samedi 15 février 2025

Carnet de bord 08/02/2025-14/02/2025



Films vus en compagnie
La morsure de Romain de Saint-Blanquat (2023)
En 1967 dans un pensionnat d’un lycée catholique, Françoise rêve qu’elle est brûlée vive. Persuadée qu’il s’agit d’un présage et qu’il ne lui reste qu’un seul jour à vivre, elle convainc son amie Delphine de s’échapper sans permission de l’école pour aller à une fête organisée le soir même par des jeunes du coin. Sans véhicule pour s’y rendre, elles demandent de l’aide à un quinquagénaire à l’air absent qui accepte de les amener sur les lieux. La prophétie de Françoise se réalisera-t-elle ?

La morsure est le premier long métrage de Romain de Saint-Blanquat, qui s’est également chargé du scénario. Doté d’un rythme lent, il repose essentiellement sur les performances de ses deux actrices principales et sur sa reconstitution de la France des années 60, bande originale d’époque incluse. Romain de Saint-Blanquat s’amuse à déjouer les attentes des spectateurs, avec un final anti climatique au possible. Il se dégage de La morsure une poésie onirique proche de certaines œuvres de Jean Rollin (en plus friqué et moins barré), évoquant des figures fantastiques comme le vampire ou la sorcière. Il ne se passe pas grand-chose, il faut se laisser porter par l’ambiance sans quoi on risque d’être rebuté. J’ai pour ma part apprécié.


Rebelles d’Allan Mauduit (2019)
Sandra retourne dans le mobil-home de sa mère à Boulogne-sur-Mer après avoir quitté le sud de la France et son copain violent. Sans qualification, elle est contrainte de bosser dans une conserverie. Un soir, au cours d’une astreinte, le contremaitre tente de la violer. En se défendant, elle lui coupe le pénis puis est secourue par ses deux collègues présentes sur place, Marilyn et Nadine. Elles découvrent en fouillant dans les affaires de leur chef qu’il possède un sac rempli de billets. Ce dernier venant de décéder, elles décident de se débarrasser du corps et de garder l’argent.

Rebelles est une comédie sociale à l’humour noir qui emprunte les codes du thriller et du film de gangsters. Il se focalise sur trois marginales : Sandra l’ex-miss Nord-Pas-de-Calais qui n’a pas froid aux yeux (Cécile de France) ; Marilyn la mère célibataire droguée (Audrey Lamy) ; et Nadine, la prolo pas futée mariée à un chômeur susceptible (Yolande Moreau évidemment). La satire est inoffensive, le récit tombe souvent dans la facilité, mais les trois interprètes s’en donnent à cœur joie, c’est court, crétin et réjouissant dans l’ensemble.


Le vagabond bien-aimé de Kurt Bernhardt (1936)
L’architecte londonien Gaston de Nérac est épris de Joanna Rushworth, une noble à cheval sur les manières. Bien que son amour soit réciproque, il doit s’éclipser devant un rival fortuné capable de rembourser les dettes du père de Joanna. Ecœuré, il part à l’aventure sur les routes de France accompagné d’Asticot, le fils de sa femme de ménage qui rêve d’être artiste peintre. En chemin, ils rencontrent une musicienne sans le sou appelée Blanquette que Gaston se résout à aider.

Kurt Bernhardt fut un cinéaste juif allemand qui fuit le nazisme en 1933. Avant de s’exiler à Hollywood en 1940 sous le nom de Curtis Bernhardt, où il dirigea Joan Crawford (Possessed en 1947) ou Humphrey Bogart (Conflict en 1945), il réalisa quelques opus en France et en Grande-Bretagne. Le vagabond bien-aimé fut produit en deux versions, une française critiquée ici, et une anglaise, The Beloved Vagabond, avec une distribution en partie différente, Margaret Lockwood remplaçant Hélène Robert dans le rôle de Blanquette.
L’intrigue est ultra-mince, prétexte à ce que Maurice pousse la chansonnette, avec une idéalisation d’une France de liberté par rapport à une Angleterre corsetée. Les seconds couteaux sont sympathiques, notamment Serge Grave en Asticot et Madeleine Guitty en concierge râleuse. Les chansons sont quelconques, y compris l’apparemment fameuse Quand un vicomte (ma connaissance des tubes des années 30 est très limitée). En 1936, Maurice Chevalier avait déjà 48 ans, et le passage d’une relation paternelle à amoureuse avec Blanquette (qui est censée être une jeunette en dépit des 26 ans d’Hélène Robert) est assez creepy. Cela engendre un malaise dans cette histoire par ailleurs regardable.


Times Square d’Allan Moyle (1980)
Deux adolescentes sont internées dans une chambre d’hôpital pour subir une batterie de tests visant à comprendre la source de leur rébellion. D’un côté, Nicky, 16 ans, rockeuse sans abri qui défie l’autorité et a été arrêtée plusieurs fois ; de l’autre, Pamela, 13 ans, enfant d’un riche conseiller municipal, introvertie et mal dans sa peau. Elles s’échappent de la clinique et débutent une vie de bohème dans le New York de 1980, trainant autour de la 42e rue et de Times Square que le père de Pamela voudrait « nettoyer ».

La trame de Times Square est inspirée du journal intime d’une fille mentalement instable qui racontait son quotidien dans la rue. A l’origine, la musique était moins omniprésente et on se focalisait davantage sur l’histoire d’amour entre Nicky et Pamela. Le producteur Robert Stigwood, qui s'était rempli les poches avec Saturday Night Fever (1977) et Grease (1978), vira le réalisateur qui refusait d’ajouter des chansons. Il fit supprimer les scènes ouvertement lesbiennes et fit tourner le concert final par une deuxième équipe. Selon Allan Moyle, ces modifications déséquilibrèrent fondamentalement la narration et ruinèrent la charge émotive.
Times Square est un témoignage idéalisé d’une époque révolue, Rudolph Giuliani ayant fait disparaitre ces quartiers malfamés qui servaient de refuge aux marginaux. Nicky a une attitude punk souvent agaçante, les épisodes s’enchaînent et on finit par s’ennuyer en raison du manque d’investissement dans les protagonistes, avec une forme bancale probablement liée aux retouches signalées précédemment. C’est dommage, il y avait du potentiel et les deux actrices principales sont excellentes.


El escapulario de Servando Gonzalez (1968, The Scapular)
En 1910, à l’aube de la révolution mexicaine, un prêtre est appelé au chevet d’une moribonde. Elle lui confie un scapulaire qu’elle estime béni de Dieu et lui révèle la destinée de deux de ses fils. Julian fut un militaire de carrière mais embrassa la cause des opposants au gouvernement dictatorial de Porfirio Díaz et fut capturé pour être fusillé. Federico, lui, était un artiste, amoureux d’une femme d’un rang élevé, obligé de dissimuler ses sentiments pour ne pas s’attirer des problèmes.

Servando Gonzalez est un cinéaste mexicain oublié, auteur d’une dizaine de longs métrages. Il fut un fidèle du régime et tourna des documentaires officiels. El escapulario est une curiosité, mélange de film sur la révolution (un genre en soi au Mexique), de western, de mélodrame, d’horreur… Le tout saupoudré d’expérimentations visuelles permanentes, que ce soit dans les angles de caméra, le montage, les couleurs, et même une courte séquence animée. Sans être toujours heureux, avec un faux rythme dans la première moitié, c’est un objet étonnant et assez fascinant. Le summum est atteint dans le dernier tiers avec une bascule parfaitement maîtrisée dans le fantastique. Déjà présent auparavant par petites touches, proche d’un certain réalisme magique (notamment ce personnage qui refuse de mourir sous les balles), le surnaturel se déploie complètement dans une ambiance étrange et angoissante. Le cinéma mexicain des années 60 comporte décidément de superbes raretés et je vais continuer à l’explorer avec intérêt.


The Sweet East de Sean Price Williams (2023)
Durant un voyage scolaire, Lilian, une étudiante lassée de sa morne vie, s’échappe avec un anarchiste d’un restaurant attaqué par un complotiste. Elle se retrouve alors embarquée dans une odyssée sur la côte nord-est des Etats-Unis qui va l’amener à traverser plusieurs Etats et à rencontrer des activistes antifascistes, des néonazis, une réalisatrice et son producteur snobs, et des extrémistes religieux. Tous tentent de profiter d’elle mais sont en réalité au service de Lilian, qui s’éclipse le moment venu.

The Sweet East est le premier long métrage de Sean Price Williams, directeur de la photographie réputé d’Alex Ross Perry et des frères Safdie. Il a été tourné en 16 mm avec des effets visuels à l’ancienne et pas mal de caméra portée. On suit le périple de Lilian, version road-movie d’Alice au pays des merveilles dans une Amérique contemporaine divisée en communautés étanches.
Les critiques des Cahiers du cinéma et de Mad Movies étaient très élogieuses et avaient suscité ma curiosité. J’avoue ne savoir que penser. Le personnage de Lilian est intéressant : complexe et s’adaptant aux différents milieux, elle glisse sur les évènements. Sean Price Williams s’interdit de juger, estimant qu’il y a du bon et du mauvais en chacun, ce qui est discutable dans l’Amérique de Trump. Certains sketchs sont trop étirés, en particulier celui avec le néo-nazi fan d’Edgar Allan Poe, et j’ai parfois décroché. Il s’en dégage néanmoins une atmosphère unique, à voir pour se faire sa propre opinion.


Films vus seuls
Santo vs. la hija de Frankenstein de Miguel M. Delgado (1972, Santo vs. Frankenstein's Daughter)
Freda, la fille du docteur Frankenstein, a inventé un sérum anti-âge à base de sang humain permettant de garder sa jeunesse. Les effets diminuent malheureusement avec le temps et, après des décennies d’utilisation, elle sent qu’il ne va bientôt plus fonctionner sur elle. La seule solution serait de récupérer un sang exceptionnel riche en facteur TR, à l’instar de celui du lutteur Santo. Afin de l’attirer dans un piège, elle demande à ses sbires d’enlever sa fiancée, Norma.

On s’en doutait depuis longtemps, c’est officiel : Santo est un surhomme, avec un organisme cent fois supérieur à la normale capable de régénérer ses tissus et insensible au vieillissement. On apprend également de la bouche de Norma que, sous son masque, il est beau comme un Dieu. Pour ce nouveau Santo sans nudité, le producteur Guillermo Calderón est allé chercher un vieux briscard, Miguel M. Delgado, connu pour sa longue association avec la vedette comique Cantinflas (trente-trois collaborations entre 1941 et 1982).
L’intrigue se situe essentiellement dans l’antre des méchants, avec deux monstres à affronter, un homme gorille et une créature de Frankenstein. De façon inhabituelle, on s’attarde sur les sentiments des affidés de Freda, victimes des circonstances et éternellement assujettis à leur maîtresse. La créature de Frankenstein est aussi humanisée. Bien que Norma et sa sœur passent leur temps à s’échapper et à se faire recapturer, l’histoire tient relativement la route, rien à voir avec les incohérences à répétition de Las momias de Guanajuato (1972). Un Santo honnête dans l’ensemble.


Dos monjes de Juan Bustillo Oro (1934, Two Monks)
Dans un monastère, le frère Javier se remet d’une crise de délire liée à la tuberculose et assimilée par les moines à une possession démoniaque. Le frère Servando, récemment arrivé et célèbre pour sa ferveur, est envoyé à son chevet. Dès qu’il l’aperçoit, Javier devient fou et tente de l’assassiner. Une fois neutralisé, il explique à son supérieur les raisons de sa fureur. Des années auparavant, Javier était compositeur pianiste et Servando, appelé Juan, était son meilleur ami.

Pour sa première réalisation, Juan Bustillo Oro s’inspire fortement de El fantasma del convento (1934) qu’il avait coscénarisé. Il reproduit l’atmosphère religieuse et le triangle amoureux, réemploie l’acteur principal Carlos Villatoro et des membres de l’équipe technique. A l’inverse de son prédécesseur, Dos monjes est cependant un pur mélodrame et non un film d’horreur malgré certains éclairages quasi-expressionnistes et son climat gothique en introduction et en conclusion. C’est donc moins mon trip. La restauration 4K est superbe et la double narration (Javier puis Juan) est originale mais la trame est un peu trop sommaire à mon goût. Une curiosité qui pourra plaire aux amateurs du genre.


馬鹿まるだし [Baka marudashi] de Yôji Yamada (1964, The Honest Fool)
En 1949, dans une ville portuaire de la mer intérieure de Seto, un rapatrié de Sibérie nommé Yasugorô Matsumoto est hébergé par un vieux moine et sa famille. Celle-ci est constituée de son épouse, de son jeune fils et de sa belle-fille Natsuko, qui attend désespérément le retour de son mari disparu durant la guerre. Esprit simple au grand cœur, Yasugorô s’avère vite indispensable. Toujours prêt à aider les autres, il acquiert une réputation flatteuse et devient un petit chef yakuza respecté.

Baka marudashi est le troisième long métrage de Yôji Yamada, son premier avec Hana Hajime. Leader du groupe de jazz comique des Crazy Cats, Hana Hajime n’avait fait que deux brèves incursions au cinéma et Yôji Yamada devait impérativement obtenir un succès après la déconvenue de Shitamachi no taiyô (1963, The Sunshine Girl). Ce fut un triomphe qui lança la série des Baka, trois volets sans rapport entre eux si ce n’est le héros incarné par Hana Hajime, et marqua le début d’une longue collaboration entre Yôji Yamada et Hana Hajime (onze longs métrages entre 1964 et 1986).
Baka marudashi annonce déjà Tora-san (on notera l’apparition de Kiyoshi Atsumi) avec son marginal serviable et pas très malin, amoureux silencieux condamné à l’échec. Je n’avais pas réalisé que la référence était L'homme au pousse-pousse, cité explicitement ici, dont Yôji Yamada reprend le principe. Hana Hajime peut être pénible (Kigeki ippatsu shôbu (1967, The Greatest Challenge of All)) ou touchant (Natsukashii furaibo (1966, The Loveable Tramp)). Baka marudashi se situe heureusement dans la deuxième catégorie. L’humour est gentil, le récit tiré d’une nouvelle de Fujiwara Shinji est composé de saynètes, et le dénouement est étonnamment doux-amer. Sans être un Yôji Yamada majeur, c’était sympathique et les fans du metteur en scène apprécieront.


Tretí sarkan de Peter Hledík (1985, Le troisième dragon)
Selon la légende, un dragon aurait été enfoui sous le rocher des dragons. Pat’o découvre par hasard qu’en s’asseyant à un endroit précis de la montagne, il mémorise sans effort tout ce qu’il lit. Avec ses deux camarades de classe Jano et Boris, ils utilisent cette capacité pour apprendre par cœur des pages de leurs livres de cours, à la grande surprise de leurs enseignants et de leurs parents. Ils finissent par remarquer une grotte à proximité et décident de l’explorer. Ils tombent alors sur une étrange technologie.

Tretí sarkan est l’adaptation de Tajomstvo Dračej steny (Le secret du mur du dragon) et de sa suite Prekliata planéta (Planète maudite), deux romans de SF de Jozef Žarnay, un écrivain slovaque jamais traduit en français ou en anglais. C’est un film pour enfants à la mode communiste, pas rigolo ni joyeux, une fable écologique approuvée par le régime car censée représenter les méfaits du capitalisme à outrance sur la nature. Ça aurait pu être encore plus glauque, Peter Hledík souhaitait une conclusion pessimiste qui a été refusée par la censure.
Tretí sarkan abuse clairement du filtre bleu et manque de rythme dans sa deuxième moitié. Les effets spéciaux sont limités, Peter Hledík admettant rapidement qu’il ne servait à rien de tenter de concurrencer le cinéma américain dans ce domaine. Les jeunes acteurs sont convaincants, ça tient la route et je comprends que ça ait pu impressionner les ados tchécoslovaques de l’époque. Pour un adulte français de nos jours, c’est mou et fauché mais pas désagréable dans le genre.


Livres
Avant la prison de Kazuichi Hanawa (Vertige Graphic & Coconino Press, 2006), 216 p.
Avant la prison effectue des allers-retours entre trois récits de taille inégale : la restauration par Kazuichi Hanawa d’un vieux colt M1911 complètement rouillé ; son séjour en prison déjà détaillé dans Dans la prison ; et les malheurs de Natsume, la fille d’un fabricant d’armes du XVIe siècle amie avec une femme à moitié folle.

En 2000, Kazuichi Hanawa termina Dans la prison, qui racontait son quotidien à la prison de Sapporo sur l’île d’Hokkaidô durant sa réclusion pour détention illégale d’armes à feu. Le livre eut un grand succès et son éditeur lui commanda une préquelle pour expliquer les évènements ayant amené à son arrestation. D’abord réticent, Kazuichi Hanawa accepta dès lors qu’il pouvait traiter son histoire comme une fiction. Il entrecoupa donc son autobiographie d’une chronique médiévale bizarre mêlant religion, superstition et confection des premières armes à feu.
Avant la prison est la traduction du volume 1 d’une trilogie publiée au Japon entre 2002 et 2007. Vertige Graphic ayant été liquidé et le manga n’ayant pas rencontré son public en France, il y a peu de chances que les deux tomes suivants paraissent un jour dans notre pays. Il faut dire qu’on est loin de la qualité de Dans la prison, la partie sur la réparation du pistolet ne passionnera que les fanatiques de flingues, les scènes en prison n’apportent rien de neuf et les aventures déconcertantes de Natsume, dans un style graphique proche des Contes du Japon d'autrefois, sont bourrées de références bouddhistes et pas franchement enthousiasmantes. C’est une déception qui permet au complétiste que je suis de ne pas regretter l’absence des deuxième et troisième volets.

Histoires de délires présentées par Jacques Goimart & Roland Stragliati (Le livre de poche, collection « La grande anthologie du fantastique », 1981), 344 p.
Histoires de délires comporte douze nouvelles de 9 à 47 pages parues entre 1816 et 1967. Elles sont rédigées par des hommes, excepté La chambre au papier jaune :
Le ruban bleu de William Irish (1949) : Aidé par son pote Barney, O’Reilly devient champion du monde de boxe. Mais sa renommée lui monte à la tête.
Lettres de province de Tommaso Landolfi (1954) : Une Parisienne exilé en province découvre que les habitants de sa bourgade hibernent dans une sorte de cocon pendant l’hiver.
Le rickshaw fantôme de Rudyard Kipling (1885) : Un fonctionnaire britannique des Indes délaisse une conquête puis est hanté par son fantôme.
Sortilèges du fond des âges d'Algernon Blackwood (1908) : Un touriste anglais s’arrête dans un village français qu’il semble avoir connu dans une vie antérieure.
L'œil et le doigt de Donald Wandrei (1936) : En rentrant chez lui, un anonyme employé de grand magasin aperçoit sur sa table un œil qui le regarde.
A la mémoire de Pauline d'Adolfo Bioy Casares (1967) : Un homme se désespère quand son amie d’enfance qu’il aimait épouse un écrivain raté.
La chemise de nuit bleu pâle de Louis Golding (1936) : Un directeur d’école tyrannique oblige un élève à lui confier son rêve.
La chambre au papier jaune de Charlotte Perkins Gilman (1899) : Une femme souffrante est cloitrée par son mari dans une pièce pourvu d’un affreux papier peint jaune qui l’angoisse.
Qui sait ? de Guy de Maupassant (1890) : Un riche solitaire voit avec effarement ses meubles quitter d’eux-mêmes sa maison.
Froide pierre, calme pierre de John B.L. Goodwin (1966) : Un individu autoritaire refait toutes les nuits un cauchemar où il ne peut ni bouger ni ressentir quoi que ce soit.
L'homme au sable d'E.T.A. Hoffmann (1816) : Dans sa jeunesse, Nathanaël a été traumatisé par la légende de l’homme au sable, un croque-mitaine qu’il associait à l’effrayant avocat de son père.
Panique à la Scala de Dino Buzzati (1948) : Un ancien pianiste réputé s’inquiète du sort de son fils tandis qu’il assiste à un opéra à la Scala de Milan et que bruissent les rumeurs d’un coup d’Etat.
C’est ma première anthologie du fantastique, qui se démarque de mes habituels recueils de SF par le prestige de ses auteurs auprès du grand public et par l’âge de certains textes. Cela fait des années que je n’avais pas lu de Maupassant ou de Hoffmann, et je ne connaissais que de nom des romanciers fameux comme Irish, Kipling ou Buzzati. L’ensemble m’a laissé une impression mitigée, avec un fantastique globalement très léger et des histoires dotées d’un charme variable. La plupart sont indéniablement bien écrites mais vite oubliées sitôt leur lecture achevée, et je ne me souviendrai guère que de deux ou trois d’entre elles dans quelques semaines. La préface et les avant-propos de Jacques Goimart sont pénibles et sans intérêt.
Le ruban bleu m’a évoqué tous ces films de boxe centrés sur l’ascension et la chute d’un champion, couplé à un élément surnaturel à la The Twilight Zone (qui contenait d’ailleurs deux épisodes sur la boxe, Steel tiré d’une nouvelle de Richard Matheson et le mélancolique The Big Tall Wish que j’aime beaucoup). Sortilèges du fond des âges est notable en tant que possible inspiration du Cauchemar d'Innsmouth de Lovecraft, qui appréciait Algernon Blackwood. Le Lovecraft est toutefois supérieur selon moi, le Blackwood étant davantage bizarre que terrifiant. Même problème avec Qui sait ?, plus cocasse que véritablement dérangeant.
Reste trois textes qui se hissent au-dessus du lot : L'homme au sable d'E.T.A. Hoffmann est étonnamment sinistre, avec des passages réellement malaisants ; Panique à la Scala de Dino Buzzati est curieux et m’a rappelé L'Ange exterminateur de Buñuel (1962) avec ses aristocrates bloqués dans une réception ; et La chambre au papier jaune est une excellente description d’une descente dans une folie d’une femme opprimée par le traitement paternaliste par son entourage. Trois sur douze, ce n’est pas si mal, j’essaierai à l’occasion de récupérer d’autres volumes de cette Grande anthologie du fantastique qui en comprend dix.

Kaijû, envahisseurs & apocalypse : L'âge d'or de la science-fiction japonaise de Fabien Mauro (Aardvark éditions, 2020), 544 p.
Dans Kaijû, envahisseurs & apocalypse : L'âge d'or de la science-fiction japonaise, Fabien Mauro dresse un panorama du cinéma japonais de science-fiction de 1949 à 1980, date de fin assez arbitraire qui correspond aux derniers grands films catastrophe et à l’arrêt de la franchise Gamera (le concurrent de Godzilla créé par la Daiei qui bénéficia d’un reboot en 1995). Il élargit son propos au tokusatsu en général, terme générique qui désigne au Japon les productions centrées sur les effets spéciaux. Comme l’indique le titre, il accorde une large place aux kaijû, ces monstres géants bien connus des amateurs, aux extraterrestres et autres films catastrophe, mais également aux films d’horreur, aux super-héros (dont les plus célèbres sont Ultraman et Kamen Rider) et à diverses curiosités et sous-genres inspirés de la culture locale ou du cinéma d’exploitation étranger.

Kaijû, envahisseurs & apocalypse : L'âge d'or de la science-fiction japonaise est divisé en six parties chronologiques axées sur les préoccupations propres à chaque époque et couvrant chacune une période de quatre à neuf ans :
• Les débuts du tokusatsu et les premiers kaijüs de 1949 à 1958 ;
• Les invasions aliens et l’arrivée des super-héros à la japonaise de 1957 à 1960 ;
• Les mutants et monstres, les prémices du film catastrophe et l’explosion des kaijû de 1960 à 1964 ;
• L’apogée du tokusatsu et la guerre entre les studios de 1965 à 1969 ;
• Le déclin face à la télévision et la popularité des thèmes apocalyptiques de 1970 à 1975 ;
• L’apparition de blockbusters nippons pour rivaliser avec Hollywood et le phénomène Star Wars de 1977 à 1980.
Une fois n’est pas coutume, je reviens sur un ouvrage que j’ai lu il y a quelques temps déjà et qui n’a pas eu la publicité qu’il méritait. Fabien Mauro, auteur d’une biographie sur Ishirô Honda, maîtrise parfaitement son domaine. Il a réuni une documentation gigantesque, compilant des sources nippones et anglophones, pour un résultat remarquable. Il est parvenu à donner de la clarté à un enchaînement complexe d’évènements, effectuant un tri dans une myriade de genres et sous-genres et des centaines d’œuvres. Moi qui regrette souvent le manque de bouquins de références consacrés à des genres ou à des studios (les spécialistes préférant se concentrer sur des réalisateurs, rester dans des présentations générales ou, pour les universitaires, se focaliser sur des concepts théoriques), j’ai été exaucé. Cela m’a poussé à approfondir un tas de sujets, c’est grâce à ce livre que j’ai regardé la série Ultraman de 1960 ou que j’ai comblé mes lacunes sur les Godzilla. Cerise sur le gâteau, le style de Fabien Mauro est fluide et lisible, l’iconographie est magnifique, avec une édition de belle qualité, et Mathieu Col, le fondateur d’Aardvark, a ajouté une utile filmographie de 70 pages en conclusion. J’espère que d’autres projets de cette ampleur pourront voir le jour en France à l’avenir.


Revues
Les Cahiers du cinéma n°817 – Février 2025
Le numéro de ce mois dédie un gros dossier à la mort de David Lynch. Bien que n’ayant jamais été fan, je reconnais son importance et je l’ai lu avec intérêt.

A part ça, niveau sortie, pas grand-chose n’a suscité ma curiosité. En dépit d’une critique élogieuse, The Brutalist (2024), biographie d’un architecte fictif dans les années 40-50, est trop long à mon goût (3h35). Je note en revanche le dernier Naoko Ogigami, Le jardin zen (2022), qui avait échappé à ma vigilance. C’est à peu près tout.
En patrimoine, l’article sur la dialoguiste Annette Wademant me donne envie de voir Edouard et Caroline de Jacques Becker (1951) qui traine dans ma DVDthèque depuis des années, et de récupérer Rue de l'Estrapade (1953) qui semble dans la même veine.


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