samedi 25 mai 2024

Carnet de bord 18/05/2024-24/05/2024



Films vus en compagnie
Animalia de Sofia Alaoui (2023)
Itto est enceinte et habite avec sa riche belle-famille dans une immense demeure à la campagne. Venue d’un milieu pauvre, elle est mal perçue par sa belle-mère qui est toujours sur son dos. Quand la maisonnée se rend à une réception en ville, elle prétexte la fatigue pour être enfin seule. Le soir, elle reçoit un coup de fil de son mari qui lui apprend que la route est barrée et qu’ils sont contraints de rebrousser chemin. Le lendemain, l’état d’urgence est déclaré. Flouée par son voisin qui devait l’amener à son époux, Itto se retrouve bloquée dans une bourgade perdue et remarque que les animaux se comportent étrangement.

Animalia est le premier long métrage de la Marocaine Sofia Alaoui, prolongement de son court Qu'importe si les bêtes meurent (2020) dans lequel un berger était confronté à des phénomènes mystérieux. La mise en place est intrigante, avec une belle utilisation de paysages désolés et une tension latente autour d’une crise inexpliquée. Arrivent à mi-parcours dix minutes de visions mystiques façon Tree of Life (2011) puis un retour à la civilisation et la multiplication des évènements surnaturels. Sofia Alaoui se pose des questions métaphysiques sur l’humanité et sur ses croyances en refusant d’apporter des éléments de réponses. Tout cela est beaucoup trop ésotérique pour moi, j’ai complètement décroché durant le passage hallucinatoire et n’ai pas raccroché ensuite. Reste de jolies images et des interprètes amateurs convaincants.


Dorothy Arzner, une pionnière à Hollywood de Clara Kuperberg & Julia Kuperberg (2023)
Dorothy Arzner fut l’unique réalisatrice des débuts de l’âge d’or du cinéma hollywoodien, créditée de seize longs métrages entre 1927 et 1943. Ouvertement lesbienne, elle se focalisa sur des histoires de femmes indépendantes, critiquant le système patriarcal du mariage. Elle fut également monteuse, scénariste et enseignante à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), où elle eut Francis Ford Coppola parmi ses élèves.

Les sœurs Clara et Julia Kuperberg sont deux françaises spécialisées dans les documentaires sur le cinéma classique hollywoodien, en particulier sur les biographiques de stars. Depuis quelques années, elles se sont concentrées sur les femmes, mésestimées dans ce monde très masculin. Sur la forme, c’est produit pour les Etats-Unis et ça se sent, c’est formaté, avec des phrases qui claquent et de la musique inappropriée. Sur le fond en revanche, même si on peut reprocher certains raccourcis et approximations, c’est un bon résumé de la vie de Dorothy Arzner, peu connue malgré sa redécouverte par les féministes américaines des années 70. J’ai vu un quart de son œuvre et cela m’a donné envie de combler mes lacunes. Seul regret, l’omission de ses publicités Pepsi des années 60 liée à son amitié (voire plus ?) avec Joan Crawford, membre du comité directeur de l’entreprise entre 1959 et 1973.


Films vus seuls
狐のくれた赤ん坊 [Kitsune no kureta akanbô] de Kenji Misumi (1971, L'enfant renard)
Torahichi est porteur sur le fleuve Ôi, transbahutant entre les rives clients et marchandises. Alcoolique et violent, il se bagarre fréquemment avec le chef des cochers qui dévalorise son métier. Quand il entend que personne n’ose s’opposer au renard qui hante la forêt, il relève le défi et s’aventure en pleine nuit dans les bois. Il tombe sur un bébé abandonné qu’il ramène chez lui. Il s’y attache rapidement et décide de l’élever, quitte à arrêter la boisson.

Kitsune no kureta akanbô est initialement un film de 1945 de Santarô Marune. Tourné juste après la guerre à une époque où la censure de l’occupant américain interdisait les références au féodalisme, c’était une comédie humaniste inspirée à la fois par The Kid (1921) et par L’homme au pousse-pousse (1943) dont Santarô Marune reprit l’acteur principal. Pour le remake de 1971 qui nous intéresse ici, Shintarô Katsu remplace Tsumasaburô Bandô. Comme souvent, il est complètement en roue libre et la première moitié est pénible. Il se calme heureusement lorsque le récit prend un virage dramatique.
A six mois de sa faillite, la Daiei n’avait pas beaucoup d’argent. Ce problème se perçoit pourtant moins que dans le plus ancien Kyôjo nagare dosu (1970). L’influence du western spaghetti à la Trinita (qui ne fut diffusé au Japon qu’en 1972 mais qui infusait déjà le genre) est patente, avec une musique vaguement morriconienne et des bastons à base de grosses baffes qui claquent. L’humour est lourdingue et l’intrigue est banale, avec cette idée moisie de la primauté de l’ascendance sur le milieu et l’éducation. L’original de 1945 est introuvable, je pense qu’il était bien supérieur.
A noter un détail amusant : le titre de 1945 était 狐の呉れた赤ん坊 tandis que celui de 1971 est 狐のくれた赤ん坊 (sens identique signifiant littéralement le bébé donné du renard). On a perdu entre les deux le kanji 呉, utilisé jadis pour le verbe donner (呉れる/くれる) et délaissé après-guerre. La Cinémathèque française s’est d’ailleurs trompée sur son site en mettant le kanji de 1945.


町奉行日記 鉄火牡丹 [Machibugyô nikki: Tekka botan] de Kenji Misumi (1959, L'inspecteur du Shôgun)
Le gouverneur de la province de Settsu est insulté à la cour car il s’enrichit grâce aux vices. Sa ville héberge en effet un quartier isolé dans lequel le jeu et la prostitution sont autorisées et où règne la pègre. En se renseignant auprès de ses subordonnés, il apprend que les trois derniers magistrats mandatés pour réguler les activités illicites ont vite démissionné et que les trafics ont pignon sur rue. A la surprise générale, il appelle à la rescousse Koheita Mochizuki, un homme réputé pour son amour de l’alcool et des femmes.

Machibugyô nikki: Tekka botan est tiré d’une nouvelle de Shûgorô Yamamoto. A l’image de Senbazuru hichô (1959) produit la même année, c’est un classique torimonochô, avec un envoyé du seigneur qui enquête en secret pour démasquer les profiteurs. C’est cette fois Shintarô Katsu qui s’y colle, dans un rôle hédoniste et égrillard dont lui et son frère Tomisaburô Wakayama étaient coutumiers. Toutes les filles sont évidemment folles de lui et se battent (littéralement) pour ses faveurs. C’est facile et convenu et, excepté un affrontement final dynamique, il n’y a pas grand-chose à retenir.


古都憂愁 姉いもうと [Koto yûshû: Ane imôto] de Kenji Misumi (1967, Deux sœurs mélancoliques à Kyoto)
Dans le Japon en guerre, deux sœurs ont hérité du restaurant de leur père. L’aînée, Kiyoko, se charge de la cuisine, assistée par sa cadette Hisako et par Oume, une serveuse venue de la campagne. Hisako doit bientôt se marier avec Akio mais celui-ci ne semble guère motivé. Quand Kiyoko se rend dans la famille du fiancé pour s’accorder sur une date, Akio lui avoue ses sentiments et l’embrasse de force. Désemparée, Kiyoko se saoule puis se réfugie chez Shima, une ancienne geisha de Gion qui accueille un écrivain censuré par les autorités nommé Shinkichi Yûki.

Koto yûshû: Ane imôto est une des douze nouvelles du recueil Koto yûshû de Matsutarô Kawaguchi, compilation publiée dans le magazine Shôsetsu Shinchô à la fin des années 50. Romancier populaire, Matsutarô Kawaguchi fut aussi directeur exécutif de la Daiei. Le fil conducteur de Koto yûshû est Kyôto et les rencontres qu’y effectuent le couple formé par Shinkichi et Shima. Cela explique l’impression bizarre que j’ai eu en voyant Koto yûshû: Ane imôto, ne comprenant pas vraiment si les personnages principaux étaient les deux sœurs ou l’écrivain et l’ex-geisha. La nouvelle ne faisant qu’une vingtaine de pages, Misumi prend son temps, avec un rythme lent qui mise à fond sur la carte du mélodrame.
Le casting est solide. Kiyoko est incarnée par Shiho Fujimura, actrice phare de Misumi présente dans dix de ses longs métrages. Elle a continué à tourner jusqu’en 2014 et apparaît par exemple en 2007 dans Yûnagi no machi sakura no kuni. Les décors de Kyôto sont superbement exploités, avec une belle photographie de Senkichirô Takeda. Le script de Yoshikata Yoda, l’ex collaborateur de Mizoguchi, ne m’a néanmoins pas convaincu, trop mince et larmoyant, j’avais largement préféré son travail sur Nyokei kazoku (1963) ou Namida gawa (1967).


無法松の一生 [Muhômatsu no isshô] de Kenji Misumi (1965, L'homme au pousse-pousse)
Au début du XXe siècle à Kokura dans le Kyûshû, Matsugoro est un conducteur de pousse-pousse irascible. Il est connu pour son sale caractère, n’hésitant pas à tutoyer les nobles ou à bousculer les clients qu’il n’apprécie pas. Il secourt un jour Toshio Yoshioka, un garçon qui s’est foulé la cheville et qu’il ramène chez ses parents. La mère de l’enfant ne laisse pas Matsugoro indifférent et il se lie d’amitié avec le père, un militaire qui goûte son franc-parler. Lorsque ce dernier meurt subitement de maladie, Matsugoro décide d’aider sa veuve à élever Toshio.

L'homme au pousse-pousse est la quatrième adaptation du livre de Shunsaku Iwashita après celles de Hiroshi Inagaki en 1943 et 1958, et celle de Shinji Murayama en 1963. J’avais beaucoup aimé la version de 1943 pour laquelle Hiroshi Inagaki avait imposé au studio un Tsumasaburô Bandô déchu de son rang de star depuis les années 30. Frustrés par la censure de leur chanbara contestataire Jigoku no Mushi en 1938, les deux hommes avaient parié leur carrière sur la réussite du projet. A un moment où le régime privilégiait la propagande, ils parvinrent à dépeindre un tableau humaniste et furent seulement contraints de modifier la conclusion afin que Matsugoro n’outrepasse pas la barrière des classes. Le remake de 1958 avec Toshirô Mifune rétablit le dénouement d’origine. D’une qualité moindre, il ne dégageait pas la poésie de son prédécesseur et Mifune était en roue libre. Je craignais un problème identique pour le Misumi de 1965 (je n’ai pas vu le Shinji Murayama de 1963), Shintarô Katsu étant souvent excessif à l’image de son interprétation dans Kitsune no kureta akanbô (1971).
Ce fut une plaisante surprise. Katsu est relativement calme et joue un Matsugoro touchant, épaulé par une excellente distribution menée par Ineko Arima (aperçue chez Ozu dans Crépuscule à Tokyo (1957) et Fleurs d'équinoxe (1958)) en mère de Toshio. Misumi suit fidèlement le texte et la trame est similaire aux Inagaki. Parmi les rares changements, il introduit une séquence de fantômes assez angoissante dans un flashback et accentue le pathétique des quinze dernières minutes. Si je préfère l’Inagaki de 1943 (qu’il faudrait que je revoie), c’est une intéressante variation qui vaut le coup d’œil.


女中ッ子 [Jochûkko] de Tomotaka Tasaka (1955, The maid's kid)
Hatsu, fille de paysans de la préfecture d’Akita dans le Nord du Japon, débarque dans une maison bourgeoise de Tôkyô et devient leur domestique. D’abord réticente et gênée par ses manières campagnardes, la famille adopte vite cette travailleuse acharnée, en particulier le benjamin Katsumi. Enfant turbulent qui peine à trouver sa place et s’entend mal avec sa mère préoccupée par les convenances, il s’attache à l’attentive et compréhensive Hatsu.

En juin 1954, après une pause de 12 ans liée notamment à la réorganisation de l’industrie cinématographique durant la guerre, la Nikkatsu reprend la production. Ils réembauchent Tomotaka Tasaka, qui avait dirigé pour le studio les curieux longs métrages de propagande Gonin no sekkōhei (1938) et Tsuchi to heitai (1939). Il revient avec Jochûkko au réalisme humaniste qui avait fait sa réputation, à l’instar du poignant Robô no ishi (1938). Il transpose un roman de l’écrivaine Shigeko Yuki paru en 1954 dans le magazine Shôsetsu Shinchô et donne le rôle principal à Sachiko Hidari, une actrice exigeante et engagée qui fut l’épouse de Susumu Hani entre 1959 et 1977.
Jochûkko est un bon exemple de cinéma humaniste japonais des années 50, bâti sur une succession de tranches de vie centrées sur Hatsu et Katsumi. L’atmosphère simple et émouvante, sans pathos exagéré, est renforcée par la musique d’Akira Ifukube, le compositeur de Godzilla (il réutilise d’ailleurs la Frigate March pendant la fête de l’école) qui n’était pas encore circonscrit aux chanbara et aux tokusatsu. L’opposition entre la ville moderne et la campagne traditionnelle n’est pas traité lourdement même si on sent un parti pris pour la seconde. Un beau film malheureusement difficile à récupérer. A noter la présence en père de Katsumi de Shûji Sano, que j’associe entièrement à la Shôchiku, et une apparition d’un Joe Shishido de 21 ans quasi méconnaissable avant son opération des joues.


処女が見た [Shojo ga mita] de Kenji Misumi (1966, La vision de la vierge)
Katsue, adolescente rebelle et orpheline, est amenée par son tuteur dans un petit monastère de Kyôto. Les interactions avec la responsable, Chiei, une ravissante femme de 30 ans, sont tendues. Katsue conteste son autorité, elle songe à fuguer mais n’a nulle part où aller. Sauvée par Chiei d’une tentative de viol, elle se réconcilie avec elle et développe une fascination pour la prêtresse. La nomination d’un nouvel abbé en chef au temple parent va toutefois bouleverser leur quotidien.

Shojo ga mita, le seul mélodrame de Misumi situé dans les années 60, mélange des passions violentes, des jeunes désœuvrés façon taiyô zoku, un peu de guitare électrique parce que c’est à la mode avec la vedette montante Toru Koyanagi (décédé à 20 ans dans un accident de la route et totalement oublié de nos jours), un moine pervers et une attirance lesbienne inassouvie, le tout dans un noir et blanc ultra classique.
Il y a des aspects très réussis, les deux héroïnes (Ayako Wakao en Chiei et Michiyo Yasuda en Kazue) sont parfaites, et la relation Chiei/Kazuo constitue le point fort de Shojo ga mita. Le reste est plus discutable. Tomisaburô Wakayama incarne son habituel hédoniste lubrique, les jeunes sont clichés et on subit le poncif trop répandu dans le cinéma japonais de la victime amoureuse de son agresseur. A voir pour sa magnifique photographie et pour ses comédiennes.


Dagon de Stuart Gordon (2001)
Deux couples d’amis sont en vacances sur un yacht. Au cours d’une tempête, le bateau heurte un rocher près de la côte espagnole. Vicky, l’épouse d’Howard le propriétaire, est blessée, la jambe coincée sous un meuble. Howard demeure à ses côtés pendant que Paul et Barbara prennent le canot de sauvetage pour chercher des secours dans un village proche. Après avoir expliqué la situation au curé, Barbara se charge d’aller à la police et Paul recrute deux marins pour aider ses camarades. Arrivés à l’embarcation, Vicky et Howard ont disparu et ils font demi-tour. Barbara manque également à l’appel et Paul commence à s’inquiéter.

Bien qu’ayant apprécié les Stuart Gordon des années 80, je n’avais curieusement jamais vu Dagon. Déçu par King of the Ants (2003), le titre tiré d'une nouvelle de Lovecraft me laissait escompter un retour au fantastique à la Re-Animator (1985). C’est malheureusement insuffisant, Dagon est extrêmement fauché, avec une caméra numérique dégueu qui donne l’impression de regarder une vidéo amateur. Les quelques effets numériques sont catastrophiques, l’acteur principal est mauvais et le scénario est cousu de fil blanc. Les sympathiques maquillages et trucages à l’ancienne ne permettent pas d’empêcher le naufrage.


かげろう笠 [Kagerô-gasa] de Kenji Misumi (1959, La princesse aveugle)
Un vassal du domaine de Takatô dans la province de Shinano complote pour assassiner la fille aveugle de son seigneur durant son absence. Alerté, le gardien de la princesse Kiku l’envoie secrètement à Edo pour la protéger et pour qu’elle puisse consulter un spécialiste des yeux. Le cortège est massacré en chemin et la jeune femme est sauvée in extremis par Yatarô, un vagabond qui passait par là. Joueur sans le sou, il prend la demoiselle en pitié et décide de l’accompagner jusqu’à la capitale du shogunat.

La princesse aveugle est une grosse production de la Daiei en couleur, avec costumes luxueux, décors fastueux et casting prestigieux. Côté masculin, le personnage de Yatarô est confié à la superstar maison Kazuo Hasegawa ; côté féminin, Kiku est interprétée par Kyôko Kagawa, une des rares vedettes indépendantes qui naviguait entre les studios et joua ainsi pour la Tôhô (chez Kurosawa ou Ishirô Honda), la Shôchiku (la benjamine dans Voyage à Tokyo (1953)) ou la Daiei (Mizoguchi ou ce Kagerô-gasa). Malgré un dénouement sérieux, Kagerô-gasa est un jidai-geki comique. Cassant son image glamour, Kazuo Hasegawa incarne un Yatarô benêt et frustre, un homme du peuple qui contraste avec la noble Kiku (élément renforcé par le niveau de langage, Kiku utilisant un japonais excessivement poli et archaïque avec son bienfaiteur).
La trame rappelle fortement Les lumières de la ville (1931), Yatarô accumulant les petits boulots pour payer le traitement de Kiku. C’est assez mou du genou mais pas désagréable, valorisé par une superbe photographie de Hiroshi Imai. Le problème est que Kazuo Hasegawa est trop vieux dans un rôle désinvolte plutôt adapté à un vingtenaire. Si Kyôko Kagawa est déjà limite pour Kiku (qui est censée avoir 17-18 ans alors que Kyôko Kagawa en avait 27), Kazuo Hasegawa, du haut de ses 51 ans, n’est pas crédible. Encore un opus qui sera rapidement oublié.


Livres
Histoires fantastiques du temps jadis traduites par Dominique Lavigne-Kurihara (Philippe Picquier, collection « Picquier poche », 2004), 284 p.
Le Konjaku monogatari shû est une compilation d’anecdotes édifiantes, profanes ou sacrées, rédigée aux alentours du XIe siècle. Il est composé de trente-et-un rouleaux divisés en trois parties, l’Inde, la Chine et le Japon. Les deux-tiers sont consacrés au Japon, découpés en une section bouddhique et une section affaires vulgaires. Pour Histoires fantastiques du temps jadis, Dominique Lavigne-Kurihara a sélectionné quarante-deux textes extraits de la branche japonaise et centrés sur le fantastique. Elle a scindé son recueil en cinq chapitres : démons ; fantômes et spectres ; tengus ; renardes, renards et sangliers ; serpents et serpentes.

Ces courts récits qui ne font jamais plus de dix pages m’ont évoqué les Chroniques de l’étrange de Pu Songling et de nombreux contes japonais. Ce n’est guère étonnant, le Konjaku monogatari shû s’étant inspiré de la culture populaire et ayant influencé la littérature japonaise, notamment Ryûnosuke Akutagawa, Lafcadio Hearn et Kunio Yanagita. Certaines histoires ont également été portées au cinéma, à l’instar d’Agi kijin no ikari (1984) tiré de Comment le démon du pont d’Agi en la province d’Omi dévora un homme. C’était en tout cas une lecture plaisante, dommage qu’il n’existe pas une édition scientifique complète avec des notes explicatives.


Kappa & compagnie de Shigeru Mizuki (Cornélius, collection « Pierre », 2010), 296 p.
Le père de Kappa vient le chercher pour qu’il l’accompagne à la fête des 10 000 ans de leur race. Sampei réussit à s’incruster et ils se rendent dans le royaume des kappas. A l’heure exacte de l’anniversaire, les deux enfants sont projetés dans l’eau et l’oracle du grand roi Statontonos leur remet un parchemin. Sa traduction révèle que Sampei et Kappa ont été élus pour récupérer les sept joyeux cachés par sept yôkai. S’ils échouent, le peuple kappa disparaîtra durant les prochains siècles. D’abord réticent, Sampei, qui a des ancêtres kappas, finit par accepter sa destinée.

Kappa & compagnie est très différent de son prédécesseur. Il n’est pas ancré dans le quotidien d’un garçon vivant dans la campagne profonde japonaise. On est ici dans une aventure merveilleuse, dans une Terre souterraine remplie de monstres effrayants et de créatures étranges. Il y a un côté Dragon Ball en quête des sept boules de cristal. Les blagues de prout et de caca sont moins omniprésentes et j’attends le troisième volume avec curiosité.


Chasseur/victime de Robert Sheckley (Denoël, collection « Présence du futur », 1990), 251 p.
En vacances à Paris, Frank Blackwell assiste impuissant au décès de son épouse dans un attentat à la terrasse d’un café. De retour aux Etats-Unis, il a des envies de meurtre et songe à s’engager comme mercenaire. Il est redirigé par une connaissance vers une organisation secrète, la Chasse, qui orchestre les exécutions de mécréants riches et intouchables. Après une formation de quelques semaines, Frank est envoyé sur le terrain pour tuer un ancien tortionnaire d’Amérique centrale qui s’est recyclé dans le trafic d’armes et de drogues.

Chasseur/victime est le troisième volet d’une vague trilogie focalisée sur la chasse à l’homme et son encadrement légal. Sheckley se moque de l’hypocrisie de la société américaine dans une sorte de parodie de James Bond, avec moults gadgets, complots et revirements improbables. Les deux premières parties, qui posent le décor en décrivant la façon dont Frank Blackwell devient chasseur puis montre sa future victime, sont amusantes. Ça se gâte avec l’arrivée de Mercedes Brannigan, superbe espionne qui va évidemment et contre toute logique tomber amoureuse du héros. La conclusion est assez nase, elle donne l’impression que les actes de Frank Blackwell n’avaient qu’un lointain rapport avec le plan machiavélique du maître de la Chasse. Dommage, c’est le plus faible des Robert Sheckley critiqués jusqu’ici.


Revues
Mad Movies n°382 – Mai 2024
Encore une couverture et un long article sur Furiosa alors qu’ils n’ont toujours pas vu le truc… Il y a heureusement un dossier intéressant sur les biopics de Ken Russell, j’ignorais cet aspect de l’œuvre de ce réalisateur que je n’aime pas ; et un entretien avec le compositeur italien Fabio Frizzi, que je connais essentiellement pour le thème de L’emmuré vivante (1977) qui avait été repris par Tarentino.

A part ça, je note dans les sorties Tunnel to Summer (2022), un animé de Tomohisa Taguchi avec un tunnel temporel ; Les 4 âmes du coyote (2023), un dessin animé hongrois parce que pourquoi pas ; Salem (2024), un nouveau film de genre à la française dans les quartiers de Marseille ; La vengeance du dragon noir (1968), un wu xia pian taiwanais des années 60 que si ça se trouve je l’ai déjà vu ; et When Evil Lurks, de l’horreur dans la pampa argentine.


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