Films vus en compagnie
Spontaneous de Brian Duffield (2020, Adolescence explosive)

Par son mélange de genres, Spontaneous se démarque du tout-venant. Démarrant comme un teen movie horrifique mâtiné d’une histoire d’amour, il bascule soudain dans le drame. Il conserve cependant des touches typiquement hollywoodiennes, notamment la voix off sarcastique de Mara et une conclusion convenue. Bien que sorti en octobre 2020 et traitant d’une étrange maladie mortelle, Spontaneous date d’avant le covid, avec un tournage commencé en 2018 et adaptant le roman éponyme d’Aaron Starmer publié en 2016. Les interprètes sont bons quoique parfois agaçants, que ce soit Katherine Langford (aperçue dans Love, Simon (2018) ou Knives Out (2019)) en Mara, Charlie Plummer (Moonfall (2022), faut payer ses impôts) en Dylan ou Hayley Law en meilleure amie de Mara. Sans être parfait, c'est un divertissement plaisant qui change un peu des comédies romantiques classiques.
Adventures in Babysitting de Chris Columbus (1987, Nuit de folie)

Si le nom de Chris Columbus est tellement associé aux années 80, ce n’est pas tant pour ses réalisations (Maman, j'ai raté l'avion ! date de 1991) que pour ses scénarios, ayant successivement écrit Gremlins (1984), Les Goonies (1985) et Le secret de la pyramide (1985). Adventures in Babysitting marque ses débuts derrière la caméra, sur un script de David Simkins qui voulait faire une espèce d’After Hours (1985) pour ados. C’est assez réussi dans le style, terriblement années 80 dans les costumes, les décors et les situations, avec une galerie de personnages hauts en couleur et un humour gentil. Pour la diffusion à la télévision, Disney, qui détient les droits, a modifié les insultes (homo devient weirdo, bitch witch, fuck fool…), altérant une des répliques culte. Cela ne m’a pas dérangé, j’ai apprécié cette facétie régressive que je n’avais curieusement jamais vue.
The Woman Condemned de Dorothy Davenport (1934)

Dorothy Davenport fut une des rares réalisatrices hollywoodiennes des années 20-30, également comédienne, productrice et scénariste. Elle était la veuve de Wallace Reid, un fameux acteur et cinéaste accro à la morphine. Son premier film, Human Wreckage (1923), porta d’ailleurs sur les dangers de la drogue. Son ultime opus, The Woman Condemned, n’aborde pas les sujets sociaux qu’elle affectionnait. C’est un banal whodunit désargenté, typique des séries B issues de la Poverty Row. En dépit de l’absence de vedette, la distribution est convaincante, avec notamment un Mischa Auer qui n'avait pas encore percé. Le reste n’est malheureusement pas du même acabit, avec une intrigue bancale et un manque de rythme. Nonobstant son importance historique en tant qu’exemple précieux de mise en scène effectuée par une femme à cette époque, The Woman Condemned n’est donc pas d’un grand intérêt.
Nowhere d’Albert Pintó (2023)

Nowhere est un survival espagnol, coproduction Netflix qui a cartonné sur la plateforme de streaming. Je ne sais pas pourquoi car c’est franchement mauvais. Visuellement, c’est bourré d’effets prétentieux, ralentis, plans aériens pour faire classe, jeux de lumière… C’est en outre abominablement prévisible, ne lésinant pas sur les facilités et les incohérences pour générer un suspense à deux sous. Le tout est accompagné d’une musique pompeuse qui tente de créer du drame et de l’épique. Dans le genre, je préfère largement Paul Dano et le cadavre qui pète.
Adeus, Pai de Luís Filipe Rocha (1996, Goodbye, Father)

Adeus, Pai est écrit et réalisé par Luís Filipe Rocha, dont c’est le septième long métrage. Il a été coproduit par la RTP. Dans la seconde moitié des années 90, les chaînes de télévision investirent dans des œuvres grand public facilement diffusables sur le petit écran, qui se démarquaient de l’intellectualisme caractéristique du cinéma portugais.
Filipe suit un classique parcours d’apprentissage, découvrant la vie et un géniteur qu’il finit par accepter et aimer. On se situe dans le genre que ma copine appelle « Papa ! », centré sur l’importance pour le héros ou l’héroïne d’un père absent/dilettante qu’iel apprend à connaitre sur le tard. Ce cliché exaspérant est rendu tolérable ici grâce à une narration simple et sensible agrémentée d’une chanson composée pour l’occasion par le groupe Delfins, une excellente interprétation, et une superbe photographie dans les pittoresques paysages açoriens. Un retournement final apporte un autre regard sur ce qui précède, permettant à Adeus, Pai de se distancier du schéma « Papa ! » habituel. Une jolie réussite malheureusement oubliée et trop rare dans le cinéma portugais contemporain.
Films vus seuls
夏子の冒険 [Natsuko no boken] de Noboru Nakamura (1953, Natsuko’s Adventure in Hokkaido)

Natsuko no boken est le second film en couleur japonais, deux ans après Carmen revient au pays (1951) également produit par la Shôchiku. Il a eu le droit à une belle restauration mais les bobines utilisées étaient incomplètes et certaines séquences n’ont pu être récupérées. Sur 1h35 de pellicule, il y a une quinzaine de minutes où des intertitres sur des cartons noirs remplacent les images et environ sept minutes sans le son. Natsuko no boken a été tourné à Hokkaidô par Noboru Nakamura, un ancien assistant de Yasujirô Shimazu qui fit l’intégralité de sa carrière à la Shôchiku. Même s’il est visuellement plus séduisant que Hana no naka no musumetachi, les maquillages tirent trop sur le rouge. Le Fujicolor a généré de multiples problèmes, les techniciens devant employer des filtres colorés pour différencier les lumières intérieures et extérieures, avec des résultats mitigés qui poussèrent la Daiei à solliciter les Américains d’Eastman Kodak.
Natsuko no boken est l’adaptation du septième roman de Yukio Mishima, paru d’août à novembre 1951 dans le Asahi Weekly. Le couple principal, constitué de Rieko Kano (Natsuko) et Masao Wakahara (Tsuyoshi), est moyennement convaincant. Au début des années 50, ils étaient tous les deux au pic de leur popularité et furent largement oubliés par la suite. L’histoire n’est pas progressiste, Natsuko est la citadine riche et agaçante, Tsuyoshi le mec viril qui sait imposer le respect, les femmes sont ridicules et il est dit explicitement que rien ne vaut une bonne raclée pour élever les enfants. La vingtaine de minutes manquante est par ailleurs assez frustrante. Natsuko no boken est à réserver aux complétistes.
Santo vs. la invasión de los marcianos d’Alfredo B. Crevenna (1967, Superman contre l'invasion des martiens)

Santo vs. la invasión de los marcianos, diffusé en France sous le titre loufoque de Superman contre l'invasion des martiens, est un des deux Santo produit par Alfonso Rosas Priego, conjointement avec Santo vs. los villanos del ring (1968). Il se distingue de ses prédécesseurs sur nombre d’aspects : encore plus que chez les Luis Enrique Vergara, Santo est central, pas le deus ex machina d’un couple de héros ; sur les trois combats de catch, le premier se déroule dans une salle d’entrainement, le second voit Santo en grande difficulté (il est même démasqué, heureusement il portait un masque sous son masque), le troisième a lieu dans un stade vide ; tout en étant truffé d’incohérences et souvent stupide, la trame est d’une inhabituelle complexité, proche des série B de SF américaines des années 50. Les bastons sont étonnamment violentes, les méchants tentent de briser les bras de Santo, le bourrent de coups de tatane quand il est à terre… C’est donc un Santo original et plutôt distrayant.
A noter l'affiche affreusement mensongère, sans rapport avec le récit, pompée sur celle de Robinson Crusoe on Mars (1964) ci-dessous.

女狐怪奇伝説 妖女メロン [On'na kitsune kaiki densetsu: Yôjo meron] de Masayuki Kusumi (1987, Yôjo melon)

On'na kitsune kaiki densetsu: Yôjo melon, ou simplement Yôjo melon, est un moyen métrage de 42 minutes peut-être créé comme matériel promotionnel pour un groupe de musique. C’est la seconde des deux réalisations de l’artiste Masayuki Kusumi, également scénariste réputé de mangas. La première était le troisième volet de la crapoteuse série des Guinea Pig, sept films d’horreur gore et provocateurs sortis au Japon entre 1985 et 1992. Yôjo melon mentionne Guinea Pig à deux reprises, un personnage citant le nom explicitement et via un extrait sur un écran de télévision. C’est extrêmement fauché, avec des effets spéciaux bricolés et des interprètes essentiellement non professionnels (à l’exception de Yuki Ninagawa, qui a surtout œuvré dans l’épouvante à petit budget à l’instar d’Agi kijin no ikari (1984) ou Ubawareta Shinzo (1985)). Il était à initialement en 3D, d’où des angles de caméra parfois étranges. Ce n’est pas franchement bon, c’est une bizarrerie amusante disponible sur YouTube avec des sous-titres anglais.
Livres
Cryptozoïque de Brian Aldiss (Presses Pocket, collection « Science-fiction », 1986), 252 p.

C’est mon second bouquin de Brian Aldiss après Le monde vert dont je n’ai pas le moindre souvenir. Ce sera sans doute mon dernier. Oh que c’était pénible. Outre des femmes réduites à des rôles d’amantes ou de mères, stéréotype classique de la SF de cette période, et un héros déplaisant fasciné par l’inceste et en constant monologue intérieur, l’idée centrale de l’ouvrage est complètement débile. Attention, je vais spoiler à fond les ballons : l’humain perçoit le temps à l’envers. En réalité, ce qu’on pense être notre mémoire est de la précognition, les êtres vivants naissent à partir de corps en décomposition et meurent en réintégrant le ventre de leur mère… L’auteur tente pendant des pages de justifier son truc avec des arguments bidons, il aurait dû balancer un TGCM et s’arrêter là. Il termine sur un twist galvaudé façon « hum, si ça se trouve tout ceci n’était que le délire d’un fou… Ou pas… ». Rien à sauver.
Revues
L'oiseau Magazine n°156 – Automne 2024

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