Films vus en compagnie
Fenómenas de Carlos Therón (2023, Phenomena)

A la manière de la série des Conjuring, Fenómenas est dit « basé sur des faits réels » et met en avant le groupe Hepta. Cette organisation espagnole, qui existe encore de nos jours, fut créée par le père Pilón en 1987 et se penche sur les phénomènes paranormaux. Sagrario, Paz et Glória sont inspirées de trois membres de ce groupe. La différence avec Conjuring est l’ajout d’une dose d’humour, les héroïnes étant montrées comme des dures à cuire, des vieilles briscardes que rien n’impressionne et qui aiment s’asticoter. Cet aspect est assez réussi et les interprètes sont parfaites. Le côté surnaturel est plus conventionnel, la conclusion est ratée et la réalisation de Carlos Therón, un habitué de la télévision, est banale, avec des effets inutiles de-ci de-là. Sans être désagréable, j’aurai vite oublié ce Fenómenas pas phénoménal (oh que c’était facile…).
Marcel the Shell with Shoes On de Dean Fleischer Camp (2021, Marcel, le Coquillage (avec ses chaussures))

En 2010, Dean Fleischer Camp conçoit Marcel en urgence avec les moyens du bord pour une vidéo projetée durant le show d’un ami. Il s’inspire pour cela d’une voix que sa copine, la doubleuse et actrice Jenny Slate, avait inventée lors d’une soirée et ils écrivent ensemble un script à l’arrache. Le court métrage de 3 minutes est mis sur YouTube et fait rapidement parler de lui. Deux autres courts avec Marcel sont élaborés en 2011 et 2014. Quasiment dénués d’intrigue, ils reposent uniquement sur la voix amusante imaginée par Jenny Slate. Dean Fleischer Camp et Jenny Slate travaillent ensuite pendant sept ans sur un long métrage d’1h30, qui voit le jour en 2021 et sort finalement en France en mai 2023. Ils fabriquent pour Marcel une famille et un passé, en gardant la logique documenteuse initiale.
Les courts métrages m’avaient moyennement emballé et j’allais voir Marcel the Shell with Shoes On à reculons. Si Dean Fleischer Camp et Jenny Slate développent le récit, avec l’ajout notamment du beau personnage de la grand-mère, le dispositif d’origine reste trop présent et on tourne un peu en rond. C’est par ailleurs bourré de bons sentiments et gentiment moralisateur. Techniquement en revanche, rien à redire, l’animation ayant été essentiellement assurée par les frères Chiodo, connus pour Killer Klowns from Outer Space (1988). Je ressors donc avec une opinion mitigée.
Psiconautas, los niños olvidados de Pedro Rivero & Alberto Vázquez (2015, Psiconautas)

Psiconautas est au départ un roman graphique d’Alberto Vázquez paru en Espagne en 2006, sur l’histoire d’amour entre Birdboy et Dinky. En 2011, l’auteur s’associe au réalisateur Pedro Rivero pour construire un court métrage de 12 minutes, Birdboy, sélectionné dans des festivals prestigieux. Ils consacrent les quatre années qui suivent à la création d’une version longue, développant des protagonistes accessoires et centrant le scénario sur les habitants de l’île plutôt que sur la romance. Le résultat est graphiquement splendide et terriblement déprimant, Psiconautas abordant pêle-mêle les problèmes de drogue, la pauvreté, la crise d’adolescence, la pression parentale, le chômage ou la pollution. C’est parfois fouillis, avec une abondance d’arcs narratifs parallèles : Pedro Rivero et Alberto Vázquez craignaient un manque de matière, ils sont tombés dans l’excès et se contentent en 1h15 de survoler les sujets. Les images laissent néanmoins une impression durable et la musique accentue la mélancolie.
A noter que je suis le seul à avoir perçu dans Psiconautas des liens avec le franquisme, je n’ai rien déniché sur internet et je m’interroge. Si la figure du chef omnipotent est absente, divers éléments m’ont évoqué la dictature espagnole : une catastrophe qui isole un pays, les criminels proposant de rares échappatoires physique (fourniture d’un bateau) ou psychique (drogue) ; un régime totalitaire qui ne tolère aucun écart, la police tuant ceux qui cherchent à changer les choses ou qui veulent s’envoler vers d’autres horizons ; un passé tabou, rempli de cadavres ou de disparus ; une famille conservatrice et religieuse, qui fait la morale à sa fille vaguement rebelle ; une espèce de prêtre aveugle qui contrôle les démunis à travers des principes intégristes… Hasard, références inconscientes, assumées ou extrapolation de ma part ?
The Willoughbys de Kris Pearn, Cory Evans & Rob Lodermeier (2020, La famille Willoughby)

Le nom Willoughby me rappelle toujours un épisode mélancolique de la Quatrième dimension que j’avais beaucoup aimé, A Stop at Willoughby (1960), sur un homme d’affaire fatigué qui trouve brièvement un endroit où se reposer. Rien à voir avec ce The Willoughbys survolté, qui ne laisse pas au spectateur une seconde de répit. C’est une transposition de l’ouvrage éponyme écrit en 2008 par Lois Lowry, autrice de littérature jeunesse. L’animation est réussie, des images de synthèse avec un excellent rendu des textures. L’intrigue est un assemblage de références, un peu de Dickens et une grosse dose de Roald Dahl, de Matilda à Charlie et la Chocolaterie. La méchanceté et la cruauté de celui-ci sont en revanche absentes, à l’inverse du récent Roald Dahl's Matilda the Musical (2022) qui les avait bien retranscrites. Un chat narrateur, ajouté je pense pour l’adaptation sur grand écran, explique à maintes reprises que le récit que l'on suit est impertinent et inhabituel. Le clamer ne suffit pas, The Willoughbys est prévisible et gentillet, de la guimauve vite digérée et vite oubliée.
Films vus seuls
怪猫 呪いの沼 [Kaibyô nori no numa] de Yoshihiro Ishikawa (1968, Bakeneko: A Vengeful Spirit)

Yoshihiro Ishikawa est un scénariste et réalisateur obscur de la Shintôhô, qui a œuvré pour ce studio de 1954 à sa dissolution en 1961. En 1968, il refait surface pour deux longs métrages à la Toei avant de passer définitivement à la télévision. Spécialiste du policier et de l’horreur, il s’attacha aux kaibyô, des chats surnaturels dont les caractéristiques varient selon les traditions, à l'image du chat-vampire de Nabeshima mentionné sur ce blog. En 1958, il coécrivit ainsi le script de Bôrei kaibyô yashiki de Nobuo Nakagawa et mit en scène en 1960 Kaibyô Otama-ga-ike.
Kaibyô nori no numa est manichéen, avec un méchant très très vil et un couple de gentils droits et purs. Certains effets spéciaux sont en outre fort kitschs. Ces défauts sont rattrapés par une superbe photographie, une violence sèche et occasionnellement gore, des combats rythmés et une ambiance horrifique soignée. Dans son beau noir et blanc, anachronique en 1968, Kaibyô nori no numa se situe dans le haut du panier du kaibyô eiga.
兄いもうと [Ani imôto] de Sotoji Kimura (1936, Older Brother, Younger Sister)

Ani imôto est tiré d’une nouvelle de l’écrivain et poète Murô Saisei, publiée en 1934 dans le magazine Bungeishunju et gagnante du prix Bungei Konwakai en 1935. En 1953, Naruse, admirateur de l’adaptation de Sotoji Kimura, en fit un remake (nommé Frère aîné, sœur cadette en français et avec Machiko Kyô dans le rôle de Mon), imité par Tadashi Imai en 1976.
Sotoji Kimura fut un des réalisateurs phares de la P.C.L., un studio de production pionnier du parlant au Japon et actif entre 1933 et 1937, jusqu’à sa fusion avec la Tôhô. Après quelques comédies inoffensives, il dirigea quatre films à tendance sociale en digne héritier des keiko eiga, des mélodrames prolétariens typique des années 20 qui disparurent au début des années 30 sous la pression des autorités. Ani imôto est le premier, où il s’attarde sur les tensions entre classes et sur la vie des ouvriers de façon quasi-documentaire, avec des plans rappelant le réalisme soviétique. Avec la montée du militarisme et du nationalisme, il sera marginalisé et ne tournera quasiment pas entre 1940 et 1956.
Je ne me souviens que vaguement du Naruse vu il y a longtemps. C’était un Naruse assez subtil de mémoire. Tout le côté social avait été évacué, il avait transformé ça en drame familial conforme à son style. Cette version de 1936 est plus ramassée (une petite heure contre presque 1h30 chez Naruse), ancrée dans la pauvreté et le réel. Je l’ai trouvé réussie et je serai curieux de la comparer avec celle de Tadashi Imai, autre cinéaste de gauche préoccupé par les difficultés des milieux ruraux.
喜劇 一発大必勝 [Kigeki ippatsu dai hisshou] de Yôji Yamada (1969, Vagabond Schemer)

A la suite du décevant Un ga yokerya (1966) et de Natsukashii furaibo (1966), Yôji Yamada revient à un comique slapstick proche de sa série des Baka. Kigeki ippatsu dai hisshou constitue, avec Kigeki: Ippatsu shôbu en 1967 et Ippatsu daiboken en 1968, la fausse trilogie Ippatsu, chaque épisode n’ayant aucun rapport avec son prédécesseur. Pour ce troisième volet, à l’instar de Baka marudashi (1964), il puise dans un roman de l’écrivain populaire Shinji Fujiwara et reprend le duo Hajime Hana/Chieko Baishô qu’il a déjà employé avec succès à quatre reprises.
Je n’avais pas pu me procurer jusqu’à présent ce titre rare en Occident et il me manque toujours les deux Ippatsu précédents. C’est de l’humour physique plutôt lourdingue qui repose beaucoup sur une violence anarchique à la Trois Stooges. Les caractères ne sont guère développés et l’humanisme que j’apprécie chez Yamada est absent. Autant dire que ça ne m’a pas emballé et que je ne recommanderais pas ce film singulier dans la carrière du réalisateur (même s’il me reste à voir les Baka et les deux autres Ippatsu).
Wolf Creek de Greg McLean (2005)

Rejeton australien de Massacre à la tronçonneuse (1974), Wolf Creek se présente comme une histoire vraie, avec cartons explicatifs en introduction et en conclusion. C’est totalement faux, Greg McLean s’étant seulement inspiré de serials killers australiens, spécialement d’Ivan Milat. Il donne en outre à sa photographie un aspect réaliste, avec des décors et des éclairages naturels. Cette bonne tenue technique ne suffit pas à sauver ce torture porn qui prend un malin plaisir à torturer pendant une trentaine de minutes ses deux héroïnes. Les situations et le tueur sont ultra convenues, j’ai du mal à comprendre les critiques globalement positives qui soulignent le choc qu’il est censé provoquer et son soi-disant apport au genre. J’ai l’impression d’avoir vu ça des dizaines de fois et ça m’a ennuyé plus que perturbé.
梁山伯與祝英台 [Liang Shan Bo yu Zhu Ying Tai] de Han Hsiang Li (1963, The Love Eterne)

Depuis des siècles, l’opéra est un art incontournable dans la culture chinoise. Plus de trois cents formes ont existé, les autorités en favorisant certaines à divers moments de l’Histoire. Lors de la prise de pouvoir des communistes en 1949, l’opéra de Pékin fut élevé au rang d’opéra national. D’autres styles furent encouragés, notamment l’opéra du Huangmei du Sud-Est de la Chine. Chanté au départ par des femmes des montagnes de la province d’Anhui, il met l’emphase sur des mélodies simples et douces et recourt à des costumes peu sophistiqués. Il ne comporte pas les gestes codifiés typiques de l’opéra traditionnel et se rapproche du théâtre populaire. Durant les années 50, il s’exporta à Hong-Kong par le biais des nombreux immigrés du Guangdong qui s’installèrent dans la ville.
A la même époque, en Chine communiste, des drames musicaux tirés d’opéras rencontrèrent un grand succès, dont Liang Shan Bo yu Zhu Ying Tai de Sang Hu en 1954. Sang Hu s’inspira d’une ancienne légende du sud de la Chine, la romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai, amour impossible entre deux amants séparés par les conventions, une sorte de Roméo et Juliette oriental. Originaire de Shanghai, Sang Hu utilisa une forme d’opéra relativement récente, l’opéra Yue, également venu du Sud-Est mais popularisé à Shanghai dans les années 1920. Cet opéra employait des femmes dans des rôles d’hommes et visait un public féminin à travers des thématiques appropriées à cette audience. L’objectif était de promouvoir l’égalité entre les sexes impulsé par les communistes et de souligner l’importance de l’éducation pour les filles. Devant l’enthousiasme suscité par ce film et par ses semblables à Hong-Kong, les deux studios concurrents de la Shaw Brothers et de la Cathay lancèrent la production de leurs propres titres.
La Shaw Brothers se distingua rapidement grâce à Han Hsiang Li qui mit en scène en 1958/1959 les deux premiers classiques du genre, Diau Charn et The Kingdom and the Beauty. En 1963, la Shaw Brothers décida d’adapter à son tour la légende de Liang Shanbo et Zhu Yingtai. Afin de terminer avant la Cathay qui travaillait sur un projet similaire, Han Hsiang Li reprit dans les grandes lignes le Sang Hu, pompant allègrement la trame, des chansons et des séquences entières. Bien que l’opéra du Huangmei ait servi de base pour le style musical et l’interprétation, Han Hsiang Li conserva le principe de recruter une actrice pour incarner Liang Shanbo et renforça le féminisme du métrage. Il ajouta par exemple des passages à l’école, où Zhu Yingtai insiste sur l’égalité des sexes et sur les problèmes des textes confucianistes enseignés. Avec sa remarquable cinématographie et son esthétique soignée, cette version de 1963 constitua l’apogée du genre. Liang Shan Bo yu Zhu Ying Tai eut un retentissement considérable à Hong-Kong et à Taïwan, où il pulvérisa tous les records. A Taïwan, le public connaissait les chansons par cœur et certains allèrent voir le film des dizaines de fois. Il demeure une référence dans l’île et c’est une madeleine de Proust d’Ang Lee.
Pour un novice, Liang Shan Bo yu Zhu Ying Tai est déstabilisant. A la manière d’un Demy, ça chante quasiment tout le temps et, même si l’opéra du Huangmei est lyrique et peu codifié, le style est inhabituel pour un non sinophile. En Occident, Liang Shan Bo yu Zhu Ying Tai est apprécié pour son côté très queer, avec ses travestissements et sa romance pouvant être perçue alternativement gay ou lesbienne selon le point de vue. Il ne faut pour autant pas surinterpréter, ces ambiguïtés étaient courantes dans les arts chinois comme je l’ai précisé précédemment, elles faisaient partie d’un ensemble de normes acceptées par les spectateurs. Cela ne veut pas dire que l’homosexualité était approuvée, l’Asie de l’Est, excepté Taïwan, n’étant pas vraiment à la pointe sur le sujet encore aujourd’hui. Liang Shan Bo est d’ailleurs soulagé quand il apprend que Zhu Ying Tai est une femme, mal à l’aise avec ses sentiments peut-être plus qu’amicaux et par les perches que Zhu Ying Tai habillé en homme lui tendait. C’est en revanche étonnamment féministe pour la période, avec son héroïne qui se rebelle contre les traditions et prend les initiatives. Je conclurai en disant que si Liang Shan Bo yu Zhu Ying Tai mérite son statut culte, sa forme d’opéra est susceptible de rebuter le néophyte.
乱れからくり [Midare karakuri] de Susumu Kodama (1979, Murder in the Dollhouse)

Susumu Kodama est un réalisateur de TV drama qui a peu œuvré pour le grand écran. Son premier long métrage date de 1970 et il aurait, selon wikipedia Japon, achevé trois titres avant Midare karakuri. Deux d’entre eux ont apparemment été abandonnés dans les tiroirs, la Toho réduisant fortement à cette époque ses sorties en raison de la crise que traversait les studios avec la concurrence de la télévision et la chute du nombre des entrées en salle. Le rôle de Toshio Katsu échoit à Yûsaku Matsuda, qui deviendra célèbre quelques mois plus tard avec la série TV Tantei Monogatari. Il est surtout connu des amateurs de cinéma japonais pour son interprétation du tuteur violent dans Jeu de famille (1983).
Midare karakuri est un whodunit inspiré d’un livre de Tsumao Awasaka. Par son détective excentrique, son ambiance et le type de récit ponctué de morts horribles dans un lieu unique, il rappelle les enquêtes de Kôsuke Kindaichi, qui furent adaptées cinq fois par Kon Ichikawa entre 1976 et 1979. Toshio Katsu est néanmoins plus moderne que Kôsuke Kindaichi, résolument ancré dans les années 70 avec sa coolitude et son improbable coupe afro. Si l’intrigue est tirée par les cheveux et assez prévisible, Midare karakuri est une agréable variation du genre, moins sexiste que la moyenne grâce à la responsable de Toshio, une flic qui s’est mise à son compte. A noter la présence de Kunie Tanaka, acteur japonais incontournable des années 60 à 80, en inspecteur incompétent et ridicule.
DOOR III de Kiyoshi Kurosawa (1996, Door III)

Un an avant Cure (1997) qui fera sa réputation, Kiyoshi Kurosawa dirige pour le marché de la vidéo Door III avec un maigre budget. C’est l’ultime volet d’une trilogie composée de Door (1988) et de Door II: Tôkyô Diary (1991) de Banmei Takahashi, chaque épisode n’ayant guère de rapport avec le précédent. Kurosawa essaye d’installer l’atmosphère étrange et malaisante qui deviendra sa marque de fabrique, une scène de Door III étant d’ailleurs reprise quasi à l’identique dans Kaïro (2001). On y retrouve également une critique de la déshumanisation de la société japonaise, thème qu’il approfondira dans la suite de sa carrière. Cela ne suffit pas. Le scénario est faible et l’explication du comportement de Fujiwara entraîne Door III sur un chemin périlleux et grotesque. Les défauts habituels de Kurosawa, sa lenteur et le manque de profondeur des personnages, engendrent un ennui et un désintérêt progressif. Même si Sûîto hômu (1989), parasité par Jûzô Itami, était peu fidèle au style de Kurosawa, c’était fun et les effets spéciaux étaient réjouissants. Il n’y a en revanche pas grand-chose à sauver dans Door III. A réserver aux complétistes.
Séries
The Owl House de Dana Terrace (2020-2023, Luz à Osville), 3 saisons

Début 2018, Disney valide simultanément deux projets de séries animées pour ado, Amphibia et The Owl House. Elles sont portées par des ancien·ne·s de Gravity Falls (2012), fer-de-lance qui a marqué son époque et a bousculé le studio centenaire. Si Gravity Falls s’est vu refusé nombre de représentations LGBT, les scripts se faisant régulièrement retoquer, il a ouvert la voie à ses successeurs. The Owl House met ainsi en vedette un couple lesbien et contient d’autres protagonistes LGBT. Au niveau de la trame, il possède de multiples points communs avec Amphibia. Son héroïne, issue d’une minorité, est projetée dans un univers parallèle étrange. Elle slalome entre les dangers tout en se forgeant un solide groupe d’amis et apprend que cette société est régie par un empereur ambigu, qu’on soupçonne d’avoir des intentions maléfiques. A la fin de la deuxième saison, Anne/Luz et ses amis doivent s’échapper en allant sur Terre, avant de sauver Amphibia/le royaume des démons des griffes des vilains dans la dernière saison, avec une conclusion Dragon Ball Z-isante.
The Owl House démarre plus prestement qu’Amphibia et pose rapidement des enjeux narratifs intéressants. Les saisons 1 et 2 s’enchaînent sans temps mort. La saison 3, constituée de trois épisodes d’une quarantaine/cinquantaine de minutes, m’a moins convaincu. Elle est excessivement concentrée sur Luz aux dépens de ses compagnons, les diverses intrigues sont résolues à la va-vite et l’épilogue tombe dans une surenchère dont pâtissait déjà Amphibia. The Owl House s’achève en me laissant sur une impression mitigée. C’est dommage car la série est globalement sympathique, trop proche cependant d’Amphibia voire de Star vs. the Forces of Evil (2015), également chez Disney, qui explorait les interactions entre habitants de deux mondes parallèles, le nôtre et un magique.
Livres
Aujourd'hui, nous changeons de visage de Roger Zelazny (Denoël, collection « Présence du futur », 1977), 192 p.

Le quatrième de couverture de l’édition Denoël est curieux, il introduit le second pan du roman en sautant complètement le long prélude que je viens de résumer. Ce premier quart devait initialement être un flashback et Zelazny le mit en ouverture sur recommandation de l’éditeur. Ça aurait mieux fonctionné tel que pensé à l’origine, des éléments ultérieurs permettant d’en apprécier la teneur. Plus généralement, Aujourd'hui, nous changeons de visage critique la manière dont le pouvoir oppose désir de sécurité et libertés, et se demande si l’arrêt de la guerre et de la violence justifie le contrôle et le façonnage des populations. Ces sujets passionnants ne sont pas correctement exploités, j’estime que le livre manque de rythme et se classe dans les Zelazny mineurs.
- Les manchots de Mandela et autres récits océaniques de David Grémillet (Acte Sud, collection « Mondes sauvages », 2021), 240 p.L’océanographe David Grémillet, spécialiste des oiseaux marins, revient à travers huit chapitres sur ce que lui ont appris ses observations et expériences à travers le monde pendant une bonne trentaine d’années. Il se concentre sur l’adaptation des oiseaux marins au changement climatique et aux activités de l’homme :
- • Cormoran polaire : Le cormoran est souvent perçu comme mal ajusté, devant étendre ses ailes pour se sécher, et vorace, décimant les élevages de poissons. Il n’en est rien.
- • Roi des mers : Le mergule nain est parfaitement acclimaté au milieu arctique, apte à survivre dans les pires conditions polaires. Pourra-t-il résister au changement climatique ? Comment se portent les populations ?
- • Toute la lumière sur la migration des oiseaux : Les géolocateurs ont révolutionné notre compréhension des migrations. Cette technologie n’avait pourtant pas prise au sérieux à ses débuts.
- • Un manchot africain : Depuis des décennies, la pêche intensive, la pollution et la collecte des œufs ont décimé les colonies autrefois abondantes des manchots du Cap, qui sont aujourd’hui dans un état critique.
- • La Bretagne en Afrique : Les fous de Bassan qui nichent en Bretagne parcourent des milliers de kilomètres au cours de l’hiver, certains descendant en Afrique Australe. La pêche intensive menace ces migrations au long cours.
- • Méditerranée nocturne : Durant la nuit, les puffins sillonnent la Méditerranée pour se nourrir. Malheureusement, il ne reste pas beaucoup d’endroits offrant la tranquillité requise.
- • Fournaise indienne : La sterne fuligineuse niche sur les plages calmes et désertes. En Inde, ces lieux n’existent plus et même les sanctuaires soi-disant préservés sont en réalité extrêmement perturbés.
- • Le dernier océan : L’Antarctique était, jusqu’à récemment, une des dernières contrées à l’abri de la pêche intensive et des perturbations humaines. C’est de moins en moins le cas.
David Grémillet mélange avec aisance autobiographie, explication scientifique, comptes-rendus d’observations et éthologie sans jamais perdre le lecteur. Il donne envie d’aller sur le terrain et de se plonger dans la recherche, montrant que la science est pratiquée par des humains investis. Ce n’est pas un texte optimiste ou réjouissant, le constat est globalement alarmant et la pêche intensive est presque plus effrayante que le changement climatique qui, lui, offre aux oiseaux une maigre chance d’adaptation. Comprendre la situation est néanmoins un mal nécessaire et je recommande chaudement Les manchots de Mandela et autres récits océanique.
Revues
Les Cahiers du cinéma n°799 – Juin 2023

Dans les sorties du mois, le Wes Anderson et le Nanni Moretti me font de l’œil. Avec Asteroid City, Wes Anderson semble revenir à une entreprise plus intimiste et ramassée que The French Dispatch (2021), que je n’avais pas aimé. Pas grand-chose à part ça, si ce n’est une ressortie de films noirs mexicains des années 40/50 qui ont l’air intéressant, je vais essayer de récupérer ça.
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