Films vus en compagnie
Komm, süßer Tod de Wolfgang Murnberger (2000, Come Sweet Death)

Komm, süßer Tod est une comédie policière autrichienne tirée du livre éponyme de Wolf Haas, un auteur spécialisé dans le genre qui a écrit une série de romans ayant pour vedette Simon Brenner. Le film eut un énorme succès en Autriche en généra trois suites en 2004 (Silentium), 2009 (Der Knochenmann) et 2015 (Das ewige Leben). Si le cinéma autrichien n’est pas vraiment célèbre pour sa facétie, je ne suis pas fermé et j’avais été agréablement surpris par la comédie noire allemande Nur über meine Leiche (1995, Tuez-moi d'abord). Komm, süßer Tod s’est malheureusement révélé pénible à tous points de vue. Scénaristiquement, l’intrigue est inutilement alambiquée pour une résolution nase ; visuellement, c’est très flemmard, guère supérieur à un téléfilm ; l’humour enfin est lourdingue, souvent sexiste et jamais drôle. A éviter.
レンタネコ [Rentaneko] de Naoko Ogigami (2012, Rent-a-Cat)

Rentaneko est le premier Naoko Ogigami que j’ai vu et une porte d’entrée idéale dans son univers. Il est composé de quatre sketches, les trois premiers étant structurés de la même manière : Sayoko s’occupe chez elle ; elle se balade avec son chariot et est approchée par un client potentiel à qui elle fournit un chat après une discussion ; elle affirme qu’elle a un autre métier, chaque fois différent, qu'on la voit exercer ; elle est ensuite dans son jardin où elle est critiquée par sa voisine bizarre ; elle reçoit enfin un coup de fil du client qui permet de conclure l'épisode. Le dernier sketch se démarque et aborde son adolescence. Sayoko est incarnée par Mikako Ichikawa, un mannequin devenue actrice qui est parfaite en femme lunaire et compatissante. Elle explique en interview que le tournage ne fut pas compliqué en dépit de la présence de chats car Naoko Ogigami leur laissait faire ce qu’ils voulaient, sans les forcer à apparaitre dans le cadre.
Rentaneko dégage une douce sérénité, un feel-good movie centré sur le problème de la solitude. Le concept de la location est venu à Naoko Ogigami quand un ami âgé de son père perdit son chat et qu’il ne souhaitait pas en reprendre à cause de la douleur occasionnée par sa mort. Elle développe une succession de saynètes avec son rythme nonchalant et son humour décalé habituel, autour de personnages marginalisés par la vie, que ce soit en raison de leur âge, de leur travail ou de leur façon de percevoir l’existence et les relations sociales. Et il y a des chats à l’écran en permanence, argument suffisant pour justifier le visionnage de Rentaneko.
Smile 2 de Parker Finn (2024)

Passé une ouverture prometteuse, Smile s’enlisait rapidement et je m’étais ennuyé. Le principe était néanmoins intéressant et j’étais curieux de voir ce second volet, que Mad Movies estimait meilleur que le premier. C’est effectivement le cas. Naomi Scott livre une belle performance, elle chante, danse et a coécrit les paroles des tubes de Skye Riley. Le scénario est plus resserré, avec une héroïne écrasée autant par ses hallucinations que par le star-system qui lui impose un agenda oppressant. Ce n’est cependant pas parfait, Parker Finn continue à jouer au petit malin avec un abus de jump-scares et des effets un peu faciles pour embrouiller le spectateur. Si ça ne vaut pas A Nightmare on Elm Street (1984) dans le style confusion réalité/cauchemar, il y a quelques bonnes séquences et les amateurs du genre pourront y jeter un œil.
Journal inachevé de Marilú Mallet (1982)

J’ai eu la chance de voir Journal inachevé au Forum des Images dans la version restaurée par la Cinémathèque québécoise en 2022, en présence de Marilú Mallet qui est intervenue à la fin de la séance. Issue d’une famille bourgeoise d’intellectuels, avec une mère artiste peintre et un père ministre de l’éducation mort de maladie en 1957, Marilú Mallet a parcouru le monde dès son plus jeune âge. Elle a tourné un documentaire au Chili en 1972, Amuhuelai-mi, avant d’émigrer au Canada. Ce fut une des premières réalisatrices chiliennes et une pionnière du documentaire subjectif. Ce n’est pas un hasard, elle a beaucoup réfléchi sur le sujet, rejetant la narration linéaire traditionnelle ou les conventions fermement défendues par Michael Rubbo (croisé sur ce blog pour The Peanut Butter Solution (1985, Opération beurre de pinottes)). Leurs échanges sont très significatifs, avec un Michael Rubbo pontifiant persuadé qu’il n’existe qu’une seule bonne façon de représenter les choses et qu’il faut séparer nettement fiction et documentaire. Marilú Mallet, au contraire, offre délibérément une histoire fragmentée, subjective et partielle.
En 48 minutes, elle aborde de nombreuses problématiques avec sensibilité, montrant les difficultés engendrées par sa condition de femme à la fois indépendante d’esprit, mère, épouse, fille et amie ; et par sa condition d’immigrée, qui souhaite s’intégrer tout en étant nostalgique de sa jeunesse et vivant au milieu de ses compatriotes. Elle saute d’une langue à une autre, naviguant entre le français, l’anglais et l’espagnol, et a effectué un gros travail sur la musique. Elle utilise notamment des morceaux d’Heitor Villa-Lobos interprétés par son frère, qui ajoutent une touche mélancolique. C’était un beau documentaire à la forme originale et je vais jeter un œil au reste de sa filmographie.
Le procès du chien de Lætitia Dosch (2024)

Révélée en 2013 par La Bataille de Solférino, l’actrice Lætitia Dosch passe pour la première fois derrière la caméra avec Le procès du chien, coproduction franco-suisse tournée dans le coin de Lausanne. Elle a également écrit le scénario, inspiré par des faits-divers de procès liés à des chiens auteurs de morsures et par le roman Chien blanc de Romain Gary (transposé à l’écran par Samuel Fuller en 1982 avec White Dog), sur un chien raciste qu’elle transforme en chien sexiste. Elle a galéré pour trouver son animal principal avant de découvrir Kodi, un griffon croisé qui est absolument formidable. Il est bien entouré avec, outre Lætitia Dosch en Avril, François Damiens en Dariuch et Jean-Pascal Zadi en comportementaliste animalier.
Le procès du chien est une œuvre curieuse, qui enchaîne les gags et les saynètes dans la salle d’audience, chez Avril ou en extérieur avec le chien. S’ensuit dans le dernier quart un virage dramatique qui m’a peu emballé. Ce fut assez inégal, avec un humour parfois vulgaire que je n’ai pas aimé mais aussi quelques séquences fort amusantes.
A noter que la localisation de l’action en Suisse est aberrante, endroit sans doute sélectionné pour récupérer des financements ou pour son exotisme. Le droit suisse est en effet un des plus progressistes d’Europe sur la protection animale et les animaux n’y sont pas considérés comme des choses.
Films vus seuls
バタアシ金魚 [Bataashi kingyo] de Jôji Matsuoka (1990, Swimming Upstream)

Bataashi kingyo est à l’origine un manga de Minetarô Mochizuki paru dans Weekly Young Magazine entre 1985 et 1988. C’est le premier long métrage de Jôji Matsuoka, déjà croisé sur ce blog pour le décevant Toire no Hanako-san (1995, School Mystery) et l’excessivement mélo Tôkyô tawâ: Okan to boku to, tokidoki, oton (2007, Tokyo Tower: Mom and Me, and Sometimes Dad). Bataashi kingyo nous plonge avec conviction et sans voyeurisme dans la vie d’adolescents japonais des années 80. Il est parfaitement interprété par un casting de futures stars, en particulier Tadanobu Asano en jeune nageur d’un lycée concurrent. L’idole et chanteuse de 17 ans Saki Takaoka est également excellente en Sonoko, je ne l’ai pas vue dans grand-chose excepté Chûshingura gaiden: Yotsuya kaidan (1994) (aucun souvenir) et une apparition dans le mauvais Kureiji Kuruzu (2023, In Love and Deep Water). Les atouts de Bataashi kingyo sont cependant gâchés par une intrigue fondée sur le cliché insupportable du mec relou qui impose son amour à une fille récalcitrante et avec qui on est censé compatir. Attention spoiler, il arrive évidemment à ses fins car en vrai Sonoko partageait ses sentiments... Dommage, il y avait du potentiel.
El monstruo resucitado de Chano Urueta (1953, The Revived Monster)

Alors qu’il est resté dans les mémoires pour ses nombreux films d’épouvante, Chano Urueta se fit une réputation dans les années 30-40 en tant que spécialiste d’adaptations littéraires sérieuses. El monstruo resucitado fut sa première incursion dans le genre horrifique, auquel il reviendra régulièrement par la suite. Théoriquement situé dans les Balkans, il a été tourné entièrement en studio avec une reconstitution d’une ville vaguement européenne, dans un style proche des classiques d’Universal, centré sur un savant fou à la Frankenstein avec un look fantôme de l’opéra. L’héroïne Nora est incarnée par Miroslava, une Tchèque qui émigra au Mexique avec sa famille en 1941 pour fuir les persécutions (son beau-père était juif). Elle se suicida à 29 ans apparemment par dépit amoureux, peu après avoir terminé La vie criminelle d'Archibald de la Cruz (1955).
Encore une fois, Chano Urueta n’hésite pas à montrer frontalement le visage/masque de Hermann Ling, trop figé et excessif même s’il est moins ridicule que celui du monstre de El barón del terror (1962). Le début est plutôt réussi, il pose une atmosphère pesante et crée un mystère autour d’un protagoniste dramatique au lourd passé. L’histoire s’enlise malheureusement rapidement et part dans tous les sens malgré quelques séquences intéressantes. El monstruo resucitado est donc dispensable et vaut essentiellement comme initiateur d’un renouveau fantastique dans le cinéma mexicain.
Kılıç Aslan de Natuk Baytan (1975, Lionman)

Surnommé le Alain Delon turc dans les pays francophones où plusieurs de ses œuvres furent diffusés (il était notamment très apprécié dans le monde arabe), Cüneyt Arkin est surtout célèbre de nos jours des amateurs de nanars pour le mythique Turkish Star Wars (1982) et le traumatisant En Büyük Yumruk (1983), summum du nanar délirant. Lionman n’est pas aussi catastrophique. Ce fut un des rares Cüneyt Arkin à sortir sur grand écran en France dans une version doublée, éditée en DVD par Bach Films en 2019. J’ai pour ma part vu l’équivalent américain en anglais d’1h27 restauré par l’American Genre Film Archive, que j’ai comparé avec le montage turc d’1h22 qui traine sur internet sans sous-titres. Excepté l’introduction qui défile pendant le générique, les deux versions sont globalement similaires sauf pour la bande originale. Lionman a en effet piqué la musique de Enter the Dragon (1973) sans en posséder les droits et il fallut la changer pour l’exporter en Occident. Le souci est qu’ils ont mis à la place une horrible musique guillerette insupportable et totalement hors de propos (« empruntée » à des ballets soviétiques), qui s’ajoute à un doublage pitoyable. Ces deux éléments cassent l’ambiance et décrédibilisent complètement le reste.
Lionman se situe en plein dans le cinéma d’exploitation décomplexé des années 70. Sans moyen ni argent, les Turcs produisaient à la chaîne des divertissements pour leur public local en imitant les titres populaires en Occident et en Asie. Lionman s’inspire ainsi du péplum, du western spaghetti ou des films d’arts martiaux hongkongais, avec un Cüneyt Arkin déchaîné qui tournait jusqu’à une vingtaine d’opus par an. Ex-acrobate, il saute (sur un trampoline), fait des pirouettes ou de la barre verticale pour massacrer des hordes de vilains, avec moult grimaces de douleur et effets gore. Le montage est erratique, l’intrigue simpliste, l’interprétation douteuse mais il n’y a pas de temps mort, on est là pour se distraire sans réfléchir. Avec sa bande son turque, Lionman n’est pas forcément pire que certains Jimmy Wang Yu ou Sonny Chiba. Avec plus de 300 longs métrages au compteur, la carrière de Cüneyt Arkin est impressionnante et il y a sûrement des perles méconnues à découvrir.
По следам бременских музыкантов [Po sledam bremenskikh muzykantov] de Vasily Livanov (1973, Sur les traces des musiciens de Brême)

Sur les traces des musiciens de Brême est la suite des Musiciens de Brême (1969), toujours écrit par Vasiliy Livanov et Yuriy Entin, avec Gennadiy Gladkov à la musique et Yuriy Entin aux paroles. Le capricieux Oleg Anofriev a en revanche été évincé au chant au profit de Muslim Magomayev et Anatoliy Gorokhov. Inessa Kovalevskaya, qui ne souhaitait pas réaliser cet épisode, a été remplacée par Vasily Livanov, un acteur qui fut également animateur, scénariste, doubleur et metteur en scène de dessins animés. Visuellement, Sur les traces des musiciens de Brême est plus pauvre que son prédécesseur, qui avait un style graphique plus personnel et des arrière-plans plus sophistiqués. Musicalement, j’ai moins accroché, avec des airs peu entrainants. Le récit enfin est franchement sommaire, sans aucun rapport avec le conte et avec une trame rachitique. Sans être désagréable et en dépit de sa réception enthousiaste en URSS, Sur les traces des musiciens de Brême est assez quelconque. A noter qu’il existe un troisième volet apparemment déplorable, Novye Bremenskiye diffusé en 2000.
24 de Vikram Kumar (2016)

Je continue avec mes films de boucle tamoul avec 24. Le projet débuta en 2009 avant d’être abandonné en raison du départ de la star Vikram, qui était censé jouer le triple rôle de Sethuraman/Athreya/Mani. Il renaquit de ses cendres en 2014 avec le recrutement de Suriya, une vedette spécialisée dans le cinéma d’action depuis la fin des années 2000. Sortie en 2016, 24 a été précédé par Indru Netru Naalai en tant que premier long métrage de voyage dans le temps tamoul. Il bénéficie cependant d’un budget largement supérieur, d’interprètes charismatiques et d’une réalisation bien meilleure malgré des images de synthèse d’une qualité variable.
Ça démarre sur les chapeaux de roue avec une introduction pêchue qui nous plonge immédiatement dans le bain, et un Suriya qui s’en donne à cœur joie en vilain Athreya. La transition vers le présent est correctement amenée et on reste sur de bonnes bases jusqu’à l’arrivée de Sathya. On tombe alors dans un énorme ventre mou dont on n’émerge qu’au bout d'1h30, avec heureusement des respirations quand Athreya réapparaît. La conclusion est convenable, c’est vraiment dommage d’avoir plombé le truc avec une romance nase et interminable car il y avait du potentiel et le méchant est excellent.
Séries
Moon Girl and Devil Dinosaur, season 2 de Steve Loter (2024-2025, Moon Girl et Devil le Dinosaure, saison 2), saison 2

Cette saison 2 de Moon Girl and Devil Dinosaur est composée de deux parties de quinze puis dix épisodes diffusés en février/mars 2024 et février/mars 2025 sur Disney+. Il manque sur cette chaîne l’épisode 6 intitulé The Gatekeeper ayant pour héroïne la capitaine trans de l’équipe de volley du collège de Lunella, qui a été censuré par Disney dans le climat post-réélection de Trump. Il a toutefois été uploadé sur internet et il est possible de le récupérer dans une qualité médiocre sans sous-titres.
Cette saison 2 comporte les mêmes soucis que la précédente, soit une multitude d’épisodes one-shot sans enjeu ni continuité narrative, à l’exception des deux premiers et deux derniers de chaque morceau de saison. En dehors de la présence du S.H.I.E.L.D., on n’a en outre pas l’impression d’être dans le monde Marvel, on se demande ce que font les autres super-héros et pourquoi ils laissent une gamine de 13 ans se taper tout le boulot. C’est au final une série gentillette qui aurait gagné à être condensée et à explorer davantage son univers.
Livres
Jamais seul – Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations de Marc-André Selosse (Actes Sud, 2017), 364 p.

Dans les chapitres 1 à 3, il se focalise sur les plantes en détaillant les principes et utilités des symbioses, qui sont généralisées dans le monde végétal. 90% des plantes dépendent en effet des champignons, qui s’avèrent indispensables pour extraire du sol une partie des nutriments essentiels et les protéger des agressions.
Les chapitres 4 à 6 analysent l’intérêt des symbioses chez les animaux, primordiales dans leur alimentation. Les herbivores ne peuvent ainsi manger des végétaux que grâce aux bactéries qui peuplent leurs entrailles, la vache se nourrissant par exemple non pas de l’herbe mais des microbes qui mangent l’herbe dans son tube digestif. Les symbioses ont en outre permis de conquérir des territoires hostiles comme des milieux marins pauvres en ressources, et aux insectes de doper leur diversité en multipliant leurs modes de vie et d’alimentation.
Les chapitres 7 et 8 se penchent sur le cas de l’être humain. Les microbes sont partout sur nous et à l’intérieur de nous, sur notre peau et dans notre corps, en particulier dans notre intestin. Notre microbiote est acquis dès notre enfance et a une incidence sur notre quotidien, influençant notre système immunitaire et notre comportement.
Les chapitres 9 à 13 prennent du recul et réfléchissent aux apports à long terme des microbes. Ils jouèrent un rôle clé dans l’évolution, à l’origine de la photosynthèse ou de la respiration. Certains d’entre eux sont héréditaires, transmis dès la reproduction, d’autres sont récupérés à la naissance ou par le milieu, avec toujours le risque de triche d’un des partenaires qui ne cherche qu’à optimiser son nombre de descendants. Les ennemis des uns sont par ailleurs les amis des autres, et des maladies favorisent involontairement des espèces opportunistes. Les microbes ont enfin investi nos habitudes culinaires, ils sont nécessaires à la fabrication du vin, de la bière, du fromage, et aux sources de l’alimentation moderne, la fermentation ayant longtemps été obligatoire pour manger des nourritures indigestes ou toxiques.
Jamais seul – Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations est un ouvrage exceptionnel, qui pousse à revoir notre conception du monde qui nous entoure en mettant en lumière des organismes microscopiques omniprésents et invisibles. Il aide à mieux comprendre le fonctionnement des plantes et des animaux, et même notre propre existence et l’impact de nos pratiques sur notre microbiote. Il devrait être lu par tous les décideurs, par les médecins, par ceux qui s’occupent d’animaux ou de végétaux. Il souligne l’importance du sol ainsi que les conséquences des dégâts des produits chimiques, des insecticides et bactéricides sur l’environnement, ou d’un excès de propreté sur notre santé (la notion de « saleté propre » me semble très pertinente, un excès de propreté entrainant, selon Marc-André Selosse, un appauvrissement du microbiote susceptible d’engendrer des maladies). Et s’il y a bien quelques passages complexes pour un non-biologiste, l’auteur prend soin au début et en fin de chaque chapitre de récapituler ses idées principales pour ne pas perdre le lecteur. C’est donc un incontournable que je recommande fortement.
Frères d’Orient de BeneDì (Sarbacane, 2025), 224 p.

Frères d’Orient est le premier roman graphique de Benedetta D'Incau dite BeneDì, une chercheuse italienne spécialisée dans l’Histoire littéraire de la bande-dessinée. Elle recrée le Yémen du début du XXe siècle avec application, nous plongeant dans une ère révolue où Juifs et Musulmans vivaient en paix dans ce pays. Je craignais une intrigue simpliste d’amitié entre les peuples, ce n’est pas le cas. On est davantage dans la description d’un déchirement entre deux populations pour des raisons de religion et d’ambitions personnelles sur fond de fantastique, avec un soi-disant djinn qui propage une effrayante maladie. La passionnante mise en place ne parvient pas à sauver un récit plombé par deux soucis : un trop grand nombre de protagonistes qui se ressemblent ; et une narration éclatée faite de flash-backs imbriqués et de sauts entre les époques, qui embrouille inutilement le propos. Cela rend Frères d’Orient difficile à suivre tandis qu’il aurait suffi de dépeindre les évènements dans l’ordre et d’éliminer quelques péripéties secondaires pour que ce soit limpide. Il y a par ailleurs une phrase maladroite vers la fin du livre quand Benjamin explique que, si les Européens n’arrivent pas à se défaire de leur sentiment de supériorité, « ils raconteront nos histoires… …convaincus de nous voir compris… …alors qu’ils n’ont aucune idée de qui nous sommes vraiment, de notre complexité ». Dans la bouche d’un personnage inventé par une Italienne blanche a priori non juive, cette déclaration paraît involontairement ironique. C’est dommage car on sent à côté de ça qu’un énorme travail de recherche a été effectué et il n’aurait pas fallu grand-chose pour que ce soit une réussite sur toute la ligne.
- Contes et récits de Corée Tome II – Des femmes remarquables traduit et commenté par Han Yumi et Hervé Péjaudier (Imago, collection « Scènes coréennes », 2021), 149 p.Contes et récits de Corée Tome II – Des femmes remarquables est la suite de Contes et récits de Corée Tome I – Guerres et vengeances. Il comporte une rapide préface et neuf nouvelles assez courtes (de 2 à 26 pages) rédigées à différentes périodes allant de la fin du XIe siècle au début du XIXe siècle :

- • Le lettré Yi, qui sautait le mur (26 pages) : Deux jeunes gens s’échangent des poèmes et consomment leur amour sans l’autorisation de leurs parents.
- • Le lettré Sim, qui guettait sous l’auvent (9 pages) : Un noble courtise une femme de rang inférieur en faisant le pied de grue toutes les nuits devant son domicile.
- • Fée à la flûte de jade (16 pages) : Le fils d’un gouverneur et une gisaeng (homologue coréen d’une geisha) follement épris sont séparés par les circonstances.
- • L’illettré d’Andong (22 pages) : L’aîné d’un puissant ministre ne parvient pas à apprendre à lire et est banni en province par son père.
- • La femme du saunier (8 pages) : Un mendiant d’une famille déchue épouse une fille de fonctionnaire bien maline.
- • Déguisée en homme, elle retrouve son vrai mari (8 pages) : Un pauvre instituteur de noble ascendance doit se marier avec la fille d’un noble mais son oncle tente de le rouler.
- • La belle-fille vertueuse et le tigre (5 pages) : Une veuve refuse de se remarier pour s’occuper de sa belle-mère aveugle.
- • Ji-Eun, ou la piété filiale (2 pages) : Une femme doit vendre son corps pour nourrir sa vieille mère.
- • Demoiselle Seol, ou le miroir brisé (3 pages) : Un honnête travailleur sans le sou propose à un homme d’aller à la guerre à sa place en échange de la main de sa fille.
Le chapitre le plus long, Le lettré Yi, qui sautait le mur, est bourré de poésie à la chinoise et m’a ennuyé. J’ai largement préféré L’illettré d’Andong, l’histoire qui se rapproche le plus du conte dans ce recueil. Les autres ont trait à la biographie romancée ou à un équivalent coréen de l’exemplum, sans aucune trace de surnaturel. Les commentaires des traducteurs sont encore une fois pertinents et suffisamment brefs pour ne pas lasser, c’est une belle édition même si les récits sont moins flamboyants que ceux du volume I.
Revues
Les Cahiers du cinéma n°825 – Novembre 2025

Du côté des sorties, Vie privée de Rebecca Zlotowski (2025) avec Jodie Foster en psychanalyste parisienne m’intrigue, mélange de comédie, de thriller et de drame familial. Idem pour L’arbre de la connaissance (2025), drame fantastique du français Eugène Green qui tourne pour la quatrième fois au Portugal avec des interprètes locaux. Pas grand-chose à part ça sauf une page sur le cinéma sri-lankais, qui m’a fait découvrir les réalisateurices Lester James Peries et Sumitra Peries. Le dossier sur Deleuze enfin est mal pensé. Alors qu’il vise à donner envie aux néophytes de lire ses deux ouvrages consacrés au cinéma parus en 1983 et 1985, les articles sont franchement abscons, à l’exception de celui de Marcos Uzal qui expose le point de vue concret de Deleuze sur quatre metteurs en scène réputés.















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