samedi 24 mai 2025

Carnet de bord 17/05/2025-23/05/2025



Films vus en compagnie
The Laundromat de Steven Soderbergh (2019, The Laundromat : L'affaire des Panama Papers)
Durant une excursion sur un lac, un bateau se renverse et vingt-et-un passagers décèdent dans l’accident. Tandis qu’elle s’attendait à recevoir une forte indemnité pour la mort de son mari, Ellen n’obtient qu’un petit chèque à cause d’imbroglios juridiques autour de la compagnie qui assurait l’entreprise de plaisance. Outrée, elle tente de remonter la piste des responsabilités mais se perd dans les méandres des sociétés offshores et des dispositifs financiers douteux organisés par la firme panaméenne Mossack Fonseca.

The Laundromat est inspiré de l’enquête du journaliste d’investigation Jake Bernstein portant sur l’affaire des Panama Papers qui secoua le monde en avril 2016, une fuite de documents du cabinet d'avocats Mossack Fonseca qui exposa l’ampleur des systèmes d’évasion fiscale. Afin d’humaniser le propos, le scénariste Scott Z. Burns oppose d’un côté les cyniques Jürgen Mossack et Ramón Fonseca, les deux gérants de Mossack Fonseca, qui expliquent face caméra les principes des montages financiers ; de l’autre, les conséquences des procédés employés sur la vie de riches et de moins riches, avec pour point d’orgue les péripéties de la pauvre Ellen incarnée par une Meryl Streep absolument pas crédible en veuve issue d’un milieu populaire.
L’aspect choral ne fonctionne pas, les historiettes sont superficielles et ne servent parfois pas à grand-chose, à l’image de celle centrée sur un millionnaire africain surpris par sa fille en plein adultère. Les échanges pseudo-impertinents entre Jürgen Mossack et Ramón Fonseca (Gary Oldman avec un accent allemand ridicule et Antonio Banderas, clairement queer codés sans aucune raison) sont lassants, avec des effets visuels et de montage tape-à-l’œil typiques de Steven Soderbergh. Je note également, en dépit de quelques piques en conclusion, l’absence de personnages américains négatifs ou directement impliqués dans les manigances. Les Américains sont essentiellement présentés comme des victimes qui se battent contre la Terre entière. Le dernier chapitre du bouquin de Jake Bernstein se penchait pourtant sur les magouilles de Trump, pas mentionnées ici. C’est donc un ratage sur toute la ligne.


鬼才之道 [Gui cai zhi dao] de John Hsu (2024, Dead Talents Society)
Dans le monde des morts, il y a deux moyens pour ne pas cesser d’exister : avoir des proches qui vous font des offrandes ; ou avoir un permis de hanter renouvelable annuellement fourni par un organisme dédié. Pour l’acquérir, il faut terroriser des vivants. Une fantôme timide menacée de disparition échoue lamentablement à un concours de jeunes talents. Elle est repêchée par Makoto, l’agent de Catherine, l’effroyable revenante de la chambre 414 qui fut autrefois la reine de l’autre-monde. Détrônée par son ancienne élève Jessica, elle est devenue has-been et Makoto a choisi une débutante nulle pour ne pas lui faire de l’ombre. Celle-ci va devoir briller pour décrocher son permis, aidée par son amie Camilla, par Makoto, et par une Catherine récalcitrante.

Dead Talents Society est le second long métrage de John Hsu après Detention (2019) adapté d’un jeu vidéo, un film d’épouvante qui avait eu un certain succès à Taïwan. Compte tenu de la popularité des histoires de fantômes dans l’île, le réalisateur décida de se lancer dans une comédie horrifique. Grâce à un trailer de six minutes sorti en 2021 digne d’un court métrage, il parvint à intéresser des investisseurs dont le studio Sony Pictures International Productions.
Dead Talents Society est une amusante parodie de films de fantômes (notamment de la J-Horror à la Ringu (1998)), qui montre l’envers du décor du point de vue des spectres et non des victimes. Cela évoque les opus de Kôki Mitani type Welcome Back, Mr. McDonald (1997) ou The Magic Hour (2008), voire Ne coupez pas ! (2017) de Shin'ichirô Ueda, par son style enlevé et la façon de dévoiler les coulisses, avec une imagerie à la Bettlejuice (1988). Les interprètes sont excellents, en particulier Gingle Wang en apprentie introvertie et Chen Bolin en Makoto. A cela s’ajoutent des effets spéciaux convaincants qui hissent Dead Talents Society au rang des belles réussites du genre.


Films vus seuls
Santo y Mantequilla en la venganza de la Llorona de Miguel M. Delgado (1974, The Revenge of the Crying Woman)
En 1678, une femme délaissée par le noble Gonzaga tue leurs trois enfants avant de se suicider. Son âme tourmentée revient sous forme d’un fantôme pleureur appelé la Llorona pour assassiner le fils aîné de Gonzaga puis celui de tous ses descendants à travers les siècles. Dans les années 1970, le professeur Lira localise la tombe de la Llorona, qui est supposée contenir un médaillon menant à un fabuleux trésor. Il espère que la malédiction sera levée en donnant le magot à une œuvre de bienfaisance en faveur des enfants. Il sollicite l’aide de Santo, qui demande un coup de main à son pote Mantequilla. Ils ignorent que le butin est également convoité par une bande de malfrats.

Santo y Mantequilla en la venganza de la Llorona est une nouvelle collaboration du duo Guillermo Calderón/Miguel M. Delgado, sans créature de Frankenstein ce coup-ci. Ils ont engagé à la place José Ángel Nápoles dit Mantequilla, un immense boxeur cubain naturalisé mexicain. Ce fut son unique apparition au cinéma et c’est dommage. Il ne joue pas bien mais il a de l’humour et son personnage est fort sympathique, contrepoint idéal au sérieux et sceptique Santo qui refuse de croire aux esprits. Le petit-fils de Lira est joué par Jorge Guzmán, le fils de Santo, trop jeune pour être masqué et plutôt tartouille ; et le gros méchant par René Cardona.
Santo y Mantequilla en la venganza de la Llorona est fauché, ça a été tourné en studio (y compris les deux matchs de catch et le combat de boxe) ou dans la forêt d’à côté et ça se voit. L‘intrigue utilise en toile de fond le mythe de la Llorona dans une version blanche et rousse alors qu’elle est traditionnellement indienne ou métisse. Le truc rigolo est que Santo ne la croise jamais, occupé à botter le popotin des bandits. Sans être palpitant, c’est un peu au-dessus de la moyenne des Santo grâce à la présence de Mantequilla.


勝利者 [Shôri-sha] de Umetsugu Inoue (1957, The Champion)
Après avoir échoué à deux doigts du titre, l’ancien boxeur Eikichi Yamashiro a rangé ses gants pour devenir propriétaire du night-club Champion. Dans la journée, il entraîne des novices prometteurs pour fabriquer un champion, au grand désespoir de sa fiancée qui attend qu’il raccroche pour l’épouser. Il tombe sur Shuntarô, un rebelle qui accepte d’entrer dans son écurie à la suite d’une défaite contre un boxeur professionnel. En parallèle, Eikichi finance les cours de ballet de Mari, une étudiante sans le sou qu’il a rencontré dans son établissement. Dans les deux cas, il est obnubilé par l’idée de façonner des vainqueurs.

Sur le papier, Shôri-sha semble être un véhicule à la gloire de Yûjirô Ishihara (Shuntarô) et Mie Kitahara (Mari), le couple vedette de Passions juvéniles (1956), film scandale qui engendra un sous-genre centré sur des jeunes amoraux et obsédés sexuels. En réalité, le héros est Eikichi incarné par Tatsuya Mihashi, un acteur de la génération précédente assez éclectique. S’il ne fut pas toujours convaincant dans des rôles de dur-à-cuire, il est ici correctement employé. On remarque en outre au casting Taiji Tonoyama, un second couteau crédité de plus de 300 entrées sur imdb, et une brève apparition de Joe Shishido en début de carrière.
On sent dans Shôri-sha la passion de Umetsugu Inoue pour la comédie musicale. Profitant de la formation de danseuse de Mie Kitahara, il parvient à caser dans un film de boxe un numéro musical coloré de six minutes inspiré à la fois des Chaussons rouges (1948) et de Tous en scène (1953), aussi long que le combat final censé être le climax. S’y ajoute une touche de romance et de drama, des gars cools et une interprétation solide qui font de Shôri-sha un bon divertissement typique de la Nikkatsu des années 50.


Das kalte Herz de Paul Verhoeven (1950, Cœur de pierre)
Peter Munk le charbonnier vit dans une cabane de la Forêt-Noire avec sa pauvre mère. Il est amoureux de la belle Lisbeth mais n’ose l’approcher. Comme il est né coiffé, il réussit à appeler l’Homme de verre qui lui accorde deux vœux, puis un troisième dans le futur si le besoin se manifeste. Peter demande à mieux danser que le roi du bal, à avoir autant d’argent dans sa poche que le riche Ezéchiel quand il est dans l’auberge, et à posséder la verrerie avec un cheval et une charrette (oui, ça ne fait que deux vœux au total, va comprendre…). Bien que ses souhaits soient exaucés, le bonheur ne va pas lui sourire.

Das kalte Herz est un long métrage de la DEFA, le studio d’Etat de l’Allemagne de l’Est créé en 1946. Il a été tourné en Agfacolor, une première pour le pays, et la superbe restauration récente a redonné aux couleurs leur splendeur. Tiré d’un conte de Wilhelm Hauff de 1826 avec un budget conséquent pour l’époque, ce fut un énorme succès, un des plus grand de l’histoire de la DEFA. Il lança la mode des märchenfilm, adaptations de contes de fées dans une perspective éducative. La morale de Das kalte Herz m’a d’ailleurs un peu étonnée. Si le capitalisme et l’appât du gain sont logiquement condamnés, le dénouement laisse également entendre qu’il faut rester à sa place et dans sa classe sociale.
L’introduction est gentillette, avec un côté Heimatfilm à base de danses folkloriques et de costumes pittoresques. Le fantastique prend heureusement rapidement le dessus, avec de sympathiques effets spéciaux en superpositions ou en stop motion. C’est donc une jolie découverte pour l’amateur de contes que je suis.


La endemoniada d’Emilio Gómez Muriel (1968)
La princesse Fausta est une débauchée qui couche avec de nombreux hommes et tue ses amants. Arrêtée par son mari, elle meurt emmurée vivante sous un masque de fer. Quatre siècles plus tard, au début de l’année noire, son ancien serviteur le vampire Gonzalo la ressuscite en amenant dans sa demeure Lucia, une voisine qui est son portrait craché. Fausta commence alors à se venger des descendants de ses bourreaux en se faisant passer pour Lucia.

Emilio Gómez Muriel n’est guère connu des aficionados de cinéma mexicain excepté en tant qu’assistant de réalisation de Fred Zinnemann sur Les Révoltés d'Alvarado en 1936. Il a pourtant produit, scénarisé et mit en scène plus de soixante-dix films entre 1936 et 1975 dans une multitude de genres. Si La endemoniada est représentatif de son travail, il n’est pas surprenant qu'il ait été oublié... La trame s’inspire largement du Masque du démon de Mario Bava (1960), avec des incohérences, des trous perturbants dans la narration (on ne comprend pas vraiment ce qu’est l’année noire ou qui est la famille sur laquelle se venge Fausta, j’ai dû interpréter dans mon résumé), pas mal de coupes brusques qui semblent indiquer l’existence d’une version dénudée, et des acteurs parfois à la ramasse. Libertad Leblanc, sex-symbol argentine spécialisée dans le cinéma érotique, est loin d’être la pire en Fausta/Lucia, le souci vient davantage de ses comparses masculins. Autant revoir Le masque du démon, d’une qualité infiniment supérieure.


夏の秘密 [Natsu no himitsu] de Kawakami Hiromichi (1982, Summer Secrets)
Un yakuza suspecté de meurtre prend un civil en otage et est abattu. Son épouse qui venait d’accoucher s'éclipse en abandonnant leur bébé, une petite fille nommée Sawako. Dix-huit ans plus tard, sans famille ni ressources, Sawako doit travailler pendant sa scolarité. Un soir, le professeur Kurahara lui demande de venir le rejoindre pour la présenter à quelqu’un. Il l’amène dans un coin isolé où les attend une autre voiture. Kurahara est assassiné, Sawako parvient à s’échapper de justesse et disparait en simulant un suicide. Persuadées qu’elle est encore vivante, ses amies Chiemi et Chako se lancent à sa recherche.

Le groupe de J-Pop PANSY formé de Chiemi Manabe (Chiemi), Hisako Mitsui (Chako) et Sawako Kitahara (Sawako) eut une courte existence, à peine un an d’août 1981 à fin 1982. Ses trois membres jouèrent ensemble dans deux TV drama et un long métrage mais ne produisirent pas d’album en commun. Le single Night Train Bishojo qu’on entend en fond sonore de Natsu no himitsu est ainsi chanté uniquement par Chiemi Manabe. Après leur dissolution, seule Sawako Kitahara poursuivit une carrière de chanteuse et d’actrice jusqu’à aujourd’hui. C’est déjà elle qui porte Natsu no himitsu centré sur le personnage de Sawako. On notera aussi une apparition de Takeshi Kitano dans un rôle comique et de Tomisaburô Wakayama en ex-flic.
Pour un titre clairement pensé comme matériel promotionnel pour trois idoles, Natsu no himitsu est étonnamment sombre. Ce type d’œuvre est généralement destiné à un jeune public, avec de la romance gentille, de l’aventure et des méchants ridicules à l’instar de Tera senshi sai boy (1985, Terra Warrior Ψ BOY) avec Momoko Kikuchi. Rien de cela ici, il y a des crimes violents, du sang, un brin de nudité et un dernier quart d’heure horrifique extrêmement kitsch et raté. C’est dommage car à part ça c’était plutôt acceptable.


A Warning to the Curious de Lawrence Gordon Clark (1972, La troisième couronne)
Une légende dit qu’à l’époque des Vikings, les trois couronnes royales d’Angleterre furent cachées dans le sol. Tant que l’un d’elles serait préservée, aucune armée étrangère ne pourrait envahir l’Angleterre. La première couronne fut fondue par des voleurs, la seconde fut engloutie par la mer. La troisième est toujours dissimulée dans le Norfolk, près du village de Seaburgh. En pleine Grande Dépression, Paxton, un archéologue amateur au chômage, s’installe dans le seul hôtel de Seaburgh. Il apprend du vicaire que l’ultime représentant la famille Ager, protectrice de la couronne, est décédé depuis douze ans. Il a pourtant l’impression d’être observé et les habitants le regardent de travers.

Tous les ans le soir du 24 décembre entre 1971 et 1978, la BBC diffusa un téléfilm de fantômes dans le cadre d’un programme intitulé A Ghost Story for Christmas. A Warning to the Curious est le deuxième volet d’une durée de 50 minutes, tiré d’une nouvelle de M. R. James publiée dans The London Mercury en 1925. Réalisé par Lawrence Gordon Clark, un pur produit de la BBC qui fit l’intégralité de sa carrière à la télévision, il met en vedette Peter Vaughan dans le rôle de Paxton, un comédien anglais célèbre dans son pays aperçu dans Les chiens de paille (1971), Bandits, bandits (1981) ou Brazil (1985).
La trame exploite le schéma classique de folk horror de l’étranger arrivant dans une bourgade hostile, dans des paysages gris et désolés. Le fantastique est subtil, instillé par touches légères, l’intrigue est simple et repose sur une ambiance pesante, renforcée par une musique oppressante de György Ligeti. Le résultat est très convaincant, un incontournable pour les fans de folk horror qui gagne à être connu et qui donne envie de récupérer les autres épisodes de l’anthologie A Ghost Story for Christmas.


1. April 2000 de Wolfgang Liebeneiner (1952)
Le 1er avril 2000 en Autriche, un président nouvellement élu entre en fonction. Son premier acte est de dénoncer l’occupation de son pays depuis plus de 50 ans par les quatre puissances (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et URSS) et de déclarer unilatéralement l’indépendance. Au vu de la situation, l’intransigeante cheffe du Conseil de sécurité mondiale débarque avec son comité pour juger le président autrichien accusé d’agression contre la paix. Pour prouver l’innocence de son peuple, ce dernier va retracer l’Histoire millénaire de l’Autriche.

En 1952, dans une Autriche encore sous occupation des Alliés, le gouvernement commanda à un cousin par alliance du Premier ministre un script satirique imaginant un lointain futur où le pays obtiendrait son autonomie. L’objectif était de montrer leur culture unique en se différenciant du voisin allemand et en mettant en avant leur pacifisme (il est cocasse de noter que le metteur en scène Wolfgang Liebeneiner travailla en étroite collaboration avec les nazis pendant la guerre). On a donc droit à une leçon d’Histoire propagandiste avec moult costumes folkloriques et chansons. S’ajoute à cela des soucoupes volantes façon série B américaine des années 50 parce que c’est l’an 2000, des technologies ridicules, une bonne dose de misogynie, du blackface, du brownface et du yellowface, et une intrigue indigente. La restauration de 2022 effectuée par le Filmarchiv Austria est superbe et c’est correctement joué. Ça ne suffit pas, 1. April 2000 n’a pas grand intérêt.


Strangler of the Swamp de Frank Wisbar (1945)
Dans un petit village marécageux, plusieurs hommes ont péri à cause d’étranglements soi-disant accidentels. Une partie des locaux estiment qu’ils ont été victimes de la vengeance du fantôme de Douglas, l'ancien passeur pendu à l'issue d’un procès expéditif. Clamant son innocence, il avait maudit ses bourreaux et leur descendance avant de mourir. Quand Maria, la petite-fille du nouveau passeur, arrive de la ville pour relayer son grand-père, elle apprend qu’il vient de mourir. Elle décide de rester et rencontre Chris, un gars du coin de retour après des années d’absence.

Strangler of the Swamp est une production de Producers Releasing Corporation, le plus pauvre des studios de la Poverty Row dans les années 40. Autant dire qu’il n’y a pas une tune, avec un budget de 20 000 $ contre 150 000 $ par comparaison pour les films d’horreur relativement fauchés de la RKO période Val Lewton. Avec une telle enveloppe, pas possible de se payer une vedette : l’héroïne, Rosemary LaPlanche (Maria), était surtout connue pour son titre de Miss America en 1941 ; et Chris est incarné par un acteur assez mauvais qui se fera un nom en devenant réalisateur, un certain Blake Edwards. La direction a été confiée à un germano-américain immigré aux Etats-Unis en 1938 pour fuir le nazisme, Frank Wisbar, qui offre ici un remake de son opus allemand Fährmann Maria (1936).
En dépit du manque de moyens, l’ambiance est angoissante, avec une utilisation judicieuse des décors décrépis et de la brume pour planquer la misère. Le fantôme est convaincant et le premier tiers (une vingtaine de minutes sur 58 au total) tient la route. Avec l’apparition de Maria, on change malheureusement de registre et on tombe dans la romance mollassonne, avec des dragueurs relous qui ne jouent pas franchement bien. Le rythme ne se relance que dans les dix dernières minutes. C’est dommage car, sans ce tunnel central, c’était plutôt pas mal. Je serai curieux de voir l’’original. A noter que les protagonistes masculins sont tous inutiles et lâches pour la plupart, à l’inverse des féminins qui font tout le boulot.


Livres
Samura de Oku (Dupuis, collection « Alpha », 2023), 160 p.
Un samouraï se balade dans un monde onirique. Il semble être le seul humain au milieu de créatures étranges, ne sait pas d’où il vient ni pourquoi il est là. Il erre dans cet univers en espérant retrouver sa mémoire, tranchant ceux qui se mettent en travers de son chemin et sympathisant avec certains des habitants.

L’histoire de Samura ne constitue pas le point fort de ce manga grand format qui se lit en une vingtaine de minutes. Elle est très mince et énigmatique, avec peu de dialogues, et on n’est pas beaucoup plus avancé à la fin qu’au début. Ça s’arrête alors qu’il commence à se passer des trucs, sachant qu’aucune suite n’est pour l’instant parue au Japon. Les illustrations sont superbes, avec un style mélangeant les arts, les décors et les monstres traditionnels japonais à des influences modernes, du comics américain aux films néo-noirs. Si j’ai apprécié cet aspect, j’ai cependant besoin d’une vraie intrigue pour m’impliquer. Ce n’est donc pas mon trip bien que ça puisse plaire à ceux qui privilégient la forme sur le fond.


La méduse qui fait de l’œil et autres merveilles de l’évolution de Jean Deutsch (Seuil, collection « Science ouverte », 2017), 182 p.
Dans La méduse qui fait de l’œil et autres merveilles de l’évolution, le biologiste Jean Deutsch se penche sur l’évolution de l’œil, sujet qui posait déjà un souci à Darwin et qui fut pris en contre-exemple par les créationnistes de tous bords. Dans un processus évolutionniste progressif, à quoi pourrait servir un œil inabouti ? A travers quinze courts articles thématiques, chacun dédié à une espèce donnée choisie dans divers phylums, l’auteur dépeint la variété des yeux des animaux, qui peuvent aller de structures extrêmement simples, avec une unique cellule pigmentaire et une rétinienne, à des dispositifs complexes à l’instar de ceux des humains, des poulpes avec leur lentille double ou des squilles avec leurs seize photorécepteurs répondant à différentes longueurs d’onde.

La méduse qui fait de l’œil et autres merveilles de l’évolution est le troisième ouvrage de vulgarisation de Jean Deutsch après Le ver qui prenait l’escargot comme taxi et autres histoires naturelles et Le corbeau qui tenait en son bec un outil et autres nouvelles histoires naturelles, sur le modèle des Réflexions sur l'histoire naturelle de Stephen Jay Gould. A l’inverse des volumes précédents, il se concentre sur un seul problématique, l’œil, dans une approche plus technique, trop à mon goût. Pour montrer les différences parfois subtiles d’une espèce à l’autre, il rentre dans le détail, avec un jargon biologique pointu. Cet aspect ne m’a pas passionné je l’avoue, j’espérais plutôt une perspective évolutionniste globale, élément présent essentiellement en introduction et en conclusion. Cela ne correspondait pas à mes attentes et je suis un peu déçu.


Les grands détectives n'ont pas froid aux yeux de Kyôtaro Nishimura (Philippe Picquier, collection « Picquier poche – L’Asie en noir », 2021), 232 p.
Le riche M. Sato a convié à Tôkyô quatre détectives prestigieux : l’Américain Ellery Queen, l’Anglo-Belge Hercule Poirot, le Français Maigret et le Japonais Kogoro Akechi. Son objectif est d’élucider le vol de 300 millions de yens qui a eu lieu deux ans auparavant et dont l’auteur n’a pas été identifié. Pour cela, il a sélectionné un individu au profil psychologique a priori comparable à celui du forfait précédent. Il souhaite lui faire dérober une somme similaire puis étudier ses actes, en supposant que le malfaiteur d’origine ait agi de manière identique. Intrigués, ses quatre invités acceptent de se prêter au jeu et de tenter de deviner à l’avance les manœuvres du cobaye.

Je me suis mis tardivement aux romans policiers et j’ai une maigre connaissance des classiques. Je n’ai ainsi jamais lu un Maigret ou un Poirot, sans parler d’un Ellery Queen dont j’ignorais l’existence. C’est à peine mieux avec Kogoro Akechi, que j’ai uniquement croisé dans Le lézard noir d’Edogawa Ranpo. Je possède néanmoins, via les multiples adaptations des aventures de ces personnages sur petit et grand écran, une certaine appréhension de leur caractère et de leur style. Les nombreuses références qui agrémentent Les grands détectives n'ont pas froid aux yeux ne me sont donc pas toutes passées au-dessus. Même si c’était le cas, ce n’est pas dramatique, l’intérêt du livre résidant dans son ton léger et dans son enquête à rebondissements qui se moque gentiment des fameux détectives trop sûrs d’eux. On ne s’ennuie pas, ça se lit rapidement et c’était fort agréable. Très populaire au Japon, Kyôtaro Nishimura a malheureusement été peu traduit en français ou en anglais, dommage.


Revues
Mad Movies n°393 – Mai 2025
Pas de gros dossier thématique ce mois-ci, Mad Movies s’étant concentré sur les sorties. A l’inverse des Cahiers, ils ont beaucoup aimé Sinners de Ryan Coogler, de la blaxploitation arty avec des vampires. Until Dawn n’a pas l’air terrible mais c’est un film de boucle, faudra éventuellement qu’on se bloque une soirée avec M. Martin pour regarder ça. Ils font par ailleurs une bonne critique de l’animé chinois Ne Zha 2, qui me donne envie de voir le premier dont je n’avais pas entendu parler. Je récupèrerai peut-être le dernier Destination finale, en couverture, pour passer le temps, ça a l’air aussi crétin/distrayant que les précédents, de même que la comédie horrifique espagnole Accident domestique qui semble extrêmement glauque.

A part ça, j’ai apprécié l’hommage à Val Kilmer, il retrace la carrière de cet acteur inégal sur un ton exagérément élogieux ; et les entretiens avec Barry Gifford, écrivain américain scénariste de Sailor et Lula (1990) et Lost Highway (1997), et avec Alejandro Amenábar, qui n’a pas fait grand-chose de correct selon moi depuis Mar adentro (2004) bien que Mad Movies adore Agora (2009).


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