samedi 16 décembre 2023

Carnet de bord 09/12/2023-15/12/2023



Films vus en compagnie
Territórios Ocupados de José Vieira (2022)
En 1938 sous la dictature de Salazar, le gouvernement décida de recouvrer les terres communautaires qui avaient échappées à la privatisation du XIXe siècle, les baldios, pour y planter des arbres. Après un recensement, ils imposèrent leur programme en 1941 malgré la résistance des habitants dont beaucoup exploitaient ces parcelles pour faire paître leurs animaux. A travers des témoins de cette époque, José Vieira revient sur cette épisode oublié de l’Histoire portugaise, qui éclaire certaines causes des mégafeux de forêt des années 2000.

José Vieira est un des plus intéressants documentaristes contemporains, spécialiste de l’immigration portugaise à laquelle il a consacré la majorité de son œuvre. Il a montré que, contrairement à l’image souvent véhiculée, l’arrivée massive des Portugais dans les années 50 à 70 ne fut pas accueillie favorablement et leur intégration à la société française ne se déroula pas sans heurt. A partir du cas lusitanien, il développe une réflexion profonde sur l’immigration en général, comparant par exemple le discours sur les Portugais dans les années 60 et celui sur les Roms de nos jours dans Le bateau en carton (2010). Territórios Ocupados se démarque car c’est son premier long métrage produit au Portugal et sans rapport direct avec l’immigration.
Territórios Ocupados est actuellement diffusé par Mediapart, accompagné d’une interview de José Vieira où il explique la genèse du film. Apprenant par hasard en 2010 l’existence des baldios durant le tournage de Le pain que le diable a pétri, il se renseigna sur internet puis commença à réaliser des entretiens en 2014. Territórios Ocupados aide à comprendre comment les paysans pauvres et incultes étaient traités, méprisés par les élites qui les considéraient arriérés et fainéants. Les politiques dictées d’en haut selon des méthodes quasi coloniales eurent des conséquences catastrophiques pour les populations qui durent fuir leurs terres ancestrales pour survivre, à destination de villes portugaises avides d’ouvriers corvéables. Si cela m’a moins passionné que les questions migratoires, je suis content d’avoir découvert ce sujet qui m’était totalement inconnu.


Mixed by Erry de Sydney Sibilia (2023)
Enrico, Peppe et Angelo sont les enfants pauvres d’un petit arnaqueur, qui fait vivre sa famille en écoulant du faux whisky dans le Naples des années 70. Enrico est fan de musique, les compilations qu’il vend dans son quartier ont du succès et il rêve d’être DJ mais il est introverti et personne ne veut l’engager. Quand il perd son boulot, ils empruntent avec son frère Peppe de l’argent à un mafieux pour acheter un appareil industriel capable de copier en deux minutes une cassette audio de 45 minutes. L’affaire décolle immédiatement et ils se lancent dans un gigantesque trafic de contrefaçons.

Mixed by Erry est inspiré du livre éponyme de Simona Frasca publié en 2023, qui retrace l’histoire vraie des frères Frattasio. Ils établirent un marché parallèle de la musique à Naples dans les années 80 et créèrent leur label pirate « Mixed by Erry », réputé auprès des amateurs pour la qualité du son et ses choix de morceaux. Ils eurent une centaine d’employés, fournissant aux démunis une alternative au trafic de drogue dans une Italie du Sud corrompue et délaissée par l’Etat. L’ouvrage de Simona Frasca détaillait le climat et l’Histoire dans laquelle s’inscrivit la combine des Frattasio, et dépeignait l’importance qu’eut « Mixed by Erry » dans la promotion de chanteurs locaux, leur permettant de toucher des publics qu’ils n’auraient pu atteindre autrement.
Si l’adaptation expose en toile de fond la misère, les conditions de vie et l’omniprésence du crime organisé, c’est essentiellement une comédie dynamique qui préfère se concentrer sur le côté fun et survolté. C’est plutôt agréable et mon seul regret concerne la bande originale : alors qu’Enrico mit en avant dans ses compilations des artistes transalpins, Mixed by Erry utilise principalement de la pop anglo-américaine, sans doute plus susceptible de plaire aux abonnés du producteur Netflix. Dommage, ça aurait été l’occasion d’écouter des tubes italiens de cette période.


Yellow Submarine de George Dunning (1968)
Le royaume de Pepperland est soudainement attaqué par les Blue Meanies, qui détestent la joie et la musique. Ils enferment dans une bulle la fanfare du Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band et confisquent tous les instruments. Le vieux Fred réussit à s’échapper à bord d’un sous-marin jaune et demande l’aide de Ringo. Celui-ci est rejoint par John, George et Paul, qui accompagnent Fred jusqu’à Pepperland.

Je n’avais pas revu Yellow Submarine depuis mon adolescence. J’en gardais le souvenir d’une bizarrerie musicalement exceptionnelle, visuellement psychédélique et scénaristiquement mollassone. Ma mémoire ne m’a pas trahi et mes anciennes impressions ont été confirmées. Les chansons des Beatles ne prennent décidemment pas une ride et même les titres mineurs surpassent la majorité de la pop contemporaine que j’entends de temps en temps. L’illustrateur surréaliste Heinz Edelmann est responsable de l’animation particulièrement barrée, excepté pour Lucy in the Sky with Diamonds qui recourt à une rotoscopie effectuée par Bill Sewell. La trame est anecdotique, prétexte à parcourir des endroits étonnants et à caser les morceaux du groupe. Insatisfaits de Help ! (1964), leur long métrage précédent, les Beatles ne coopérèrent guère avec le metteur en scène canadien George Dunning (dont c’est l’unique coup d’éclat) et ils ne doublèrent pas leur alter ego. Ils furent cependant emballés par le résultat et acceptèrent d’apparaître en chair et en os dans l’épilogue. En dépit de son faux rythme, Yellow Submarine est un incontournable pour les fans des Beatles et des films d’animation excentriques.


The Super Mario Bros. Movie de Aaron Horvath & Michael Jelenic (2023, Super Mario Bros. le film)
Les frères Mario et Luigi peinent à trouver des clients pour leur entreprise de plomberie nouvellement créée. Quand il voit à la télé que les égouts de Brooklyn débordent et que les autorités sont dépassées, Mario attrape Luigi et se précipite sur les lieux pour résoudre le problème, désirant se construire une réputation. Ils tombent sur un étrange tuyau qui les aspire et les entraîne vers un autre monde. Séparés, Luigi atterrit dans les terres sombres régies par le vil roi Bowser, Mario dans le royaume champignon de la princesse Peach.

Intrigué par les critiques relativement accommodantes, une note imdb correcte et un énorme carton en salles, j’espérais assister à un spectacle plaisant dans un univers que j’apprécie par nostalgie : gros joueur dans ma jeunesse, j’ai terminé tous les Mario et dérivés sur NES, Game Boy et Super NES, et le Mario Kart de la Nintendo 64 nous a occupé bien des week-ends avec des amis. Ces prédispositions n’ont pas suffi, ce The Super Mario Bros. Movie est affreusement nul…
Il n’y a pas un Japonais à la réalisation ou au scénario et ça se sent, on est dans du recyclage de formules hollywoodiennes éculées, aucune originalité ni magie, avec des tubes mal exploités (Take on me de a-ha sur un trajet effréné en moto dans l’île de Donkey Kong) ou galvaudés (impossible de ne pas songer à Shrek 2 (2004) en entendant I Need a Hero de Bonnie Tyler). C’était prévisible de la part du studio Illumination, toujours techniquement impeccables mais qui se complait systématiquement dans la facilité et l’humour nase. Ils n’ont même pas réutilisé la voix américaine historique de Mario, interprétée par Charles Martinet, et ont collé à la place celle, banale, de Chris Pratt. Un vaste ratage, je préfère largement la décriée version de 1993.


Damn Yankees de George Abbott & Stanley Donen (1958)
Joe Boyd est un agent immobilier d’une cinquantaine d’années, marié sans enfant, amoureux de son épouse et attentionné, excepté durant les six mois de la saison de baseball. Pendant cette période, il est scotché devant la télévision et hurle sur ces satanés yankees, lui qui soutient les Washington Senators. Aussi, lorsque le diable lui propose de rajeunir et de devenir la vedette de son club favori pour leur permettre de gagner le titre, il n’hésite guère et abandonne tout pour se consacrer à sa passion. Il se languit néanmoins rapidement de sa femme et pense à se rétracter, au grand dam du diable qui envoie Lola pour le séduire et le faire changer d’avis.

Damn Yankees est une adaptation très fidèle d’un immense succès de Broadway monté par George Abbott et chorégraphié par Bob Fosse. Le film reprend la quasi-intégralité du casting de la pièce, sauf pour Joe Boyd où la Warner imposa Tab Hunter qu’elle souhaitait promouvoir (et qui ne percera jamais). George Abbott récupère la réalisation, flanqué d’un Stanley Donen effacé dont la patte n’est pas perceptible. Damn Yankees est trop conforme au matériel d’origine, les numéros sont photographiés platement et les acteur·ice·s, bons chanteur·se·s et danseur·se·s, manquent de charisme. On a un peu l’impression que les stars sont en vacances à la Bourboule et ont été remplacées par leurs doublures. Les chansons sont vite oubliées et Damn Yankees est en définitive une comédie musicale assez quelconque.


Films vus seuls
旗本退屈男 謎の南蛮太鼓 [Hatamoto taikutsu otoko: Nazo no nanban-taiko] de Yasushi Sasaki (1959, Bored Hatamoto: Acrobats of Death)
Le conseiller Inaba a été tué par un dard projeté à travers son palanquin. Le seigneur Sakai soupçonne des chrétiens renégats d’être responsables et de vouloir attaquer un groupe d’acrobates chinois pour créer un incident diplomatique. Saotome Mondonosuke doute de cette hypothèse et débute son enquête, accompagné de son disciple Kyoka.

Ce nouvel épisode de Bored Hatamoto dirigé par Yasushi Sasaki adopte les recettes traditionnelles de la série : une intrigue tarabiscotée autour d’une machination contre le shôgun Tsunayoshi Tokugawa (notre ami le shôgun chien) ; des méchants vaguement ninjaesques mené par l’inévitable Isao Yamagata ; et une dernière demi-heure où tout le monde court et se bat. Dans deux-trois semaines, je n’aurai plus le moindre souvenir de ce pur produit de studio. A noter que Kyoka est incarné par un jeune Kin'ya Kitaôji, âgé de 16 ans. Pas franchement charismatique à l’époque, il n’aurait probablement pas obtenu un tel rôle s’il n’était le fils d’Utaemon Ichikawa (Saotome Mondonosuke). Il se fera un nom dans les années 70 grâce à la télévision et à son apparition dans deux Combat sans code d'honneur de Kinji Fukasaku.


O Grande Elias d’Arthur Duarte (1950)
Carlos vit avec sa fille Ana Maria dans un modeste appartement de Lisbonne. Il ne travaille pas, préférant trainer au casino avec son camarade Elias, où ils dépensent l’argent que sa sœur Adriana immigrée au Brésil lui expédie ponctuellement ou qu’Ana Maria gagne en chantant dans des cabarets. Quand il apprend qu’Adriana vient au Portugal lui rendre visite, il est désespéré : il lui a en effet raconté qu’il habitait dans un palace avec son épouse (qui l’a quitté) et leurs quatre enfants, trois d’entre eux ayant été inventés pour toucher des chèques d’anniversaire. Elias, menteur impénitent, se propose d’arranger la situation avec l’aide d’Ana Maria et de son fiancé Miguel.

Acteur de formation passé par la UFA à la fin des années 20, Arthur Duarte se lance dans la mise en scène sur grand écran en 1938 avec Os Fidalgos da Casa Mourisco. De sa vingtaine de films, seules ses quatre comédies ont marqué les esprits et sont régulièrement rediffusées à la télévision : O Costa do Castelo (1943), A Menina da Rádio (1944), O Leão da Estrela (1947) et O Grande Elias qui nous intéresse ici. C'est une satire inoffensive de la petite bourgeoisie portée par António Silva, star du théâtre qui devint incontournable dans le cinéma des années 30 à 50, et un des ultimes coup d’éclat de la comédie à la portugaise, genre emblématique que j’avais abordé dans ma critique de La chanson de Lisbonne (1933). Il n’y a évidemment aucun élément susceptible de heurter la sensibilité de la censure salazariste et O Grande Elias est un peu trop long, quasiment deux heures. Cela reste cependant distrayant et rythmé, avec quelques séquences cocasses et des chansons passables.


Broadway Love d’Ida May Park (1918)
Midge est une campagnarde arrivée récemment à Broadway où elle est choriste. Invitée à une fête par la croqueuse d’hommes Cherry Blow, elle sauve du suicide un ancien amant de cette dernière, Jack Chalvey, puis est raccompagnée chez elle par le riche Henry Rockwell, qui la prend pour une fille facile et tente d’abuser d’elle. Midge saute de la voiture, heurte violemment le sol et est emmenée inconsciente à l’hôpital par un Henry pétri de remords.

Broadway Love est une production Bluebird Photoplays réalisée par Ida May Park, une femme à poigne également scénariste qui n’hésitait pas à maltraiter ses équipes pour respecter les délais et le budget fixé. Epouse de Joe De Grasse, elle a dirigé à de multiples reprises leur ami Lon Chaney, qui incarne ici un personnage secondaire antipathique envoyé par la famille de Midge. Broadway Love n’a pas les prétentions morales des œuvres de Lois Weber, c’est un drame conventionnel sur une jeune naïve éblouie par la cité et qui découvre l’envers du décor. La première moitié est très mélo, la deuxième assez légère, avec un happy end de circonstances. C’est correctement interprété bien que j’aie eu des difficultés à différencier Harry von Meter (Jack) et William Stowell (Henry) jusqu’à ce que je remarque que le second avait un gros nez. Rien de mémorable donc, si ce n’est d’être une des rares bobines encore visibles de la Bluebird Photoplays. A noter le blackface qui tâche de la servante de Cherry Blow.


Livres
Dans les décors truqués de Jean-Pierre Andrevon (Denoël, collection « Présence du futur », 1979), 281 p.
Dans les décors truqués est un recueil de cinq nouvelles de 23 à 87 pages composé de trois inédits et de deux titres publiés précédemment dans la revue Fiction (Dans un verre d'eau et Régression) :
Dans un verre d'eau (1973) : Un garçon empoté et timide échoue dans des labyrinthes dont il peine à s’échapper.
Les Retombées (1978) : Après une explosion nucléaire, les survivants sont parqués dans un camp gardé par les militaires.
Le Jeu de la guerre (1978) : Un soldat entend une voix qui le pousse à se battre contre un ennemi invisible.
Régression (1972) : En 1940, Christophe vit avec son oncle et sa tante depuis la mort de ses parents victimes d’un bombardement. L’oncle veut fuir le temps présent et a inventé une machine à cet effet.
Le Temps du météore (1978) : Un météore s’écrase dans un petit village sans bouleverser la routine de ses habitants.
Dans les décors truqués banalise la science-fiction en l’ancrant dans un triste quotidien d’individus ordinaires. Dans Le Temps du météore, l’élément supernaturel ne permet même pas de sortir les gens de leur torpeur et disparaît sans engendrer de changement. A l’instar de la majorité de la SF française de cette époque, c’est un peu vulgaire et cru, la palme revenant au Jeu de la guerre qui caricature un discours militariste bas du front homophobe, raciste et grossier. Extrêmement pénible et vain, j’ai dû le lire en diagonale. A force de s’enraciner dans la normalité, les nouvelles finissent par n’avoir aucun d’intérêt et Dans les décors truqués m’a fortement ennuyé.


Le roi chien de Hideo Furukawa (Philippe Picquier, 2022), 164 p.
A Dan-no-ura à l’extrême sud-ouest du Honshû, les pêcheurs du clan Io retirent régulièrement des fonds marins les vestiges des Heike, qui périrent en mer durant la bataille de Genpei 150 ans auparavant. Un jour, un groupe de la capitale demande à deux d’entre eux, le jeune Tomona et son père, de mettre la main sur une épée engloutie, sans les prévenir qu’il s’agit d'un des trois trésors sacrés. Lorsque l’épée est récupérée et dégainée, un éclair jaillit, le garçon est rendu aveugle par son éclat et son père est coupé en deux. Afin de comprendre ce qu’il s’est passé, Tomona décide d’aller à Kyôto et devient joueur de biwa, profession réservée aux aveugles. A son arrivée, il rencontre Inuô, enfant maudit et difforme, avec qui il va chanter les mésaventures secrètes des Heike.

Le roi chien est la source de l’excellent Inu-Oh (2021) de Masaaki Yuasa, que j’avais critiqué il y a quelques mois. Le bouquin est court et paradoxalement plus abordable que le long métrage, qui perd parfois le spectateur. Après avoir effectué en 2016 une nouvelle traduction du Dit des Heike de l’ancien japonais vers le japonais moderne, Hideo Furukawa devint obsédé par ce récit et rédigea une fausse suite, Le roi chien, pour s’exorciser. Le style est curieux, apparemment représentatif de cet auteur que je ne connaissais pas, très oral, assez simple, formé de répétitions où chaque occurrence apporte des détails supplémentaires nécessaires à l’intelligibilité globale. L’adaptation de Masaaki Yuasa retranscrit parfaitement l’esprit, ajoutant un angle musical uniquement mentionné à l’écrit. Je conseillerais de débuter par le livre qui aide à mieux appréhender les points confus de l’animé. Les deux se complètent en tout cas idéalement.


Articles
« Biens et Usages Communaux au Portugal » de Margarida Sobral Neto dans Les propriétés collectives face aux attaques libérales (1750-1914) – Europe occidentale et Amérique latine sous la direction de Marie-Danielle Démélas & Nadine Vivier (Presses Universitaires de Rennes, collection « Histoire », p.175-194)
Dans la foulée de mon visionnage de Territórios Ocupados (2022) de José Vieira, j’ai souhaité approfondir le sujet en lisant cet article tiré d’un ouvrage consacré aux propriétés collectives. La chercheuse Margarida Sobral Neto y explique qu’il existait trois types de biens communaux : les maninhos, réservés au seigneur qui en accordait l’usage en bail de longue durée à faible coût ; les bens do conselho que la municipalité pouvait distribuer à ses administrés ; et les baldios, possessions partagées par les habitants et seule vraie propriété du peuple. Ils étaient employés pour le pâturage, la collecte de divers articles (bois de chauffage, matériaux de construction, fruits), la production de miel voire de cultures. Loin d’être égalitaire, leur utilisation dépendait du statut des bénéficiaires, les pauvres se contentant de glaner et grapiller là où les riches, qui géraient les biens dans les conseils municipaux, s’en servaient pour labourer ou élever leur bêtes.
Dès le XVIIe siècle avec l’expansion démographique et des cultures plus intensives, l’Etat portugais commença à rogner les biens collectifs, qui s’étendaient sur la moitié du pays. L’offensive s’accrut dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et, quand un cadastre fut enfin concrétisé en 1938, les baldios n’occupaient que 4,6% du territoire, principalement dans les régions montagneuses du Nord. En 1976, dans la prolongation de la Révolution des Œillets, la gestion de certains baldios fut redonné aux communautés rurales mais ces concessions ont été attaquées par les gouvernements ultralibéraux des dernières décennies.

Par rapport au film de José Vieira, cette étude fournit une perspective de long terme : on constate que la politique salazariste n’est que la dernière pierre d’un mouvement de fond antérieur et que les baldios n’étaient qu’un aspect des biens communaux. C’est un pan passionnant de l’histoire rurale portugaise et j’ai découvert à cette occasion qu’il y avait un baldio actif jusqu’au milieu des années 80 dans un village proche de celui de ma grand-mère. Il faudrait que je me renseigne pour savoir ce qu’il en est de nos jours.


Revues
Les Cahiers du cinéma n°804 – Décembre 2023
Les tops récapitulatifs ne m’intéressent jamais et ceux des Cahiers ne font pas exception à la règle. Heureusement, les textes qui les accompagnent permettent de souligner des tendances de 2023, que ce soit la célébration d’épopées libérales (Tetris (2023) par exemple), l’ensauvagement, les biopics encroutés à la française, la mise en valeur des tribunaux, de la cuisine, de l’amitié ou des plantes. Nouveauté cette année avec une liste de classiques vus en 2023 par les membres de la rédaction, qui offre un éclairage bienvenu au cinéma de patrimoine.

Du côté des sorties, je ne relève que La chimère (2023) d’Alice Rohrwacher, où un pilleur de tombes étrusques reprend du service, et The Survival of Kindness (2022) de Rolf De Heer où une femme est abandonnée dans une cage dans un désert postapocalyptique. En patrimoine, un court résumé de la carrière du metteur en scène mexicain Fernando de Fuentes me pousse à creuser son œuvre, dont je ne connais que la trilogie de la révolution.
Dans l’article sur la 36e édition du festival international de Tôkyô (TIFF), je remarque les noms de la réalisatrice Nami Iguchi (son moyen métrage de 2023 Keep Your Left Hand Down risque d’être très dur à récupérer) et de Tetsuya Mariko : j’avais déjà entendu parler de lui et ses films me semblent excessivement violents. Il faudra tout de même que je les vois compte tenu des excellentes critiques. Je signale en conclusion un captivant entretien avec deux monteurs mythiques du Nouvel Hollywood, Paul Hirsch et Walter Murch, qui ont construits les bases du blockbuster à la fin des années 70, avec des effets encore perceptibles de nos jours.


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