samedi 10 août 2024

Carnet de bord 03/08/2024-09/08/2024



Films vus en compagnie
Mrs. Harris Goes to Paris d’Anthony Fabian (2022, Une robe pour Mrs Harris)
En 1957 à Londres, Ada Harris est femme de ménage pour de riches clients. En nettoyant la chambre d’une noble, elle aperçoit une robe Christian Dior et tombe en admiration. Quand elle gagne peu après une forte somme au loto sportif, elle décide d’économiser pour se payer un voyage à Paris et une création de Dior. Elle réussit à réunir suffisamment d’argent et se rend dans la capitale française. A son arrivée chez le couturier, elle est reçue froidement par la directrice, qui n’apprécie guère la venue d’une plébéienne.

Mrs. Harris Goes to Paris est tiré d’un roman de Paul Gallico paru en 1958, le premier d’une tétralogie consacré à la gentille Ada Harris, qui apporte le bonheur aux gens qu’elle croise. L’adaptation modifie un certain nombre d’éléments en ajoutant une grosse dose de romance et de complications afin de générer du suspense. Ce faisant, elle augmente notablement la niaiserie et la banalité de l’ensemble. C’est pourtant un film anglais mais il a été pensé pour l'international et ne lésine pas sur les clichés. Le Paris de 1957 a été tourné principalement à Budapest et les concepteurs n’ont dû consulter de carte de la ville lumière, se contentant d'accumuler des lieux touristiques emblématiques. Dior a contribué au financement, ça se sent, c’est un panégyrique de la compagnie, l’esprit critique a été remisé au placard. A moins d’avoir envie de rigoler à un amoncellement de poncifs sur les Français, on pourra passer son chemin.


Silent Hill de Christophe Gans (2006)
Sharon, fillette adoptée par le couple formé par Rose et Christopher, a régulièrement des accès de somnambulisme où elle part à la recherche d’un endroit appelé Silent Hill. Les crises sont de plus en plus fréquentes et violentes, mettant sa vie en danger. Contre l’avis de son époux, Rose la conduit à Silent Hill, ville fantôme abandonnée à cause d’un grave feu de mine dans les années 70. En s’approchant de la commune, elles sont poursuivies par une policière qui croit que Rose a enlevé Sharon et sont victimes d’un accident de voiture. Rose perd conscience. A son réveil, Sharon a disparu.

Silent Hill est la transposition des fameux jeux vidéo de Konami. Christophe Gans, fan de la série, a dû attendre cinq ans pour obtenir les droits, envoyant un bout d’essai à l’éditeur pour les convaincre. Au départ, son script ne comportait quasiment que des personnages féminins. Les producteurs le refusèrent et il fut contraint d’étendre le rôle de Christopher, qui apparaissait brièvement en préambule et dans l’épilogue. C’est flagrant, les séquences avec lui sont artificielles et cassent l’ambiance sombre et oppressive instaurée par ailleurs. Ce n’est malheureusement pas le seul défaut. Les images de synthèse omniprésentes ont mal vieilli et piquent souvent les yeux. Le dernier tiers est excessivement bavard, avec un long tunnel explicatif pour être sûr que les spectateurs distraits qui se tripotaient au fond de la salle aient tout capté. C’est dommage car la photographie est impressionnante, avec des plans bien creepy.


Tove de Zaida Bergroth (2020)
Tove Jansson est une artiste visuelle complexée par la notoriété de son père, un sculpteur réputé qui la rabaisse en permanence. Elle voudrait être reconnue pour sa peinture mais elle ne réussit pas à percer et doit exécuter des commandes pour payer son loyer. Elle griffonne des dessins pour enfants sur des morceaux de papier, passe-temps qu’elle considère comme sans intérêt. De mœurs libres, elle sort avec un homme marié, un journaliste socialiste dragué durant une soirée. Son existence bascule lorsqu’elle rencontre Vivica Bandler, une metteuse en scène de théâtre bourgeoise dont elle s'éprend follement.

Amateur des Moomins, j’avais eu des échos de la bisexualité de Tove Jansson et j’espérais que cette biographie m’en apprendrait davantage sur l’autrice. Au lieu de cela, Tove se focalise sur une histoire d’amour à sens unique entre une héroïne qui manque de confiance en elle et une femme volage, mentionnant à peine l’œuvre de Tove Jansson. L’influence du père est surévaluée, avec une fin ultracliché de type « en vrai mon papa il était fier de moi », tandis que la mère illustratrice est négligée. Tove a pourtant été très proche d’elle et a déclaré que son style l’avait fortement inspirée. La renommée de Tove est en outre minimisée, sans doute pour accentuer le côté bohème et la différence de classe entre elle et Vivica. En réalité, elle était déjà célèbre quand elles lient connaissance en 1946. Tove est un gros budget pour la Finlande, un grand soin a été apporté à la reconstitution des décors et des costumes. Cela ne suffit pas, la réalisatrice a tiré d’une vie exceptionnelle une romance banale, en s’appuyant sur une trame convenue.


Films vus seuls
Santo contra el cerebro diabólico de Federico Curiel (1963, Santo vs. the Diabolical Brain)
La journaliste Virginia, fiancée de l’inspecteur Fernando Lavalle, est partie à Valle del Rio pour interviewer le dangereux criminel Refugio Canales, qui contrôle la région. Pour obtenir des révélations juteuses, elle s’est déguisée en prostituée et a été embauchée dans un bar possédé par le bandit. Inquiets, Fernando et son adjoint Conrado la rejoignent, habillés en marchands de bétail. Ils sont rapidement repérés par les sbires de Refugio, qui alertent Santo sans le savoir en touchant le bouton de la montre-téléphone de Fernando.

Santo contra el cerebro diabólico est le troisième et ultime volet d’une trilogie avec Fernando et Virginia. Si le Santo contra el rey del crimen était plaisant, avec un récit fondateur du catcheur masqué, Santo en el hotel de la Muerte était quelconque. Santo contra el cerebro diabólico s’apparente malheureusement à ce dernier, avec un Santo encore une fois sous-exploité et une intrigue centrée sur le couple Fernando/Virginia. On est dans un schéma de western avec un vilain qui terrorise un coin paumé et un preux chevalier qui va contrecarrer ses plans. Santo botte quelques popotins sans que sa présence soit franchement justifiée scénaristiquement. Le seul élément mémorable est la performance de Luis Aceves Castañeda en Refugio, excellent en affreux halluciné. Et j’ai apprécié la traditionnelle chanson (il y a toujours une chanson ou une séquence de danse dans les Santo), interprétée par Cuco Sánchez.


The Killer Shrews de Ray Kellogg (1959, Les musaraignes tueuses)
Thorn Sherman et son second Rook ont été engagés pour ravitailler des scientifiques sur une petite île. A leur arrivée, une tempête menace et ils sont contraints de décaler leur départ au lendemain. Thorn est accueilli par le chef du groupe, le docteur Cragis, qui le conduit jusqu’à la maison isolée où ils mènent leurs recherches. Elle est habitée par Ann, la fille de Cragis, ses assistants Jerry et Radford, et leur domestique Mario. A la tombée de la nuit, tout le monde est sur les nerfs. Ann annonce à Thorn qu’une de leurs expérimentations a eu des conséquences inattendues et que des musaraignes géantes errent dans les environs.

The Killer Shrews est une série B tournée au Texas par l’éphémère Hollywood Pictures Corp. Elle fut financée par Gordon McLendon, important propriétaire de chaînes de radio qui apparaît à l’écran dans le rôle de Radford (le producteur Ken Curtis s’étant réservé celui de Jerry). Le reste du casting est composé de James Best (Thorn), le Roscoe P. Coltrane de Shérif, fais-moi peur qui cabotine moins qu’à l’accoutumé ; d’Ingrid Goude (Ana), deuxième dauphine de Miss Univers 1956 ; de Baruch Lumet (Cragis), le père de Sydney Lumet issu du théâtre yiddish ; du mexicain Alfredo de Soto (Mario) ; et du noir américain Judge Henry Dupree, dont la carrière se résume à deux titres. L’ensemble est relativement crédible compte tenu de la maigre expérience de plusieurs entre eux. De façon étonnante, les acteurs noir et latino ne sont pas trop caricaturaux bien qu’ils meurent en premier.
The Killer Shrews est souvent moqué aujourd’hui pour le concept ridicule des musaraignes géantes et pour la faiblesse des effets spéciaux : les créatures sont incarnées soient par des chiens de race Coonhound recouverts d’une serpillère, soient par des marionnettes à gaine de piètre qualité. Nonobstant les gros plans gênants (ce que le metteur en scène a le bon goût d’éviter la majorité du temps), The Killer Shrews est regardable. On est principalement dans un huis-clos tendu correctement goupillé et il n’y a pas de temps mort, chose rare dans les films de bébêtes de cette époque. Une agréable surprise donc. A noter qu’il eut un joli succès dans les drive-in, et qu’une suite apparemment parodique et totalement nulle a été réalisée en 2012, Return of the Killer Shrews avec papy James Best qui rempile en Thorn Sherman.


雪国 [Yukiguni] de Shirô Toyoda (1957, Le pays de la neige)
En 1935 à Yuzawa, village montagneux et enneigé de la préfecture de Niigata, le peintre Shimamura rejoint Komako dans une auberge. Ils se sont rencontrés l’été précédent et sont immédiatement devenus amants. En panne d’inspiration, Shimamura était venu se ressourcer. En l’absence de geishas parties à une célébration, on lui avait envoyé Komako, la fille du professeur de musique. Au moment de leurs retrouvailles, la situation a changé. Komako travaille comme geisha pour subvenir aux besoins de sa famille, son frère adoptif étant gravement malade. Elle est tiraillée entre ses devoirs envers ses proches et sa passion pour Shimamura. Celui-ci a de l’affection pour elle mais n’est pas décidé à abandonner Tôkyô et son épouse.

Yukiguni est tiré du fameux roman éponyme de Yasunari Kawabata, compilation de neuf segments rédigés par l’écrivain entre 1935 et 1947. Pour ce livre réputé d’un auteur éminent, la Tôhô a mis les grands moyens. Elle a confié la direction au spécialiste maison des adaptations littéraires, Shirô Toyoda, très coté dans les années 50 avant de sombrer progressivement dans l’oubli. Au niveau de la distribution, les stars Ryô Ikebe et Keiko Kishi jouent Shimamura et Komako. La photographie dans de superbes décors est assurée par Jun Yasumoto, collaborateur récurrent de Naruse.
Le résultat m’a déçu. Les œuvres de Kawabata sont généralement subtiles et mélancoliques, avec des personnages solitaires en quête de beauté. Ce n’est pas le cas ici. Keiko Kishi minaude de manière outrancière et, pour contrebalancer, Ryô Ikebe exagère son caractère revêche impassible. Yukiguni est bavard, avec une conclusion différente du texte d’origine et pas vraiment convaincante. C’est dommage que la version de 1965 de la Shôchiku soit invisible, j’aurais bien aimé comparer.


Shadows in the Night de Eugene Forde (1944)
Lois Garland frappe à la porte du psychiatre Robert Ordway en plein milieu de la nuit. Elle est fréquemment victime de somnambulisme et s’est récemment réveillé sur la plage sans aucun souvenir. Craignant pour sa vie, elle lui demande de l’accompagner. Le docteur refuse avant de se remarquer qu’elle a été suivie. Cherchant à comprendre ce qu’il se passe, il accepte de dormir chez elle. Durant son sommeil, il est hypnotisé par un gaz, marche vers le rivage et est légèrement commotionné en chutant du haut d’un rocher. A son retour, il aperçoit le corps d’un homme assassiné.

Le docteur Ordway, aussi appelé le Crime Doctor, fut le héros d’un programme de la radio CBS diffusé entre 1940 et 1947. La Columbia le transposa au cinéma en 1943 en dix longs métrages à petit budget, avec Warner Baxter en Ordway. Immense vedette des années 20 et 30, l'acteur se désolait à la fin des années 30 de l’orientation de sa carrière. On lui proposait toujours les mêmes scénarios, avec des femmes beaucoup trop jeunes pour son âge, et il songeait à prendre sa retraite lorsqu’il subit une crise de nerfs en 1941. Il quitta la Fox pour la Columbia, qui lui offrit le rôle d’Ordway au rythme de deux films par an. Parfaitement satisfait par ce contrat, il continua sur cette cadence jusqu’en 1949. Souffrant d’arthrite et de maladies chroniques, il décéda d’une pneumonie en 1951.
Shadows in the Night est un whodunit classique dans sa forme et pas franchement cohérent, sur fond de machination improbable. Il possède en revanche un ton insouciant plutôt sympathique, est assez pêchu et correctement interprété. C’est le type de série B sans prétention à regarder tranquillement en mangeant. Je me rends compte que c’est le troisième épisode, j’essaierai de récupérer à l’occasion les deux premiers.


毒婦お伝と首切り浅 [Dokufu oden kubikiri asa] de Yûji Makiguchi (1977, Decapitation of an Evil Woman)
Oden, fille d’un pauvre fermier, est vendue par son père à des yakuzas pour rembourser des dettes. Tandis qu’ils s’apprêtent à l’emmener à l’arrière pour la violer, elle est secourue par le garde de la salle de jeu, qui corrigent les maffieux et s’enfuit avec elle. Ils sont rapidement capturés par la police et Oden se retrouve seule. Elle se lie avec Ichitarô, un pêcheur devenu voleur qui espère faire fortune à Edo. Leur groupe s’additionne d’un ancien acrobate et d’une nonne défroquée. Ensemble, iels multiplient les braquages et attirent l’attention des autorités.

L’affiche et le titre terriblement racoleurs ne sont pas représentatifs du contenu de cet espèce de Bonnie et Clyde de l’ère Meiji, mélange de comédie, de gangsters, de violence et d’une touche d’érotisme. L’aspect humoristique est le plus surprenant, les quatre criminels tuant des gens sur fond de musique rigolote en ayant l’air de s’amuser. Le projet, qui était censé être un véhicule pour Tomisaburô Wakayama avant qu’il se désiste, vient d’une idée du président de la Toei, Shigeru Okada. Il voulait une histoire inspirée de la vie de Takahashi Oden, la dernière femme à avoir été exécutée par décapitation au Japon. Dokufu oden kubikiri asa sortit en double programme combiné au très noir Nippon no Don: Yabohen (1977), d’où un ton léger pour contrebalancer.
On est dans du pur cinéma d’exploitation des années 70, avec un cocktail de sexe et de violence faciles que je n’apprécie pas des masses. Si on ajoute un humour lourdingue et une intrigue bricolée pour justifier un zeste de drame pendant l’ultime scène de décapitation, on arrive à un résultat qui n’est clairement pas ma tasse de thé en dépit d’une courte durée d’à peine une heure.
A noter que le kanji utilisé pour le terme « couper » inclus dans le mot « décapitation » (kubikiri, littéralement « couper le cou ») est sur l’affiche contre dans le titre officiel fourni par la Toei. aurait dû être employé car il est requis pour les êtres humains mais , plus répandu, a été préféré par le studio.


The Initiation de Larry Stewart & Peter Crane (1984, Vœux sanglants)
Depuis son enfance, Kelly Fairchild fait un affreux cauchemar récurrent dans lequel elle se voit poignarder son père. Un inconnu entre ensuite dans la pièce, se bat, tombe dans la cheminée et s’enflamme. La fréquence de ce rêve a récemment augmenté et elle décide d’analyser ses angoisses dans le cadre de sa dissertation de psychologie. Elle rencontre un prof passionné qui offre de l’aider à l’interpréter. Cela n’enthousiasme guère la mère de Kelly, qui cache un horrible secret.

The Initiation est un slasher vaguement centré sur un bizutage lié à un rite d’entrée dans une sonorité universitaire, d’où le titre. Ce point est tellement annexe que je n’ai pas ressenti le besoin de le mentionner dans mon résumé. C’est surtout un prétexte pour montrer des filles peu habillées et des fêtes étudiantes. Malgré une introduction assez originale pour le genre, The Initiation s’avère être un slasher ultra-conventionnel, avec final girl et révélation finale moisie, qui ne se démarque que rarement du tout-venant de l’époque. Seul l’amateur acharné y trouvera son bonheur.


Livres
Alterscience : Postures, dogmes, idéologies d’Alexandre Moatti (Odile Jacob, collection « Sciences », 2013), 334 p.
Selon Alexandre Moatti, l’alterscience rassemble les « diverses constructions théoriques remettant en cause de manière radicale des résultats importants de la science ou utilisant des arguments scientifiques à des fins idéologiques, religieuses ou personnelles ». Après avoir cerné le phénomène en l’illustrant de multiples exemples, il se penche sur ses manifestations emblématiques : les ingénieurs inventeurs de théories physiques alternatives ; les explications de la religion par la science ; les figures historiques majeures précurseures de l’alterscience ; la science au service de l’idéologie.

Alterscience : Postures, dogmes, idéologies m’a laissé une impression mitigée. D’un côté, Alexandre Moatti maîtrise admirablement son sujet. La documentation est conséquente, j’ai appris pas mal de choses et l’ouvrage permet de délimiter le périmètre de ce qu’est la science. Cela m’a rappelé la nécessité d’une vigilance constante face à des doctrines alternatives : sans les rejeter par principe, il convient de vérifier systématiquement leur méthodologie et leurs ramifications. D’un autre côté, le livre est parfois brouillon dans sa forme. Les premiers chapitres auraient dû être déplacés vers la fin, Alexandre Moatti évoque trop de cas qui seront détaillés par la suite et perd le lecteur. Il manque en outre des précisions sur l’influence des mouvements étudiés : est-ce que l’on parle d’une bande de marginaux qui font mumuse dans leur coin ou de groupes puissants en mesure d’imposer leurs concepts erronés à des institutions ? Quelques éléments enfin m’ont fait tiqué. Critiquer la sociologie des sciences car elle fournit des armes aux adversaires de la science m’a paru dangereux, il ne faut pas arrêter une réflexion féconde sur la façon dont se fabrique la science à cause de ses détracteurs potentiels. Je n’ai pas non plus apprécié qu’il cite Hayek pour attaquer Comte, soulignant qu’Hayek était un scientifique prix Nobel d’économie mais oubliant qu’il était également un idéologue forcené. Si je ne regrette pas ma lecture, je préfère les articles de Stephen Jay Gould consacrés à des alterscientifiques. Il contextualise davantage et propose une approche moins dogmatique.


Le mensonge du siècle de Fabrice Colin (Mango, collection « Autres mondes », 2004), 252 p.
Jason Palomino est un ado surdoué qui mène une existence tranquille dans une famille ouvrière du nord de la France. En participant à un concours, ses parents et lui gagnent un séjour d’un an tout frais payé dans un hôtel de luxe à New York. Jason est transféré dans un lycée de l’élite et se lie d’amitié avec Tim Junior, le fils du président des Etats-Unis, et avec Cool et Sweet, les enfants d’un ancien basketteur millionnaire devenu rappeur. Grâce à Tim, ils pénètrent dans la chambre du président, découvrent une pièce secrète et entendent une réunion confidentielle qui dévoile un plan de fausse invasion extra-terrestre visant à redorer une cote de popularité en berne. Ils ignorent que cette escroquerie va provoquer la réplique de véritables aliens en colère.

Je connaissais Fabrice Colin de nom, il a longtemps traîné dans le milieu du jeu de rôles, sans avoir jamais lu un de ses romans. Il est prolifique depuis une vingtaine d’années et s’est aventuré dans de nombreux genres. Pour Le mensonge du siècle, il s’essaye à la satire pour ados avec une intrigue très Amblin années 80 et Pratchett période Johnny Maxwell. Il y a d’ailleurs beaucoup (beaucoup trop ?) de similarité de mémoire entre Le mensonge du siècle et Le sauveur de l'humanité, c'est toi, premier volet de la trilogie des Aventures de Johnny Maxwell. L’écriture est fluide, agréable, Fabrice Colin se moque avec délectation de Paulo Coelho et de la politique américaine à l’époque de la deuxième guerre en Irak. Ce n’est cependant pas parfait en raison de protagonistes stéréotypés, en particulier les femmes qui sont des mères, des potiches ou des traitresses. J’ai tout de même accroché et je récupèrerai d’autres bouquins de cet auteur à l’occasion.


Palepoli d’Usamaru Furuya (IMHO, 2019), 160 p.
Palepoli est un recueil de yonkomas publiés dans Garo entre septembre 1994 et mai 1996, soit la dernière ère du magazine. Les yonkomas sont habituellement des mangas de quatre cases positionnées à la verticale et humoristique, une sorte de comic strip à la japonaise. Dans Palepoli, les cases sont disposées en carré lues de droite à gauche et de haut en bas. L’humour est terriblement noir, absurde, souvent glauque, empreint de violence et de sexe. Les histoires tiennent généralement sur une ou deux pages, avec des personnages qui se répètent et qui finissent par bâtir un univers bizarre et inquiétant.

Le choix du format yonkoma provient au départ du manque d’expérience d’Usamaru Furuya, qui ne maîtrisait pas le découpage et la narration. Son style est extrêmement léché et varié, avec des planches fréquemment surchargées provoquant un certain malaise. Il joue régulièrement sur la perspective, avec des gags méta amusants (un exemple ci-dessous qui plaira sans doute à M. Martin). Mon sentiment est mitigé, impressionné par la technique mais trouvant qu’il n’avait pas grand-chose à dire et se complaisait dans le trash. Palepoli reste toutefois marquant, à lire pour se forger sa propre opinion. A noter que le travail éditorial d’IMHO est réduit au strict minimum, il n’y a aucune présentation d’Usamaru Furuya ni de contextualisation, c’est regrettable pour une œuvre aussi insolite.



Articles
« The Meiji Restoration Film and the Politics of the Look » de Takafusa Hatori (映画研究 [Cinema Studies], 5, 2010, p.66-87)
Cet article bancal compare la différence de représentation entre les films des années 20 se déroulant durant l’ère Meiji et ceux des années 60. La théorie de Takafusa Hatori est qu’il existe dans les années 60 une volonté révisionniste d’en découdre avec les classiques en modifiant la façon dont le héros regarde le spectateur dans les champs/contrechamps. L’étude porte sur un très petit nombre de cas, l’argumentation ne m’a pas du tout convaincue et je n’ai rien appris de neuf.


« Reformation in Transition: An Overview, 1917-1923 » de Joanne R. Bernardi (茨城大学教養部紀要 [Bulletin of College of General Education of Ibaraki University], 23, 1991, p.123-146)
Joanne R. Bernardi examine trois aspects de la modernisation du Japon entre 1917 et la fin des années 20 : les impacts de l’urbanisation ; les débuts de la censure ; et le rôle des benshi. Les dernières pages, consacrées à un livre du critique Iwao Mori, m’ont moins intéressé.

Le grand tremblement de terre du Kantô en 1923 entraîne la reconstruction de Tôkyô et la montée d’une culture cosmopolite urbaine. Les problèmes liés à l’urbanisation deviennent un sujet récurrent des drames contemporains, qui délaissent progressivement les thèmes du théâtre shinpa au profit d’adaptations de romans japonais. Les jidai-geki s’inspirent également de fictions populaires et gagnent l’estime des intellectuels.
L’influence du cinéma occidental est forte, venant essentiellement des Etats-Unis avec les œuvres de la Bluebird Photoplays, de Chaplin et Intolerance de D. W. Griffith (1916). Cet attrait pour les productions étrangères engendre des réformes avec une nouvelle importance donnée au scénario, des techniques innovantes de cadrage et de montage, et la formation d’acteurs et d’actrices spécifiquement pour le grand écran.

Au niveau politique, la première loi établissant un système national de censure est mise en place en 1925. Elle s’attaque notamment aux drames sociaux et aux mouvements de gauche qui fleurissaient. Ceux-ci s’orientent dès lors vers une diatribe détournée à travers les jidai-geki ou les keikô eiga (keikô signifiant tendance et eiga film, soit les films qui ont des sympathies de gauche en évitant l’engagement explicite). La censure se resserre à la fin des années 30 et les keikô eiga disparaissent. Ils auront introduit une atmosphère réaliste qui sera reprise par des réalisateurs comme Mizoguchi ou Ozu au début des années 30.

Du coté des benshi, leur mainmise n’a pas été affaiblie malgré les condamnations des modernisateurs. Avec l’arrêt du rensageki et du kowairo (procédé qui consistait à imiter la voix d’un acteur, le summum étant le kowairo setsumei où quatre à six benshi généralement dissimulés doublaient en direct les personnages), ils sont mêmes plus puissants que jamais, capables de dicter aux studios le nombre de plans ou la coupe de scènes qui les ennuient.


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