samedi 12 juillet 2025

Carnet de bord 05/07/2025-11/07/2025



Films vus en compagnie
The Wild Robot de Chris Sanders (2024, Le robot sauvage)
Sur une île inhabitée, une famille de loutres déclenche par hasard la mise en route d’un robot échoué sur le rivage. Il s’agit de l’unité 7134 de la gamme utilitaire ROZZUM, conçue pour aider les humains dans leurs activités quotidiennes. En leur absence, la machine tente de proposer ses services à des animaux terrorisés. Chassée par un grizzli, elle écrase malencontreusement un nid d’oies, tuant ses occupants à l’exception d’un unique œuf. Guidée par Escobar le renard, elle va s’auto-assigner la tâche d’élever le poussin jusqu’à son envol et sa migration avec ses congénères.

The Wild Robot est l’adaptation par Dreamworks du roman illustré pour enfants éponyme de Peter Brown. Le studio a modifié sensiblement le look du robot qui se rapproche ainsi de celui du Château dans le ciel (1986), surtout dans le dernier tiers où il est recouvert de mousse. Le film a reçu un bon accueil et des critiques admiratives, hormis de la part des deux journaux auxquels je suis abonné, les Cahiers du cinéma et Mad Movies. Les deux dénoncent son indéniable mièvrerie et Mad Movies effectue une pertinente comparaison avec Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau (2024). Sorti le même mois, celui-ci ne contenait aucun dialogue et nous présentait une nature vraiment sauvage. Rien de cela dans The Wild Robot, qui anthropomorphise à outrance. Chris Sanders a eu le toupet de déclarer que « [nos créatures sur l’île] se comportent de manière authentique ». Il fait pourtant parler les bêtes, les dotent de réactions et de sentiments humains, et se sert de la forêt comme parabole de notre société, prônant des valeurs d’entraide et de tolérance schématiques. Je ne listerai pas les innombrables erreurs biologiques et éthologiques, ça n’aurait pas d’intérêt et j’y serais encore demain. L’animation lisse et des animaux peluches accentuent l’aspect aseptisé et irréel de la nature, et j’ai du mal à comprendre l’enthousiasme que The Wild Robot a généré.


A la disparition de sa mère, Linda hérite de la propriété familiale de Montclare, un vaste manoir transformé en maison de retraite. Elle retourne dans son village natal qu’elle a quitté il y a des années et renoue rapidement avec son ancien copain Barney. Montclare est déficitaire et Linda songe à vendre la demeure qui la met mal à l’aise. Elle fait des cauchemars sur son enfance depuis son arrivée et a l’impression d’être observée. En fouillant dans les papiers de sa mère, elle trouve des frais imputés à sa tante Rita théoriquement décédée. La situation se dégrade lorsqu’un des pensionnaires meurt noyé dans une baignoire.

Bien qu’il soit scénarisé et réalisé par le Néo-zélandais Tony Williams, Next of Kin s’inscrit dans le phénomène de la Ozploitation, des films d’exploitation australiens à petit budget tournés dans les années 70-80. Ses représentants les plus réputés évoluent dans le domaine de l’horreur à l’instar de Wake in Fright (1971), Long Weekend (1978), Patrick (1978) ou Razorback (1984). Par son intrigue, son ambiance et sa musique électronique chelou à la Goblin, Next of Kin évoque certains giallos italiens. La différence essentielle, outre les paysages australiens, est la lenteur de la chose. Next of Kin prend son temps en se focalisant sur le quotidien de Linda. La tension est légère et ne se renforce que très progressivement. Jacki Kerin est convaincante en Linda, j’ai accroché au climat étrange mais le risque de décrochage est fort et Next of Kin pourra rebuter si on n’adhère pas à l’atmosphère.


کلید [Kelid] d’Ebrahim Forouzesh (1986, La clé)
Une mère doit s’absenter pour aller faire des courses. Elle confie à son fils Amir Mohammad, quatre ans, la tâche de donner le biberon au bébé quand il se réveillera. Elle sort en fermant la porte à clé derrière elle. C’est le début d’une série de péripéties pour Amir Mohammad : il ne parvient pas à ouvrir le robinet d’eau, il renverse le biberon sur son petit-frère, il casse un bocal de sauce et ne sait pas comment arrêter le gaz sous le repas en train de cramer. Une voisine inquiète ne peut pas rentrer pour l’aider car Amir Mohammad n’a pas la clé. Elle part alors à la recherche de la mère.

La clé est le premier long métrage de fiction d’Ebrahim Forouzesh, produit par l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes. Organisme fondé par Abbas Kiarostami et Ebrahim Foruzesh en 1969, il a financé un grand nombre de films pour enfants iraniens des années 70 à 90 comme les classiques Le coureur (1984) et Où est la maison de mon ami ? (1987). Derrière La clé se cache d’ailleurs Abbas Kiarostami, responsable du scénario et du montage. L’histoire extrêmement simple en apparence est sans doute bourrée de symboles. Un critique iranien voit ainsi un parallèle entre l’appartement et la société iranienne de l’époque, une prison en mauvais état sans divertissement possible et remplie de dangers, où ses occupants ont faim et soif et sont livrés à eux-mêmes en l’absence des autorités (la mère est introuvable et le père, dont l’uniforme pend dans l’entrée, n’est pas mentionné). Il n’y a toutefois pas besoin de connaitre la situation politique de l’Iran pour apprécier La clé. Sous les dehors d’un quotidien réaliste, Kiarostami a écrit une espèce de thriller parfaitement ficelé ayant pour héros un gosse de quatre ans, avec un suspense prenant jusqu’à l’ultime image. Une belle découverte qui confirme les qualités du cinéma iranien de cette période.


Civil War d’Alex Garland (2024)
Aux Etats-Unis, un président dictatorial ayant ouvert le feu contre sa population a amené une partie des Etats à faire sécession. La force d’opposition principale est l’armée de l’Ouest, coalition entre la Californie et le Texas. Depuis New-York, la photographe de guerre Lee et son collègue reporter Joel veulent se rendre à Washington pour tenter d’interviewer un président proche de l’éviction. La route est périlleuse et ils risquent d’être mal accueillis, le gouvernement officiel détestant la presse. L’attrait du scoop est néanmoins le plus fort. Ils sont accompagnés par Sammy, le mentor de Lee, et par une jeune photographe débutante, Jessie, qui idolâtre Lee.

Je ne suis pas fan d’Alex Garland et j’avais peur de ce Civil War en dépit de la critique exaltée de Mad Movies. Il avait en revanche été démoli dans Les Cahiers pour son absence d’idéologie ou de questionnement de la violence aux Etats-Unis. Et c’est indéniablement le néant sur ces points. En alliant la Californie et le Texas, Alex Garland évite de prendre position et l’histoire pourrait se dérouler sur à peu près n’importe quel conflit dans le monde avec deux-trois modifications.
Civil War est en réalité un road-trip sur une bande de journalistes en zone de guerre avec des protagonistes clichés : l’héroïne blasée et endurcie, la rookie, le vieux sage et la tête brûlée. Les effets spéciaux sont impressionnants, les images de synthèse étant parfaitement intégrées à des trucages à l’ancienne, dans un style pseudo-documentaire immersif. La tension ne retombe pas, on est pris dans le truc sans trop s’attarder sur le propos ou sur le bien-fondé des décisions des reporters qui couvrent les batailles. Civil War entre dans ce que j’appelle les films d’esbrouffe : ça se regarde bien, on ne s’ennuie pas et c’est intéressant tant qu’on est plongé dedans. Quand ça se termine et qu’on songe à ce qu’on a vu à tête reposée, l’édifice s’écroule en raison de la fragilité de ses fondations. On sera donc déçu si on s’attend à une œuvre portant sur une guerre civile aux Etats-Unis, contrairement à ce que suggère le titre ou la campagne promotionnelle d’Alex Garland ; ou enthousiaste si on cherche juste de l’action pêchue sans réelle réflexion politique, avec une intrigue stéréotypée remplie de passages obligées sous un vernis d’anticipation.


Films vus seuls
El hombre y el monstruo de Rafael Baledón (1959, L'homme et le monstre)
Le journaliste Ricardo Souto a reçu une lettre lui annonçant le retour du fameux pianiste Samuel Magno, disparu de la circulation depuis des années. En arrivant à la demeure de ce dernier à La Escondida, un trou paumé situé à la pointe de la Basse-Californie, il découvre que le maître entraine une élève douée, Laura, qui va prendre sa relève. Ricardo est froidement accueilli et rapidement congédié par la mère de Samuel, qui semble dissimuler un sombre secret. Artiste médiocre, Samuel a en effet vendu son âme au diable pour devenir le meilleur pianiste du monde, avec des conséquences désastreuses.

Rafael Baledón fut une figure importante de l’âge d’or du cinéma mexicain, acteur dans 92 titres selon imdb et réalisateur de près d’une centaine d’opus. Il œuvra dans une multitude de genres, notamment l’épouvante à l’image de ce El hombre y el monstruo. Ce film est représentatif de la qualité des séries B mexicaines de cette époque : belle photographie de Raúl Martínez Solares qui privilégie les scènes de nuit ; interprétation convaincante avec le spécialiste de l’horreur Abel Salazar (Ricardo), Enrique Rambal vu dans L'ange exterminateur de Luis Buñuel (1962) ou Martha Roth (Laura), une comédienne dramatique qui se dirigea vers le cinéma de genre quand sa carrière commença à stagner ; montage efficace sur un scénario classique axé sur un pacte avec Satan. La séquence finale pendant un concert est particulièrement réussie, avec un suspense créé par une mélodie. El hombre y el monstruo est donc recommandable malgré un maquillage de monstre totalement ridicule (cf. l'affiche), qui diminue la tension au lieu de l’accroitre et sort le spectateur du récit.


子連れ狼 [Kozure Ôkami] d’Akinori Matsuo & Hitoshi Ôzu (1984, Fugitive Samurai)
Au cours d’un duel officiel pour obtenir la charge d’exécuteur du shôgun, Gunbei Yagyu oriente par erreur son sabre vers l’Empereur et perd automatiquement le combat au profit d’Ôgami Itto. Le père de Gunbei, le puissant et manipulateur Retsudô Yagyu, n’admet pas cette défaite, souhaitant récupérer tous les postes prestigieux afin de contrôler le pays. Il s’arrange pour assassiner l’entourage d’Ôgami Itto et l’obliger à se suicider. Ce dernier refuse et part sur les routes avec son jeune fils.

En 1973, en parallèle des Baby Cart avec Tomisaburô Wakayama, la chaîne Nippon Television produisit une série télévisée de trois saisons de 26 ou 27 épisodes reprenant la trame du manga Lone Wolf and Cub encore en cours de parution. Le rôle d’Ôgami Itto échut à Kinnosuke Nakamura. Fatigué des histoires de yakuzas qu’on lui proposait au cinéma et en conflit ouvert avec la Toei, il avait fondé sa compagnie en 1968 et s’était tourné vers la télévision. En 1982, sa société fit faillite et il eut une crise myasthénique qui l’éloigna des plateaux durant deux ans. Kozure Ôkami, un téléfilm de Fuji TV, marqua son retour.
Je n’ai jamais apprécié Kinnosuke Nakamura et cela se confirme ici. Il n’a clairement pas la prestance de Tomisaburô Wakayama, son Ôgami Itto pâtit de la comparaison. L’intrigue est par ailleurs banale, une origin story dans la première demi-heure puis un huis-clôt dans un village tenu par des brigands. Les affrontements sont ternes, le montage quelconque, on est loin de la folie des six Baby Cart. Seul point positif, la présence de Rentarô Mikuni en Retsudô Yagyu, qui éclipse par son charisme le fade Kinnosuke Nakamura. C’est maigre.
P.S. : comme c’est un téléfilm, il n’y a aucune affiche japonaise. En VHS et DVD, il a été inclus dans les coffrets de la série de 1973 et n’a pas de jaquette. J’ai été contraint de me rabattre sur la jaquette moche du LaserDisc américain.


Beast of the Yellow Night d’Eddie Romero (1971)
En 1946, Joseph Langdon, un criminel de guerre affamé poursuivi par la police, est secouru par le Diable qui en fait son serviteur. Afin de propager le mal autour de lui, son âme est projetée dans le corps d’une personne influente venant de décéder. Vingt-cinq ans plus tard, il se réincarne en Philip Rogers, un homme d’affaires américain installé aux Philippines. Lassé de son existence, Joseph Langdon voudrait mourir mais Satan n’est pas d’accord. Quand il songe à se réformer et à arrêter ses mauvaises actions, il se transforme en monstre sanguinaire et invincible qui massacre des innocents.

Figure majeure du cinéma philippin, Eddie Romero est surtout connu à l’étranger pour ses séries B horrifiques sans le sou parfois coproduites par les Américains. C’est le cas avec Beast of the Yellow Night, financé par Roger Corman et diffusé en double programme aux Etats-Unis avec l’Allemand Die blaue Hand (1967). Il met en vedette John Ashley, un acteur du studio American International Pictures complètement oublié de nos jours. Le récit de Beast of the Yellow Night est plutôt complexe et j’ai galéré pour écrire un résumé cohérent, pas aidé par un montage alambiqué. Eddie Romero a ajouté à un classique schéma de lycanthropie contre son gré une histoire de pacte diabolique et une touche de drame avec la gentille épouse de Rogers. C’est souvent confus, avec un maquillage raté, un peu de gore et un soupçon d’érotisme. C’est en revanche correctement joué, avec un scénario centré sur les doutes d’un antihéros maudit et avec davantage de profondeur que la moyenne du genre. Sans être bon, le résultat est inhabituel.


Bayi Ajaib de Tindra Rengat (1982, Miracle Baby)
Pour espérer devenir chef du village, Dorman réveille l’esprit de son ancêtre Alberto Dominique, un ancien tyran d’origine portugaise qui terrorisa les environs au XVIIIe siècle. L’entité prend possession du fœtus d'un concurrent de Dorman. Le bébé nait avec trois mois d’avance au cours d’une éclipse de lune et attaque immédiatement l’assistante de la sage-femme. Les années s’écoulent, l’enfant grandit. C’est devenu un garçon turbulent qui n’écoute pas ses parents. Il jouit de pouvoirs surnaturels qu’il dissimule et aime provoquer la mort des gens.

Bayi Ajaib est un titre culte en Indonésie qui a eu droit à deux remakes en 2018 et 2023, une sorte de version locale de La malédiction (1976). C’est apparemment le seul long métrage de Tindra Rengat, qui a été épaulé par une équipe chevronnée dont l’inévitable W.D. Mochtar en Dorman. C’est franchement fauché, doté d’un rythme lent et d’une intrigue brouillonne, avec des élections qui semblent durer des années. Ces soucis sont cependant compensés par une interprétation solide, des effets spéciaux efficaces bien que rudimentaires, un total premier degré sans humour relou et une ambiance extrêmement creepy. C’est donc une expérience recommandable pour les amateurs d’horreur bizarre.


Ugler i mosen d’Ivo Caprino (1959, Owls in the Marsh)
Ole Henrik est un comptable sous-payé d’un grand cabinet d'affaires, employé fidèle et fiable qui n’ose pas demander une augmentation. Il vit dans un petit appartement d’Oslo avec son épouse et ses deux filles, la jeune Maren et sa sœur ado Trine. Il reçoit un matin un télégramme l’informant qu’il hérite de la vieille demeure de son oncle Pavel. Pas ravi devant cette perspective de coûts supplémentaires, il se laisse convaincre par sa femme d’aller passer tous ensemble un week-end prolongé sur les lieux. Peu après leur arrivée, Maren et Trine découvrent un disque sur lequel la voix enregistrée de Pavel les défie de trouver son trésor.

Tiré d’un livre pour enfants très connu en Norvège de Finn Havrevold, Ugler i mosen est le premier long métrage d’Ivo Caprino. C’est son unique opus en prises de vue réelles, qui comporte un soupçon de stop-motion pour la chouette en peluche de Maren et un gnome qui loge dans la maison de Pavel. Le personnage principal est Maren incarnée par Grethe Kausland, une enfant-star qui sortit de nombreux tubes avant de se lancer dans le cinéma. Owls in the Marsh est son cinquième film et son plus grand succès en tant qu’actrice. Elle joue plutôt bien et Maren est sympathique, une fillette imaginative et espiègle. Les protagonistes sont amusants, les touches d’animations apportent de la magie et c’est tourné majoritairement en décors naturels au sud de la Norvège. Désuet et naïf, c’est distrayant si on apprécie ce type de comédies familiales gentillettes.


夢のハワイで盆踊り [Yume no Hawaii de bon odori] de Ryûichi Takamori (1964, Let’s Dance Bon-Odori in Hawaii)
Natsuo Funada vient d’entrer à l’université. Il habite avec sa mère, une veuve de guerre qui tient un petit bar dans Tôkyô. Il rêve d’aller visiter Hawaï, lieu de naissance de son père qui avait fui l’île pour se marier contre l’avis de sa famille. Pour gagner l’argent nécessaire à son voyage, Natsuo multiplie les jobs à temps partiels et tombe sur une riche étudiante capricieuse, Miyoko, qui décide de l’aider. A l’hôtel où il travaille, il rencontre par hasard un vieil homme borné qui se révèle être son grand-père. Mais il repart à Hawaï avant que Funada ait pu le réconcilier avec sa mère.

En 1964, la Toei était peu présente sur le créneau des films d’ados, une spécialité de la Tôhô, de la Nikkatsu et, dans une moindre mesure, de la Shôchiku. Elle se lança en engageant pour deux longs métrages Kazuo Funaki, un chanteur extrêmement populaire qui venait de percer en 1963 avec le tube Koukou San Nen Sei vendu à un million d’exemplaires. Elle l’associa à une star maison, Chiyoko Honma, également chanteuse. L’histoire était secondaire du moment qu’on pouvait accompagner la sortie d’une chanson éponyme à succès. Diffusé quelques mois après Kimitachi ga ite boku ga ita (1964, Here Because of You), Yume no Hawaii de bon odori fut le premier titre de la Toei tourné à l’étranger, avec des scènes à Hawaï.
Kazuo Funaki était probablement un bon chanteur, ce n’est en revanche pas un acteur charismatique ni particulièrement beau. Il fait néanmoins le boulot, l’intrigue assez basique n’est guère exigeante et il est correctement entouré, avec notamment Chishû Ryû dans le rôle du grand-père. Le dyptique Kimitachi ga ite boku ga ita/Yume no Hawaii de bon odori marque les débuts derrière la caméra de Ryûichi Takamori, qui livre une prestation honnête quoique sans éclat. Les chansons sont convenables, ça se suit agréablement sans se distinguer du tout-venant de la comédie musicale romantique pour ados de l’époque.


Livres
Les quatre antilopes de l'Apocalypse de Stephen Jay Gould (Seuil, collection « Science ouverte », 2000), 605 p.
Stephen Jay Gould est sans doute un des meilleurs vulgarisateurs scientifiques du XXe siècle. De 1974 à 2011, il écrivit 300 essais, principalement sur la biologie évolutionniste, dans la rubrique The View of Life du magazine mensuel américain Natural History. Ils furent regroupés en dix livres publiés de 1977 à 2002. Ils ont tous été traduits en français en grand format, les six premiers ayant également été édités en poche. Je m’étais jusqu’à présent limité à ces derniers, les volumes 7 à 10 étant chers et encombrants. Je me suis enfin décidé à lire le septième qui trainait sur mes étagères. Il comporte 34 articles rédigés entre 1992 et 1995, divisés en huit thématiques : Le ciel et la Terre ; Littérature et science ; Apparition, stabilité et extinction ; Ecrits sur les escargots ; La splendeur des muséums ; Les divers visages de l’eugénisme ; Théorie de l’évolution, histoires sur l’évolution ; Linné et le grand-père de Darwin.

J’ai découvert Stephen Jay Gould il y a une quinzaine d’années. C’est grâce à lui que j’ai commencé à m’intéresser à la biologie évolutionniste. Depuis, j’ai eu l’occasion de consulter de nombreux ouvrages sur le sujet et d’approfondir mes connaissances. Si j’aime toujours son style et sa façon de mélanger science et culture populaire, j’émettrai deux réserves.
Sur l’âge des textes tout d’abord. Stephen Jay Gould tenait une rubrique mensuelle et surfait sur l’actualité, qu’elle soit scientifique ou sociétale, avec un fort biais états-unien. Vingt ans plus tard, si les idées restent globalement justes, le fond est souvent dépassé par des recherches récentes. Il s’extasie ainsi devant les avancées de la cladistique et du lien nouvellement établi entre l’homme et le chimpanzé (le chimpanzé étant plus proche en réalité de l’homme que du gorille), éléments galvaudés de nos jours pour quiconque s’est renseigné un minimum sur la phylogénie.
L’autre souci est l’insignifiance des thèmes examinés. C’est un classique chez Stephen Jay Gould de prendre un détail anodin pour aborder un aspect primordial de la biologie. Sauf qu’en vingt ans, de 1974 à 1994, il a déjà traité un paquet de questions majeures et peine parfois à s’extraire de l’anecdote. C’était plaisant mais je n’ai rien appris de foncièrement neuf. Je comprends que Les quatre antilopes de l'Apocalypse ne soit pas sorti en poche et je continuerai avec les tomes 8 à 10 sans attente particulière.


Losers - Chroniques d'un magazine légendaire, tome 1 de Kôji Yoshimoto (Akata, 2024), 196 p.
Losers - Chroniques d'un magazine légendaire, tome 2 de Kôji Yoshimoto (Akata, 2025), 192 p.
Losers - Chroniques d'un magazine légendaire, tome 3 de Kôji Yoshimoto (Akata, 2025), 192 p.
Losers - Chroniques d'un magazine légendaire décrit la création du magazine Manga Action.
Le tome 1 se concentre sur l’ancêtre de Manga Action, Manga Story, et sur la manière dont son rédacteur en chef Fumito Shimizu y introduisit un story manga (une histoire sur 16 pages) d’un novice nommé Monkey Punch à un moment où le manga pour adultes consistait en de courts récits humoristiques de quelques cases.
Le tome 2 montre la fabrication d’un numéro spécial intitulé Action dédié au story manga mettant en avant les auteurs maisons Monkey Punch et Baron Yoshimoto, accompagnés de valeurs sures originaires essentiellement du monde des librairies de prêt.
Le tome 3 est centré sur la mise en route de Manga Action, le premier hebdomadaire destiné aux seinen, la jeune génération née après-guerre.

Kôji Yoshimoto est un mangaka spécialisé dans les chroniques historiques de la deuxième moitié du vingtième siècle. A la suite du succès de son manga consacré à l’élaboration de Black Jack par Osamu Tezuka, le nouveau rédacteur en chef de Manga Action lui demanda de dessiner une biographie de Fumito Shimizu pour l’anniversaire des cinquante ans du magazine. Kôji Yoshimoto décida de se focaliser sur les débuts compliqués et choisit le titre de Losers pour désigner le groupe réunit autour de Fumito Shimizu, des hommes qui s’étaient retrouvés là par défaut car ils n’avaient pas pu être embauchés dans leur domaine de prédilection.
D’un point de vue historique, c’est intéressant. Je ne réalisais pas l’importance de cette revue et de Monkey Punch même si j’avais vu la série Lupin III à la télé et le long métrage de Miyazaki Le château de Cagliostro (1979, qui est davantage un Miyazaki qu’un Lupin). Bien que très hagiographique, le tableau brossé par Kôji Yoshimoto semble assez fiable, issu d’une large collection d’entretiens avec les protagonistes de l’époque (on retrouve d’ailleurs deux interviews de Monkey Punch et Baron Yoshimoto en fin d’ouvrages, qui confirment le déroulé dans les grandes lignes). Sur le plan graphique et narratif en revanche, c’est extrêmement flemmard. Alors que Kôji Yoshimoto célèbre le côté novateur de Manga Action, il illustre sans éclat et de façon linéaire une banale ascension d'une bande de précurseurs auxquels personne ne croyait, avec un style graphique daté. Cela reste donc réservé à un public passionné par l’Histoire du manga, ce qui est mon cas et j’ai plutôt apprécié en dépit des limites évoquées.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire