samedi 9 novembre 2024

Carnet de bord 02/11/2024-08/11/2024



Films vus en compagnie
音楽 [Ongaku] de Kenji Iwaisawa (2019, On-Gaku : Notre rock !)
Kenji, Ota et Asakura sont trois jeunes délinquants qui terrorisent les caïds du quartier. Ils passent leur temps à musarder sur le toit de leur lycée ou à jouer aux jeux vidéo. Un jour, Kenji récupère par hasard une basse puis décide de se mettre à la musique. Avec ses deux amis, ils volent une seconde basse et une batterie et, n’y connaissant rien, inventent une mélodie simpliste et répétitive. Ils appellent leur groupe Kobujutsu, terme désignant un vieil art martial. Le lendemain, ils apprennent qu’il existe dans leur école un groupe folk nommé Kobijutsu (art ancien). Avant de leur casser la figure, Kenji veut les écouter.

Ongaku est tiré d’un manga de Hiroyuki Ôhashi. Le réalisateur Kenji Iwaizawa, dont c’est pour l’instant l’unique long métrage, s’est également chargé du script, du character designer, de la direction de l’animation, de la direction artistique et du montage. Plus de 40 000 dessins ont été produits sur une période de sept années, en employant notamment la rotoscopie. Kenji a été doublé par Shintaro Sakamoto, un chanteur compositeur de la scène rock psychédélique japonaise.
Le résultat est surprenant, avec un style épuré qui se complexifie soudain dans certaines séquences, une intrigue absurde, un humour décalé gentil et un rythme tranquille. Les quelques morceaux proposés sont entrainants, il ne faut pas se laisser rebuter par le graphisme déroutant, c’est une réussite.


Late Night with the Devil de Cameron Cairnes & Colin Cairnes (2023)
Jack Delroy est le présentateur d’un late show jadis populaire. Sur le déclin, déprimé depuis la mort de sa conjointe l’année précédente, il tente de se relancer en tombant dans l’excès et le sensationnalisme. Pour la soirée d’Halloween 1977, au cours d’une semaine décisive pour le renouvellement de son émission, il a invité un médium, une parapsychologue et sa patiente ainsi qu’un contradicteur, Carmichael Haig, un ex-magicien hautain qui débusque les charlatans. Dans une ambiance tendue, les évènements étranges se succèdent et échappent au contrôle de Jack, sous l’œil sceptique de Carmichael.

En dépit de son ancrage culturel a priori très américain, Late Night with the Devil est en réalité une production essentiellement australienne tournée à Melbourne et prenant pour modèle The Don Lane Show, un célèbre programme australien. A cela s’ajoute un contexte pré-Satanic panic, un phénomène social des années 80-90 qui vit une explosion de déclarations d’abus ritualisés sataniques (toutes classées sans suite après enquête).
Late Night with the Devil a suscité une polémique en raison de son utilisation de l’Intelligence Artificielle générative pour créer des cartons de transition du show de Jack Delroy. Cameron et Colin Cairnes se sont défendus en expliquant que c’était une expérimentation sur trois images seulement en accord avec l’équipe. C’est d’autant plus dommage qu’un énorme boulot de reconstitution a été effectué pour donner l’impression de réellement regarder une émission des années 70. Nonobstant ce souci qui s’avèrera rédhibitoire par principe pour certains, Late Night with the Devil est assez malin. Il n'est pas sans défaut, avec une introduction superflue de huit minutes hommage au documentaire provocateur The Killing of America (1981) et deux moments gore qui auraient dû être espacés, le premier diminuant l’impact du deuxième. Mais c'est compensé par une bonne montée en puissance avec une conclusion glaçante, faisant de Late Night with the Devil une variation intéressante du film de possession satanique.


A Good Day Will Come d’Amir Zargara (2024)
Iran, 2018. Arash est un lutteur professionnel, dans la lignée de son père décédé. Il s’entraîne quotidiennement dans l’optique de gagner les championnats du monde, sous l’égide d’un entraineur cynique qui lui déconseille de se préoccuper de questions politiques. Quand sa sœur est tuée dans une manifestation contre le régime, Arash ne peut faire la sourde oreille et décide de prendre position, attirant l’attention de la police.

A Good Day Will Come est un court métrage de 26 minutes de l’Irano-Canadien Amir Zargara inspiré de la mort du lutteur Navid Afkari, exécuté en 2020 pour avoir prétendument poignardé un garde de sécurité durant une manifestation en 2018. Amir Zargara, né la même année que Navid Afkari, se sert de la fiction pour élargir son propos en montrant les doutes auxquels sont confrontés les Iraniens face à la contestation des autorités, au risque de funestes conséquences.
Je précise pour être transparent que j’ai été contacté par une assistante du réalisateur pour voir et critiquer en avant-première A Good Day Will Come, ce que j’ai accepté en spécifiant que je me réservais le droit de porter un avis négatif. Je n’aurais heureusement pas à aller jusque-là, ayant globalement apprécié le film. En termes de photographie et de structure narrative, il est classique dans sa forme, on sent une volonté de raconter plutôt que d’expérimenter. L’intensité dramatique est renforcée par le charisme de l’acteur principal, Sia Alipour, et par le travail sur la bande son, que ce soient les bruitages ou la musique sombre aux sonorités orientales. Je mettrai juste un léger bémol sur une scène de torture qui m’a un peu sorti du récit, je comprends l’objectif tout en estimant qu’elle brise le climat de menace sourde (il y a débat, ma copine considère cette séquence pudique et utile). A Good Day Will Come a passé la première présélection pour les Oscars 2025, je lui souhaite d’aller au bout afin d’ouvrir à Amir Zargara les portes du long.


Nacho Libre de Jared Hess (2006, Super Nacho)
Ignacio est un orphelin élevé dans un monastère mexicain. Il est astreint à des tâches dévalorisantes, responsable notamment de la préparation des repas avec les maigres moyens du bord. Pour améliorer le quotidien et impressionner la belle nonne Encarnación qui vient d’arriver, il participe à un match de lucha libre avec Steven, un miséreux rencontré dans la rue. Ce sport étant prohibé par l’église, Ignacio se cache sous un masque bleu et rouge. Ignacio et Steven sont vaincus mais découvrent que les perdants sont récompensés par une petite somme. Ils vont alors enchaîner les combats, avec l’espoir de devenir pro.

Nacho Libre est coécrit par Mike White, scénariste du sympathique School of Rock (2003). Il se fonde sur la vie du prêtre Fray Tormenta, qui fit une carrière de luchador pour renflouer son orphelinat. Son histoire fut adaptée à l’écran en 1991 par le Français Éric Duret dans L'Homme au masque d'or, avec Jean Réno en Fray Tormenta. Partant de ses prémisses, Jared Hess élabore une grosse comédie à la gloire de Jack Black. Avec un accent mexicain approximatif inspiré de celui de Ricardo Montalbán dans Star Trek II (1982), il est au summum de son jeu outrancier, concurrencé par Héctor Jiménez en Steven. En dépit d’un tournage au sud du Mexique et d’un casting majoritairement mexicain, Nacho Libre est profondément hollywoodien, loin des Santo que je chronique chaque semaine. On est dans la meilleure époque de Jack Black, Tenacious D in The Pick of Destiny date également de 2006. Ce n’est clairement pas du même niveau, les personnages manquent d’épaisseur et pas mal de gags tombent à plat. Cela reste néanmoins distrayant si on aime l’humour crétin et qu’on n’est pas gêné par un Mexique image d’Epinal échafaudé par des Etats-Uniens.


Contracorriente de Javier Fuentes-León (2009, Undertow)
Miguel est pêcheur dans un village péruvien. Sa femme Mariela attend leur premier enfant et devrait accoucher prochainement. Elle ignore que son mari a une liaison avec Santiago, un peintre et photographe colombien qui habite une maison à proximité. A la fois par honte vis-à-vis de sa communauté homophobe et pour ne pas heurter son épouse, Miguel dissimule cette relation et n’hésite pas à médire de Santiago en public. Il est par ailleurs embarrassé par ses sentiments, considérant l’homosexualité comme un péché. La situation va évoluer lorsque Santiago meurt subitement et revient sous la forme d’un fantôme que seul Miguel est capable de percevoir.

Contracorriente est le premier long métrage de Javier Fuentes-León et probablement mon premier film péruvien. La rédaction du scénario a pris une dizaine d’années, passant d’un thriller surnaturel à un drame gay à la suite du coming-out de son auteur, qui décida d’aborder des thèmes plus intimes. Son objectif était de traiter des préjugés internes, qui empêchent les gens de reconnaître leur orientation sexuelle dans une Amérique latine plombée par le poids du catholicisme. Il a fait appel à deux acteurs étrangers, le Bolivien Cristian Mercado (Miguel) et le Colombien Manolo Cardona (Santiago), deux stars dans leur pays respectif qui prirent le risque de casser leur aura auprès de fans pas forcément réceptifs à ce genre de problématique. Les financements furent compliqués à réunir : l’Europe donna l’impulsion (France et Allemagne), rejointe par le Pérou et la Colombie tandis que les portes des Etats-Unis restèrent closes. Quoi que l’on pense de Netflix, ils ont contribué à améliorer les choses et on constate le chemin parcouru en quinze ans, les drames romantiques avec des homosexuels suscitant moins de réticences de nos jours.
Contracorriente est une belle réussite, une histoire d’amour émouvante sur la plage de Cabo Blanco à l’extrême nord du Pérou. Le discours sur l’acceptation de soi et de l’autre est certes un peu facile, avec quelques moments tire-larmes, mais c’est porté par une narration subtile additionnée de fantastique, irriguée par une réflexion sur la masculinité et avec deux comédiens ultra-charismatiques épaulés par une distribution locale convaincante. Il faudra que je regarde les deux opus réalisés depuis par Javier Fuentes-León.


Films vus seuls
Man in the Dark de Lew Landers (1953, J'ai vécu deux fois)
Condamné à dix ans de prison pour braquage à mains armées, Steve Rawle sert de cobaye involontaire à une expérience médicale consistant à opérer le cerveau pour lui retirer son instinct criminel. L’intervention engendre une perte de mémoire, il ne se souvient aucunement de son identité ni de la localisation des 150 000 dollars qu’il a planqué avant son arrestation. Estimant que son amnésie n’est qu’un leurre, ses anciens collègues et un agent d’assurance obstiné sont déterminés à lui extorquer l’emplacement de la cachette.

Man in the Dark est un remake par la Columbia de The Man Who Lived Twice qu’elle avait produit en 1936. Edmond O'Brien, un spécialiste des durs à cuire impulsifs, reprend le rôle de Ralph Bellamy (le brave prétendant éconduit des comédies des années 30-40). Ce fut le premier long métrage en 3D issu d’un grand studio, diffusé deux jours avant le fameux House of Wax (1953) avec Vincent Price. La bande-annonce est amusante, Edmond O'Brien face caméra se chargeant de la promotion.
Malgré son casting solide composé d’habitués du film noir et ses scènes d’action dynamiques, Man in the Dark pêche par une intrigue invraisemblable et par quelques longueurs, un comble compte tenu de sa courte durée (1h10). On notera que la possible femme fatale est en réalité une gentille fille amoureuse, et que l’agent d’assurance est inutile. Je serais curieux de récupérer l’original pour voir Ralph Bellamy en tough guy (je crains qu’il soit aussi crédible que Dick Powell quand il essaye d’être méchant).


Genghis Khan de Manuel Conde (1950)
Les Mongols sont invités avec d’autres tribus par les Keraït à un tournoi visant à désigner qui contrôlera une oasis stratégique. Le chef des Mongols demande à son fils Temüjin de les représenter. Celui-ci n’est pas le plus fort ou le plus endurant mais c’est le plus malin et il réussit à vaincre ses adversaires. Le soir, pendant la célébration, le roi des Keraït ordonne d’assassiner sournoisement les Mongols. Temüjin s’échappe de justesse, poursuivi par ses ennemis.

Il est compliqué se procurer des renseignements fiables sur le cinéma philippin de patrimoine en l’absence d’archives nationales du film et de la disparition d’une bonne partie des œuvres. Manuel Conde fut une personnalité majeure des années 40 à 60, à la fois acteur (il joue ici Temüjin), réalisateur et producteur à travers sa société Manuel Conde Pictures fondée en 1947. En 1951, le romancier et scénariste James Agee assista à une projection de Genghis Khan. Impressionné, il proposa à Manuel Conde de l’inscrire à la Mostra de Venise en ajoutant un commentaire en anglais par-dessus les dialogues. C’est ce montage de 1952, première production philippine concourant à un festival international, qui a été restaurée et que j’ai pu visualiser. Elle dure 1h17 tandis que tous les sites annoncent 1h28, je suppose qu’une dizaine de minutes ont été perdues. La version d’origine étant introuvable, il y aurait moyen avec la technologie moderne de s’en rapprocher en virant cette voix-off agaçante qui gâche le plaisir.
Si on fait abstraction de ce problème et des libertés historiques dans la biographie de Genghis Khan, c’est étonnamment convaincant pour un film franchement fauché. Manuel Conde a été aidé par le peintre Carlos Botong Francisco, qui s’est occupé des décors et des costumes. Le tournage a eu lieu à Angono, la ville natale de Carlos Botong Francisco, en empruntant des chevaux domestiques à des gens du coin. Des jeepney (des vieilles jeeps de l’armée américaine recyclées par la population locale) ont fourni l’éclairage pour les séquences nocturnes, les caméras ont été positionnées sur des machines agricoles pour obtenir les angles souhaités. Genghis Khan mélange comédie, action, drame, évoquant certains gros spectacles épiques hollywoodiens sans le côté boursouflé et sans temps mort. Une jolie surprise qui donne envie d’explorer la carrière de Manuel Conde.


Operación 67 de René Cardona Jr. & René Cardona (1967)
Une organisation criminelle internationale menée par une femme impitoyable entreprend de déstabiliser les économies des pays latino-américains en les inondant de fausse monnaie. Ils dépêchent pour cela des sbires partout sur le continent pour écouler l’argent. Interpol appelle Santo et son ami Jorge Rubio à la rescousse. Alertés par des indicateurs, les gredins vont tenter de les éliminer avant qu’ils ne contreviennent à leur plan.

Dès le générique d’intro, on sait que ce Santo sera différent des précédents. Ce n’est plus Santo contre des créatures surnaturelles, c’est Santo Bond l’agent secret. Les femmes sont évidemment en bikini (voire sans dans la version internationale avec un striptease seins nus, à l’inverse de la prude mouture mexicaine qui ciblait le jeune public), Santo change régulièrement de costumes, l’action s’enchaîne sur fond de musique pêchue très années 60. Il n’y a jamais eu autant de tunes dans un Santo, les deux metteurs en scène s’en donnent à cœur joie : poursuites en voiture, agressions sous-marines, bateau qui explose et attaque d’avion au lance-roquette (bon là y’a des stock-shots).
René Cardona et son fils René Cardona Jr. sont aux manettes. René Cardona fut une figure éclectique du cinéma mexicain. Nous l’avons déjà croisé à plusieurs reprises sur ce blog. Il est responsable du piteux dyptique de l’étrangleur, Santo vs. el estrangulador (1965) et El espectro del estrangulador (1966). On l’a également aperçu en tant qu’acteur dans Santo contra el rey del crimen (1962) et Santo contra el cerebro diabólico (1963). Pour Operación 67, les producteurs ont essayé de conférer au casting une patine cosmopolite en prenant le nippo-mexicain Noé Murayama en bras droit cruel, la Japonaise Midori Nagashiro en espionne dévêtue (son unique apparition à l’écran) et l’Américaine Elizabeth Campbell en méchante. Celle-ci a effectué l’intégralité de sa carrière au Mexique. Elle s’est fait connaître grâce à sa luchadora Golden Rubi dans une tétralogie dirigée par l’incontournable René Cardona. Dans Operación 67, elle se contente malheureusement d’être assise derrière un bureau ou de s’allonger en maillot sur la plage.
Sans être du niveau d’un James Bond, Operación 67 est assez distrayant et pas plus crétin que la moyenne des films d’espionnage de l’époque. Seul petit regret : Santo est fortement éclipsé par son acolyte Jorge Rivero, une belle gueule hissée en 1965 au rang de vedette par le producteur Alberto López pour un de ses ersatz de Santo (El asesino invisible de oh là là dis donc René Cardona). On ne regarde pas un Santo pour voir un freluquet taper les vilains bon sang.

Santo, la classe mexicaine


続・兵隊やくざ [Zoku Heitai Yakuza] de Tokuzô Tanaka (1965, Hoodlum Soldier and the C.O.)
Alors qu’ils étaient en train de déserter en subtilisant une locomotive, Arita et Omiya ont été stoppés dans l’explosion des rails. Blessés, ils sont amenés à l’hôpital. Leur tentative d’évasion étant passée inaperçue, ils sont réintégrés dans un régiment proche du front. Fidèle à ses habitudes, Omiya s’attire rapidement des ennuis par son attitude bravache et son manque de respect vis-à-vis de ses supérieurs.

Zoku Heitai Yakuza est la suite directe de Heitai yakuza (1965), qui se terminait sur une fin ouverte. Comme je le craignais, il lui est inférieur. Le scénario se limite à recycler le même schéma, avec une charge antimilitariste bien moindre : au lieu d’accuser l’institution dans son ensemble, le problème ne vient plus que de brebis galeuses, avec un affreux officier opposé à son gentil homologue. Et quand Arita se lance dans une diatribe pour épargner un vieux civil chinois, ses camarades baissent les armes sans obéir aux ordres de leur chef. Ce n’est toutefois pas catastrophique, on ne bascule pas dans un nationalisme puant et le duo Arita/Omiya est sympathique. Je vais m’arrêter là pour l’instant, je reprendrai peut-être la série un jour.


The Phantom Light de Michael Powell (1935)
Un nouveau gardien de phare nommé Sam Higgins débarque dans un village gallois. Ses prédécesseurs ont disparu, des rumeurs disent l’endroit hanté : le projecteur s’éteindrait parfois inexplicablement tandis qu’une lumière alternative se manifesterait pour égarer les navires. Sam ne croit pas à ces balivernes et prend son poste dès son arrivée, contraint de se rendre en barque sur le phare construit sur un îlot. Il ne va pas manquer de compagnie, entre ses trois assistants dont l’un est devenu fou, un journaliste fouineur et une Londonienne de passage qui s’est invitée dans le canot du reporter.

The Phantom Light se situe dans le début de carrière de Michael Powell, période méprisée par ses admirateurs, à une époque où il enchaînait les petits budgets. The Phantom Light est un quota quickie, des productions souvent financées par Hollywood pour remplir les quotas de films britanniques imposés par le Cinematograph Films Act 1927 et permettre ainsi la diffusion des pellicules américaines. En 1h15, Michael Powell boucle une comédie mouvementée avec une touche de mystère et de suspense, menée par un Gordon Harker pourvu d’un fort accent cockney. L’intrigue est invraisemblable, bourrée de trous (on ne saura jamais la raison de la présence de la Londonienne), mais c’est assez distrayant et il y a quelques beaux plans de nuit contrastés.


Livres
L’hiver ensorcelé de Moomin de Tove Jansson (Le lézard noir, collection « Le petit lézard », 2014), 151 p.
Au début de la nouvelle année, Moomin se réveille de son hibernation et ne réussit pas à se rendormir. Tous les membres de la famille sont profondément assoupis, il est seul dans la vaste demeure. Il va devoir s’occuper en attendant le retour du printemps. Cela sera l’occasion pour lui de découvrir la neige et les étranges créatures qui rodent dans les blancs paysages, et de se faire une amie en la personne de Tou-ticki qui loge dans leur cabine de plage pendant l’hiver.

L’hiver ensorcelé de Moomin se différencie de ses prédécesseurs en se concentrant sur Moomin uniquement et non sur sa famille. Cela donne une ambiance plus triste, calme et introspective. Je note également l’apparition de Tou-ticki, inspirée de la compagne de Tove Jansson, Tuulikki Pietilä. J’ai grandement apprécié ce sixième roman Moomin, je le place parmi les meilleurs que j’ai lus jusqu’à présent.


Histoires de mirages, présentées par Demètre Ioakimidis, Jacques Goimard & Gérard Klein (Le livre de poche, collection « La grande anthologie de la science-fiction », 1984), 448 p.
Après une préface de 29 pages de Gérard Klein, Histoires de mirages propose quatorze nouvelles de 5 à 125 pages rédigées par des hommes (à l’exception d’Un affreux pressentiment coécrit par Catherine L. Moore) et publiées entre 1953 et 1972 :
L'existence de Mason de Kingsley Amis (1972) : Daniel R. Pettigrew aborde un inconnu dans un bar, persuadé qu’il est en train de rêver.
En dedans de Carol Carr (1970) : Une femme se réveille dans une maison qui s’agrandit au fur et à mesure de son exploration.
Le rivage d'Asie de Thomas Disch (1970) : Un architecte américain s’est installé à Istanbul pour approfondir une de ses théories. Il est harcelé par une femme et un enfant qui le prennent pour un autre.
Aux bons soins de Monsieur Makepeace de Peter Phillips (1954) : Tristan Makepeace reçoit quotidiennement des lettres pour un certain E. Grabcheek qui habiterait à son adresse. Quand il se décide à ouvrir une enveloppe, elle ne contient qu’une feuille vierge.
Les vents de Mars de Fritz Leiber (1964) : Un explorateur tombe sur une cathédrale dans le désert de Mars.
Je vois un homme assis dans un fauteuil, et le fauteuil lui mord la jambe de Robert Sheckley & Harlan Ellison (1968) : Joe Paretti a été contaminé par une vase mutante qui sert de nourriture à l’humanité depuis la fin de la Troisième Guerre Mondiale. Il devient irrésistible, y compris pour les objets.
Chrysolithe entière et parfaite de R. A. Lafferty (1970) : Trois couples d’ami·e·s essayent de prouver l’existence surnaturelle de l’Afrique, un soi-disant continent qui s’étendrait sur l’océan au Sud de la Libye.
Dans l'Imagicon de George H. Smith (1966) : Pour échapper à une terrible planète de glace, Dandon se réfugie dans l’Imagicon où il se complait dans le luxe et possède un harem.
L'avocat camé de H. H. Hollis (1972) : Dans le futur, les procès consistent pour les avocats à affronter leurs adversaires dans leur inconscient sous l’emprise de drogues.
Souvenirs garantis, prix raisonnables de Philip K. Dick (1966) : N’ayant pas les moyens de s’offrir un voyage sur Mars, Douglas Quail, un petit fonctionnaire, paye une compagnie spécialisée dans l’implantation de souvenirs. Tout ne se passe pas comme prévu.
Configuration du rivage septentrional de R. A. Lafferty (1969) : lu dans Cauchemars au ralenti.
Une mer de visages de Robert Silverberg (1974) : Un psychanalyste entre dans l’esprit d’une patiente pour tenter de la guérir.
Le Façonneur de Roger Zelazny (1965) : Le maître des rêves est une version étirée de cette nouvelle. Vu mon peu d’entrain pour cette œuvre, je n’ai pas voulu me coltiner le texte d’origine qui fait 125 pages (contre 160 pour le roman).
Un affreux pressentiment de Henry Kuttner & Catherine L. Moore (1953) : M. Hooten croit qu’il rêve durant la journée et que sa vraie vie se déroule la nuit, dans un corps non-humain.
C’est toujours la roulette avec ce type de recueils. Sur le papier, Histoires de mirages traite d’un thème qui me passionne, celui des réalités artificielles. Malheureusement, c’est franchement faible. A part l’excellent Souvenirs garantis, prix raisonnables de K. Dick qui a inspiré Total Recall (1990), que j’avais déjà lu et que j’ai dans un autre bouquin, il n’y a rien à sauver. Les idées de départ généralement intrigantes sont mal exploitées et les chutes sont nases. La préface est à l’avenant, un gloubi-boulga philosophico-psychanalytique de Gérard Klein. A éviter.


Revues
Les Cahiers du cinéma n°814 – Novembre 2024
Le gros dossier sur la fabrique du cinéma français aujourd’hui est assez intéressant. Il donne la parole à des producteurices et s’interroge sur les différentes problématiques liées à la production. Le numéro comporte par ailleurs des entretiens avec Apichatpong Weerasethakul, Aki Kaurismaki, Pedro Costa et Victor Erice. Du beau monde, bien que je n’ai pas appris grand-chose.

Au niveau des sorties, c’est maigre. Je récupèrerai sans doute un jour pour le principe le Miguel Gomez, Grand Tour. Je n’ai encore rien vu de ce metteur en scène portugais qui me fait peur et sur lequel il faudrait que je me penche. Le dernier Eastwood a une bonne critique mais je n’ai pas forcément envie de filer des sous à ce papy libertarien. La partie patrimoine s’avère plus enrichissante, je découvre le réalisateur indien des années 50-70 Raj Kapoor et la Sénégalaise Khady Sylla dont je n’avais jamais entendu parler. Et un article sur le polar italien, le Poliziottesco, me permet de noter quelques références : Au nom de la loi de Pietro Germi (1949) ; Mafioso d’Alberto Lattuada (1962) ; Cadavres exquis de Francesco Rosi (1976) ; et L'affaire Mori de Pasquale Squitieri (1977).


2 commentaires:

  1. L'accroche sur l'affiche de Genghis Khan est fantastique. Comment y résister ? Sinon en termes de "Mexique image d’Epinal échafaudé par des Etats-Uniens" il y a Casa de mi padre, où il n'y a pas de lucha libre mais une hacienda et des narcos, donc je suppose que ça fait le job, dont le héros mexicain est joué (en espagnol) par Will Ferrell. J'ai absolument adoré, et ça assume justement ce côté "on fait semblant de faire mexicain"

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    1. Merci pour la référence, ça a l'air très bête, je note.

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