samedi 17 août 2024

Carnet de bord 10/08/2024-16/08/2024



Films vus en compagnie
Perdida de Viviana García-Besné (2009)
Durant son enfance, Viviana García-Besné écoutait sa grand-mère Mate Calderón lui raconter des anecdotes invraisemblables, qu’elle avait failli se marier avec un acteur célèbre, que son père avait amené le parlant au Mexique ou qu’ils avaient rencontré Walt Disney. L’arrière-grand-père de Viviana n’était pourtant pas mentionné dans les livres d’Histoire et ses grands-oncles étaient restés dans les mémoires comme des tâcherons et des pornographes créateurs du genre Ficheras, des comédies érotisantes accusées d’avoir tué le cinéma mexicain. A l’âge adulte, elle décide de creuser son histoire familiale et découvre que les Calderón furent effectivement des figures majeures des années 20 à 70, exploitants, distributeurs et producteurs de centaines de films.

J’avais eu vent de ce documentaire dans un article sur les Santo, Jorge García Besné, le père de Viviana García-Besné, ayant produit les deux premiers volets et Guillermo Calderón, son grand-oncle, huit autres épisodes au début des années 70. Perdida est à la fois une biographie des Calderón et un panorama du cinéma mexicain, leur existence ayant été intimement liée au septième art. L’art justement n’était pas leur préoccupation, leur but était que les gens se pressent dans les salles, quitte à distribuer ou produire des péloches populaires et racoleuses. Viviana García-Besné tente de réhabiliter des proches dont le rôle a été minoré et discrédité, il ne faut pas s’attendre à une présentation objective. Sa démonstration est néanmoins convaincante et l’importance des Calderón est désormais indéniable.
Perdida retrace chronologiquement l’implication des Calderón dans l’industrie cinématographique en partant de l’arrière-grand-père et de l’arrière-grand-oncle, qui ont initié l’entreprise en achetant une salle à Chihuahua dans les années 20. La réalisatrice se soucie ensuite sur la vie sentimentale de sa grand-mère et de ses grands-oncles avant de se pencher sur leur carrière. Il y a énormément de matière et certains aspects sont survolés trop rapidement, égarant le spectateur. J’ai préféré le dernier tiers où elle se concentre sur le cinéma d’exploitation dans lequel a œuvré Guillermo Calderón. Elle revient sur les versions multiples, procédé qui consistait à tourner un même titre avec plus (pour les Mexicains) ou moins (pour les Européens) de vêtements. Elle déterre à cette occasion le mythique Santo « pornographique » El vampiro y el sexo (1968), en réalité une mouture dénudée de Santo en el tesoro de Drácula (1968). En dépit d’une construction narrative assez sommaire et d’un amoncellement d’informations par moments rebutant, Perdida est un incontournable pour les amateurs de cinéma mexicain. Les novices risquent en revanche d’être perdus.


Synchronic de Justin Benson & Aaron Moorhead (2019)
Deux ambulanciers urgentistes de la Nouvelle-Orléans, Steve et Dennis, sont confrontés à une recrudescence d’overdoses accompagnées de symptômes étranges : une des victimes a été mordue dans une chambre d'hôtel par un serpent extrêmement rare, un second a été transpercé par un glaive, un troisième a été retrouvé démembré sur une cabine d’ascenseur… Steve remarque auprès d’eux un emballage portant le mot « Synchronic ». Quand la fille de Dennis disparaît après l’ingestion d’une dose, Steve se rend dans la boutique qui vend le Synchronic et achète tous les exemplaires. Il est suivi par le chimiste inventeur de cette nouvelle drogue, qui lui explique qu’elle permet de voyager dans le temps.

Justin Benson et Aaron Moorhead sont deux auteurs indépendants qui se sont bâtis un univers à eux à travers des créations originales qu’ils dirigent, produisent, écrivent, montent, photographient et interprètent éventuellement. Je ne suis pas un expert, j’ai seulement vu l’excellent The Endless (2017), un film de boucle unique en son genre. Ils possèdent une esthétique très stylisée voire maniérée, avec des récits barrés. Leurs héros banals et bavards sont généralement embarqués sans le vouloir dans une aventure trop grosse pour eux, sur fond de science-fiction ou de fantastique avec des effets spéciaux plausibles malgré un budget limité. Avec Synchronic, ils emploient pour la première fois une star, Anthony Mackie, natif de la Nouvelle-Orléans.
Il y a des éléments agaçants de-ci de-là, des mouvements de caméra inutiles et prétentieux, un Dennis fatigant à la longue et un scénario excessivement dense qui néglige de nombreuses pistes. Ces défauts n’empêchent cependant pas l’ensemble de fonctionner grâce à un concept intéressant, relecture de l’Histoire de la Louisiane et des Etats-Unis par le biais d’un prisme peu valorisant pour le pays. Anthony Mackie est crédible dans un rôle plus riche que ce qui lui est proposé habituellement. Cela m’a donné envie de récupérer le reste de leur filmographie.


Beautiful Thing de Hettie MacDonald (1996)
Jamie habite avec sa mère Sandra dans une banlieue populaire de Londres. Il est régulièrement harcelé par ses camarades de lycée, accusé d’être queer. Il apprécie son voisin de pallier, Ste, un ado pas bavard maltraité par son père et son grand-frère. Un soir dans la rue, Sandra croise Ste qui a fui son domicile après avoir été frappé. Elle lui suggère de dormir chez eux pour une nuit en partageant le lit de Jamie. Elle ne se doute pas que les deux jeunes sont attirés l’un par l’autre.

Beautiful Thing est au départ un téléfilm de Channel 4 adapté d’une pièce de 1993 de Jonathan Harvey. Devant sa réception enthousiaste, il fut diffusé au cinéma et connut une distribution internationale. Il marque les débuts de Hettie Macdonald, qui travailla essentiellement pour le théâtre et le petit écran.
Beautiful Thing dresse avec légèreté le portrait des locataires d’appartements contigus d’un immeuble situé dans le quartier défavorisé de Thamesmead dans le sud-est de Londres. Loin d’offrir une vision misérabiliste, il se distingue par la bonne humeur de la famille Gangel (Jamie, Sandra et son compagnon Tony) et de leur voisine délurée Leah, qui réussissent à garder le moral en toutes circonstances. Ste, d’abord réticent, finit par être contaminé par la joyeuse troupe, et sa relation avec Jamie lui procure un rayon de soleil dans son triste quotidien. En dépit des difficultés qu’elle engendre, la romance gay est dépeinte de façon positive, permettant aux garçons de gagner en maturité dans un classique parcours initiatique. Bien que la mise en scène soit bateau et qu’on sente souvent la facture télévisuelle, ce n’est pas grave, le casting est impeccable et on ressort de cet agréable feel-good movie avec le sourire.


Go Fish de Rose Troche (1994)
Max est célibataire et souhaiterait se trouver une copine. Son amie Kia lui conseille de sortir avec Ely, une assistante vétérinaire plus âgée au look démodé. Peu emballée, Max accepte d’aller au ciné avec elle. Le courant passe mais Ely est encore en couple dans une liaison à distance bancale. Ne voulant pas de complication, Max n’insiste pas. C’était sans compter sur les manigances de Kia et de Daria, la colocataire d’Ely.

Go Fish eut un fort impact en son temps, proposant une représentation LGBT originale, une comédie romantique sur des lesbiennes, avec des femmes racisées dans des rôles importants, qui bénéficia d’un beau succès commercial et fut diffusé à l’étranger. Le scénario fut coécrit par Rose Troche et Guinevere Turner (qui incarne Max) autour d’un canevas simple. L’objectif était de montrer l’existence d’une réelle communauté avec une histoire d’amour heureuse, qui n’était pas centrée sur l’exploration de son homosexualité ou la perception de son entourage. Dans Go Fish, on ne voit que des lesbiennes entre elles, on demeure toujours dans le groupe. Cela n’empêche pas de conserver un esprit critique envers un excès de dogmatisme, avec une séquence de pseudo-procès dans laquelle Daria est jugée parce qu’elle a couché avec un homme. Le tournage dura trois ans, avec des actrices et des techniciennes amatrices, d’où une qualité de jeu inégale.
On comprend immédiatement pourquoi Go Fish fut un tel choc. On suit une bande de lesbiennes épanouies, sûres de leur choix, qui discutent librement de leurs aventures et de leurs convictions. Il n’y a pas de trame élaborée, ce sont des tranches de vie dans un style quasi-documentaire, qui s’enchaînent avec un montage arty typique de la scène indépendante expérimentale américaine des années 90. Cet aspect a très mal vieilli et pourra rebuter le spectateur contemporain. Cela reste toutefois une œuvre incontournable du cinéma LGBT qui mérite le coup d’œil.


Evil Dead de Fede Álvarez (2013)
Dans l’espoir de se désintoxiquer, Mia a demandé à des proches de s’isoler avec elle pendant trois jours dans l’ancienne cabane de sa mère située dans une forêt loin de la civilisation. Son frère David, sa copine Natalie et deux amis d’enfance, Eric et Olivia, ont répondu à l’appel. La cure doit se dérouler sous la supervision d’Olivia, qui est infirmière. Enfermée dans la bicoque, Mia se plaint rapidement d’une odeur insupportable. Ils découvrent dans le sous-sol de nombreux cadavres de chat et un antique grimoire ésotérique. Eric commence à le consulter et prononce à voix haute des phrases interdites, réveillant une force démoniaque.

Evil Dead 2013 est un remake (ou une suite, rien ne permet de trancher) du classique de Sam Raimi de 1981. Il est produit par Sam Raimi, Bruce Campbell et Robert Tapert, partenaire de Raimi depuis ses débuts et cofondateur de leurs sociétés Renaissance Pictures et Ghost House Pictures. La réalisation est confiée au novice Fede Alvarez, un Uruguayen repéré grâce à son court métrage Panic Attack (2009).
J’ai regardé la version non censurée, qui contient cinq à six minutes supplémentaires. Elle est particulièrement sanguinolente, ils ont utilisé 260 000 litres de faux sang et ont dû tourner dans l’ordre chronologique, les décors étant souillés au fur et à mesure. Il y a peu d’images de synthèse, Fede Alvarez a privilégié les trucages old school. Je n’ai jamais été fan du Evil Dead de 1981, préférant largement le II et le III, et cette relecture moderne n’est donc pour moi nullement sacrilège. Elle humanise ses protagonistes et accorde davantage de poids aux personnages féminins. S’il ne révolutionne pas le genre et ennuiera peut-être les vieux briscards, ce n’est pas désagréable et cela constitue un bon point d’entrée dans la saga pour les néophytes.


The General de Clyde Bruckman & Buster Keaton (1926, Le mécano de la Générale)
Johnnie Gray est conducteur de train sur la ligne Western and Atlantic en Géorgie. Lorsqu’éclate la guerre de Sécession, il court s’engager dans l’armée Sudiste. Le recruteur estimant que son métier est stratégique, il est recalé, au grand désarroi de sa fiancée Annabelle Lee qui le pense lâche et refuse de lui parler tant qu’il n’aura pas revêtu un uniforme. Un an plus tard, des espions Nordistes enlèvent la locomotive de Johnnie, la Générale, ainsi qu’Annabelle qui s’y trouvait par hasard. Johnnie se lance immédiatement à leur poursuite.

The General est aujourd’hui un immense classique, sans doute le plus réputé de Buster Keaton. Doté d’un budget substantiel, avec la séquence de destruction d’un pont la plus chère de l’Histoire du cinéma muet, il fit pourtant un four à sa sortie. A cause de ce considérable préjudice financier, le patron de United Artists vendit le contrat de Keaton à la MGM. Il y perdit son indépendance artistique et le contrôle total de ses créations.
Tiré d’un évènement réel, le raid d’Andrews en 1862, The General n’est pas un Keaton extrêmement drôle, moins porté sur le slapstick qu’à son habitude. J’avais d’ailleurs été déçu la première fois que je l’avais vu, pas aidé par la qualité médiocre de la copie. J’ai pris mes précautions ce coup-ci en récupérant une version restaurée en 4K avec la musique de Carl Davis composée en 1987. Elle est appropriée mais plutôt dramatique, j’aurais possiblement préféré celle de Robert Israel de 1995 ou de Joe Hisaishi de 2004 qui me semblent plus enjouées. Dans The General, l’action prend le pas sur l’humour. C’est visuellement très impressionnant, avec des cascades rendues périlleuses par l’emploi de vraies locomotives sur une ligne ferroviaire préservée de l’Oregon, proche de l’atmosphère du XIXe siècle. Si cela continue à ne pas être mon Keaton favori, je l’ai fortement réévalué et ça m’a donné envie de me repencher sur les chefs d’œuvre de la comédie muette des années 20.


Films vus seuls
Santo vs. las Mujeres Vampiro d’Alfonso Corona Blake (1962, Superman contre les femmes vampires)
Tundra, la grande prêtresse des femmes vampires, s’extirpe d’un sommeil de 200 ans. Le temps est venu pour sa maîtresse Zorina d’occuper le trône des Enfers. Pour cela, elle doit être remplacée sur Terre par son héritière désignée, Diana, qui ignore sa destinée. Pour l’épauler dans sa tâche, Tundra ressuscite trois serviteurs et commence à épier sa future victime. Le père de celle-ci, le professeur Orlof, a étudié d’archaïques manuscrits et se doute de quelque chose. Quand Diana se met à agir bizarrement, il téléphone à la police et à Santo pour protéger sa fille.

Santo vs. las mujeres vampire est le plus célèbre des Santo en dehors du Mexique. Il a été distribué sous le titre farfelu de Superman contre les femmes vampires en France et de Samson vs. the Vampire Women aux Etats-Unis pour capitaliser sur la mode du péplum italien. Techniquement, il y a davantage de tune que dans la trilogie précédente, avec un tournage en studio (y compris les matchs de catch malheureusement) et des effets spéciaux honnêtes pour l’époque. A l’instar de Santo contra los zombies (1962) également produit par Alberto López qui négocia un contrat de quatre longs métrages avec le catcheur, Santo reprend de l’importance. Il n’est cependant pas encore central, opérant à la demande dans une intrigue qui ne le concerne pas à l’origine.
L’intrigue justement est tarte et bourré d’incohérences, le summum étant le catcheur vampire démasqué qui se révèle être… un loup-garou aussitôt abattu par la police montée sur le ring. Dans Horror at the Drive-In: Essays in Popular Americana, le chercheur Michael Lee en fait une lecture amusante où il constate que le patriarcat soutenu par des individus globalement incapables est facilement menacé par les femmes vampires et ne réussit à se maintenir que grâce à l’intervention d’un lutteur masqué. Santo defensor del patriarcado aurait probablement été moins vendeur auprès du grand public. Quoi qu’il en soit, c’est loin d’être exceptionnel, avec un indubitable manque de rythme.


Crime Doctor de Michael Gordon (1943)
Un homme laissé pour mort sur le bord de la route se réveille amnésique à l’hôpital. En hommage à un ancien physicien qui a donné son patronyme à la chambre dans laquelle il est installé, les infirmières le baptisent Robert Ordway. Avec l’aide du docteur Carey, il tente de recouvrer la mémoire, sans succès. Il décide de devenir lui-même médecin pour comprendre son trouble, obtient son diplôme et s’établit à son compte. Un jour, il tombe sur un quidam louchasse qui semble le connaître sous le nom de Phil Morgan.

Crime Doctor est l’épisode inaugural de la série éponyme avec Warner Baxter. Il pose le récit fondateur du docteur Ordway, qui n’est absolument pas exploité dans le seul volet que j’avais vu, Shadows in the Night (1944). Ce n’est pas le whodunit que j’attendais mais un drame gangstérisant, avec le poncif de l’amnésie en vogue dans les années 40. Il y a une jolie distribution avec une belle brochette de seconds couteaux récurrents des années 30 à 50, notamment John Litel, Ray Collins, Leon Ames, Harold Huber ou Margaret Lindsay, la love interest qui n’apparaît curieusement que dans ce premier film. Sans être désagréable, je préfère les bons vieux whodunits et j’espère qu’on reviendra à ce genre dès le suivant.


踊り子行状記 [Odoriko gyôjôki] de Kimiyoshi Yasuda (1955, The Dancer and Two Warriors)
Ando et Takechi viennent d’être engagés auprès d’un garde du shôgun. Invités à l’anniversaire de leur chef, ils sont présentés au reste du groupe. Parmi eux, Kata, un trouble-fête violent et alcoolique, sème le désordre et se heurte à Ando. Le lendemain, il s’incruste chez Ando et Takechi et continue à chercher querelle. Takechi le provoque et n’hésite pas à le tuer quand il dégaine son sabre. Ne voulant pas laisser la vieille mère de son ami sans soutien, Ando propose d’assumer la responsabilité du meurtre et part se cacher chez Tasoya, une danseuse amoureuse de lui.

Odoriko gyôjôki est tiré du livre éponyme de Sanjûgo Naoki, un spécialiste du roman historique. La Daiei réunit ici trois de ses stars montantes : Fujiko Yamamoto (Tasoya), Raizô Ichikawa (Ando) et Shintarô Katsu (Takechi). Ce dernier avait à l’époque un statut moins élevé et est en retrait, effacé par rapport aux performances exubérantes qui le rendront célèbres. L’intrigue étant essentiellement centrée sur Ando et Tasoya, le titre anglais est incohérent et aurait dû être Le guerrier et la danseuse (ou à la limite « les deux danseuses », Ando étant admiré par un second personnage féminin incarné par Yumiko Hasegawa). Le titre japonais se focalise lui sur Tasoya, Odoriko gyôjôki signifiant littéralement « Journal d’une danseuse ».
On est dans du jidai-geki standardisé de la Daiei des années 50. C’est bien interprété, relativement efficace, stéréotypé, avec une mise en scène sans éclat de Kimiyoshi Yasuda, un homme à tout-faire du studio qui a surtout travaillé sur des séries (six Zatoichi, trois Nemuri Kyôshirô, trois Akadô Suzunosuke…). J’aurai probablement tout oublié dans deux-trois semaines.


Laurin de Robert Sigl (1989)
Laurin est une fillette introvertie qui observe avec attention son environnement. Elle vit avec sa mère et sa grand-mère dans un village, son père marin les rejoignant occasionnellement entre deux voyages. Une nuit, elle aperçoit à sa fenêtre un garçon qui crie à l’aide puis est fourré dans un sac par un inconnu. A-t-elle rêvé ? Le lendemain matin, sa mère est retrouvée morte, noyée dans la rivière. L’école reprend peu après avec un nouvel enseignant, M. Van Rees, le fils du pasteur qui vient d’achever son service militaire. Sous ses apparences cordiales, Laurin ne sait que penser de lui et se méfie.

Laurin est l’unique long métrage de l’allemand Robert Sigl, filmé en Hongrie avec des acteurs locaux pour des raisons financières. Apprécié par la critique, il fut un échec en salles et mit un frein à la carrière de son réalisateur. Il fut redécouvert il y a quelques années grâce à des éditions en Blu-Ray. Laurin a un rythme très lent et repose sur son ambiance pesante quasi-onirique, avec une superbe photographie en décors naturels. Le récit est extrêmement creepy, plombée par les non-dits et un vilain kidnappeur d’enfants pédophile. Les comédien·ne·s sont excellent·e·s, en particulier la jeune Dóra Szinetár en Laurin. J’ai accroché au climat fantastique qui imprègne l’œuvre, avec une conclusion choc surprenante. Cela demeure néanmoins mou du genou et glauque, je ne le conseillerai pas à tout le monde.


I Was a Teenage Werewolf de Gene Fowler Jr. (1957, Les griffes du loup-garou)
Tony est un ado nerveux et bagarreur qui s’excite facilement. Mêlé à plusieurs altercations, il risque la prison s’il ne change pas de comportement. Quand il frappe au cours d’une soirée un ami qui lui avait trompeté dans l’oreille, cognant sans le vouloir sa copine qui s’interposait, il admet qu’il a un problème et accepte de consulter le psy recommandé par son école. Celui-ci n’est en réalité guère intéressé par les ennuis de Tony et se sert de lui pour pratiquer une expérience dangereuse.

I Was a Teenage Werewolf est un des premiers films d’horreur élaboré pour le public teenager, une catégorie d’âge apparue après-guerre. Au milieu des années 50 à une époque où la télévision commençait à se généraliser, elle représentait la majorité des spectateurs. Mangeant à tous les râteliers, I Was a Teenage Werewolf est également le premier dans le genre à inclure une chanson de rock and roll. Il fut projeté en double-programme avec Invasion of the Saucer Men (1957). Tourné en une semaine avec un budget réduit, il fut un des plus gros succès de la fameuse compagnie de distribution et de production AIP et engendra une palanquée de succédanés. Il lança la carrière de Michael Landon (Tony), qui s’auto-parodiera dans l’épisode des Routes du paradis intitulé I Was a Middle Aged Werewolf (1987).
Si les effets spéciaux font aujourd’hui sourire, I Was a Teenage Werewolf tient la route scénaristiquement et Tony le rebel without a cause m’a moins agacé que son probable modèle James Dean. Davantage que le loup-garou, le criminel est le scientifique fou qui le manipule (incarné par l’incontournable Whit Bissell, toujours dans les mauvais coups). Une série B sans prétention plutôt bien goupillé.


Halloween de Rob Zombie (2007)
Michael Myers est un garçon timide régulièrement maltraité par ses camarades, moqué par son beau-père Ronnie et sa grande sœur Judith. Convoquée par le proviseur, sa mère apprend qu’il se venge sur les animaux, qu’il massacre puis photographie. Un pédopsychiatre, le docteur Loomis, est appelé pour le prendre en charge. Le soir d’Halloween, Michael est abandonné par Judith qui l’envoie quémander des bonbons pendant qu'elle couche avec son copain, que Ronnie regarde la télé et que sa mère est partie travailler. En rentrant chez lui, Michael, caché par son masque, décime la maisonnée. Interné sous la surveillance de Loomis, il s’échappe au bout de quinze ans d’enfermement.

Alors que j’ai vu les huit opus de la saga d’origine, je n’avais pas encore eu l’occasion de récupérer les reboots de Rob Zombie et de David Gordon Green. Je débute par les Rob Zombie, peu appréciés par les fans. Halloween version 2007 est un remake du Carpenter de 1978 dont il reprend l’essentiel. Rob Zombie accroit sensiblement le body count et la nudité de façon totalement gratuite, ajoutant une séquence de viol dispensable qui entraîne l’évasion de Michael Myers.
Je suis en train de lire le bouquin de Pascal Françaix Teen Horror: De Scream à It Follows où il explique que les remakes récents ont tendance à humaniser les méchants emblématiques. C’est le cas dans ce Halloween, avec un approfondissement de l’enfance de Michael visant à mieux comprendre ses actes. Le résultat ne m’a pas convaincu, pas tant dans le principe que dans son exécution, certaines scènes se vautrant dans le ridicule. Par ailleurs, tandis que le Carpenter était prenant, la tension est ici absente, les meurtres se succèdent sans qu’on se préoccupe réellement des personnages. Je vais tout de même me coltiner le second par complétisme.
Une remarque pour finir, je ne suis pas d’accord avec Françaix sur son analyse de Loomis chez Rob Zombie, qu’il estime plus fumeux et incompétent que chez Carpenter. Il devrait les revisionner, Loomis a toujours été complètement allumé et celui de Rob Zombie répète souvent mot pour mot des répliques de l’original.


Séries
Pantheon de Craig Silverstein (2023), saison 2
Afin d’éviter que les intelligences uploadées (IU) contrôlent la Terre, les gouvernements ont débranché internet. Avant de remettre le réseau en fonction, ils veulent développer un anti-virus capable de repérer et d’éliminer les IU pour garantir une connexion sécurisée. En parallèle, Caspian bosse avec Logorhythms à corriger la faille qui tue les IU à petit feu. Leur objectif est de créer une IU parfaite, qui pourra réguler les autres et assurer la protection des IU et des humains.

J’attendais beaucoup de cette saison 2, la 1 m’ayant laissé sur ma faim. J’avoue avoir été déçu, j’ai retrouvé les défauts qui m’avaient agacé précédemment, des protagonistes stéréotypés, le cliché du messie, l’idée de la prédétermination génétique, des combats à la Dragon Ball Z… Certes, les deux derniers épisodes, en se projetant dans le futur, apportent de la fraicheur. Excepté l’ultime demi-heure, on reste toutefois dans la logique de l’affrontement IU contre humains, qui tourne en rond au bout de deux saisons. La plupart des personnages m’ont en outre fatigué sur la longueur, que ce soit Caspian le génie introverti avec zéro empathie ou Stephen Holstrom le sous-Steve Jobs très vilain. Ma défiance vis-à-vis des nouvelles technologies n’a sans doute pas aidé, Pantheon n’était clairement pas une série pour moi.


Livres
Dans la prison de Kazuichi Hanawa (Le lézard noir, 2021), 288 p.
En 1995, Kazuichi Hanawa fut condamné à trois ans de réclusion pour détention illégale d’armes à feu et envoyé à la prison de Sapporo sur l’île d’Hokkaidô. Dans la prison dépeint dans le détail son séjour dans ce lieu. Il montre sa vie en cellule, individuelle à la suite d’une punition ou collective avec quatre camarades. Il décrit son emploi du temps, son boulot à l’atelier de menuiserie, les moments de détente ou de repos. Il s’attarde surtout sur les repas, qui structurent totalement les journées, et sur la discipline kafkaïenne, où on peut contrevenir à une règle sans le savoir.

Dans la prison impressionne d’abord par son niveau de précision, avec un portrait méticuleux de tous les aspects du quotidien. Les menus de la semaine ou les types d’uniformes sont répertoriés, l’organisation du travail ou des bains collectifs sont analysées. Cela permet d’appréhender le fonctionnement de l’institution pénitentiaire japonaise de l’intérieur. On constate que la discipline stricte et un système complexe de récompense incitent les prisonniers au calme et à la retenue. Un prisonnier bien sage aura ainsi droit à des séances de cinéma avec friandises et boissons, un accès continu à la télévision et divers avantages de ce genre. Les règles sont supposées être connues sans être jamais explicitées, ce qui amène à des erreurs involontaires comme cet homme expédié en isolement parce qu’il a fait les mots croisés d’un journal devant servir à des générations de détenus. Le ton est léger en dépit des circonstances, la lecture est plaisante et enrichissante. Une jolie réussite, je serais curieux de voir l’adaptation filmée sortie en 2002.


Dans le sillage des corbeaux – Pour une éthique multispécifique de Thom Van Dooren (Actes Sud, collection « Mondes sauvages », 2022), 387 p.
A travers cinq situations d’accrochage entre humains et corvidés, le philosophe Thom Van Dooren se questionne sur les tensions associées à la cohabitation et sur la manière de les résoudre :
• Former une communauté interespèce : Confrontés à un milieu urbain en expansion, les corbeaux de Torres de Brisbane explorent les nouvelles possibilités ouvertes par leur environnement, en mécontentant parfois les résidents.
• Les conflits entre tradition et conservation : La préservation des corneilles de Hawaï sur la grande île de Hawaï entraîne la création de réserves naturelles qui empêchent les autochtones de pratiquer leurs chasses traditionnelles.
• Que faire des espèces exotiques envahissantes ? A Hoek van Holland aux Pays-Bas, à côté de l’immense port de Rotterdam, une quarantaine de corneilles d’Inde s’est établie depuis des décennies. La municipalité a soudainement choisi de les exterminer.
• Comment protéger une espèce face à une autre ? Dans le désert des Mojaves au sud-ouest des Etats-Unis, l’urbanisation a favorisé les grands corbeaux, qui raffolent des tortues du désert en fort déclin. L’élimination des volatiles étant à la fois inutile et impopulaire, une entreprise teste des procédés novateurs pour sauver les tortues en recourant à l’intelligence des corbeaux.
• Réfléchir aux conséquences potentiellement négatives de la conservation : sur l’île de Rota près de Guam, la corneille de Guam est en danger critique d’extinction. Selon certains, la diminution rapide de ses effectifs est le résultat de son statut de protection, qui engendre des difficultés pour les locaux et les poussent à s’en débarrasser.
Outre ces cinq points, l’auteur propose également cinq chapitres succincts centrés sur des caractéristiques comportementales des corvidés : expérimenter ; voler ; coopérer ; fumiger ; offrir.
J’aspirais à un livre d’éthologie bourré d’exemples sur la psychologie des corvidés. Dans le sillage des corbeaux fournit effectivement cela dans cinq courtes parties. Les cinq pans principaux offrent davantage de réflexions philosophiques, la discipline d’origine de Thom Van Dooren. Les cas traités lui servent à examiner des concepts clés liés aux interactions entre humains et animaux : la communauté, l’héritage, l’hospitalité, la reconnaissance et l’espoir. Cette approche m’a ennuyé, j’ai trouvé qu’il brassait beaucoup de vent (notamment dans une introduction interminable avec des notes de bas de pages de plusieurs pages), se répétait et je n’en ai pas retiré grand-chose. C’est dommage car il est passionnant dès qu’il entre dans le concret. A lire en diagonale en sautant les passages philosophico-éthiques relou.


Le marteau de Thor de Patrick Weber (Gulf Stream Editeur, collection « Courants noirs », 2009), 300 p.
Réjouis par le retour du bateau de leur leader Bjorn le brave après un raid en Irlande, les habitants du village de Randheim déchantent quand ils constatent que tous marins à bord sont décédés excepté le pilote. Gravement blessé, celui-ci périt avant d’avoir pu expliquer ce qui leur est arrivé. Profitant de la situation et malgré l’absence du corps de Bjorn parmi les macchabés, l’ambitieux Egill le rusé se déclare aussitôt chef par intérim en attendant que Kern, le fils de Bjorn, atteigne sa majorité. Ce dernier n’est curieusement pas attristé par la disparition de son père, persuadé qu’il est toujours vivant. Mais pourquoi ne se manifeste-t-il pas et laisse-t-il Egill maltraiter Kern et sa mère Freya ?

Patrick Weber est un journaliste, scénariste de BD, animateur et écrivain belge, connu pour ses romans policiers historiques. Trois ans avant Le marteau de Thor, il s’était déjà intéressé à cette période avec Vikings, premier volet de sa trilogie des racines de l'ordre noir. Le marteau de Thor a été conçu pour les jeunes et est d’un ton léger, avec un style simple et un découpage en une multitude de brefs chapitres. Le héros est un ado qui va devoir mener sa propre enquête en évitant de se faire assassiner par un régent pas franchement décidé à céder sa place. Les protagonistes sont assez stéréotypés et manichéens, mention spéciale à l'ultra-conventionnelle belle fille du clan ennemi qui aide Kern pour ses beaux yeux. C’est néanmoins distrayant, avec un arrière-fond historique vivant et une intrigue un peu plus complexe qu’escompté initialement. Si un adulte coutumier du genre restera sans doute sur sa faim, le public adolescent visé est susceptible d’apprécier.


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