Films vus en compagnie
Przyjaciel wesołego diabła de Jerzy Lukaszewicz (1987, Friend of the Jolly Devil)

Przyjaciel wesołego diabła est une adaptation d’un livre de Kornel Makuszyński, un spécialiste de littérature jeunesse très populaire en Pologne dans les années 1920 et 1930. Il est doté d’effets spéciaux rustiques assez sympathiques dans l’ensemble, dans un style évoquant par moments L'Histoire sans fin (1984) en version fauchée. La première partie avec Witalis est sombre et mélancolique, avec un rythme lent. Cela évolue quand Janek part à l’aventure avec un Piszczałka qui baragouine en permanence : le masque de la créature empêchant un véritable mouvement des lèvres, le doubleur se lâche et débite des âneries. A cela s’ajoute un humour puéril parfois pénible et une succession chaotique de péripéties. Przyjaciel wesołego diabła plaira probablement aux plus jeunes, je suis de mon côté un peu vieux pour ces bêtises.
Providence d’Alain Resnais (1977)

Fidèle à ses habitudes, Alain Resnais s’amuse avec les techniques de narration en s’intéressant cette fois au processus de création littéraire. Il montre aux spectateurs les doutes d’un auteur, critique sur ses idées et dont l’inconscient, la fatigue aidant, prend le dessus et contamine le récit en l’imprégnant de ses remords et de sa peur de la mort.
Si le concept est passionnant, son application est discutable. Clive commente en voix-off les images de façon souvent égrillarde et vulgaire, on a l’impression de regarder le film assis à côté d’un tonton gênant. J’ai davantage apprécié les touches absurdes, à l’instar de ce footballeur surgi de nulle part ou des changements de décors intempestifs. Le titre Providence se veut un hommage à Lovecraft, vague inspiration de Resnais dans sa recherche d’une atmosphère lugubre. Il y a également des bizarreries, des loups-garous, des milices issues d’une première mouture du scénario et un dernier acte solaire en rupture avec ce qui a précédé. C’est au final une œuvre insolite et imparfaite où Resnais explore de nouveaux horizons en trébuchant régulièrement.
智齒 [Zhi Chi] de Soi Cheang (2021, Limbo)

Hors quelques coups d’éclat au début des années 2000 grâce à Johnnie To et Stephen Chow, le cinéma hongkongais ne s’est jamais remis du double choc de 1997, année de la crise asiatique et de la rétrocession à la Chine. Je l’ai perdu de vue depuis pas mal d’années et j’étais curieux de voir ce Limbo de Soi Cheang, un réalisateur prometteur de la péninsule qui s’était égaré ces dernières années dans de lamentables blockbusters chinois. Il nous offre ici un polar hardboiled qui fleure bon les années 80 avec son duo de flics brutaux, son ambiance poisseuse, son Hong Kong chaotique et sale.
Esthétiquement, Limbo est superbe, avec un magnifique noir et blanc qui transcende les séquences sous la pluie. L’action est lisible, dynamique, la violence est glaçante et Soi Cheang maintient la tension tout du long. La trame est en revanche extrêmement classique et stéréotypée, avec un méchant raté et une scène de viol inutile et interminable. Je ressors donc avec un sentiment mitigé, il y a du potentiel et j’essaierai de récupérer les récents Mad Fate (2023) et City of Darkness (2024).
Shimmer Lake d’Oren Uziel (2017)

Sur le papier, Shimmer Lake est un énième thriller néo-noir à l’humour pince sans-rire façon frères Coen des années 80-90. Son originalité vient de son mode de narration à rebours sur quatre jours, du vendredi au mardi précédent, chaque partie s’ouvrant sur le réveil brusque d’un protagoniste et s’achevant sur un décès. On adopte une chronologie inversée à la Memento (2000) ou Peppermint Candy (2000), procédé rarement exploité sur grand écran en dépit de ces exemples notables. Si cela ne le rend pas inoubliable pour autant en raison d’une intrigue éculée et de situations vues mille fois ailleurs, Shimmer Lake reste un agréable divertissement avec une distribution solide sans vedette et quelques passages amusants.
Los tallos amargos de Fernando Ayala (1956, Un meurtre pour rien)

Je poursuis mon exploration du cinéma argentin des années 50 avec Los tallos amargos, un autre pur film noir restauré sous la houlette de la Film Noir Foundation. On est cette fois dans le schéma de l’anti-héros antipathique qui s’enfonce dans une spirale infernale en accumulant les mauvais choix. Techniquement, c’est impeccable avec de beaux clair-obscur (essentiellement dans la deuxième moitié) et une magnifique photographie de Ricardo Younis, un élève de Gregg Toland (le directeur de la photographie de Citizen Kane) ; un montage efficace avec flash-back et monologue intérieur pas trop relou ; une musique judicieusement employée ; et des interprètes meilleurs que dans La bestia debe morir. Pas de femme fatale en revanche, plutôt un homme fatal nommé Alfredo. La réalisation est assurée par Fernando Ayala, une figure majeure du cinéma argentin qui créa en 1956 sa société de production Aries Cinematográfica Argentina et qui continua à sortir régulièrement des longs métrages dans la période trouble des années 70 et 80.
Alors que tout semble parfait, j’ai eu des difficultés à entrer dans Los tallos amargos, peut-être à cause d’un Alfredo détestable dès le départ. La trame est prévisible, d’autant plus avec le titre français extrêmement mal pensé (la traduction littérale Les tiges amères eut été préférable), et je n’ai commencé à accrocher que quand Alfredo franchit le point de non-retour. Cela mérite néanmoins le coup d’œil et ravira les amateurs de films noir en quête de nouveauté.
Πράσινη Θάλασσα [Prasini thalassa] de Angeliki Antoniou (2020, Mer verte)

Je connais peu le cinéma grec excepté deux-trois classiques de Theo Angelopoulos. Tiré d’un livre d’Eugenia Fakinou paru en 2006, Mer verte décrit une histoire simple dotée d’une ambiance chaleureuse, variation féminine et méditerranéenne de L'homme sans passé d’Aki Kaurismaki (2002). S’y greffe une galerie de personnages secondaires (un vieux peintre, un ouvrier dragueur, une coiffeuse jalouse et son assistante…) réunis par Anna et sa cuisine. Il ne faut pas s’attendre à de grandes révélations sur le passé d’Anna ou à des effusions, le but d’Angeliki Antoniou semble de trainer avec ses protagonistes en montrant de bons plats et comment Anna se reconstruit tranquillement. Malgré un Roula caricatural en patron bourru, le résultat est gentiment plaisant, une douce réflexion sur la solitude et la mémoire.
Films vus seuls
Asesinos de Otros Mundos de Rubén Galindo (1973, Murderers from Other Worlds)

Asesinos de Otros Mundos est l’unique Santo produit par Pedro Galindo Aguilar, qui a confié la réalisation à son fils Rubén Galindo. L’intrigue assez dynamique est bourrée d’incohérences, avec de gros raccourcis scénaristiques et la présence de deux grands méchants. Le problème majeur est cependant ailleurs. Je suis très tolérant envers les effets spéciaux fauchés mais là on atteint ma limite. Le tueur est une créature de la Lune qui se multiplie au contact de l’air pour constituer une sorte de masse informe dans un plagiat assumé de The Blob (1958). Sauf que son prédécesseur hollywoodien déployait des trucages rigolos, ce n’était pas juste Roberto et Mauricio qui gigotent sous une bâche marronasse… La poursuite finale est à ce titre un summum de ridicule, avec Santo accompagné d’un vieux scientifique et d’une femme à la cheville foulée talonnés à deux à l’heure par le monstre et acculés dans un cul-de-sac en pleine nature ! Au moins, ça m’a fait marrer.

AAHHHH ! Des mauvais effets spéciaux nous attaquent !
El hombre sin rostro de Juan Bustillo Oro (1950, The Man Without a Face)

El hombre sin rostro se situe dans la lignée des films hollywoodiens centrés sur la psychanalyse, sujet à la mode dans les années 40-50. Il propose ainsi trois scènes de rêves, un classique du genre, dans des décors enfumés légèrement expressionnistes. Ça débute sur de bonnes bases avec une atmosphère noirisante incluant flashback, voix-off, personnages tourmentés et détective cynique. Malheureusement, l’enquête policière est remplacée par un drame freudien nase tournant autour du cliché de la mère possessive. Arturo de Córdova, un acteur pourtant charismatique, surjoue, la voix-off omniprésente est lourdingue et la chute est ultra-prévisible. Dommage, il y avait du potentiel.
日本誕生 [Nippon Tanjô] de Hiroshi Inagaki (1959, La naissance du Japon)

Nippon Tanjô est une superproduction à grand spectacle tirée du Kojiki. Elle mêle l’histoire du héros légendaire Yamato Takeru et quelques mythes fondateurs, notamment la réclusion d’Amaterasu dans la grotte d’Amano-Iwato ou le combat de Susanoo contre le dragon à huit têtes Yamata-no-Orochi. Cette séquence est d’ailleurs la meilleure du métrage, avec un monstre fabriqué par Eiji Tsuburaya, le créateur de Godzilla et superviseur de la majorité des trucages à la Tôhô dans les années 50-60.
La distribution est impressionnante, regroupant les stars de la Tôhô de l’époque. Outre Toshirô Mifune dans le double rôle Yamato Takeru/Susanoo, on aperçoit côté féminin Kyôko Kagawa, Setsuko Hara ou Kinuyo Tanaka ; côté masculin Takashi Shimura, Ganjirô Nakamura prêté par la Daiei, Ken'ichi Enomoto, Kôji Tsuruta, Akira Takarada, Akihiko Hirata… La musique est assurée par l’incontournable Akira Ifukube, le compositeur du thème de Godzilla, et la réalisation par Hiroshi Inagaki, un rénovateur du jidai-geki dans les années 30 qui sombra progressivement dans l’académisme.
Nippon Tanjô ne brille pas par son originalité, le producteur Tomoyuki Tanaka reconnaissant s’être inspiré des Dix Commandements de Cecil B. DeMille (1956). C’est une fantaisie épique et religieuse qui enchaîne les épisodes les plus fameux du Kojiki en supprimant leurs aspérités, à l’image d’Ouso qui exile son frère au lieu de l’occire. C’est affreusement long (3 heures), très convenu, avec moins d’effets spéciaux que ce que j’escomptais malgré un budget colossal. Cela n’empêcha pas Nippon Tanjô de cartonner dans les salles et d’être exporté aux Etats-Unis en 1960 dans un montage de 1h52.
Konec srpna v hotelu Ozon de Jan Schmidt (1967, Fin août à l'hôtel Ozone)

Konec srpna v Hotelu Ozon est un étrange objet pessimiste et nihiliste, qui estime qu’en l’absence de société nous sommes condamnés à plonger dans la barbarie. Jugé trop désespéré par les autorités, il fut rangé dans les placards en 1968 après l’échec du Printemps de Prague. Le rythme est lent, la trame est simple, on se limite à une petite bande de personnages dans des décors en extérieur et un beau noir et blanc rugueux. La plupart des comédiennes sont débutantes et n’apparaitront que dans ce film. L’ambiance contemplative est envoûtante si on accepte de rentrer dans le truc et ce serait recommandable en dépit de possibles métaphores misogynes s’il n'y avait le problème des sévices sur les animaux.
A l’instar des pires mondos, Konec srpna v Hotelu Ozon étale une cruauté intolérable : un serpent vivant est décapité par torsion, les héroïnes pêchent à la grenade, un chien est abattu d’un coup de fusil et se tort de douleur, de même qu’une vache. Celle-ci est ensuite éviscérée avec des bruitages crades. Ce ne sont clairement pas des stock-shots et Jan Schmidt s’offusqua que les gens aient été davantage choqués par ces images que par la destruction de la civilisation qui constitue le thème de son œuvre. Il oublie un peu vite que les morts des bêtes sont réelles à l’inverse des souffrances des protagonistes de son univers fictif. Cette violence gratuite (car il y aurait eu moyen de faire autrement) et cette totale absence de remords minent le propos, renvoyant d’une certaine façon Jan Schmidt à l’inhumanité qu’il dénonce.
Livres
Le baron perché d’Italo Calvino (Gallimard, collection « Folio », 2017), 400 p.

Un soir de 1950 dans une taverne de Rome, Italo Calvino entendit l’Américain d’origine italienne Salvatore Scarpitta dévoiler pourquoi, dans son enfance, il avait séjourné une vingtaine de jours dans les arbres (ce qui suit provient de Salvatore Scarpitta, il “vero” Barone Rampante de Nicola Stoia). Il s’était réfugié en hauteur pour échapper à une raclée de son père lorsqu’un journaliste local qui trainait dans le coin lui demanda ce qu’il faisait. Bravache, Salvatore expliqua qu’il voulait battre le record du monde du temps passé dans les arbres. Le reporter en fit un article, Salvatore ne put se dédire et y resta 602 heures et 40 minutes, pulvérisant le précédent record établi à 156 heures. Cela lui permit d’attirer l’attention d’une riche excentrique, il reçut une belle somme d’argent qu’il employa pour aller étudier en Italie, dans le pays de ses ancêtres. Cette anecdote demeura dans un coin de la tête d’Italo Calvino et, en 1957, il s’en servit pour son Baron perché.
Pour l’idéologie de Côme Laverse du Rondeau, il s’inspira d’un ami proche, le botaniste Libereso Guglielmi qui vécut dans la ferme des Calvino à Sanremo de 1940 à 1951. Libre-penseur fantasque issu d’une famille de pacifistes anarchistes, il se baladait torse nu au milieu des plantes avec des herbes dans les cheveux et considérait les animaux à l’égal des êtres humains. Il impressionna fortement le jeune Italo, qui prit par ailleurs Sanremo pour modèle de l’environnement d’Ombreuse.
Le baron perché, second volet de la trilogie Nos Ancêtres après Le vicomte pourfendu, se différencie de son prédécesseur par sa longueur (presque 400 pages contre 140) et par son style. Bien que toujours inscrit dans une logique de conte philosophique et moraliste, nous ne sommes plus dans du merveilleux mais dans une description réaliste d’évènements extraordinaires. Le narrateur, petit-frère de Côme qui a assisté ou a eu vent des exploits de son aîné, raconte la vie de celui-ci comme une chronique, en insistant sur le manque d’informations fiables ou de témoin sur telle ou telle péripétie, et en rentrant dans des détails techniques sur la manière dont Côme se déplaçait, faisait sa toilette, ses besoins… Italo Calvino s’attarde aussi sur l’arrière-plan historique, Côme échange avec les philosophes des Lumières ou se joint aux guerres napoléoniennes depuis les cimes.
Une fois instaurés les fondements de son récit et posés les grands principes, l’auteur s’égare dans la seconde moitié quand il commence à se pencher sur les amours de Côme puis sur son vieillissement et sa folie. Alors que j’avais dévoré les premiers chapitres, j’ai fini par trouver le temps long. C’est curieusement le roman le plus connu d’Italo Calvino et, tout en étant globalement plaisant, je lui préfère pour ma part Le vicomte pourfendu.
Mabui de Susumu Higa (Le lézard noir, 2013), 216 p.

Mabui est le second manga de Susumu Higa traduit en français après Soldats de sable que je n’ai pas lu et qui se déroulait à Okinawa pendant la guerre. Susumu Higa est né en 1953 à Naha, la capitale de la préfecture d'Okinawa, et a grandi sous administration américaine, Okinawa n’ayant été rendu au Japon qu’en 1972. Je n’ai pas réussi à savoir s’il était de l’ethnie ryukyuan ou pas. Jusqu’en 1879, le royaume de Ryûkyû, qui regroupait l’archipel d’Okinawa et quelques îles aux alentours, était indépendant, ethniquement et linguistiquement différent du Japon. Défaits militairement par un Japon qui voulait rejoindre le clan des puissances coloniales occidentales, ils subirent une assimilation forcée. Encore aujourd’hui, le Japon ne leur reconnaît aucune autonomie en dépit des souhaits d’une partie des autochtones. Ces tensions entre les habitants d’origine et les Japonais du continent parfois perçus négativement est totalement absente de Mabui, à l’inverse de ce que l’on voit par exemple dans le cinéma de Gô Takamine. Ce facteur éclaircit pourtant certains positionnements, une minorité des Ryukyuans mettant même à égalité Japonais et Américains dans leur statut d’occupants.
Mabui offre un panel d’attitudes face à la présence des bases, des profiteurs aux contestataires en passant par des individus tiraillés entre leurs intérêts et leur déontologie, ou ceux qui s’accommodent de la situation en attendant un hypothétique départ des Américains. Dans tous les cas, la spiritualité tient une place importante, plus centrale que dans la culture japonaise continentale (élément que j’ai remarqué dans toutes les œuvres d’artistes d’Okinawa). Le mabui, l’âme, donne son titre à l’ouvrage et la quasi-intégralité des histoires se résolvent par l’intervention d’une prêtresse avec une tonalité mystico-fantastique. Ce n’était pas désagréable et cela fournit un aperçu des problématiques vécues par les Okinawaïens dont on entend rarement parler.
- Salazarisme & fascisme d’Yves Léonard (Chandeigne, collection « Bibliothèque Lusitane », 2020), 256 p.L’historien spécialiste du Portugal contemporain Yves Léonard se questionne sur le rattachement de la dictature salazariste au fascisme à travers une étude du régime de ses origines à la mort de Salazar en 1970, en se concentrant sur les années 30-40. Il divise pour cela son analyse en trois parties :
- • Aux sources du salazarisme se penche sur les évènements qui ont précédé l’arrivée de Salazar au pouvoir, sur son installation et sur ses principes politiques.
- • Autoritarisme, corporatisme et fascisme se focalise sur les années 30 en soulignant les particularités de l’Etat nouveau et en le comparant aux autres dictatures de l’entre-deux-guerres.
- • Orgueilleusement seuls ? explique comment Salazar a navigué entre les obstacles durant la Seconde Guerre Mondiale et a maintenu sa position malgré la chute du nazisme et du fascisme en Europe.
Dans la lignée d’un António Costa Pinto, Yves Léonard désirait démontrer que la dictature portugaise se différenciait du fascisme sur des aspects fondamentaux, notamment l’absence du culte du chef, d’ambition expansionniste ou militariste, d’un vaste mouvement encadré par un parti central, de mobilisation des masses ou d’un contrôle totalitaire de la société. Selon lui, en dépit d’un « badigeon romain » institué dans la deuxième moitié des années 30, le Portugal de Salazar était un régime autoritaire élitiste, tourné vers le passé et vers un ordre immuable imprégné de catholicisme, et dirigé par un Etat fort, le parti unique étant relégué à des tâches secondaires.
La démonstration est globalement convaincante. Bien que venant d’une famille antisalazariste, je connais mal cette période et j’ai trouvé les distinctions pertinentes. J’ai été moins emballé par l’image de Salazar qui ressort, celle d'un homme habile et intègre. Ce souci, soulevé indirectement par Yves Léonard lui-même dans la postface, est lié à la focalisation excessive sur le dictateur plutôt que sur les gens qui subissaient la dictature. Ainsi, si Salazar ne s’est nullement enrichi personnellement, le régime, lui, était totalement corrompu. Et si la société n’était pas cadenassée comme dans les pays fascistes, la peur était permanente. On me racontait par exemple quand j’étais jeune qu’on devait chuchoter dans les cafés par crainte des informateurs de la PIDE. Je regrette également que le chercheur évoque l’existence de mythes salazaristes sans les déconstruire. Ce n’était assurément pas le cœur de cet essai mais il aurait pu mentionner la facticité de certaines postures, à l’instar de l’apparente chasteté puritaine d’un Salazar qui eut en réalité des aventures avec des femmes mariées. Nonobstant ces limites, Salazarisme & fascisme reste une lecture recommandable pour qui veut acquérir une vision d’ensemble, dans un style accessible et agréable.
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