

J’ai découvert le manga Détective Conan lors de sa parution en France vers la fin des années 90 par un ami. Il achetait régulièrement les volumes et j’ai dû en lire une bonne vingtaine avant de décrocher, un peu lassé de la stagnation de l'intrigue principale. Il y a aujourd’hui 101 tomes, Conan est toujours enfant et aucune résolution ne pointe à l’horizon. En plus du manga débuté en 1994 au Japon, une série animé encore en cours a été lancée en 1996 (on en est à 1072 épisodes), quatre téléfilms et un action drama en prises de vue réelles ont été diffusés durant les années 2000-2010 et un film animé sort sur grand écran chaque année depuis 1997 (excepté en 2020 à cause du Covid). Je me contente de regarder les longs métrages pour ma part, La fiancée de Shibuya étant le vingt-cinquième.
La plupart n’apportent rien à la trame principale, ce sont généralement des whodunit distrayants avec, outre le groupe habituel, quelques personnages connus de la série, ici Rei Furuya. C’est toujours un peu pareil et La fiancée de Shibuya n’a rien de révolutionnaire. Il est même assez faible niveau intrigue, il y a peu de tension et les enjeux sont minces. C’est plus un volet pour les fans, le scénario abordant le background de certains des gentils policiers qui aident habituellement Conan et avançant un peu dans la romance entre l’inspectrice Miwako et son collègue Wataru. A réserver aux amateurs de la série.


Livres
Le Japon vu par Yamada Yôji de Claude Leblanc (Editions Ilyfunet, 2021), 752 p.
En un peu plus de 500 pages (plus 200 pages d'annexes), Claude Leblanc décrit dans le détail la vie et la carrière de Yôji Yamada, figure majeure du cinéma japonais des années 60 à nos jours. Après avoir exposé son enfance en Mandchourie et ses débuts, l’auteur traite ses 89 réalisations dans l’ordre chronologique, les remettant dans le contexte de l’époque et fournissant pour chacune une courte analyse. L’objectif de Claude Leblanc est de donner à Yôji Yamada une meilleure visibilité en Occident, où il est mal considéré, étiqueté auteur de petites comédies sans ambition malgré sa longue carrière et sa popularité dans son pays.

Quand j’ai commencé les Tora-san il y a quelques années, je n’avais pas une grande estime pour Yôji Yamada. A l’image des critiques occidentaux, je pensais que son œuvre était composée de comédies sentimentales faciles, populaires et simplistes. J’ai d’ailleurs eu du mal au départ avec Tora, camelot colérique, lourdaud et peu éduqué, et avec la trame identique d’un épisode à l’autre. Au bout d’un moment, j’ai fini par m’habituer puis par apprécier le retour des mêmes individus et situations, le fait de regarder la famille grandir et changer doucement avec le temps. Je me suis également mis à récupérer le reste de la filmographie de Yamada. J’y ai retrouvé les mêmes acteurs et actrices, souvent un même optimisme (malgré quelques titres plus durs), le goût de la communauté, et une nostalgie du passé qui a pu parfois m’agacer bien qu’elle ne soit jamais teintée de nationalisme. Tout cela est abordé dans l’ouvrage de Claude Leblanc, excellente présentation de la longue carrière de Yôji Yamada.
Claude Leblanc aime Yôji Yamada et ça se sent. Il est parfois trop gentil, souvent dithyrambique, mais sa passion est communicative et il a accompli un impressionnant travail de recherche dans des sources japonaises, complété par des entretiens avec le réalisateur. Il propose un livre de référence impressionnant, bourré d’anecdotes et d’informations précieuses sur le cinéma japonais des années 50 à nos jours. Il prend toujours à cœur d’expliquer le contexte dans le pays et dans le milieu du cinéma au moment de chaque long métrage, et même un novice ne sera pas perdu. Le style est plaisant, lisible. Cela m’a donné envie de voir la grosse vingtaine de films qui me manquaient, bien que je risque de galérer pour certains, et de récupérer le bouquin de Claude Leblanc sur le train au Japon.


Le monde du lignus de Michel Jeury (Robert Laffont, collection « Presses Pocket – SF », 1983), 224 p.
Le vaisseau Centaurus s’apprête à arriver au point de rendez-vous fixé par une mystérieuse entité extraterrestre, les Nerelliens. Alors que les passagers sont tous excités à l’idée de rencontrer la première intelligence non humaine, Lorek Nalan, un technicien doué de perceptions extrasensorielles, fait un rêve étrange où un Nerellien lui prophétise des évènements à venir. Peu après, le Centaurus atteint le lieu donné. Lorsque l’engin des Nerelliens surgit enfin, tout l’équipage tombe inconscient. Lorek Nalan se réveille nu sur une planète inconnue, recouverte d’une sorte de bois vivant que Lorek décide d’appeler le lignus. Il se rend rapidement compte que ce monde est habité par plusieurs races humanoïdes, dont l’une a réduit les autres en esclavage. Quand il finit par se faire attraper, ses ravisseurs ont bien du mal à le situer, se demandant s’il n’est pas un Nerellien.

J’avais déjà lu du Michel Jeury quand j’étais ado et, comme souvent, je ne m’en souviens absolument plus. Michel Jeury est un écrivain français qui a écrit pas mal de SF dans les années 70 et 80, avant de changer de genre pour se consacrer aux romans de terroir, sur sa région et son enfance. L’édition du Monde du lignus que j’ai lue n’est pas exactement celle parue à l’origine en 1978. Comme expliqué par l’auteur en introduction, il a ajouté une conclusion d’une bonne vingtaine de pages permettant d’ouvrir l’histoire vers une suite qui n’a jamais été écrite.
Le monde du lignus est un récit d’aventures auquel s’est greffé un début et une fin plus SF avec des extraterrestres et des vaisseaux spatiaux. L'univers décrit, bien qu’intéressant, n’est pas vraiment approfondi, il sert surtout de décor aux péripéties d’un homme providentiel, envoyé pour sauver la planète. Cet aspect m’a un peu gêné, je n’aime pas beaucoup l’idée que seuls des êtres humains sont capables de guérir des mondes à l’agonie. A part ça, c’est de la littérature consommable, ça se lit facilement, ce n’est pas désagréable et ce sera vite oublié. J’ai apprécié le style d’écriture de Jeury en tout cas et je lirais à l’occasion un autre de ses livres, je dois en avoir encore qui traînent dans ma bibliothèque.


Revues
Les Cahiers du cinéma n°795 – Février 2023
L’évènement du mois est le dernier Spielberg, The Fabelmans (2022), en bonne partie autobiographique. Spielberg se penche sur sa jeunesse et sur sa mère, artiste bridée enfermée dans le carcan moraliste des années 50. Ça semble clairement plus captivant que ses œuvres précédentes. A part ça, le nouveau Shyamalan a l’air nase et il n’y a pas grand-chose qui me tente dans les sorties, excepté peut-être La tour de Guillaume Nicloux (2022), sur les habitants d’une tour qui se rendent compte que le monde extérieur a disparu, ou Project Wolf Hunting (2022), film d’action/horreur coréen apparemment bien énervé.

Rien du côté du cinéma de patrimoine ou des livres. Pour finir, le dossier sur Delphine Seyrig est un peu décevant, je n’ai rien appris, ça m’a juste rappelé qu’il fallait que je vois Les lèvres rouges (1971).


Pardela n°65 – Automne/Hiver 2022
Le numéro de ce semestre consacre un dossier aux animaux nocturnes, traitant des adaptations nécessaires à cette vie et aux conséquences de la pollution lumineuse. Quelques pages sont par ailleurs consacrées à l’hivernage des milans royaux au Portugal ; à de nouveaux réseaux de protection de la nature impliquant les propriétaires privés ; à Gilbert White, le premier observateur d’oiseaux au sens moderne ; et au Puffin boréal, dont les populations nicheuses sont essentiellement concentrées au Portugal, notamment aux Açores.

Le dossier sur les évolutions liées à la vie nocturne m’a beaucoup intéressé, je ne connaissais pas plusieurs mécanismes décrits comme les papillons de nuit qui envoient des ondes à haute fréquence pour alerter les chauves-souris de leur toxicité ; d’autres qui ont des leurres émettant des ondes, leurres qui se font attraper à la place du papillon ; ou des écureuils capables de chauffer leur queue pour donner l’impression aux serpents ayant une vision infrarouge qu’ils sont plus grands qu’en réalité.


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