samedi 26 août 2023

Carnet de bord 19/08/2023-25/08/2023



Films vus en compagnie
Nightmare Alley de Guillermo del Toro (2021)
Stan Carlisle débarque un soir sans le sou dans un cirque itinérant. Engagé initialement comme factotum, il devient l’amant et l’assistant de la voyante Zeena. Le mari de celle-ci est un ancien magicien alcoolique, spécialiste du langage codé et de la lecture à froid. Stan le prie de lui enseigner ses tours dans l’espoir de monter un numéro avec la belle Molly et de se faire un nom.

En parcourant le résumé du bouquin éponyme, j’ai l’impression que le Nightmare Alley de Del Toro est davantage un remake de l’adaptation de 1947 d’Edmund Goulding avec Tyrone Power qu’une relecture du roman. Il reprend l’ensemble des modifications effectuées pour la version de 1947 en y ajoutant quelques corrections. J’ai vu le Edmund Goulding il y a longtemps et je n’en ai aucun souvenir, si ce n’est que Tyrone Power y brisait son aura romantique en incarnant un beau parleur sournois. En 1947, la 20th Century Fox n’avait pas eu à investir dans les costumes et les décors, là où Guillermo del Toro a dû opérer un gros travail de reconstruction des années 40. La photographie est très léchée, presque trop, et on sent la volonté de suivre à la lettre les codes du film noir, excepté dans sa durée déraisonnable de 2h30 (du haut de ses 1h50, le Edmund Goulding était déjà long selon les standards de 1947). Nightmare Alley 2021 est excessivement respectueux et convenu, autant revoir l’original ou une petite série B type Détour (1945), une des sources d’inspiration de Del Toro qui combine efficacement tous les clichés en à peine 1h08.


犬王 [Inu Ô] de Masaaki Yuasa (2021, Inu-Oh)
Au XIVe siècle, à la demande de deux samouraïs, un pêcheur de trésors et son fils Tomona exhument la mythique épée Kusanagi-no-tsurugi, un des trois trésors impériaux du Japon. Quand le père la dégaine pour vérifier son état, un rai de lumière le tranche en deux et détruit les yeux de Tomona. Une fois remis de ses blessures, ce dernier part à la poursuite des samouraïs et devient joueur de biwa, profession réservée aux aveugles. Le temps passe, il croise un jour sur un pont un garçon monstrueux dont le visage effraye les passants et qui dit s’appeler Inu-Oh ou roi chien. Tomona n’est pas apeuré et les deux adolescents sympathisent.

Révélé en 2004 par son délirant premier long métrage Mind Game, Masaaki Yuasa enchaîne depuis cinéma et série animées. Si j’avais apprécié l’enfantin Lou et les sirènes (2017), Night Is Short, Walk On Girl (2017) m’avait paru vain et Ride Your Wave (2019) lisse, une comédie dramatique grand public à la folie jugulée. Tiré d’un ouvrage historique de Hideo Furukawa, Inu-Oh se penche sur les débuts fantasmés du nô à travers un danseur de sarugaku légendaire. Le contexte, qui mélange les manigances de Yoshimitsu Ashikaga pour récupérer les trésors impériaux et la guerre de Genpei au XIIe siècle contée dans le Dit des Heike, est susceptible d’égarer le néophyte. A l’instar des pièces de nô que Masaaki Yuasa a découvert durant la préproduction(cf. son interview dans Mad Movies), il faut accepter de ne pas tout comprendre et de se laisser porter. En character designer, Masaaki Yuasa s’est adressé au mangaka Taiyô Matsumoto, l’auteur d’Amer Béton avec qui il avait travaillé sur la série Ping-pong (2014).
Le livre permet apparemment de mieux appréhender les enjeux, Masaaki Yuasa ayant rapidement mis de côté les complexités de la narration pour se concentrer sur la musique. Bien qu’il aborde des thèmes intéressants sur l’accaparation de la culture par le pouvoir ou sur la transformation d’un art provocateur en art institutionnel, la puissance d’Inu-Oh découle des images, basculant doucement dans un opéra glam rock hallucinant où les numéros de Tomona et Inu-Oh évoquent les spectacles de Queen, Bowie ou Kiss (et probablement le J-Rock des années 70 que je connais mal). Certains pourront regretter cette simplification progressive de la trame, ça ne m’a pas choqué et j’ai été ravi de retrouver un Masaaki Yuasa énergique qui en met plein les yeux.


Murder at the Gallop de George Pollock (1963, Meurtre au galop)
Collectant des fonds pour une œuvre de charité, Miss Marple et M. Stringer vont chez le riche misanthrope M. Enderby. Etonnée de l’absence de réponse à son coup de sonnette, Miss Marple ouvre la porte et voit M. Enderby s’écrouler d’une crise cardiaque en haut des escaliers. Persuadée qu’il s’agit d’un meurtre malgré le scepticisme de l’inspecteur Craddock, elle décide d’enquêter.

Margaret Rutherford a incarné à quatre reprises Miss Marple sur grand écran, toujours accompagnée par M. Stringer, personnage créé pour l’occasion afin de donner un rôle à son mari, l’acteur Stringer Davis. Si Murder, She said (1961) était une adaptation d’un Miss Marple d’Agatha Christie, Murder at the Gallop et sa séquelle Murder Most Foul (1964) sont initialement des affaires d’Hercule Poirot. Agatha Christie goûta peu cette altération sacrilège et qualifia Murder at the Gallop de « incredibly silly ». Conséquence de cette querelle ou hasard, un scénario original fut utilisé pour le quatrième volet, Murder Ahoy! (1965). Le budget est maigre, Margaret Rutherford revêtant ses propres habits du quotidien, l’intrigue est terne, c’est assez routinier et effectivement bébête. Cela n’a aucune importance car le spectateur est là pour assister à un show de Margaret Rutherford, impayable en fouineuse sûre de son droit et convaincue d’avoir raison contre l’avis de tous. J’étais venu pour ça et Murder at the Gallop a rempli son contrat, avec en bonus Margaret Rutherford et Stringer Davis qui dansent le twist sous le regard médusé de la salle.


I Love You Phillip Morris de Glenn Ficarra & John Requa (2009)
Policier dans une petite ville, Steven Jay Russell chante à l’église et mène une vie exemplaire avec son épouse aimante et sa fille. Mais quand il contacte sa mère biologique qui l’avait abandonné à sa naissance, elle le rejette sans un mot et il perd confiance en lui. Dépité, il quitte son métier et s’installe au Texas avec sa famille. Son existence bascule à la suite d’un accident de voiture, où il a une illumination et se résout à assumer son homosexualité. Il plaque sa femme, se vautre dans le luxe, enchaîne les arnaques pour gagner de l’argent et atterrit en taule. Il y rencontre Phillip Morris, un beau détenu gay dont il tombe follement amoureux.

I Love You Phillip Morris est une transposition libre des mésaventures de Steven Jay Russell, un arnaqueur américain célèbre pour s’être évadé cinq fois de prison et qui purge actuellement une peine de 144 ans dans des conditions de sécurité drastiques. Glenn Ficarra et John Requa mirent deux ans à réunir les financements, personne ne voulant se risquer dans une histoire d’amour gay. Il fallut le soutien de Luc Besson et d’Europacorp pour que le projet voit le jour. Sur ce point, les mentalités ont évolué à Hollywood et le nombre de comédies romantiques LGBT a explosé ces dernières années. Comme trop souvent, les scénaristes/réalisateurs rendent sympathique une crapule et glamourisent des actes guère reluisants. Ils assument au moins l’incapacité de Steven Jay Russell à se réformer et il demeure malhonnête jusqu’au bout. Porté par l’énergie de Jim Carrey en Steven Jay Russell et par le charisme d’Ewan McGregor en Phillip Morris, I Love You Phillip Morris est en définitive un plaisant divertissement.


Films vus seuls
水戸黄門 [Mito Kômon] de Yasushi Sasaki (1957, Lord Mito)
A l'instigation de ministres corrompus et incompétents, le shogun Tsunayoshi Tokugawa prend des mesures controversées. Heureusement, Mito Kômon, un cousin de Tsunayoshi parfois surnommé vice-shogun, aide les pauvres gens et n’hésite pas à rappeler Tsunayoshi à l’ordre. De passage à Edo, il apprend qu’un conseiller du clan Takata manœuvre pour positionner son fils en héritier du daimyo, arrosant de pots de vin les proches du shogun et faisant condamner ses détracteurs. Mito Kômon ne l’entend pas de cette oreille et s’en mêle.

J’avais mentionné Mito Kômon dans ma critique de Mito Kômon Manyûki (1938), où il déambulait en toile de fond d’une comédie avec Achako et Entatsu. C’est ici le personnage principal. Entre 1954 et 1961, le vétéran Ryûnosuke Tsukigata, ancien acteur free-lance entré à la Toei en 1951, incarna Mito Kômon à quatorze reprises. Mito Kômon, la onzième occurrence et la première en couleur, est dirigé par le vieux briscard Yasushi Sasaki et a eu un énorme succès, troisième au box-office des films japonais en 1957. Il rassemble une brochette de vedettes, notamment Utaemon Ichikawa et Kinnosuke Nakamura.
Rien de notable sur cet article standardisé grand public de la Toei des années 50. De jolis costumes et décors, une interprétation professionnelle, une photographie classique, une ambiance globalement légère avec un vague suspense, j’ai eu une forte impression de déjà-vu et les treize autres épisodes sont sans doute identiques à deux-trois variations près.


旗本退屈男 謎の七色御殿 [Hatamoto taikutsu otoko: Nazo no nanairo gotten] de Yasushi Sasaki (1961, Bored Hatamoto: The Cave of the Vampire Bats)
Le sanctuaire de Gesshogu à Izu héberge depuis sa naissance vingt ans auparavant le deuxième fils du shogun, qui va pour la première fois accueillir son frère aîné, le successeur officiel. Les lieux cachent pourtant de sombres secrets et les prêtresses de Gesshogu voudraient alerter l’extérieur. Lorsque l’une d’elles réussit à s’échapper en traversant la cave maudite des chauves-souris vampires, elle est sauvagement assassinée, sous les yeux de l’enquêteur du shogun Saotome Mondonosuke qui passait par hasard dans les environs.

Je continue les séries de la Toei avec le 28e épisode sur 30 des Bored Hatamoto. Utaemon Ichikawa a joué Saotome Mondonosuke de 1930 à 1963, établissant le record de longévité au Japon d’un acteur dans un rôle. Inspiré de romans de Mitsuzo Sasaki, écrivain populaire des années 20-30, les Bored Hatamoto fonctionnent généralement sur le même schéma : Saotome Mondonosuke arrive dans un endroit pour se distraire et débusque progressivement les bandits et conspirateurs contre le shogun.
A l’image des quatre que j’ai vus précédemment, Nazo no nanairo gotten est un Bored Hatamoto tardif, ceux tournés avant les années 50 étant pour la plupart perdus. Il est mis en scène par Yasushi Sasaki, responsable de dix des vingt épisodes produits par la Toei entre 1950 et 1963. Nazo no nanairo gotten comporte beaucoup de chansons, exploitant au maximum la présence côté féminin des sœurs Yoko et Eiko Namiki, les Komadori Shimai, duo à la mode au début des années 60, qui évoquent Hibari et Chiemi ; et côté masculin de Hideo Murata, mega star de enka. Il reste dans la veine habituelle des Bored Hatamoto avec pas mal d’actions et un ton désinvolte, additionné d'une surdose de sidekicks rigolos, deux d’entre eux étant complètement inutiles. La Toei n’a clairement pas sorti l’artillerie lourde, on est dans du milieu de gamme vite-fait correctement-fait, du spectacle divertissant que j’aurai oublié le lendemain.


あいつと私 [Aitsu to watashi] de Kô Nakahira (1961, That Guy and I)
Saburo est un riche étudiant provocateur. Quand un professeur lui demande combien d’argent de poche il a et comment il le dépense, il annonce une somme énorme et explique qu’il se paye des prostituées. Les filles de sa classe sont outrées et le poussent dans la piscine pour se venger. Ses vêtements étant mouillées, elles lui prêtent leurs habits de rechange et la jolie Keiko le ramène chez elle pour qu’il emprunte un pantalon et une chemise à son père. Elle découvre que, sous ses apparences de fanfaron, Saburo est un gentil garçon.

En 1961, Yûjirô Ishihara est la star sex-symbol de la Nikkatsu. Il a été révélé par Passions juvéniles (1956), dirigé par Kô Nakahira fraichement transféré de la Shôchiku où il était assistant, sur un scénario de son frère, le provocateur réac Shintarô Ishihara. Passions juvéniles devint le porte-étendard des taiyô zoku ou Sun Tribe, de riches rebelles désœuvrés et américanisés, sans morale et obsédés sexuels. Cette sous-culture accoucha d’un sous-genre développé par la Nikkatsu. Si Aitsu to watashi semble au premier abord inclus dans cette tendance, avec Yûjirô Ishihara en bourgeois fier-à-bras, il n’en est rien. L’histoire est en effet tirée d’un livre de Yôjirô Ishizaka, célèbre pour ses récits simples et optimistes où les femmes occupent le devant de la scène. Un exemple fameux est Blue Mountains, transposé sur grand écran par Tadashi Imai en 1949 avec Setsuko Hara en héroïne. Dans Aitsu to watashi, la narration est assurée par Keiko et on est loin de la misogynie de Shintarô Ishihara. A noter que Aitsu to watashi eut un énorme succès : Yûjirô Ishihara revenait d’une blessure de ski qui l’avait tenu écarté des plateaux durant sept mois et sa horde de fans se rua dans les salles.
Aitsu to watashi est étrangement construit, une comédie légère sur les relations homme/femme se heurtant à un arrière-plan politique violent et à des problèmes de société, donnant l’impression qu’il ne sait pas trop où il va. Les protestations contre le renouvellement du traité de sécurité entre les États-Unis et le Japon constituent la toile de fond, des protagonistes y participent et sont blessés par la police, mais cela sert uniquement à poser une ambiance. Le soir d’une manifestation, Saburo et Keiko assistent au témoignage réaliste d’une amie qui a été violée par deux camarades. Les deux hommes, qu’elle connaissait et en qui elle avait confiance, l’ont saoulée et l’ont entrainée dans un hôtel. Ce point de vue d’une femme traumatisée est une rareté dans un cinéma japonais des années 60 qui traitait fréquemment le viol avec insouciance, notamment à la Nikkatsu. Cela enchaîne cependant sur une dispute avec une amie qui ne veut pas la croire et c’est le brave Saburo qui a le dernier mot en calmant les esprits. Aitsu to watashi est quoi qu’il en soit plus intéressant et atypique que la moyenne des films de jeunes de la Nikkatsu et il va falloir que je jette un œil à la carrière de Kô Nakahira, qui a œuvré dans tous les genres et réalisé quelques curiosités.


Dead Man's Eyes de Reginald Le Borg (1944, Les yeux d'un mort)
Dave Stuart est en train d’achever son meilleur portrait. Bien que sa modèle Tanya soit amoureuse de lui, le cœur de Dave appartient à Heather, son amie d’enfance. Il compte l’épouser prochainement, sous la bénédiction du père d’Heather qui respecte Dave. Un jour, après une journée éreintante, Tanya inverse par mégarde les bouteilles dans le placard et Dave se rince les yeux avec de l’acide acétique au lieu de l’acide borique. Aveugle, il sombre dans le désespoir, alors qu’il existe une chance qu’il recouvre la vue en lui greffant la cornée d’un mort.

Oh que ce whodunit lent et bavard est mauvais. Je suis généralement conciliant avec les séries B d’horreur de la Universal sauf qu’il y a des limites à ma mansuétude. Lon Chaney Jr. n’est pas un bon acteur, correctement guidé il peut juste faire illusion. Ce n’est pas le cas ici, le piètre Reginald Le Borg n’ayant guère brillé dans sa carrière. Le reste du casting est à l’avenant, la pire étant Tanya jouée par une catastrophique Acquanetta. Seul Thomas Gomez encore inconnu surnage, n’évoluant clairement pas dans la même catégorie. Difficile d’admettre qu’il s’agisse d’un Universal, on dirait un médiocre poverty row. Dead Man's Eyes s’insère dans un groupe de six longs métrages produits par Universal entre 1943 et 1945 dans le cadre d’une adaptation d’un programme radio populaire de suspense et d’horreur, Inner Sanctum Mystery, qui fut à l’antenne de 1940 à 1952. Nonosbtant leur piètre qualité, les budgets étaient tellement réduits qu’Universal y gagnait de l’argent. Si tous les titres sont de l’acabit de Dead Man's Eyes, ce sera sans moi.


Livres
Frankenstein de Mary W. Shelley (Marabout, collection « Bibliothèque Marabout – Fantastique », 1984), 382 p.
Le capitaine Robert Walton est un aventurier explorant le pôle Nord avec un équipage qu’il a engagé. Bloqué par la banquise, il secourt un individu épuisé qui s’apprêtait à sombrer dans la mer avec son traineau. En dépit de sa faiblesse, le survivant raconte sa vie à son sauveur. Né dans une famille bourgeoise de Genève, il se passionna pour l’alchimie puis pour la chimie et, pendant ses études à Ingolstadt en Allemagne, se lança dans le projet fou de créer un être vivant à partir d’un assemblage de corps et de matière. Il ne savait pas que sa réussite allait entraîner la mort et le désespoir dans son sillage.

J’ai déjà mentionné l’origine de la naissance de Frankenstein en 1816 au bord du lac Léman. Pensant initialement composer une nouvelle, Mary Shelley rédigea un roman sur les préconisations de son conjoint. Outre l’atmosphère romantique dans laquelle elle baignait, entourée des poètes Percy Bysshe Shelley et Lord Byron, l’autrice s’inspira du travail de ses parents écrivains, des ouvrages de son père se situant en Suisse, et on retrouve des éléments de sa biographie dans celle de Victor Frankenstein : Mary Shelley a également perdu très tôt sa mère, elle a été proche de son père tout en n’écoutant pas ses avertissements, et la perte de son premier enfant pourrait avoir eu une incidence sur sa conception du monstre et sur sa volonté de ranimer un mort. Paru en 1818, Frankenstein fut bien reçu des milieux littéraires et exerça une influence majeure sur la littérature fantastique et la science-fiction.
Je n’avais curieusement jamais lu le classique de Mary Shelley, un ami d’enfance me l’avait déconseillé et je craignais les tunnels descriptifs qui me rebutent tant dans la littérature du XIXe siècle. Ce souci n’est pas présent, malgré des redites, des imperfections dans la narration et un Victor Frankenstein geignard assez fatigant. J’ai été étonné de constater à quel point les clichés autour cette œuvre viennent des films, en particulier de celui de James Whale de 1931, et non du bouquin. La créature ne se réveille pas grâce à l’électricité ; elle est peu décrite visuellement si ce n’est horrible avec des longs cheveux et un teint jaunâtre ; et Victor Frankenstein, héros torturé qui se plaint en permanence de ses malheurs et s’apitoie sur son sort, est loin du savant fou à la Peter Cushing. Les considérations romantiques de Mary Shelley, jeune adulte rebelle qui s’était enfuie avec un homme marié contre l’avis de son père en emmenant dans son escapade la fille de sa belle-mère qu’elle casa avec Lord Byron, transparaissent régulièrement dans Frankenstein et il pourrait facilement engendrer un blockbuster pour ados tourmentés. Prochaine étape, le Dracula de Bram Stocker, autre manque dans ma culture.

4 femmes de Wang Shu Hui (Editions Fei, 2014), 446 p.
4 femmes réunit quatre lianhuanhua illustrés par Wang Shu Hui, une des rares dessinatrices ayant percé dans ce métier :
Le paon vole au sud-est : Lanzhi et Zhongqing sont mariés et amoureux. Malheureusement, Zhongqing est souvent en déplacement et sa mère est une affreuse mégère, qui passe son temps à maltraiter sa belle-fille Lanzhi.
L’histoire de Liang et Zhu : Yingtai se déguise en garçon pour aller étudier à Hangzhou. Elle s’éprend de son camarade Shanbo sans que ce dernier s’en rende compte.
Les femmes guerrières du clan Yang : Le maréchal Yang meurt dans une embuscade en défendant son pays des envahisseurs Xia. Devant l’indécision des conseillers de l’empereur, la vieille mère du maréchal et les femmes de sa famille prennent les commandes de l’armée et contre-attaquent.
Le pavillon de l’ouest : La riche veuve Cui promet la main de sa fille Ying Ying à quiconque la sauvera d’un groupe de bandits qui menace de l’enlever. Alors que l’étudiant Zhang Sheng s’arrange pour faire arrêter les brigands, dame Cui n’honore pas sa promesse.
Les éditions Fei ont publié plusieurs chefs d’œuvre de la littérature chinoise sous la forme de lianhuanhua, des bandes-dessinées traditionnelles chinoises populaires dans les années 20 à 70. Un lianhuanhua typique consistait en une succession de planches en pleine page avec parfois des bulles de dialogues, sous lesquelles un bandeau explicatif décrivait les évènements (voir exemple ci-dessous). J’ai déjà lu de la sorte Au bord de l’eau, Le voyage vers l’ouest, Les trois royaumes et Rêve dans le pavillon rouge, c’est un bon moyen d’aborder des textes longs et complexes. Comme son titre l’indique, 4 femmes tourne autour des destins de femmes dans la Chine ancienne.
J’ai précédemment abordé L’histoire de Liang et Zhu dans ma critique de The Love Eterne (1963). Le paon vole au sud-est est une banale chronique de méchante belle-mère, le respect des aînés propre au confucianisme accentuant le dilemme des époux. La mère contrariante est aussi la source du conflit dans Le pavillon de l’ouest, cette fois pour des questions de différence de classe sociale. Les femmes guerrières du clan Yang est plus insolite, avec ces femmes qui prennent les armes et se battent mieux que des politiciens indécis ou apeurés. Cela se lit vite et les dessins de Wang Shu Hui sont splendides. C’est une excellente approche pour qui veut découvrir ces classiques de la culture chinoise.



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