samedi 23 septembre 2023

Carnet de bord 09/09/2023-22/09/2023



Films vus en compagnie
Practical Magic de Griffin Dunne (1998, Les ensorceleuses)
Au XVIIe siècle dans le Massachusetts, délaissée par son amant, la sorcière Maria Owens se jette un sort pour ne jamais retomber amoureuse. Sans le savoir, elle accable sa descendance, toute femme Owens étant désormais condamnée à voir mourir l’homme dont elle est éprise. Au décès de leurs parents victimes de la malédiction, Gillian et Sally sont recueillies par leurs deux tantes farfelues, qui leur enseignent la magie. Devenues adultes, Sally tente de mener une vie normale en refusant son héritage familial tandis que Gillian s’accoquine avec un individu peu recommandable.

Practical Magic est tiré du roman éponyme d’Alice Hoffman, écrivaine spécialiste de littérature pour enfants et adolescents. Deux préquelles et une suite ont été publiées récemment, The Rules of Magic (2017), Magic Lessons (2020) et The Book of Magic (2021). Le long métrage repose sur ses deux actrices principales, Sandra Bullock et Nicole Kidman, déjà célèbres sans avoir le statut de stars qu’elles ont actuellement. Nicole Kidman venait de terminer le tournage d’Eyes Wide Shut (1999) et avait la mauvaise habitude de faire 70 à 80 prises, ne donnant le meilleur qu’au bout d’un certain temps, alors que Sandra Bullock était immédiatement juste. Le ton oscille entre comédie, drame, fantastique et romance. Les personnages masculins sont plutôt ratés et il y a des longueurs, il aurait mieux valu se concentrer sur l’humour noir et se débarrasser du love interest fadasse.


Paddington 2 de Paul King (2017)
Pour les cent ans de sa tante Lucy, Paddington veut lui acheter un cadeau exceptionnel. Il découvre chez son ami antiquaire Samuel Gruber un livre pop-up représentant le Londres des années 30 qui conviendrait parfaitement. Malheureusement, le prix est élevé et Paddington se met au travail pour gagner de l’argent. Il a presque réuni la somme quand il assiste un soir au cambriolage de la boutique de M. Gruber. Il pourchasse le malfrat mais n’arrive pas à l’attraper. Condamné à sa place, il est envoyé en prison pendant que les Brown, convaincu·e·s de son innocence, essayent d’identifier le coupable.

Paddington 2 se déroule aussitôt après le premier épisode, avec une distribution globalement identique, Hugh Grant remplaçant Nicole Kidman en grand méchant. Il démarre dans une ambiance proche de son prédécesseur, Paddington multipliant les bêtises qui se transforment en catastrophes. On s’écarte rapidement de ce schéma, avec une partie en prison très réussie, bébête et gentille, et une séquence d’évasion Wes Andersonienne impeccablement maîtrisée. La course-poursuite finale est de haute volée et, sans le hisser au rang de meilleur film de l’Histoire comme l’avait promu brièvement Rotten Tomatoes, Paddington 2 mérite sa réputation et surclasse le 1. Michael Bond, l’auteur des ouvrages, décéda avant la sortie et ne put apprécier le résultat.


The Luck of the Irish de Henry Koster (1948, L'énigmatique Monsieur Horace)
Lors d’un déplacement en Irlande, le journaliste Stephen Fitzgerald renonce à prendre le trésor d’un leprechaun qu’il a capturé. De retour à New York, il est promu prête-plume de son patron qui se lance dans la politique. Leurs idées sont fort différentes et Stephen doit manger son chapeau pour garder son emploi. Le leprechaun revient sous la forme d’un majordome pour guider Stephen sur la bonne voie.

A l’instar de Mr. Peabody and the Mermaid (1948), The Luck of the Irish est adapté d’un roman de Guy et Constance Jones et on y retrouve une touche surnaturelle. Il est dirigé par Henry Koster, réfugié juif allemand qui a surtout brillé dans le domaine de la comédie avec le formidable Harvey (1950) et le sympathique The Bishop's Wife (1947). Ses œuvres sont généralement construites autour d’une mega star, que ce soit James Stewart, Cary Grant, Danny Kaye dans The Inspector General (1949) ou Tyrone Power ici. Ce dernier commençait à se lasser des rôles légers et des films en costume et souhaitait diversifier son image, d’où sa performance dans Nightmare Alley (1948) l’année précédente. Il a pourtant un véritable sens de la comédie, qu’il démontre dans The Luck of the Irish, bien épaulé par un Cecil Kellaway cocasse en leprechaun. Le reste du casting fait ce qu’il peut, desservi par un script faible et des personnages sans relief. A noter que les scènes en Irlande avait été teintées en vert et que le compositeur Cyril J. Mockridge a utilisé la fameuse chanson médiévale anglaise Greensleeves, qui a inspirée la mélodie d'Amsterdam de Jacques Brel.


Nadie sabe que estoy aquí de Gaspar Antillo (2020, Personne ne sait que je suis là)
Durant son enfance en Floride, Memo fut repéré par un producteur de musique en raison de sa voix exceptionnelle. Toutefois, doté d’un physique ingrat, il fut maintenu en coulisses au profit d’Ángelo, un beau garçon susceptible de plaire aux jeunes filles et qui chantait en playback. Traumatisé par ces évènements, Memo adulte vit reclus avec son oncle dans une maison isolée au Chili. La rencontre avec Marta, la nièce de leur contact avec le monde extérieur, va bouleverser ce triste quotidien.

Nadie sabe que estoy aquí est le premier long métrage de Gaspar Antillo, financé par Fabula et distribué par Netflix. Fondée en 2003 et gérée par les frères Larraín, la compagnie Fabula est devenue incontournable dans le cinéma chilien. Elle a fourni à Gaspar Antillo des moyens conséquents et des acteurs réputés habitués du studio comme Luis Gnecco, qui jouait Pablo Neruda dans Neruda (2016), ou Alejandro Goic vu dans No (2012) et El Club (2015) de Pablo Larraín. Memo est incarné par l’américain Jorge Garcia, célèbre pour la série Lost et dont le père est Chilien. Le tournage a eu lieu près du lac Llanquihue non loin de Puerto Montt, zone très touristique à l’extrême nord de la Patagonie chilienne.
Nadie sabe que estoy aquí s’attarde trop à poser son cadre convenu du héros mutique torturé par son passé dans de superbes paysages. On cerne rapidement les enjeux et on s’ennuie en attendant qu’il se passe quelque chose. S’ensuit une partie quasi obligée et mal maîtrisée sur l’emballement médiatique via les réseaux sociaux, avant une conclusion correctement menée. C’est bien interprété et joliment photographié mais le côté arty m’a gonflé. Dommage.


Films vus seuls
炎の城 [Honô no shiro] de Tai Katô (1960, Castle of Flames)
Masato rentre au pays après un voyage d’études en Chine. A son arrivée, il apprend que son père est décédé et que son oncle Morokage a pris sa place en épousant sa mère. Il a vite des doutes sur les causes du décès de son géniteur et simule la folie afin de se rendre tranquillement compte de la situation. Il hésite à tuer Morokage, malgré le soutien des paysans excédés par les impôts imposés par leur nouveau seigneur.

Viré de la Daiei en 1950 au cours de la purge rouge à cause de son engagement syndical, Tai Katô débuta la réalisation à Takara Production avant d’être embauché par la Toei en 1956. Il y fit l’essentiel de sa carrière en se spécialisant dans les films de sabre puis de yakuzas. Partisan d’un certain réalisme qui l’amena à rejeter le maquillage pour mettre en valeur la beauté naturelle des visages qu’il photographiait en gros plans et en contre-plongée, il privilégiait la psychologie à l’action pure. Il tourna régulièrement avec Kinnosuke Nakamura et est connu en Occident pour ses trois épisodes de La pivoine rouge, probablement les meilleurs de la série.
Hamlet était à la mode en cette année 1960 et Akira Kurosawa s’en était servi peu avant pour Les salauds dorment en paix, qui retranscrivait le récit dans le présent. Honô no shiro adopte une approche traditionnelle et transpose Hamlet dans le Moyen-Âge japonais, ce que Le château de l’araignée (1957) avait déjà fait avec Macbeth. Honô no shiro demeure néanmoins sage, loin de la puissance visuelle et narrative de Kurosawa (que Tai Katô assista sur Rashômon (1950)). Il faut dire que Hashizô Ôkawa n’est pas Toshirô Mifune et qu’il peine en Masato/Hamlet. Le happy-end exigé par la production détonne également, d’autant plus pour un Tai Katô qui méprisait ce genre de conventions et qui considéra Honô no shiro comme un échec. Sans aller jusque-là, Honô no shiro ne se démarque guère du tout-venant, excepté par son climat de révolte des paysans contre l’autorité à une période où les manifestations contre l’Anpo battaient leur plein.


Livres
L’étonnante histoire des noms des mammifères – De la musaraigne étrusque à la baleine bleue d’Henriette Walter & Pierre Avenas (Robert Laffont, 2003), 486 p.
La linguiste Henriette Walter s’est associée au mordu d’étymologie Pierre Avenas pour rédiger un impressionnant bestiaire détaillant les origines des noms d’un grand nombre de mammifères. Ils ont pour cela regroupé les animaux en sections logiques d’un point de vue étymologique et sollicité le peintre François Boisrond pour les illustrations. Pour chaque mot, ils fournissent la ou les racines indo-européennes, les formes grecques et latines, et les termes utilisés dans un ensemble de langues occidentales modernes. Ils ponctuent le tout d’anecdotes, de quizz et d’analyses sur les dérivés en français des mots traités.

A l’époque lointaine où j’étais en Lettres modernes, ma discipline préférée était la phonétique historique et je m’intéressais à l’étymologie. Etant en outre passionné par la zoologie, je me devais de me pencher sur L’étonnante histoire des noms des mammifères. Bien qu’ayant des qualités, l’ouvrage n’est malheureusement pas exempt de défauts. Je ne m’attarde pas sur les dessins de François Boisrond, je n’ai pas aimé le style, c’est une question de goût. Les quizz sont agaçants, les réponses sont à l’envers et on passe son temps à retourner le bouquin. Autrement embêtant, il manque le nom scientifique latin des espèces, le seul commun à toutes les langues. Parfois mentionné rapidement, il est pourtant capital et aurait dû faire l’objet d’une étude systématique. J’ai enfin remarqué une énorme boulette sur le lynx : ils expliquent qu’il a une vue perçante et que l’Argonaute Lyncée, qui pouvait voir à travers les nuages les plus sombres, aurait été nommé en référence au félin. C’est le contraire, la vue du lynx est quelconque, inférieure à celle d’un être humain, et c’est par paronymie avec Lyncée qu’on a attribué par erreur une vue exceptionnelle au lynx (dont le nom provient peut-être de ses yeux brillants dans le noir). Cette bévue jette une ombre sur l’intégralité de leur travail, laissant craindre des problèmes du même type qui m’auraient échappé. Cela reste cependant agréable en mode picorage, la lecture d’un trait étant fatigante à la longue.


A Bear Called Paddington de Michael Bond (Harper Collins, collection « The Classic Adventures of Paddington Bear – The Complete Collection », 2019), 159 p.
Venu des profondeurs de la forêt péruvienne, un jeune ours débarque en Grande-Bretagne et est recueilli par la famille Brown, qui le nomme Paddington. Il est immédiatement pris en affection par M. et Mme Brown, par leur fille Judy, leur fils Jonathan et leur gouvernante Mme Bird. Ayant grandi dans la nature, il rencontre des difficultés à se servir du mobilier quotidien et à comprendre la société anglaise. Il multiplie les gaffes mais, grâce à sa politesse et sa gentillesse, il retombe systématiquement sur ses pattes.

Le visionnage des deux films Paddington m’a donné envie de lire les quinze Paddington Bear de Michael Bond. A Bear Called Paddington est le premier, publié en 1958. Le concept provient d’un ours en peluche que Michael Bond acheta à sa femme pour Noël 1956 dans une boutique près de Paddington, combiné à l’image des enfants réfugiés ou évacués à Londres durant la Seconde Guerre mondiale et pris en charge par des foyers d’accueil. A Bear Called Paddington est composé de huit chapitres, chacun narrant un évènement cocasse lié à la découverte par Paddington de la vie londonienne des années 50. Cela va d’un lavage dans une baignoire ou de l’entrée dans le métro, scènes reprises dans le Paddington de 2014, à une visite au théâtre ou à un tour de magie malencontreux. A l’inverse des longs métrages, les maladresses de Paddington gardent des proportions raisonnables et ne prennent pas de tournure catastrophique. Il n’y a pas non plus pour l’instant d’aventures, de méchants ou de course-poursuite. Ce n’est que le début, c’est en tout cas sympathique, dans un style simple et plaisant.


Les travers du docteur Porc - Une enquête du docteur Porc de Tran-Nhut (Philippe Picquier, collection « Picquier poche », 2010), 300 p.
En l’absence du mandarin Tân parti visiter son village natal dans le sud du pays, le docteur Porc s’est vu confié la justice du tribunal de la ville. Déjà occupé par son cabinet médical qui ne rapporte pas assez à son goût, le médecin n’a guère le temps de s’en préoccuper, laissant le personnel administratif gérer les affaires courantes. Quand un meurtre étrange survient et que les porteurs de Tân viennent chercher le physicien, celui-ci tente de s’esquiver, jusqu’à ce qu’on lui fasse miroiter un lingot d’or en récompense de la résolution du mystère. Il se lance alors dans une investigation qui va s’avérer plus complexe que prévue.

Je continue la série des enquêtes du mandarin Tân avec ce sixième volume, où le perspicace mandarin est remplacé par le cynique et opportuniste docteur Porc. J’avais été un peu déçu par L’esprit de la renarde, entièrement dominé par le juste et monolithique Tân et présumait que Les travers du docteur Porc apporterait une séduisante variation. C’est en effet le cas, avec ce héros calculateur et parfois cruel, aux méthodes fort différentes du brave mandarin. Si l’intrigue est faiblarde, l’univers est toujours aussi captivant et le docteur domine une galerie de protagonistes hauts en couleur. Je me suis bien amusé et j’attends le retour de Tân dans son environnement habituel pour les deux derniers épisodes.


Revues
Les Cahiers du cinéma n°801 – Septembre 2023
Pas de gros dossier dans les Cahiers de ce mois, qui se focalise sur les sorties de la rentrée. Après six ans d’absence, Kaurismäki reprend ses habitudes avec Les feuilles mortes (2023), où deux solitaires au jeu monolithique espèrent trouver dans l’amour une échappatoire à leur morne quotidien. La critique est accompagnée d’un entretien avec Jim Jarmusch, grand ami du Finlandais. Rien de transcendant à part ça. Je me pencherai un jour sur l’œuvre du roumain Radu Jude et peut-être également sur celle de Rabah Ameur-Zaïmeche, pour l’instant je fais l’impasse. La comédie dramatique Déserts (2023) sur deux pieds nickelés recouvreurs de dette au Maroc suscite ma curiosité, de même que l’horrifique Inside (2023), teen movie américain qui joue avec le folklore hindou.

En termes de patrimoine, Gharibeh va meh (1974) et Cherike-ye Tara (1979) de l’iranien Bahram Beyzaie ont l’air intéressants, avec des éléments bizarres voire fantastiques. Encore du côté iranien, je pense récupèrer Les mystères du trésor de la vallée des fantômes (1974), une comédie potentiellement acerbe. Il faudra enfin absolument que je creuse la filmographie de Joan Micklin Silver, notamment Hester Street (1975), sur la communauté juive new-yorkaise de la fin du XIXe siècle.


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