samedi 19 octobre 2024

Carnet de bord 12/10/2024-18/10/2024



Films vus en compagnie
Amintiri din Epoca de Aur – Partea 1 & 2 de Hanno Höfer, Razvan Marculescu, Cristian Mungiu, Constantin Popescu et Ioana Uricaru (2009, Contes de l'âge d'or, parties 1 et 2)
Amintiri din Epoca de Aur est composé de six sketches écrits par Cristian Mungiu et réalisés par différents membres de la Nouvelle Vague roumaine :
La légende de la visite officielle : Un maire et son assistant préparent leur village à l’arrivée de dignitaires.
La légende du photographe officiel : Un photographe et son neveu doivent retoucher en urgence une image du grand leader pris dans une position désavantageuse.
La légende de l’activisme zélé : Un activiste se rend dans une bourgade reculée pour alphabétiser ses habitants.
La légende du policier avide : Un policier récupère un cochon vivant qu’il est obligé de tuer dans son appartement sans éveiller les soupçons de ses voisins.
La légende des vendeurs d'air : Une adolescente rencontre un arnaqueur qui lui propose de l’aider à extorquer des bouteilles pour gagner de l’argent.
La légende du conducteur de poulet : Un conducteur de volailles en froid avec son épouse a le béguin pour une aubergiste célibataire qui tient un restaurant sur son trajet.
Seule la partie 1 de Amintiri din Epoca de Aur a été diffusée en France. Elle ne comporte que les quatre premières histoires, plus courtes (une vingtaine de minutes au lieu de 35), satiriques et centrées sur un concept. Les deux dernières constituent la partie 2. Elles sont davantage axées sur le quotidien de personnages insatisfaits qui transgressent les règles du régime. Ce choix de distribution n’est pas incohérent, il visait un public français potentiellement peu enclin à se déplacer pour un opus roumain de 2h30. J’ai moins accroché à La légende des vendeurs d'air et à La légende du conducteur de poulet, moins incisifs et efficaces que leurs prédécesseurs. Je ne suis en général pas fan des films à sketches, Amintiri din Epoca de Aur n’était pas désagréable mais j’avais largement préféré dans un style similaire 12h08 à l'est de Bucarest.


Willard de Daniel Mann (1971)
Willard est un jeune homme timide qui travaille dans l’entreprise créée par son père et subtilisée à sa mort par son associé M. Martin. Il est brimé par son patron et écrasé par une mère envahissante, qui lui reproche son manque d’ambition. Il se prend un jour d’affection pour une bande de rats présents dans son jardin, en particulier un rat blanc qu’il nomme Socrates. Plutôt que de les exterminer, il commence à les dresser et décide de s’en servir pour se venger de M. Martin.

Quand j’avais vu le remake de Willard il y a une quinzaine d’années, l’original était difficilement trouvable. Je l’ai acheté à sa sortie en blu-ray en 2017, il trainait sur mes étagères et je l’avais oublié. Ce Willard de 1971 est une œuvre curieuse, avec une bonne heure mélangeant drame familial, vague romance, et des touches d’humour et de grotesque. Le jeu d’acteur est outrancier, entre un Bruce Davison débutant sélectionné pour sa capacité à côtoyer les rats et de vieux briscards comme Elsa Lanchester et Ernest Borgnine. On vire finalement dans l’horreur sur la dernière demi-heure, avec deux scènes d’attaques animales assez réussies. Le résultat est bancal, il me semble que la version creepy de 2003 était meilleure (bien que le visionnage de la bande-annonce pas folichonne me fasse douter de ma mémoire).


El lugar de la otra de Maite Alberdi (2024, À sa place)
En 1955 au Chili, l’écrivaine María Carolina Geel assassine son amant dans un restaurant en plein centre de Santiago. L’affaire est confiée au juge Aliro Veloso, qui souhaite la classer rapidement en déclarant l’accusée irresponsable de ses actes. Sa secrétaire Mercedes se passionne immédiatement pour le dossier. Cela l’amène à questionner son existence et sa situation familiale, rabaissée en permanence par ses fils et son mari à cause de sa condition de femme.

El lugar de la otra est tiré du livre Las homicidas (2019) d’Alia Trabucco Zerán sur un fait divers célèbre au Chili. Techniquement, la reconstitution est superbe, avec de beaux décors et costumes, et une magnifique photographie. L’interprétation est solide, Maite Alberdi montre la manière dont les femmes étaient perçues à l’époque, des objets obligatoirement inoffensifs ou dérangés. Je n’ai pourtant pas été complètement convaincu en raison d’un côté lisse et convenu, on a l’impression de rester à la surface des choses sans réellement s’impliquer, à l’image de Mercedes qui fleurte avec la rébellion sans y basculer.


ポプラン [Popuran] de Shin'ichirô Ueda (2022, Popran)
Akira Tagami est le PDG opportuniste d’une entreprise d’édition de mangas à la mode. Un matin au réveil, son appareil génital (nommé popuran, terme a priori inventé pour le film) a disparu. Par le biais d’un QR code trouvé dans les toilettes, il participe à une réunion secrète qui lui apprend les détails de ce phénomène : son sexe s’est envolé, il a six jours pour le capturer avant qu’il ne décède et ne soit perdu à jamais. Pour cela, il va être contraint de contacter les personnes qu’il a écrasé pour réussir, ses parents qu’il a quittés dix ans auparavant, son épouse et sa fille qu’il a abandonnées et son ancien meilleur ami qu’il a viré de sa compagnie.

Popuran est scénarisé et dirigé par Shin'ichirô Ueda, le créateur de l’excellent Ne coupez pas ! (2017). L’idée extrêmement stupide d’attraper un pénis échappé lui trottait dans la tête depuis une dizaine d’années sans qu'il soit parvenu à la concrétiser. Plutôt que de tomber dans l’outrance et le gros n’importe quoi, il traite son sujet sérieusement, la perte d’un attribut majeur de sa masculinité forçant son héros à repenser aux choix toxiques qu’il a effectué pour arriver au sommet. Pas de vastes réflexions philosophiques toutefois, cela demeure de la comédie, avec de nombreuses scènes crétines et un humour gentil très japonais. Sans atteindre le niveau du Ne coupez pas !, Popuran est un divertissement léger et sympathique.


Amelia's Children de Gabriel Abrantes (2023)
Edward est orphelin. Il a grandi aux Etats-Unis sans connaître ses parents et recherche ses origines. Grâce à un test ADN offert par sa copine Riley, il découvre qu’il a un frère jumeau, Manuel, qui lui propose de venir le rejoindre dans la maison familiale au Portugal. Accompagné de Riley, Edward se rend dans la propriété située au cœur d’une forêt reculée. Il y rencontre Manuel ainsi que leur mère, Amelia, une vieille dame défigurée par des excès de chirurgie esthétique. Tandis qu’Edward nage dans le bonheur, Riley s’inquiète de l’étrange relation fusionnelle entre Manuel et Amelia, et remarque des éléments troublants sur le passé de la matriarche.

Amelia's Children est le second long métrage du Luso-Américain Gabriel Abrantes après le délirant Diamantino (2018). Il a été tourné dans un manoir aux abords de Lisbonne et dans le coin de Sintra, essentiellement en anglais avec un casting portugais (excepté l’Américaine Brigette Lundy-Paine qui incarne Riley). Amelia's Children n’a pas l’exubérance de Diamantino malgré son somptueux décor, le maquillage exagéré d’Amelia et le triple rôle de Carloto Cotta qui en fait des caisses en Manuel. Gabriel Abrantes s’est assigné à un récit respectueux du genre, inspiré de Dario Argento ou de Rosemary's Baby (1968), sur fond d’inceste. L’intéressante atmosphère gothisante n’a pas suffi, je n’ai pas aimé en raison d’une intrigue ultra prévisible, qui manque de tension et s’embourbe. J’avoue avoir du mal à comprendre l’enthousiasme de Mad Movies et des Cahiers du cinéma.


Films vus seuls
The Crime Doctor's Diary de Seymour Friedman (1949)
Sur recommandation du docteur Ordway, Steve Carter, inculpé d’incendie volontaire, est libéré sur parole après trois ans de prison. Il clame son innocence et les autorités craignent qu’il ne veuille se venger. A sa sortie, il est attendu par une ex-petite amie qui l’incite à tirer un trait sur le passé. Quand un de ses anciens employeurs est assassiné, il devient le suspect numéro 1. Appelé à la rescousse pour persuader Steve de se rendre, Ordway se lance dans une enquête parallèle.

Rien de révolutionnaire pour cet ultime volet des aventures du docteur Ordway, on retombe dans les rails d’un traditionnel whodunit noirisant avec accusation à tort et femme fatale. Ordway apparaît peu et ne sert pas à grand-chose. C’est une des dernières prestations de Warner Baxter au cinéma, il ne devait déjà plus être en bonne santé (il décèdera de maladie en mai 1951 à 62 ans). Les seconds couteaux ne sont pas mauvais, ça se suit sans déplaisir. De façon générale, cette série B de dix épisodes d’environ une heure du Crime Doctor est faible, il y a clairement mieux dans le même style à cette période en dépit de l’affection que je porte à Warner Baxter.


白と黒 [Shiro to kuro] de Hiromichi Horikawa (1963, Pressure of Guilt)
A la suite d’une dispute, Hamano tue sa maîtresse, l’épouse de son patron M. Munakata, un puissant avocat de Tôkyô. Il s’enfuit sans laisser de traces. Dans la nuit, un cambrioleur est arrêté en possession des bijoux et de l’argent de la victime. Il avoue dans un premier temps uniquement le vol avant d’admettre le meurtre sous la pression du procureur Ochiai. Risquant la peine capitale, il est défendu par maître Munakata, le mari de la défunte, abolitionniste convaincu. Il est épaulé par Hamano qui, pétri de remords, suggère à Ochiai qu’il s’est trompé.

Shiro to kuro se focalise sur l’investigation d’un procureur dans une ambiance sombre et noirisante à la mode à cette époque au Japon, à l’instar par exemple de la série noire de la Daiei. C’est un scénario original de Shinobu Hashimoto, collaborateur récurrent d’Akira Kurosawa qui a également signé l’adaptation du formidable Seppuku de Masaki Kobayashi (1962). Le casting sélectionné par la Tôhô est solide, mené par Keiju Kobayashi en Ochiai et Tatsuya Nakadai en Hamano. Méconnu en Occident, Keiju Kobayashi a tourné dans 250 longs métrages, imposant l’image du brave salaryman doté d’humour et aimant picoler. La direction a été confiée à Hiromichi Horikawa, ancien assistant de Kurosawa et de Naruse.
La mise en place est tendue et assez prenante. Malheureusement, malgré un beau noir et blanc et quelques séquences captivantes, l’enquête s’enlise doucement. La conclusion est ratée, avec un retournement qui ne tient pas la route. C’est dommage, il y avait du potentiel.


ステキな隠し撮り〜 完全無欠のコンシェルジュ〜 [Suteki na kakushi dori -kanzen muketsu no concierge-] de Kôki Mitani (2011, A Flawless Concierge)
Mie Saijo est concierge depuis un mois dans un grand hôtel. Elle doit satisfaire les exigences farfelues des clients sans protester. En quelques semaines, elle va notamment inspirer un chorégraphe de comédie musicale, encourager un réalisateur dépressif, poser pour un photographe exhibitionniste, préparer des gnocchis pour une prof de cuisine qui n’a jamais mis la main à la pâte, retrouver la boucle d’oreille d’une call-girl dont l’amant vient de décéder d’une crise cardiaque, aider un contorsionniste à entrer dans une boîte… Sans le savoir, elle est observée par des caméras cachées dans la suite de luxe.

Ce téléfilm de Kôki Mitani a été produit à l’occasion de la sortie au cinéma de Suteki na Kanashibari (2011, A Ghost of a Chance). Il utilise la même distribution et la même chanson, Once in a Blue moon. La qualité est cependant loin d’être identique. Alors que Suteki na Kanashibari était une comédie plaisante et dynamique, Suteki na kakushi dori -kanzen muketsu no concierge- est franchement poussif. Les sketches axés sur Mie Saijo s’enchaînent sans rapport entre eux, les interprètes en font des tonnes (y compris Kôki Mitani dans son propre rôle), l’humour est forcé… C’est sans doute l’œuvre la moins réussie de Kôki Mitani que j’ai vue jusqu’à présent.


口裂け女 [Kuchisake-onna] de Kôji Shiraishi (2007, La femme à la bouche fendue)
Dans les écoles circule la légende urbaine de la femme à la bouche fendue. Affublée d’un masque chirurgical et d’une longue paire de ciseaux rouillés, elle enlèverait les enfants dans les parcs. Quand deux garçons affirment qu’elle a kidnappé un de leur camarade, la police songe à un copycat. Les mesures s’avèrent insuffisantes, une adolescente disparaît à son tour dans des circonstances similaires sous les yeux de sa professeure effarée. Se sentant responsable, celle-ci se lance à la poursuite du monstre, épaulé par un homme capable de la localiser.

Bien que parfois rattachée à un esprit vengeur (onryô) de l’ère Edo, la légende de la femme à la bouche fendue (kuchisake-onna en japonais) date probablement des années 1970, apparue dans la préfecture de Gifu au centre du Honshû. Elle est peut-être liée à un fait divers, une inoffensive échappée d’un hôpital psychiatrique qui appliquait bizarrement son rouge à lèvres. Dans la version initiale du mythe, la femme à la bouche fendue portait un masque chirurgical et demandait aux gens si elle était belle. Une réponse négative entraînait une attaque immédiate, une réponse positive lui faisait retirer son masque puis bondir sur son interlocuteur pour tenter de lui ciseler un sourire. Le long métrage reprend ces composants en la transformant en persécutrice de gamins et en ajoutant un sous-texte sur la violence maternelle. Le résultat est décevant. Malgré son potentiel de creepitude, Kuchisake-onna peine à dépasser son concept, le récit ne décolle pas, il y a zéro tension et les acteurices manquent de charisme. Dommage.


El Barón Brákola de José Díaz Morales (1967, Santo vs. Baron Brakola)
Le baron Brakola se réveille après un sommeil de deux siècles, décidé à venger la mort de sa bien-aimée sur les descendants de son assassin, le chevalier au masque d’argent. Une nuit, dans le stade où Santo a combattu, Brakola saute sur Luis le gardien. Santo surgit pour défendre ce dernier, repoussant l’agresseur qui se volatilise mystérieusement. Luis raconte alors à Santo l’histoire de Brakola le vampire.

Ce quatrième et ultime Santo produit par Luis Enrique Vergara emploie le même schéma que El hacha diabólica, avec une bonne partie du métrage consacré à un flash-back sur un ancêtre de Santo. Son apport à la Santologie est nul, il ne capitalise curieusement pas sur les éléments développés chez son prédécesseur, le chevalier au masque d’argent utilise un loup à la Zorro et non l’emblématique cagoule du catcheur. C’est le plus faible des quatre Vergara en dépit de bastons énergiques, le méchant Brakola (aucun lien avec un certain comte Dracula) étant joué par Fernando Osés, un ancien luchador qui a scénarisé pas mal de Santo (dont El Barón Brákola) et qui incarne régulièrement des seconds couteaux. La copie que j’ai récupérée était abominable, ce qui n’a pas aidé. Seule note amusante, Santo est aussi infirmier, il sait diagnostiquer et faire une transfusion sanguine en cas de besoin. C’est pratique.


Séries
Scott Pilgrim Takes Off de Bryan Lee O'Malley & BenDavid Grabinski (2023, Scott Pilgrim prend son envol), 8 épisodes
Scott Pilgrim est un bassiste de Toronto au chômage. Il vit chez un ami gay, Wallace, sort avec une lycéenne de 17 ans et répète avec son groupe Sex Bob-omb. Lors d’une fête, il rencontre Ramona Flowers, la fille de ses rêves (littéralement, Ramona apparaissant dans un songe récurrent de Scott). Il s’arrange pour la revoir, c’est le coup de foudre et ils couchent ensemble. Le lendemain, il apprend l’existence d’une ligue des ex-maléfiques qui empêche quiconque de sortir avec Ramona. Durant son duel contre le premier ex, Matthew Patel, Scott est tué.

L’épisode 1 de Scott Pilgrim takes off débute exactement comme le Scott Pilgrim de 2010 d’Edgar Wright. Sauf qu’au lieu de vaincre Matthew Patel puis d’affronter les ex les uns après les autres, Scott disparait. Ramona et ses ex deviennent les protagonistes principaux, la série se concentre sur leurs histoires en étoffant ces personnages qui n’étaient qu’esquissés dans le film. Les interprètes d’origine reprennent leurs rôles pour le doublage. Coproduction nippo-américaine, le style graphique se situe entre le comics et le manga. Si Scott Pilgrim takes off est scénaristiquement plus complexe et moins manichéen que l’opus d’Edgar Wright, il perd en excentricité graphique et en dynamisme. J’ai trouvé les combats mous du genou, il y a un manque de rythme patent et je me suis souvent ennuyé.


Livres
Fatum de Poul Anderson (Le masque, collection « Science fiction », 1977), 250 p.
Duncan Reid, un architecte américain de 1970 en pleine croisière dans le Pacifique, est soudain projeté dans le désert égyptien. Il a pour compagnon d’infortune un marchand russe du Moyen-Âge, un cavalier Hun du IVe siècle et une prêtresse d’une civilisation mystérieuse. Celle-ci, nommée Erissa, semble le reconnaître. En fouillant aux alentours, ils aperçoivent un vaisseau dont le pilote, avant de mourir, leur fournit un casque permettant d’apprendre instantanément la langue d’un autre individu. Ramassés sur la plage par un bateau grec, ils découvrent qu’ils ont atterri au IIe millénaire avant J.-C, peu avant la destruction de l’Atlantide.

Après l’imparfait La patrouille du temps et le sympathique Trois cœurs, trois lions, je continue avec les Poul Anderson traitant du voyage temporel. Malheureusement, Fatum est clairement le plus faible. L’idéologie conservatrice de l’écrivain transparaît ici fortement dans ce récit centré sur son héros ricain de 40 ans qui suscite l’adoration d’une Erissa pourtant largement supérieure à lui physiquement et intellectuellement. On atteint le summum du creepy quand Duncan se retrouve avec une version jeune d’Erissa (17 ans au lieu de la quarantaine), qu’il préfère « évidemment » à l’adulte. S’ajoute à cela une fascination pour les arts de la guerre et pour les régimes autoritaires. On pourra donc passer son chemin.
A noter ci-dessous un abominable dessin d’une édition américaine, digne d'une couverture de littérature à l’eau de rose avec Fabio Lanzoni. En même temps, ce n’est pas si éloigné de la nature de cette mauvaise romance mâtinée de SF.

Génocides tropicaux – Catastrophes naturelles et famines coloniales. Aux origines du sous-développement de Mike Davis (La découverte, collection « Poche », 2006), 480 p.
Génocides tropicaux examine la responsabilité respective du climat et des structures politico-économiques dans les catastrophes et famines qui se sont succédées hors du monde occidental entre 1870 et 1900. Mike Davis divise son étude en quatre pans :
• Les deux premiers s’attèlent à la description circonstanciée de la grande sécheresse de 1876 à 1878 et des épisodes violents d’El Niño entre 1888 et 1902, en se focalisant sur l’Inde, la Chine, le Brésil et diverses régions du continent africain. L’auteur montre l’inaction des gouvernements, gérés par les colonisateurs ou sous le joug de l’Occident, et les méfaits d’une idéologie libérale.
• Il se penche ensuite sur le phénomène ENSO (El Niño Southern Oscillation) en revenant sur sa découverte et l’état des recherches sur le sujet.
• Il minimise enfin l’influence de la météo en soulignant le rôle des politiques à travers trois exemples : la Chine, l’Inde et le Brésil. Un Etat chinois fort au milieu du XVIIIe siècle a ainsi pu juguler les famines tandis que le même régime, affaibli par l’Occident, les luttes internes et la corruption, a été totalement débordé à la fin du XIXe siècle.
Cet ouvrage minutieux m’a beaucoup appris sur les famines, épidémies et inondations de la fin du XIXe siècle qui ont causé des millions de morts et qui sont à peine mentionnées dans les livres occidentaux. Il présente néanmoins certains défauts pour un lecteur dilettante. Le volet historique est extrêmement détaillé, trop à mon goût, chaque évènement ayant droit à plusieurs citations d’époque, alourdissant un contenu déjà dense. La section climatique est également très longue, digne d’un bouquin de vulgarisation scientifique, et j’avoue que cet aspect ne m’a pas passionné. Sur le plan idéologique, Mike Davis adopte une approche plutôt marxiste anti-libérale qui n’est pas toujours pertinente, les cas de l’Inde, de la Chine et du Brésil étant trop différents pour un cadre théorique unique. Il relativise d’ailleurs dans sa quatrième partie, notamment pour le Brésil où le racisme et le classisme ont été des facteurs plus profonds, et pour la Chine où la passivité a surtout été lié à une incapacité d’un Etat défaillant à agir. Nonobstant ces soucis et son âge (l’édition américaine date de 2001), Génocides tropicaux reste un texte important et enrichissant, qui donne envie de creuser l’Histoire de ces périodes noires oubliées de nos jours.


Revues
Mad Movies n°386 – Octobre 2024
Bien qu’il soit agréable à lire, le dossier consacré aux origines de l’image négative du clown pour la sortie de Terrifier 3 ne m’a pas appris grand-chose. J’ai davantage apprécié l’entretien avec Lamberto Bava, je ne suis pas fan de son œuvre mais c’est un des derniers survivants de l’âge d’or du cinéma d’horreur italien.

Du côté des nouveautés, c’est maigre. Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton (2024) ne fait pas rêver, idem pour Joker : folie à deux (2024) ou le français The Substance (2024) qui semblent assez vains. Et je ne ferai aucun commentaire sur le remake de The Killer situé en France par un John Woo aux abois. Le film d’animation letton Flow (2024) ayant pour héros des animaux qui ne parlent pas dans un monde post-apo a l’air en revanche excellent. Je note aussi The Devil’s Bath, long métrage autrichien flirtant avec le fantastique sur une femme dépressive dans l’Autriche du XVIIIe siècle.


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