Films vus en compagnie
The Fall Guy de David Leitch (2024)

The Fall Guy est une lointainement inspiré de la série télé éponyme (L’homme qui tombe à pic en VF). Ryan Gosling reprend le rôle de Colt Seavers tenu par Lee Majors. Son acolyte Howie Munson est supprimé, Jody Banks est renommée Jody Moreno et est promue de cascadeuse à camérawoman/réalisatrice. Dans L’homme qui tombe à pic, même si elle avait son importance, c’était surtout son physique qui était mis en avant (cf. le générique) et elle devait régulièrement être secourue par Colt. Le long métrage est dirigé par David Leitch, un ex-cascadeur auteur du remarqué Bullet Train (2022).
Si l’affection envers son ancien métier transpire indéniablement et que David Leitch mélange intelligemment effets spéciaux manuels et numériques (on peut de nos jours obtenir un rendu convaincant sans risquer sa vie façon Jackie Chan), The Fall Guy est malheureusement desservi par une intrigue conventionnelle et des cascades mal exploitées/montées. Au final, je me suis rapidement désintéressé des mésaventures de Colt Seavers et d’une Jody pas plus utile que son équivalent télévisée.
The Peanut Butter Solution de Michael Rubbo (1985, Opération beurre de pinottes)

The Peanut Butter Solution est le second volet des Contes pour tous, une série de films québécois destinés à la jeunesse. A l’inverse de La guerre des tuques tourné en français dans une petite ville, il comporte une équipe anglophone et se situe à Montréal. Il marque les débuts dans la fiction du documentariste australien Michael Rubbo, qui reçut l’aide du cinéaste tchèque Vojtěch Jasný. La distribution est composée majoritairement d’inconnu·e·s et la plupart des enfants jouent mal voire très mal. Les deux chansons de la bande originale sont interprétées par une Céline Dion adolescente, qui commençait ici sa carrière anglophone.
The Peanut Butter Solution est un assemblage de bric et de broc, on a l’impression qu’ils ont balancé toutes les idées qui leur passaient par la tête quitte à oublier des éléments sur le chemin, comme les poils pubiens de Connie qui subissent un sort identique aux cheveux de Michel puis stoppent soudainement leur croissance sans explication. Connie est d’ailleurs catapulté personnage principal dans la deuxième moitié, où Michael est relégué au second plan. Ce caractère anarchique et porte-nawak n’est cependant pas désagréable, c’est dynamique, parfois amusant et on ne s’ennuie pas.
Robot Dreams de Pablo Berger (2023, Mon ami robot)

Pablo Berger s’était distingué en 2012 avec Blancanieves, adaptation libre de Blanche-Neige dans l’Espagne des années 20. Robot Dreams est son premier long métrage d’animation, tiré d’un comics de l’américaine Sara Varon. Cette origine bédé-esque se ressent fortement, l’histoire est un amoncellement de saynètes avec une trame de fond simple. Pablo Berger, qui a vécu à New York, place son récit dans les années 80 et multiplie les références cinéphiliques.
Je ne me souviens plus pourquoi je n’avais pas aimé Blancanieves, je ne tenais pas à l’époque ces formidables carnets hebdomadaires. Robot Dreams m’a laissé un sentiment mitigé. J’ai apprécié le côté entièrement muet ainsi que la relation entre Dog et son robot. L’aspect épisodique fonctionne toutefois moins bien sur grand écran qu’en BD, il y a un gros ventre mou, avec une durée d’1h43 excessive par rapport au propos. Heureusement, la jolie conclusion permet de terminer sur une touche positive.
Fimpen de Bo Widerberg (1974, Tom foot)

Influencé par la Nouvelle Vague et en alternative à Bergman, Bo Widerberg construisit une œuvre romantique et sociale. Je n’ai jamais rien vu de lui et Fimpen, film pour enfants fantaisiste, n’est sans doute pas représentatif. L’idée lui est venue lorsqu’il remarqua un gosse talentueux, Johan Bergman, autour de qui il échafauda une intrigue. Le fan de football Bo Widerberg s’autofinança et employa les gens qu’il avait sous la main : les parents de Johan interprétèrent leur propre rôle, de même que les footballeurs qui ne furent pas payés pour leur prestation. Il eut l’autorisation d’accompagner l’équipe nationale dans ses déplacements et tourna quelques minutes sur le terrain avec des joueurs soviétiques juste avant un match international URSS-Suède.
Fimpen est anti-hollywoodien au possible, Johan casse tous les clichés du genre, on le suit dans ses aventures sur un rythme nonchalant, dans un enchaînement de séquences diversement improvisées. Les situations irréalistes sont traitées avec naturalisme, personne ne questionne la réussite incroyable de Johan. C’est extrêmement sympathique, assez anarchique et je ne comprends absolument pas la note de 5,6 sur imdb. Pour l’anecdote, Bo Widerberg appela Johan son fils né un mois après la sortie de Fimpen.
Girlfriends de Claudia Weill (1978)

Girlfriends est le premier film de fiction de la metteuse en scène de théâtre et documentariste Claudia Weill. Financé au départ par des fonds publics sur la base d’un court métrage de 30 minutes (condensé en sept minutes en introduction de Girlfriends), le tournage s’étala sur une année, contraint de s’arrêter régulièrement faute d’argent. Le casting mélange débutants et interprètes plus expérimentés bien que relativement inconnus (Rencontres du troisième type n’était pas encore en salles au moment où Bob Balaban avait été recruté), excepté un Eli Wallach vieillissant en rabbin. Melanie Mayron est excellente en Susan, elle n’eut pas la carrière qu’elle méritait, sans doute à cause de son physique peu hollywoodien, et évolua vers la réalisation dans les années 90.
Girlfriends est composé d’une série de vignettes, de tranches de vie d’une femme indépendante dans le New-York de la fin des années 70. Il nous plonge dans une époque et nous dépeint les difficultés à s’extraire des schémas établis, d’être autonome sans le soutien rassurant mais étouffant d’un homme. Si la forme épisodique, renforcée par la production chaotique, le rend inégal, cela demeure une belle chronique douce-amère d’une jeune femme juive qui refuse la norme et cherche son bonheur dans l’amitié plutôt que dans le couple.
Films vus seuls
Santo contra los jinetes del terror/Los leprosos y el sexo de René Cardona (1970, Santo contre les chevaliers de la terreur)

Santo contra los jinetes del terror est le premier Santo western, probablement situé vers la fin du XIXe siècle. On est dans un modèle routinier de western de série B hollywoodien des années 50, avec un shérif opposé à des vilains et épaulé par un justicier étranger. L’incontournable René Cardona réussit à caser un match de catch, Santo affrontant un lutteur itinérant dans le but de remettre aux sœurs d’un couvent la récompense promise en cas de victoire. Le masque de Santo est questionné à deux reprises, notamment par un méchant qui l’accuse de se cacher le visage par lâcheté. Dario répond qu’il doit rester anonyme pour mener à bien sa mission et combattre le mal sans risque pour son entourage. Le héros masqué n’est finalement pas si délirant dans un contexte western, à l’exemple de Zorro ou de The Lone Ranger.
Santo contra los jinetes del terror est fauché et doté d’un montage hasardeux qui pourrait être lié à son parcours tumultueux. A l’instar de Santo en el tesoro de Drácula/El vampiro y el sexo produit par le même Guillermo Calderón, Santo contra los jinetes del terror a bénéficié d’un montage différent pour l’export. Il fut retitré Los leprosos y el sexo et des scènes érotiques furent ajoutées. Selon David Wilt qui cite Viviana García-Besné, la petite-nièce de Guillermo Calderón, le négatif actuel de Santo contra los jinetes del terror pourrait ne pas être la copie mexicaine d’origine et être issu d’une version coupée de Los leprosos y el sexo. Elle s’appuie pour justifier son argumentaire sur une séquence érotique entre Dario et sa fiancée, s’étonnant de l’absence d’équivalent dans Santo contra los jinetes del terror. En effet, chaque passage osé avait normalement son pendant habillé, ce qui n’est pas le cas ici.
En 2023, Viviana García-Besné a reconstitué Los leprosos y el sexo en réintégrant trois scènes de sexe qu’elle avait retrouvées en travaillant sur son documentaire Perdida (2009). Cette mouture a eu droit à une restauration 4K, à une sortie en festival au Mexique en 2024 et a un Blu-Ray (c’est dingue ce que Santo intéresse les spectateurs contemporains dès qu’on y ajoute des femmes nues…). Par rapport à Santo contra los jinetes del terror, Viviana García-Besné a uniquement réinséré un couple qui fait l’amour, un bandit qui viole une femme, et Dario et sa copine nu·e·s qui se tripotent lascivement, pour une durée totale d’environ sept minutes. Ce n’est peut-être pas exactement le Los leprosos y el sexo de 1970, il y avait possiblement d’autres modifications.

Tentative d’explication par le biais d’un schéma audacieux
A part ça, Santo contra los jinetes del terror est ultra-classique mais propose un discours assez pédagogue sur la lèpre. Le directeur de la léproserie énonce les conditions de propagation et les différents types de symptômes. Dario et lui prônent la modération, les malades sont montrés comme des victimes tragiques des circonstances. S’il y a quelques excès, cette non-stigmatisation est surprenante dans un cinéma d’exploitation pas franchement subtil en général. Cela permet à ce Santo de s’élever au-dessus de la moyenne, largement supérieur au catastrophique Santo frente a la muerte (1972) de la semaine précédente.
顔役暁に死す [Kaoyaku akatsukini shisu] de Kihachi Okamoto (1961, Big Shots Die at Dawn)

Kaoyaku akatsukini shisu est tiré d’un roman de Haruhiko Ôyabu, auteur déjà à l’origine du décevant Ankokugai no taiketsu (1960, The Last Gunfight). Des problèmes similaires plombent les deux opus, soit des personnages trop bavards et des situations stéréotypées. Kaoyaku akatsukini shisu comporte en outre un récit inutilement alambiqué (on se doute du vrai coupable dès son apparition) et un Yûzô Kayama qui n’a pas le charisme de Toshirô Mifune. Seul point remarquable, la présence de Kunie Tanaka en début de carrière dans le rôle du chef des Handa.
Det kom en gäst… d’Arne Mattsson (1947, Un invité va venir)

Arne Mattsson a œuvré dans de nombreux genres, notamment les whodunit que j’affectionne. J’ai donc voulu lui offrir une seconde chance en lui pardonnant le fade Damen i svart (1958, The Lady in Black). Raté, Det kom en gäst… est mollasson, doté d’une intrigue poussive et de protagonistes insignifiants. La conclusion est nasouille et on s’ennuie en dépit de sa courte durée d’1h11. A éviter.
ワールド・アパートメント・ホラー [Wârudo apâtomento horâ] de Katsuhiro Ôtomo (1991, World Apartment Horror)

En 1990, huit ans après les débuts de sa publication dans Weekly Young Magazine, Katsuhiro Ôtomo achevait son manga culte Akira. Il décida de se tourner vers le cinéma en développant pour son premier long métrage une idée de son assistant Satoshi Kon. Bénéficiant d’un faible budget, il fit appel à des acteurs inconnus, non Japonais pour la plupart. Le rôle d’Ita fut confié à Sabu, qui n’avait pas encore percé ni entamé sa carrière de metteur en scène. Ce n’est pas franchement effrayant, la théorie Konaka à la base du renouveau de la J-horror commençait juste à se formaliser et n’est pas appliquée dans World Apartment Horror. Si Ôtomo ne montre pas davantage le monstre final, c’est par manque de moyens et non par principe, préférant le garder dans le noir pour ne pas sombrer dans le ridicule.
L’intérêt de World Apartment Horror se situe dans sa critique du nationalisme japonais, de son passé impérialiste et du sentiment de supériorité de certains Japonais qui s’estimaient non Asiatiques, plus proches des Occidentaux que de leurs voisins. Le racisme est à la source des problèmes, Ita est vite dépassé par les évènements, il panique et il faut l’intervention d’un exorciste noir pour le sauver. Tandis que le nationalisme s’apprêtait à connaître une forte résurgence dans les années 90, accentué par la crise de 1997, une telle vision est rafraichissante. Ce n’est pas toujours bien joué (y compris Sabu qui en fait des tonnes), on tombe parfois dans les clichés raciaux avec un humour pas vraiment subtil, mais ça demeure distrayant et atypique.
好人好日 [Kojin kojitsu] de Minoru Shibuya (1961, A Good Man, A Good Day)

Pour créer le personnage d’Hitoshi Ozeki, le scénariste Zenzô Matsuyama s’est inspiré du mathématicien Kiyoshi Oka, une célébrité au Japon, incarné par un Chishû Ryû extrêmement ozuesque. Minoru Shibuya, ancien assistant d’Ozu spécialiste de la comédie de mœurs, multiplie les clins d’œil : outre un casting qui comporte des interprètes habituels du maître (à nuancer de par la logique des studios, la Shôchiku employant régulièrement les mêmes acteurices dans des rôles similaires), il enchaîne les plans fixes, avec une caméra proche du sol, des plafonds visibles et une musique légère. Le thème évoque également l’Ozuvers, avec ce père qui refuse de marier sa fille. Cette proximité s’atténue dans la seconde moitié concentrée sur les mésaventures d’Hitoshi Ozeki. S’engage alors un show Chishû Ryû, qui devient lassant à la longue en dépit de mon affection pour ce comédien. Cela donne l’impression que la trame autour du mariage de Tokiko n’était pas suffisante pour tenir le spectateur en haleine durant 1h30 et qu’il fallait ajouter des péripéties saugrenues. Sans être foncièrement désagréable, Kojin kojitsu est un titre mineur, un ersatz anecdotique d'Ozu.
Livres
L’homme qui n’existait pas de Roger Zelazny (Presses Pocket, collection « Science-Fiction », 1978), 275 p.

A la lecture de ce résumé, un familier des romans de SF détectera immédiatement que L’homme qui n’existait pas est un fix-up de trois nouvelles antérieures, La veille de Rumoko (1969), Kjwalll'kje'k'koothailll'kje'k (1973) et Le retour du bourreau (1975). Cela se confirme avec un manque d’homogénéité et des rappels inutiles, Le retour du bourreau reprécisant le fonctionnement de l’univers déjà dépeint dans La veille de Rumoko. Par ailleurs, tandis que La veille de Rumoko est pêchue et axée sur l’action, ne fournissant que les éléments indispensables au déroulé, Kjwalll'kje'k'koothailll'kje'k et Le retour du bourreau sont excessivement bavardes. Je ne suis pas fan de la SF qui surexplique ses principes, on peut être sûr que les idées décrites seront démodées ou naïves dix ou vingt ans plus tard, mieux vaut rester dans le flou. Zelazny tombe dans le piège et s’égare ici dans des discussions technico-philosophiques vaseuses. C’est dommage car le héros James Bondien était plaisant et ça aurait pu être divertissant.
Blue de Kiriko Nananan (Casterman, collection « Sakka », 2004), 232 p.

Blue est le premier long récit de Kiriko Nananan, publié en feuilleton de janvier à octobre 1996 dans le magazine mensuel alternatif COMIC are!. Le style est proche de Strawberry shortcakes de la même autrice que j’avais lu récemment, avec un dessin minimaliste qui se focalise sur le ressenti de Kayako. On ne voit jamais le visage des adultes, qui ne sont pas au centre des préoccupations des jeunes filles. Il y a sans doute une part autobiographique, Kayako ayant pour ambition d’être dessinatrice et Kiriko Nananan ayant grandi à Niigata. Les adolescentes se disputent par moments mais on discerne une camaraderie et une tolérance qui se démarquent de l’image habituelle des établissements japonais au cinéma, emplis de brimades, de stigmatisations, de clans… C’est assez triste et mélancolique et je serais curieux de récupérer l’adaptation sur grand écran de 2002. A noter une brève présentation du livre et de Kiriko Nananan par Casterman, ça ne coûte pas grand-chose et ça change tout je trouve, certains éditeurs devraient en prendre de la graine.
Paddington on Top de Michael Bond (Harper Collins, collection « The Classic Adventures of Paddington Bear – The Complete Collection », 2019), 154 p.

Je poursuis tranquillement la série sans aucune expectative. Rien de novateur dans ce Paddington on Top ultra-prévisible si ce n’est l’arrivée tant attendue de tante Lucy. Sa présence ne donne pas lieu à un traitement particulier, Michael Bond se contentant de développer une banale histoire de shopping, c’est plutôt décevant. Son apparition est un non-évènement, elle est bien plus émouvante dans Paddington 2. Au suivant.
Revues
Les Cahiers du cinéma n°816 – Janvier 2025

Pas grand-chose du côté des sorties ou du patrimoine, avec un nième article sur Godard et une interview du réalisateur kazakh Darezhan Omirbaev qui a sérieusement le melon. Je note juste le coffret World Cinema Project (bien que j’ai déjà trois des huit titres proposés en DVD) et le coffret Ghassan Salhab chez Shellac, un cinéaste libanais dont je n’avais jamais entendu parler et qui fleurte apparemment avec le genre.
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