samedi 28 juin 2025

Carnet de bord 21/06/2025-27/06/2025



Films vus en compagnie
No Country for Old Men de Ethan Coen & Joel Coen (2007)
Alors qu’il est en train de chasser des antilopes d’Amérique dans le désert texan, Llewelyn Moss tombe sur les cadavres de dealers qui se sont entretués, à l’exception d’un mourant qui lui réclame de l’eau. Il récupère une mallette contenant deux millions de dollars et s’éclipse prestement. Pris de remords vis-à-vis de l’individu assoiffé, il retourne sur les lieux dans la nuit mais est repéré par des trafiquants qui essayent de l’éliminer. Blessé, il parvient à rentrer chez lui, envoie son épouse chez sa belle-mère et fuit avec l’argent. Il ignore qu’un tueur psychopathe est lancé à ses trousses, le terrible Anton Chigurh.

No Country for Old Men est une adaptation fidèle du roman éponyme de Cormac McCarthy paru en 2005. Bien que les Coen ne soient pas à l’origine de l’histoire, on y retrouve certaines de leurs préoccupations, le récit se rapprochant par de nombreux aspects de celui de Fargo (1996) avec son flic sage (Frances McDormand dans Fargo contre Tommy Lee Jones dans No Country for Old Men) confronté à un assassin sans pitié (Peter Stormare contre Javier Bardem et sa coupe à la Mireille Mathieu) et à des meurtres sanglants ayant pour enjeu une valise de billets.
No Country for Old Men est cependant plus sombre, porteur d’une fatalité, sans l’humour habituel et la profusion de dialogues caractéristique des Coen (ils ont d’ailleurs supprimé pas mal de répliques par rapport au texte de Cormac McCarthy). L’ambiance western moderne se mâtine de film noir, le héros tragique Llewelyn fait un mauvais choix et doit en assumer les conséquences. Il est opposé au destin sous la forme d’Anton Chigurh, un croque-mitaine inarrêtable digne d’un bon vilain de slasher. Tommy Lee Jones joue le rôle du chœur en vieux policier désabusé, commentant sur l’inévitabilité des évènements à venir. Sans être Coen typique, c’est sans doute un des meilleurs et Anton Chigurh est un des méchants les plus impressionnants des dernières décennies.


哪吒之魔童降世 [Nezha: Mo tong jiang shi] de Yu Yang (2019, Ne Zha)
Parce qu’elle commençait à siphonner l’énergie de l’univers, le Dieu suprême Yuanshi Tianzun sépare la perle du chaos en deux entités : la perle spirituelle et l'orbe démoniaque. Il place une malédiction sur la seconde, qui sera détruite par la foudre dans trois ans. Il charge son disciple Taiyi de réincarner la perle spirituelle dans le troisième fils de Li Jing, le gardien du col de Chentang. Victime d’un subterfuge, Taiyi échoue et c’est l'orbe démoniaque qui fusionne avec le corps du bébé nommé Ne Zha. Li Jing et son épouse refusent toutefois de l’exécuter. Ils vont tenter d’éduquer l’enfant et de lever la malédiction.

Nezha est un héros mythologique très populaire en Chine apparu dans L'Investiture des dieux de Xu Zhonglin, un roman historique et fantastique écrit autour de la fin du XVIe siècle durant la dynastie Ming. Il a ensuite été abondamment utilisé dans la littérature, par exemple dans La pérégrination vers l'Ouest où il affronte le roi singe Sun Wukong. En 1979, il était déjà le personnage principal de l’animé Le prince Nezha triomphe du roi Dragon, réalisé pour célébrer les 30 ans de la fondation de la République Populaire de Chine. Avec ses moyens considérables qui ont mobilisé 20 studios chinois et près de 1600 employés, bourrés d’effets numériques de qualité et lorgnant sur les blockbusters d’animation américains, ce Ne Zha de 2019 joue dans une autre catégorie. Il a cartonné en Chine et a engendré une suite sortie en France il y a deux mois.
Techniquement, Ne Zha est spectaculaire et n’a rien à envier à ses équivalents hollywoodiens. Ce progrès de l’animation chinoise s’est malheureusement fait au prix d’une standardisation. Si on remarque des éléments typiques de leur culture, notamment de beaux décors de l’Empire du milieu ou un démarrage en trombe avec un paquet de protagonistes dont on ne saisit pas bien la fonction, on bascule rapidement dans un canevas classique de gamin rebelle et incompris qui veut que les gens l’aiment. Les combats interminables évoquent Dragon Ball Z, l’intrigue tient sur un timbre-poste, l’humour est souvent pénible (et homophobe) et j’ai parfois trouvé le temps long. Cet épisode 1 aurait clairement pu être condensée en une petite heure au lieu d’1h50, ils ont conservé de la marge pour le 2 prévu dès le départ comme le montre les diverses scènes post-générique façon MCU.


Empire Records d’Allan Moyle (1995)
Pour éviter qu’Empire Records passe sous la franchise Music Town, Lucas, un des employés, pique 9000 dollars dans le coffre et les joue dans un casino. Il espère ainsi quadrupler la mise et gagner les fonds nécessaires pour racheter la boutique. Son plan rate lamentablement, il perd l’argent et revient travailler penaud le lendemain matin. Son boss, Joe, découvre le pot aux roses mais ne se résout pas à envoyer Lucas en prison. Il s’arrange pour que le propriétaire n’apprenne pas la nouvelle pendant que la vie reprend son cours à Empire Records, entre histoires de cœur et prises de bec des vendeurs.

Empire Records bénéficie d’une petite aura culte aux Etats-Unis, offrant un de ses premiers rôles importants à Renée Zellweger et à Liv Tyler. J’ai du mal à comprendre pourquoi car oh là là que c’était mauvais. C’est un piètre succédané de John Hugues à la sauce années 90, un sous The Breakfast Club (1985) avec des « jeunes » coincés pour une journée dans un magasin plutôt que dans une salle de classe. Sans être fan de John Hugues, je reconnais qu’il réussissait à capturer un certain air du temps en alternant drame et comédie de manière équilibrée. Empire Records échoue totalement à reproduire ce schéma, avec des personnages horripilants et nullement attachants, une intrigue nase et des interprètes globalement à la ramasse. Le film devait initialement durer 40 minutes de plus et se dérouler sur deux jours. Il a heureusement été sévèrement charcuté en post-production, une de ses uniques qualités étant sa relative brièveté (90 minutes).


Olivia de Jacqueline Audry (1951)
L’Anglaise Olivia arrive dans un pensionnat de jeunes filles près de Fontainebleau, qui offre une liberté bien supérieure à celle de son strict établissement précédent. Il a été construit par deux femmes, Madame Julie qui assure la gestion et donne des cours de littérature, et Madame Cara qui possède l’école. La relation entre les deux n’est pas au beau fixe, Cara étant jalouse de la popularité de Julie qui fascine la plupart des pensionnaires. Olivia tombe rapidement dans le camp des Julistes et devient follement amoureuse de sa directrice.

Olivia est tiré du roman éponyme semi-autobiographique de Dorothy Bussy rédigé en 1933 et publié en 1949 en Grande-Bretagne. L’adaptation a été confiée à Colette Audry et la mise en scène à sa sœur Jacqueline, une des rares femmes cinéastes de l’après-guerre. Complètement oubliée de nos jours, elle réalisa une quinzaine de longs métrages entre 1946 et 1969 dans un environnement hostile aux femmes, principalement des transpositions de textes d’écrivaines. Ils eurent du succès auprès du public féminin auxquels ils s’adressaient, dépassant fréquemment le million d’entrées (à l’instar d’Olivia, 1 043 732 spectateurs). Tournant en studio et souvent en costumes, Jacqueline Audry fut rejetée par la Nouvelle Vague qui l’associait au cinéma de papa.
Olivia rappelle le classique allemand Jeunes Filles en uniforme (1931), d’ailleurs cité explicitement dans le matériel promotionnel. Il est toutefois plus osé dans sa représentation de l’homosexualité, le lesbianisme des protagonistes étant frontalement abordé sans aucun jugement de valeur. Il fit sans surprise scandale à sa sortie, qualifié de pervers et interdit aux moins de 16 ans. Doté d’un budget confortable, il met en vedette deux stars de l’époque, Edwige Feuillère et Simone Simon, et la jeune première Marie-Claire Olivia dans le rôle d’Olivia (qui eut une brève carrière avant de se marier avec un comte). En dépit de son sujet audacieux, de sa belle photographie et de ses actrices convaincantes dans l’ensemble, Olivia est selon moi inférieur à Jeunes Filles en uniforme. Edwige Feuillère est trop maternelle, pas assez passionnée, et les situations s’enchaînent tranquillement, sans la tension qui caractérisait son prédécesseur allemand. Marie-Claire Olivia manque de charisme, on suit tout cela poliment sans vraiment s’impliquer. Ce n’est pas désagréable mais ce n’est pas clairement pas un chef d’œuvre méconnu.


Films vus seuls
El puño de la muerte d’Alfredo B. Crevenna (1982, Santo contre le poing de la mort)
Dans une contrée exotique lointaine, la gentille reine Kungyan dirige son royaume grâce au pouvoir de la pierre de l’étoile, capable d’accomplir des miracles. Venue du cosmos, la pierre est apparue au côté d’un enfant, la fille de la jungle, que Kungyan a recueilli et qu’elle destine à prendre sa relève. Comprenant qu’elle ne pourra récupérer le trône, sa méchante sœur Queria vole la pierre pour se servir de sa puissance à des fins maléfiques. Kungyan consulte l’oracle, qui lui affirme qu’un homme sans visage surgira pour les aider. Contacté par un message télépathique, Santo arrive à la rescousse.

Les deux ultimes Santo sont un dyptique, tournés simultanément par Alfredo B. Crevenna en Floride, notamment dans le parc des Everglades. Ils proposent un monde de fantasy dans un pays mystérieux, avec des décors et des costumes kitsch qui évoquent l’Inde, la Chine ou les contes des Mille et Une Nuits. A cela s’ajoute des stock-shots d’animaux majoritairement sud-américains, des tamtams africains et du kung-fu parce que c’était à la mode. Kungyan et sa sœur Queria sont incarnées par Grace Renat, une populaire danseuse de cabaret spécialisée dans le cine de ficheras, un sous-genre de la sexploitation. Dans El puño de la muerte, elle porte des bikinis en fourrure et se trémousse régulièrement. C’est à part ça très fauché, avec un générique d’images de SF et une musique psychédélique omniprésente (probablement piquée ailleurs car aucun compositeur n’est mentionné). C’est franchement porte-nawak et distrayant, avec une conclusion ouverte qui annonce La furia de los karatecas (1983).


楳図かずお恐怖劇場 プレゼント [Umezu Kazuo Kyôfu gekijô - Purezento] de Yûdai Yamaguchi (2005, Kazuo Umezu's Horror Theater: Present)
Yuko fête Noël avec des ami·e·s. Elle a décidé de se donner à son copain Ryôsuke comme cadeau de Noël et de perdre sa virginité. Après une soirée arrosée, iels vont dans un hôtel isolé tous ensemble. Dès leur arrivée, Yuko remarque des détails troublants, le mobilier lui rappelant fortement sa chambre d’enfant. Cela ne l’arrête cependant pas et elle fait l’amour avec Ryôsuke. Alors qu’elle se repose, elle entend un bruit inquiétant dans le couloir. En sortant, elle voit ses camarades massacrés par Santa, qui se venge de leur irrespect de l’esprit de Noël.

Cinquième volet de l’anthologie Kazuo Umezu's Horror Theater, Purezento est tiré d’une nouvelle de Kazuo Umezu de 1992 présente dans le recueil Le vœu maudit publié par Le lézard noir en 2016. C’est un slasher gore avec une imagerie proche du torture porn initié par Saw en 2004. La différence provient essentiellement du recours au fantastique et à un gore festif digne de Herschell Gordon Lewis. Ce mélange de trash et de comédie est la spécialité de Yûdai Yamaguchi, dont j’avais apprécié le travail sur Yume jûya (2006, Ten Nights of Dreams). Umezu Kazuo Kyôfu gekijô - Purezento est plus sombre et moins délirant, avec une série de twists assez vains. Il se situe toutefois dans la moyenne haute de cette anthologie grâce à ses effets spéciaux convaincants.


Ucieczka z kina „Wolność” de Wojciech Marczewski (1990, L'évasion du cinéma Liberté)
Au cours d’une séance devant des élèves de collège au cinéma Liberté, un personnage du film refuse de continuer à jouer, insulte le gérant et disparait de l’écran. Une enseignante se plaint à la police, qui contacte Rabkiewicz, le dépressif censeur en chef. Les incidents se multiplient et Rabkiewicz se rend sur place. Constatant les perturbations que cet évènement engendre, il s’arrange pour acheter tous les billets et les bobines sont projetées dans une salle vide. Quand il y retourne pour récupérer son manteau, il sympathise avec l’actrice principale.

L'évasion du cinéma Liberté est une version polonaise et politique de La rose pourpre du Caire (1985) de Woody Allen, où un protagoniste s’extrait de l’écran et part avec une spectatrice. La différence est que ce n’est pas un drame dans les Etats-Unis des années 1930 pendant la Grande Dépression mais une satire absurde sur la censure dans la Pologne de 1990, à laquelle le réalisateur Wojciech Marczewski a fréquemment été confronté. Il est d’ailleurs étonnamment compatissant avec Rabkiewicz, qui a raté sa vie et est assailli par les remords. L’humour noir et la brièveté (environ 1h30) permettent de tolérer la lenteur, la critique superficielle du système et les doutes existentiels d’un héros ennemi du peuple et de la liberté d’expression. C’est une intéressante curiosité à voir pour les gens qui affectionnent les métafictions.


黒の奔流 [Kuro no honryu] de Yûsuke Watanabe (1972, Cross-Currents)
Takeshi est un avocat sans le sou qui accepte d’être commis d’office à la cour de justice du district pour renflouer ses caisses. Il est affecté à la défense de Fujie Kaizuka, une femme accusée de meurtre dans une affaire apparemment perdue d’avance. Elle aurait couché avec un riche industriel puis l’aurait tué en le poussant d’une falaise pour lui voler son argent. La victime est un notable et le procureur ne croit ni à un suicide ni à un accident. Takeshi estime Fujie innocente et n’est pas insensible à ses charmes, alors qu’il entretient déjà une relation avec sa secrétaire et qu’il aimerait épouser la fille de son ancien professeur.

Kuro no honryu est tiré de la nouvelle Shuzokudômei (= alliance tribale) de Seichô Matsumoto, un auteur de romans policiers régulièrement adapté au cinéma (par exemple par Yoshitarô Nomura dans Le vase de sable (1974) et L’été du démon (1978)). Par rapport au texte initial à la première personne, les scénaristes ont transformé le narrateur Takeshi en un homme détestable et avide, qui manipule les femmes à son avantage, et ont modifié le sexe de l’accusée pour en faire une pauvre servante. Ils ont également apporté une conclusion claire là où le récit finissait abruptement, Seichô Matsumoto n’ayant jamais écrit la suite envisagée. Les trois transpositions de Kuro no honryu à la télévision reprirent des éléments du film, notamment la féminisation de l’inculpée.
Takeshi est incarné par Tsutomu Yamazaki, l’interprète fétiche de Jûzô Itami, et Fujie par Mariko Okada. Epouse de Yoshishige Yoshida, elle fut une figure majeure de la Nouvelle Vague japonaise et un soutien indispensable pour son mari : elle fut à l’origine de son recrutement par la Shôchiku pour La Source thermale d'Akitsu (1962), la vedette de la plupart de ses œuvres et la productrice de Coup d'Etat (1973). Dotée d’une forte personnalité, elle fit des choix de carrière audacieux et tourna avec les plus grands, en particulier Ozu, Naruse, Kinji Fukasaku ou Jûzô Itami. Son rôle est ici caricatural et son jeu excessif, à l’image d’une réalisation pas franchement subtile de l’obscur Yûsuke Watanabe, surtout célèbre au Japon pour sa série de comédies musicales avec le groupe de rock The Drifters. Il abuse des gimmicks des années 70, avec des filtres colorés à gogo et pas mal de nudité (féminine évidemment). Si l’enquête durant les trente premières minutes est assez bien menée, l’heure suivante s’éloigne de la nouvelle et s’enlise. On pourra donc passer son chemin.


Kulay dugo ang gabi de Gerardo de Leon (1964, The Blood Drinkers)
Pour ressusciter Katrina, le vampire Marco a besoin du cœur de Charito, la sœur jumelle de sa bien-aimée. Il est épaulé dans sa tâche par Marisa, la mère des deux filles qui abandonna Charito à sa naissance à une famille de paysans. Marco tue les parents adoptifs de cette dernière et demande à Marisa de l’inviter chez elle en prétendant être sa tante. Charito est heureusement aidée par un prêtre local qui connait tout sur les vampires et par le beau Victor, un touriste venu avec ses deux sœurs pour profiter du calme de la région.

Gerardo de Leon est un ancien médecin devenu acteur puis réalisateur et producteur dans les années 30. C’est le metteur en scène le plus récompensé de l’Histoire des FAMAS (l’équivalent des Oscars aux Philippines) et il a œuvré dans de nombreux genres, notamment dans l’épouvante en compagnie de son ami Eddie Romero. Il est seul aux manettes pour The Blood Drinkers, le premier film d’horreur philippin en couleurs coproduit par un studio américain (c’est pour cela qu’il existe encore une copie, le cinéma philippin ayant été extrêmement mal conservé). Enfin, en couleurs, faut le dire vite car les images sont souvent monochromes, rouges ou bleues, rappelant les bobines teintées de l’époque du muet. Combiné à des effets spéciaux rustiques, des interprètes au jeu variable dont une sorte de Marlon Brando Philippin (Ronald Remy en Marco), un sous-texte catho avec un narrateur prêtre et des bizarreries de montage, The Blood Drinkers dégage une ambiance étrange pas désagréable. Objectivement, ce n’est pas bon mais ce mélange de mauvaise série B fantastique des années 50, de films Universal des années 30, d’expérimentations très années 60 et d’exotisme philippin fait de The Blood Drinkers une amusante curiosité.


Strul de Jonas Frick (1988, Framed)
Conny Rundqvist est un prof de chimie fantasque, qui conduit des expériences sur des engrais dans son appartement. Il est arrêté un jour par les autorités, suspecté de fabriquer de la drogue, et est reconnu coupable. Il comprend rapidement qu’il sert de bouc-émissaire et que des gros bonnets doivent être impliqués. En prison, il se retrouve par hasard lié à un groupe de braqueurs qui ont creusé un tunnel pour pouvoir se promener en ville dans la journée. Pendant qu’il saborde discrètement leurs opérations auxquelles il a été mêlé contre son gré, il rencontre une flic dont il tombe amoureux et mène une enquête pour démasquer le responsable du trafic de stupéfiants.

Strul est l’unique long métrage de Jonas Frick diffusé dans les salles, scénarisé par l’acteur/chanteur/compositeur Björn Skifs qui joue Conny Rundqvist. Comédie d’action policière au scénario facile, il repose sur un rythme soutenu, avec un budget conséquent alloué aux cascades et aux explosions, et sur des répliques cultes prononcées dans des dialectes suédois (cette subtilité m’ayant évidemment complètement échappé). Ancré dans les années 80, totalement axé sur son héros malin qui a un coup d’avance, il se différencie nettement de son remake de 2024 où Conny était baladé par les évènements et où la gentille policière avait davantage d’importance. Sans être déplaisant, ça ne casse pas trois pattes à un canard.


射鵰英雄傳第三集 [She diao ying xiong chuan san ji] de Chang Cheh (1981, The Brave Archer 3)
En se rendant sur le territoire du clan de la paume de fer pour récupérer les écrits posthumes du général Yue, Lotus Huang est gravement blessée par une attaque en traitre du vil Qiu Qianren. Accompagnée de Guo Jing, elle se réfugie dans la maison d’une taoïste qui leur conseille d’aller se faire soigner par l’Empereur Duan. Pour parvenir jusqu’à lui, iels devront affronter le pêcheur, le bûcheron, le fermier et l’érudit. L’ingéniosité de Lotus va heureusement leur permettre de surmonter les difficultés.

The Brave Archer 3 est l’ultime volet de la trilogie The Brave Archer de la Shaw Brothers bien qu’il existe deux suites officieuses, The Brave Archer and His Mate (1982) et Little Dragon Maiden (1983). A l’inverse de ses prédécesseurs, il y a enfin eu un vrai travail de réécriture avec la constitution d’un script cohérent centré sur le premier tiers du roman A Heart Divided autour de la rencontre avec l’Empereur Duan. On arrête de sauter du coq à l’âne, pas besoin d’avoir lu le bouquin pour comprendre, on prend le temps d’installer les enjeux et les personnages. Si c’est parfois franchement kitsch, c’est clairement le meilleur épisode de la trilogie : les épreuves sont divertissantes et font la part belle à Lotus Huang ; Ti Lung en Empereur Duan écrase de sa classe le reste du casting ; et le combat final d’une dizaine de minutes est dynamique. Dommage de ne pas avoir procédé de la même manière sur The Brave Archer (1977) et The Brave Archer 2 (1978).


Séries
リラックマと遊園地 [Rilakkuma to Yuuenchi] de Masahito Kobayashi (2022, Les aventures de Rilakkuma au parc d'attractions), 8 épisodes
Kaoru gagne des tickets d’entrée au parc d’attractions Nakasugi Land qui s’apprête à fermer définitivement ses portes. Le week-end suivant, elle s’y rend avec Rilakkuma, Korilakkuma, Kiiroitori et Tokio, le beau livreur Hayate devant les retrouver à midi pour le repas. A leur arrivée devant le parc, Kaoru réalise qu’elle a oublié son sac dans le bus et fait demi-tour pour aller le chercher. Pendant ce temps, Rilakkuma, Kiiroitori et Tokio commencent leur visite tandis que Korilakkuma attend Kaoru à l’entrée. Rien ne va se passer comme prévu.

Rilakkuma to Yuuenchi est la suite de Rirakkuma to Kaoru-san (2019), toujours en stop-motion et diffusé sur Neflix. La trame est en revanche assez éloignée. On a cette fois une unité de lieu et de temps (un parc d’attraction durant une journée), et de nombreuses péripéties. Naoko Ogigami a été remplacée au scénario par Takashi Sumita et Makoto Ueda (Summer Time Machine Blues (2005), Penguin Highway (2018), Beyond the Infinite Two Minutes (2020) ou River (2023)) et ça se sent. On ne se concentre plus sur le quotidien doux-amer de Kaoru, qui est reléguée au second plan, on s’intéresse aux aventures de Rilakkuma et compagnie, avec pour objectif l’obtention de tampons pour remporter un pancake géant. Malgré ces différences, Rilakkuma to Yuuenchi est fort sympathique. Techniquement c’est impeccable, avec plein de détails amusants même si les images de synthèse sont davantage utilisées pour refléter l’artificialité des décors. Sans être révolutionnaire, l’histoire est distrayante et les épisodes posent des éléments intelligemment employés dans le dénouement. Cette deuxième saison fut donc agréable et souligne le rôle prépondérant du scénariste, qui adapte l’ambiance et les enjeux à son univers.


Livres
Shôtarô Ishinomori - Il était une fois le Roi du manga de Claude Leblanc (IMHO, 2025), 352 p.
Après l’excellent La révolution Garo, 1945-2002, Claude Leblanc continue son exploration de l’Histoire de la culture japonaise avec Shôtarô Ishinomori - Il était une fois le Roi du manga, consacrée à Shôtarô Ishinomori. Ignoré en France, il est pourtant le créateur de 770 titres (128 000 pages, record inscrit au Guinness Book) en quarante ans, mort d'une insuffisance cardiaque dû à un lymphome à seulement 60 ans en raison de sa consommation excessive de cigarettes. Il fut surnommé le « roi du manga » par opposition à Osamu Tezuka, le « Dieu du manga », avec qui il entretenait des relations complexes, Tezuka ne supportant pas la concurrence. Il révolutionna régulièrement le monde de la bande-dessinée japonaise en inventant des genres et des formes pour tous les publics, garçons et filles (introduisant des thèmes policiers, fantastiques ou de SF dans le shôjo), jeunes et adultes, avec des univers sombres montrant les travers de l’humanité et se penchant très tôt sur des problématiques écologiques. Influencé par le cinéma, il travailla également pour la télévision avec des projets multimédias mémorables à l’instar de Kamen Rider. Shôtarô Ishinomori - Il était une fois le Roi du manga lui rend hommage en retraçant les évènements marquants de sa carrière et de sa vie.

Je connais peu Shôtarô Ishinomori, mal traduit en français ou en anglais. Son œuvre la plus importante selon lui, Cyborg 009, n’a bénéficié que d’une publication partielle dans notre pays, l’éditeur Glénat s’arrêtant en cours de route. La plupart de ses super-héros télévisés n’ont pas été diffusés sur les chaînes françaises, à l’image de Kamen Rider, Kikaider ou Himitsu Sentai Gorenger, la première série de super sentai. Le livre de Claude Leblanc vient combler un manque dans ma culture et je l’ai dévoré avec enthousiasme. Comme d’habitude avec cet auteur, c’est lisible et extrêmement documenté, avec des sources majoritairement japonaises et des entretiens qu’il a réalisés lui-même. Il permet d’appréhender la place de Shôtarô Ishinomori, éclipsé par un Tezuka qui savait mieux se mettre en avant et ramenait tout à lui. C’est donc un ouvrage incontournable pour les amoureux du manga et j’espère que cela poussera les éditeurs français à se réveiller. En attendant, je vais déjà essayer de récupérer les rares traductions disponibles.


L’appel de Cthulhu de Gou Tanabe (Ki-oon, collection « Les chefs d’œuvre de Lovecraft », 2020), 280 p.
A la mort de son grand-oncle archéologue, Francis Thurston hérite de ses possessions. Parmi celles-ci, une mallette fermée à clé contient une tablette en argile montrant un monstre étrange et des signes inconnus, ainsi que des notes d’accompagnement à propos du culte de Cthulhu. En les lisant, il apprend l’existence d’innommables secrets sur une secte immémoriale adoratrice des Grands Anciens et sur un marin rescapé qui aurait accosté sur l’île de R’lyeh où il aurait aperçu une créature abominable.

N.B. : Gou est la transcription du kanji 剛 en wâpuro rômaji. Je préfère pour ma part utiliser Gô, une variante de la méthode hepburn avec un accent circonflexe plus simple à taper au lieu d’un macron (comme dans la méthode Kunrei).
Gô Tanabe est un auteur de manga contemporain rendu célèbre par ses adaptations de Lovecraft, qu’il a découvert en 2005 tandis qu’il traversait une passe difficile (attention, lien CNEWS sur une interview de Gô Tanabe en 2020). Après des essais en 2007 (The Outsider inspiré de Je suis ailleurs) et 2009 (Le temple), il commence à partir de 2015 à transposer en manga les classiques de l’écrivain de Providence. Un grand nombre ont été traduits en français par Ki-oon dans de belles éditions en couverture effet cuir. Je me lance avec L’appel de Cthulhu, que j’ai acheté récemment.
En dépit de son importance dans la construction du mythe de Cthulhu, L’appel de Cthulhu, paru en 1928 dans le magazine Weird Tales, n’a jamais été une nouvelle que j’affectionne. Je reconnais que sa structure est intéressante avec ses récits enchâssés et qu’elle pose les fondements d’un univers unique que Lovecraft va ensuite développer. Mais je trouve qu’elle manque de tension, de suspense, et qu’elle est moins prenante que d’autres titres. Fidèle à l’original, la version de Gô Tanabe conserve ces défauts. J’ai toutefois apprécié sa façon de dépeindre l’indicible. A l’inverse des Mythes de Cthulhu d’Alberto Breccia, qui jouait beaucoup sur la suggestion et collait des tonnes de texte, Gô Tanabe respecte la logique manga en transformant les phrases en action et en étant assez explicite dans ses représentations. Cette approche me convient parfaitement et je pense me procurer les différents livres de la collection.


Instantanés d'Ambre de Yôko Ogawa (Babel, 2020), 302 p.
Dans une pension pour vieux artistes, une ancienne accompagnatrice au piano est fascinée par M. Ambre, un homme discret avec des yeux vairons. Alors qu’il était âgé de huit ans, sa jeune sœur décéda soudainement de maladie. Persuadée qu’elle avait été victime d’un chien maléfique, sa mère emmena ses trois enfants, Ambre, Agate cinq ans et Opale huit ans, dans une maison isolée à la campagne. Ils y restèrent cloitrés pendant des années, la fratrie s’imaginant des aventures extraordinaires pour occuper leur quotidien. Outre leurs lectures des encyclopédies dans la bibliothèque, Opale se concentra sur la danse, Agate sur le chant et Ambre sur le dessin, faisant revivre sa benjamine décédée dans les marges des ouvrages.

Instantanés d'Ambre est mon premier roman de Yôko Ogawa, autrice dont j’ignorais tout si ce n’est que son style tendait vers le réalisme magique. Très populaire en France, une grande partie de son œuvre a été traduite dans notre pays. Selon Wikipedia, ses thèmes récurrents sont l’enfermement, les lieux clos et la volonté de garder la trace du passé. Cela se confirme dans Instantanés d'Ambre, qui alterne entre de brèves séquences dans le présent, où on voit Ambre bloqué dans ses souvenirs d’enfance, et un long récit chronologique qui explique comment il en est arrivé là. Les scènes dans le passé comportent une touche de merveilleux, pas dans les faits mais dans la narration, le point de vue adopté étant celui des enfants séquestrés qui se sont créées leur propre univers structuré par les mensonges extravagants de leur mère. Dis comme ça, c’est intrigant. En réalité, ce livre m’a profondément ennuyé.
Chaque chapitre fonctionne de la même manière, quelques paragraphes avec l’accompagnatrice anonyme qui vénère Ambre puis un morceau de l’histoire dans lequel Ambre, Agate et Opale vivent une aventure gentillette. Chapitre suivant, rebelotte, et ce quasiment sur 300 pages. C’est dommage car c’est bien écrit, avec une ambiance à la fois fantastique et terre-à-terre, féerique et creepy (portée notamment par cette mère étouffante et à moitié folle). Le procédé est néanmoins trop mécanique et c’est beaucoup trop long, une nouvelle aurait suffi.


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