samedi 21 juin 2025

Carnet de bord 14/06/2025-20/06/2025



Films vus en compagnie
Strul de Jon Holmberg (2024, Trouble)
Conny travaille dans un magasin d’électronique. Ayant besoin d’argent, il accepte d’aller installer une télévision hightech en soirée dans un pavillon de banlieue. Tandis que la propriétaire s’est absentée, son conjoint débarque en panique et est poignardé dans la cuisine. Conny, qui poursuit sa configuration avec un casque sur les oreilles, ne se rend compte de rien. Quand il comprend la situation, il a le temps d’entendre le mourant chuchoter le mot smartphone et est assommé. A son réveil, sa cliente rentre chez elle et appelle la police. Il est accusé d’assassinat et est envoyé en prison.

Strul est un remake de la comédie d’action éponyme de 1988 que personne ne connait en dehors de Suède. La version de 2024 est ponctuée de références à l’original, adressées davantage au public local qu’aux spectateurs de Netflix sur lequel elle est diffusée (elle était destinée à Viaplay, un service de streaming suédois qui se retira du projet au profit de Netflix). La réalisation clinquante de Jon Holmberg est assez agaçante et n’a guère d’intérêt. Le scénario tombe dans la facilité, avec le cliché du mec qui déteste le nouveau mari de son ex ou du sbire fort et bête. Cela reste pourtant regardable grâce à un rythme qui ne faiblit pas et à la bonne alchimie du duo formé par Conny (Filip Berg) et une flic qui va le sauver (Amy Deasismont, une chanteuse ancienne enfant star), qui compensent le jeu excessif d’une partie des interprètes. Le Strul de 1988 est apparemment très différent, je le récupèrerai à l’occasion.


明日は日本晴れ [Asu wa nipponbare] de Hiroshi Shimizu (1948, Tomorrow There Will Be Fine Weather)
Dans la campagne de Kyôto, un autocar emmène des voyageurs d’une station thermale à la gare centrale en traversant un col de montagne. Il est bondé, il fait chaud, les gens sont énervés et se plaignent de leur quotidien. Soudain, le véhicule fait un bruit bizarre et s’arrête. Sei, le chauffeur, essaye en vain de le réparer et finit par demander à ses passagers de l’aider à le pousser jusqu’à un endroit sûr. Une fois sur place, l’attente commence. Vaut-il mieux aller à pied à la prochaine ville située à 18 km ? Monter dans l’autocar qui circule dans l’autre sens et retourner au point de départ ? Ou patienter en espérant l'arrivée de la dépanneuse ?

Asu wa nipponbare est le second long métrage d’Hiroshi Shimizu après-guerre, quelques mois après Les enfants du nid d'abeilles (1948) où il avait employé comme acteurs des orphelins recueillis dans sa ferme. Pour Asu wa nipponbare distribué par la Tôhô, première production du studio indépendant Ekuransha, il mélange professionnels et amateurs dans une relecture de son Monsieur Merci (1936). On y assistait déjà aux discussions entre les voyageurs d’un autocar, conduit par un brave chauffeur incarné par Ken Uehara. Monsieur Merci n’était pas mièvre, on y voyait une fille vendue par ses parents ou des ouvrières coréennes pauvres. Asu wa nipponbare est cependant bien plus sombre. La guerre a eu un impact sur la société et a généré son lot de malheur. Un passager a perdu une jambe, un autre la vue, elle a séparé des amoureux, engendré des orphelins, et il faut recourir au marché noir pour survivre. A l’inverse de Monsieur Merci, Sei ne parvient pas à maintenir la cohésion et cela l’arrange qu’on se débrouille sans lui. Chacun part de son côté et les tentatives de réconciliation échouent.
Le film était considéré perdu depuis sa sortie en 1948 mais la Shôchiku (pour laquelle Shimizu travailla entre 1922 et 1943) découvrit en 2020 une copie 16 mm dans ses archives, qui fut ensuite restaurée et gonflée en 35 mm. Le casting est composé de débutants convaincants (l’homme amputé, le diseur de bonne aventure, le gosse…) et de seconds couteaux, notamment Michitarô Mizushima dans le rôle de Sei et Shin'ichi Himori en aveugle, un excellent comédien héros du Fils unique d’Ozu (1936). Le tournage a été effectué en extérieur en utilisant un unique autocar. On retrouve dans Asu wa nipponbare une absence d’intrigue typique de Shimizu, qui pose un contexte puis suit tranquillement ses personnages et leurs interactions. Sous une apparence de légèreté et d’humour, entre l’aveugle qui a des capacités dignes de Zatoichi ou le diseur de bonne aventure chafouin, il s’en dégage une noirceur qui révèle les difficultés de la période de reconstruction consécutive à la défaite. C’est un incontournable pour les fans de Shimizu (dont je suis) ou de cinéma japonais des années 40-50 en général.


Films vus seuls
Santo contra el asesino de la T.V. de Rafael Pérez Grovas (1982, Santo vs. the TV Killer)
Un individu masqué dénommé Magnus apparaît sur toutes les chaines de télévision. Il a détourné les signaux de radiodiffusion pour montrer en direct l’enlèvement par ses sbires de la star Marina Laval. Avant de rendre l’antenne, il affirme qu’il reviendra dans une semaine à la même heure pour un vol de bijouterie. Magnus est en réalité un riche trafiquant d’armes qui souhaite se venger de la police en la ridiculisant et de la mère de Marina qui s’était servie de lui. Impuissantes, les autorités appellent Santo à la rescousse.

Comme prévu, ce second Santo de Rafael Pérez Grovas était nasouille bien que pas franchement pire que Santo en la frontera del terror (1981). Un tiers est occupé par cinq chansons et deux matchs de catch. Les deux tiers restants multiplient les protagonistes, entre Gerardo Reyes qui joue un chanteur/reporter, les malheurs de Marina (Irina Areu) emprisonnée par Magnus, une deuxième célébrité que Magnus veut kidnapper, les tribulations de Santo et de son manager Carlitos, et l’enquête d’une journaliste amie de Santo. Celle-ci est interprétée par Rubi Re dans son premier rôle majeur, une actrice sympathique qui n’effectua qu’un bref passage dans le show business avant de se retirer. Santo contra el asesino de la T.V. comporte en outre son lot habituel d’incohérences et un montage qui accumule les faux raccords parfois grossiers (Magnus dans une pièce qui répond à un affidé dehors devant une grotte, cf. image ci-dessous). C'est au final un Santo dans la moyenne basse. A noter un combat contre un karatéka avec un Santo étonnamment vif (Dave Wilt suspecte une doublure, peut-être le fils de Santo)
C’est un peu nul niveau intimité cette pièce sans mur à l’arrière.


楳図かずお恐怖劇場 ねがい [Umezu Kazuo Kyôfu gekijô - Negai] d’Atsushi Shimizu (2005, Kazuo Umezu's Horror Theater: The Wish)
Elève brillant, Hitoshi n’a pas d’amis. Un jour au retour de l’école, il prend un chemin différent pour éviter une sans-abri et trouve une belle sphère en bois. Il la ramène chez lui, sculpte une tête et fabrique une marionnette qu’il nomme Mokume. Afin de lui permettre de rencontrer d’autres enfants de son âge, sa mère, inquiète de la situation, le met dans des cours de soutien. Lorsqu’il sympathise avec Tomoko, Mokume devient encombrant et il s’en débarrasse. Mais le pantin ne l’entend pas de cette oreille.

Quatrième volet de l’anthologie Kazuo Umezu's Horror Theater, Negai (= vœu) est tiré d’une nouvelle de Kazuo Umezu de 1975 qui a donné son titre au recueil Le vœu maudit publié par Le lézard noir en 2016. C’est un traditionnel récit de poupée creepy filmé sans esbrouffe par Atsushi Shimizu, un ancien disciple d’Akio Jissôji. Les effets spéciaux sont simples et efficaces, principalement un gars dans un costume, et les gosses jouent correctement. Sans révolutionner le genre, ce n’est pas désagréable et c’est sans doute le meilleur épisode de l’anthologie jusqu’à présent.


Rapunzel oder Der Zauber der Tränen d’Ursula Schmenger (1988, Raiponce ou la magie des larmes)
Le prince Matthias s’écarte de son groupe de chasse pour poursuivre un cerf. En s'approchant d'une tour entourée de ronces, il entend chanter une femme et rentre chez lui en étant obsédé par cette voix. Il revient le lendemain et aperçoit Raiponce, une belle blonde aux cheveux magiques qui hisse sa mère jusqu’à l’unique ouverture au sommet. Dès qu’elle est à nouveau seule, il se déguise pour la tromper et s’arrange pour entrer. Les deux jeunes gens tombent immédiatement amoureux. Leurs parents s’opposent toutefois à leurs plans, Matthias devant épouser la riche et laide princesse du royaume voisin.

Rapunzel oder Der Zauber der Tränen est un téléfilm de la DEFA, le studio d’Etat de l’Allemagne de l’Est. Il a été confié à Ursula Schmenger, une réalisatrice du petit écran spécialisée dans les adaptations de contes de fées. C’est la fusion de deux contes des frères Grimm, Raiponce (KMH 12) et Demoiselle Maleen (KMH 198). Dans ce dernier, Maleen est enfermée dans une tour par son père pendant sept ans. Quand elle en sort, son pays a été dévastée et son fiancé la croit morte. Elle se retrouve à la cour de celui-ci par hasard le jour de son mariage et remplace la vile promise.
Le mélange des deux histoires est imparfait et génère quelques problèmes de cohérence mineurs. On est dans une aimable féérie naïve, qui masque bien son manque de budget et emploie des interprètes convaincants venus du théâtre. C’est assez fidèle aux contes des Grimm, que ce soit dans le texte ou dans l’esprit, et j’ai apprécié dans l’ensemble.


射鵰英雄傳續集 [She diao ying xiong chuan xu ji] de Chang Cheh (1978, The Brave Archer 2)
Le Mendiant du Nord est gravement blessé par une attaque en traitre du Venin de l’Ouest sous les yeux de Lotus et de Guo Jing. Ses capacités martiales fortement diminuées, il demande à ses deux disciples de s’introduire discrètement avec lui dans le palais de l’Empereur pour profiter des cuisines. Lotus et Guo Jing y croisent le Venin de l’Ouest et des hommes du prince de Jin venus pour voler un manuscrit. Au cours de l’affrontement, Guo Jing est poignardé. Pour se soigner, il doit échanger son énergie avec Lotus durant sept jours et sept nuits sans bouger. Iels se cachent dans une auberge dans laquelle vont s’installer leurs ennemis.

The Brave Archer 2 retranscrit le troisième volume de la tétralogie Legends of the Condor Heroes, qui comporte un interminable huis clos dans une auberge. Il peut ainsi se permettre de s’attarder davantage que The Brave Archer (1977), qui couvrait deux tomes imposants. Si le récit est plus intelligible, avec des scènes et des combats plus développés, cela demeure extrêmement épisodique.
Excepté la disparition des références historiques et du passé de Guo Jing en Mongolie (c’était déjà le cas de son prédécesseur), il n’y a pas de réécriture en profondeur, le scénario tente de caser toutes les péripéties du roman, y compris celles avec des personnages coupés dans The Brave Archer. Pour avoir une cohésion et être accessible aux néophytes, il aurait fallu faire des choix, se concentrer sur un nombre réduit de passages en élaguant et en recréant de la continuité avec des transitions. Les seules différences importantes semblent justifiées par des questions de coût, comme l’abandon d’un chapitre dans une eau infestée de requins, d’une baston épique sur un bateau en flammes ou d’intrigues sur une île exotique. La notion de temps long est également supprimée par le montage, on saute du coq à l’âne sans remarquer qu’il s’est écoulé des semaines ou des mois entre certaines séquences, ce qui empêche de comprendre la progression de Guo Jing. The Brave Archer 2 reste donc très faible.


Ladrones de tumbas de Rubén Galindo Jr. (1989, Grave Robbers)
Une bande de profanateurs de sépultures se rend dans un cimetière où, selon la rumeur, on enterrait les morts avec des objets en or. En creusant une tombe, ils découvrent l’entrée d’une crypte d’un ancien monastère. Ils pillent les cadavres et retirent une hache fichée dans un squelette isolé. Ils ont sans le savoir réveillé l’esprit d’un moine adorateur de Satan condamné par sa hiérarchie et qui jura de se venger.

Ladrones de tumbas est un slasher satanique respectueux du genre et de ses protagonistes. A l’inverse de la plupart de ses comparses états-uniens, il ne se moque pas des jeunes victimes, caricaturales au premier abord avant de s’avérer plus sympathiques qu’escompté. Il n’y a d’ailleurs pas de nudité inutile, les femmes ne sont pas là juste pour montrer leurs seins. Le boogeyman est réussi, un démon invincible avec un maquillage qui tient la route. Les trucages sont un des points forts, rustiques mais gores et amusants. Le metteur en scène, Rubén Galindo Jr., est le fils de Rubén Galindo, croisé sur ce blog pour le catastrophique Asesinos de Otros Mundos (1973) et pour le curieux Santo vs. las lobas (1976). Producteur, scénariste, il débuta à la réalisation en 1985 avec Cementerio del terror et se spécialisa dans l’horreur. Pour les amateurs de slasher, Ladrones de tumbas est une variante originale et convaincante, avec une vraie sincérité et un méchant iconique, largement supérieur à la masse des séries B hollywoodiennes.


Parada 88, o Limite de Alerta de José de Anchieta (1978)
Dans la ville de Parada 88, un accident dans une usine de produits chimiques a relâché dans l’atmosphère des tonnes de gaz mortel. La moitié de la population est décédée, les survivants ont été confinés dans leur maison et dans un réseau de tunnels sur ordre du ministère de la santé car une fuite est toujours en cours. Cinq ans plus tard, la situation n’a pas bougé en raison des lenteurs bureaucratiques. Quand une équipe d’experts est enfin dépêchée sur place pour effectuer les réparations, la foule s’impatiente. Joaquim, un saoulard qui a besoin d’argent pour payer sa facture d’air, est envoyé dans la zone contaminée pour prendre des nouvelles.

Parada 88, o Limite de Alerta est l’unique film du costumier et scénographe de théâtre José de Anchieta. C’est un des rares exemples de SF brésilienne, dans une ambiance post-apo étouffante qui se penche sur le quotidien de rescapés dans un style réaliste. Sans être jamais mentionné, l’accident industriel évoque le danger nucléaire alors que le gouvernement brésilien cherchait à acquérir la bombe atomique. Malheureusement, si le concept est intéressant, le résultat est décevant. Passé la contextualisation initiale, on suit la morne vie des habitants enfermés et on finit par s’ennuyer autant qu’eux. La copie pourrie que j’ai récupérée n’a pas aidé, j’avais parfois du mal à distinguer les personnages. S’ajoute à ça une sous-intrigue de mauvais goût avec la fille de Joaquim amoureuse de son violeur. A éviter.


燃えよ剣 [Moeyo-ken] de Hirokazu Ichimura (1966, The Blazing Sword)
En 1857, l’ère Edo touche à sa fin et des troubles secouent le Japon. Toshizô Hijikata, un samouraï de province, affronte au sabre en bambou un praticien d’une école d’escrime rivale et est défait. Au cours d’une fête paysanne peu après, il couche sans le savoir avec la sœur du seigneur local venue s’encanailler. En allant la revoir à son domicile, il est arrêté par un garde, l’homme contre qui il avait perdu son duel. Il le tue et nourrit dès lors des rêves de grandeur, qui se concrétisent quand il cofonde le Shinsengumi.

Moeyo-ken est tiré d’un roman historique de Ryôtarô Shiba paru de novembre 1962 à mars 1964 dans le magazine Shûkan Bunshun. Il dépeint la vie de Toshizô Hijikata, le vice-commandant du Shinsengumi, une milice aux ordres du shôgun qui maintint l’autorité dans la terreur à Kyôto de 1863 à 1868. La Shôchiku confia la direction à Hirokazu Ichimura, un pur produit du studio tombé dans l’oubli de nos jours. Ce n’est pas franchement étonnant si je me limite à Moeyo-ken, platement filmé et monté, avec un récit beaucoup trop dense qui multiplie les références historiques au risque de désorienter le spectateur. La distribution ne comporte pas de vedette. Elle est menée par Asahi Kurizuka, surtout connu pour ce rôle qu’il occupait déjà dans la série TV Shinsengumi Keppûroku en 1965 et qu’il reprit dans plusieurs autres séries pour le petit écran et au théâtre. C’est dans l’ensemble assez confus, sans moment marquant, et ça ne passionnera probablement pas grand-monde.


மெர்க்குரி [Merkkuri] de Karthik Subbaraj (2018, Mercury)
Meera fête son anniversaire avec quatre amis muets dans une maison de campagne, près de l’endroit où iels furent contaminés au mercure dans leur jeunesse. Après une soirée arrosée, iels prennent leur véhicule pour se rendre à un monument commémorant la tragédie qui les affecta et qui entraîna la mort de 84 personnes. Sur le chemin du retour, iels font une embardée puis remarquent qu’iels trainent le corps d’un macchabée au bout d’une chaîne. Iels décident de s’en débarrasser en l’enterrant à côté de l’usine désaffectée responsable de la pollution. En revenant sur les lieux le lendemain pour récupérer un iPod égaré, les quatre garçons constatent que le cadavre a disparu. Meera, qui les attendait à la voiture, manque également à l’appel.

Fan de films muets, Karthik Subbaraj voulait en réaliser un lui-même. Il eut des difficultés à écrire un scénario adéquat et s’inspira des conséquences de la pollution générée par une fabrique de thermomètres dans la ville de Kodaikanal en 2001. Pour justifier l’absence de dialogues, il mit en scène des personnes muettes qui communiquent en langue des signes (ne connaissant pas cette langue, je ne sais pas si leurs gestes sont corrects, les acteurices n’étant en tout cas pas muets). Il ajouta à ça une touche d’épouvante, de violence et de fantastique. Le résultat est étrange, une espèce de slasher dans une usine mâtiné de suspense à la Sans un bruit (2018), le tueur se repérant au son (Karthik Subbaraj n’a toutefois pas été influencé par son équivalent américain, les deux étant sortis en avril 2018). Ce n’est pas toujours réussi, il y a des longueurs, c’est dénué de tension, le twist final est nase et l’intrigue tient sur un timbre-poste. Cela se démarque cependant de certains codes du cinéma indien par l’absence de séquence de danse (le méchant est pourtant incarné par la star Prabhu Deva, célèbre pour ses qualités de danseur et de chorégraphe), sa durée raisonnable (1h49), et un style relativement sobre avec un montage peu saccadé en dépit d’un filtre vert omniprésent. Cela pourra donc susciter la curiosité des amateurs d’horreur en quête d’exotisme.


Livres
Paddington Here and Now de Michael Bond (Harper Collins, collection « The Classic Adventures of Paddington Bear – The Complete Collection », 2019), 176 p.
Dans ce douzième volume, Paddington perd son chariot de courses, repeint les gouttières avec un produit anti-cambrioleur, joue du piano mécanique, fait une farce à M. Curry pour Halloween, répond à un journaliste qui s’est déguisé en enquêteur sondage, va dans une agence de voyages et reçoit la visite d’un proche qu’on pensait disparu.

Pas grand-chose de neuf à dire sur ce Paddington, qui poursuit sur la lancée des précédents. Excepté des retrouvailles inattendues, Michael Bond ne se fatigue pas et déroule les péripéties à un rythme pépère. Les histoires n’ont aucun lien entre elles, les protagonistes n’évoluent guère. Je continue uniquement par complétisme.


La ballade de Joaquín Murieta, bandit mexicain de John Rollin Ridge (Yellow Bird) (Anacharsis, collection « Griffe Famagouste », 2023), 222 p.
Joaquín Murietta fut un bandit mexicain semi-légendaire qui sema la terreur chez les blancs et les Chinois de Californie de 1851 à 1853. En 1854, John Rollin Ridge, d’origine cherokee, écrivit un dime novel consacré au brigand, Premier roman rédigé par un amérindien, il fut présenté comme une biographie authentique de Joaquín Murieta. L’auteur revient sur ses débuts, sur la façon dont un homme droit et juste fut contraint de devenir un hors-la-loi à cause du racisme des Etats-Uniens qui refusèrent de le laisser exercer en paix une activité honnête. Il raconte ensuite les deux années d’errance de Joaquín Murietta, la formation de sa bande, ses coups d’éclat et la panique qu’il suscita dans une région située entre San Francisco et le parc Yosemite.

Le livre de John Rollin Ridge fut vite plagié et n’obtint pas le succès escompté. Il contribua néanmoins à établir la légende qui inspira en 1919 la création de Zorro par l’écrivain de pulp Johnston McCulley. Si La ballade de Joaquín Murieta, bandit mexicain occupe une place importante dans la culture populaire américaine, il comporte des défauts potentiellement rédhibitoires. Passé le chapitre introductif, c’est extrêmement répétitif, John Rollin Ridge nous dépeint diverses attaques de Joaquín Murieta et de ses sbires, et les différentes traques pour le capturer. Il s’attarde sur les violences, qu’il détaille abondamment pour satisfaire les lecteurs en quête de sensations. C’est en outre raciste vis-à-vis des Chinois et des tribus indiennes de Californie. Il ne faut enfin pas prendre les faits énoncés au pied de la lettre, on sent régulièrement qu’il affabule et aucune information n’est réellement fiable. La ballade de Joaquín Murieta, bandit mexicain n’est pourtant pas sans intérêt. John Rollin Ridge décrit les discriminations qui accablaient les Mexicains à cette période et, tout en dénonçant en permanence ses actions, fait de Joaquín Murieta un personnage héroïque et attachant, qui conservait un certain honneur dans ses méfaits. Je ne crois pas que je le conseillerais mais je ne regrette pas ma lecture.


Dans les pantoufles de Darwin de Camille Van Belle & Adrien Miqueu (Alisio, collection « Sciences », 2024), 196 p.
Pendant un an, les journalistes scientifiques Camille Van Belle et Adrien Miqueu se sont plongés dans la correspondance de Charles Darwin, 15 000 lettres échangées avec ses amis, sa famille, ses collègues et de nombreux anonymes. Ils en ont tiré une biographie dessinée sur un ton humoristique qui ne sacrifie rien à la rigueur, chaque anecdote précisant ses sources et utilisant des citations entre guillemets des interlocuteurs. A travers huit chapitres, ils montrent le quotidien de Darwin, sa méthodologie, ses recherches, ses soucis de santé, son influence dans la société britannique de l’époque… Chaque partie se clôt sur une double page qui récapitule les sujets évoqués en approfondissant l’analyse et en fournissant des informations supplémentaires.

Ayant lu L’origine des espèces, la biographie de Darwin The Kiwi's Egg: Charles Darwin and Natural Selection de David Quammen et de multiples textes de vulgarisation sur les travaux du fameux naturaliste anglais (notamment les articles de Stephen Jay Gould ou l’oubliable Darwin n'est pas celui qu'on croit de Patrick Tort), j’avais récupéré cette BD pour les dessins rigolos et je ne pensais pas apprendre grand-chose. J’avais tort, l’approche de Camille Van Belle et Adrien Miqueu est à la fois originale et instructive, amenant à considérer le chercheur sous un jour nouveau. J’ai découvert l’humour de Darwin, qui aimait partager des bons mots avec ses potes, relayer des commérages et se moquer de ses adversaires. Je n’avais également pas réalisé l’étendue de ses problèmes de santé, seulement mentionnés rapidement en général dans les ouvrages le concernant. Dans les pantoufles de Darwin permet d’apprécier son humanité, de le descendre de son piédestal pour le rendre plus proche de nous. C’est un excellent complément à une biographie traditionnelle, se suffisant à lui-même pour celles et ceux qui peuvent se contenter du survol de son œuvre scientifique.


Revues
Mad Movies n°394 – Juin 2025
Pour la sortie de M3GAN 2.0, Mad Movies propose des entretiens avec le réalisateur/scénariste Gerard Johnstone et le producteur James Wan ainsi qu’un dossier sur les usages et enjeux de l’IA dans l’industrie du cinéma. Sans être inintéressant, c’est assez court et je n’ai rien appris.

Au niveau des nouveautés, je note la comédie horrifique indienne Sister Midnight (2024) sur une épouse frustrée qui se transforme en monstre ; et The Ugly Stepsister (2025), relecture trash de Cendrillon du point de vue d’une des belles-sœurs. A part ça, j’ai apprécié l’hommage à Ted Kotcheff mort en avril dernier, metteur en scène de Rambo (1982) et de Wake in Fright (1971), qui lança la ozploitation ; l’interview de Kiyoshi Kurosawa pour les sorties de Chime (2024) et Cloud (2024), et d’Hélène Cattet, Bruno Forzani et Fabio Testi pour Reflet dans un diamant mort (2025) ; et l’analyse d’un plan de No Country for Old Men (2007) par Justin Benson et Aaron Moorhead, qui m’a donné envie de revoir le chef d’œuvre des frères Coen.


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